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Décisions

CCE, 29 septembre 1999, n° M.1383

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Exxon/Mobil

CCE n° M.1383

29 septembre 1999

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 57, vu le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1310-97 (2), et notamment son article 8, paragraphe 2, vu la décision prise par la Commission, le 9 juin 1999, d'engager la procédure dans la présente affaire, après avoir donné aux entreprises intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, vu l'avis du comité consultatif en matière de concentrations (3), considérant ce qui suit:

(1) Le 3 mai 1999, la Commission a reçu notification d'un projet de concentration par lequel les entreprises américaines Exxon Corporation et Mobil Corporation se proposaient de fusionner leurs activités à l'échelle mondiale.

(2) Le 2 juin 1999, les autorités britanniques ont indiqué à la Commission, conformément à l'article 9, paragraphe 2, point b), du règlement (CEE) n° 4064-89 (dénommé ci-après le "règlement sur les concentrations"), qu'elles estimaient que cette opération affectait la concurrence sur le marché de la vente au détail de carburants dans le Nord-Ouest de l'Écosse. Le 26 juillet 1999, la Commission a adressé une communication des griefs faisant état, notamment, de problèmes de concurrence concernant le marché de la vente au détail de carburants dans l'ensemble du Royaume-Uni. Le 10 août 1999, la Commission a informé le Royaume-Uni que, vu les circonstances, et conformément à l'article 9, paragraphe 4, point b), du règlement sur les concentrations, il n'y avait pas lieu de renvoyer l'affaire devant ses autorités.

(3) Par décision du 9 juin 1999, la Commission a conclu que l'opération notifiée soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun et a engagé la procédure à l'égard de cette opération conformément à l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations.

I. LES PARTIES ET L'OPÉRATION

(4) Exxon Corporation (ci-après "Exxon") est une entreprise internationale aux activités variées telles que la prospection, le développement, la production et la vente de pétrole brut et de gaz naturel, le raffinage et la vente de produits pétroliers raffinés, le développement, la production et la vente de divers produits chimiques, la production et la vente de charbon et de produits miniers, ainsi que la production d'électricité. Mobil Corporation (ci-après "Mobil") est elle aussi une entreprise internationale aux activités variées telles que la prospection, le développement, la production et la vente de pétrole brut et de gaz naturel, le raffinage et la vente de produits pétroliers raffinés, ainsi que le développement, la production et la vente de divers produits chimiques. Mobil et British Petroleum (ci-après "BP") ont regroupé l'ensemble de leurs activités de raffinage et de vente au détail en Europe au sein d'une entreprise commune, BP/Mobil, qu'elles contrôlent conjointement (4).

(5) Cette notification concerne une concentration au sens de l'article 3, paragraphe 1, point a), du règlement sur les concentrations. Exxon et Mobil ont signé un accord et un plan de concentration le 1er décembre 1998. Aux termes de cet accord, Mobil fusionnera avec une filiale à 100 % d'Exxon, qui sera totalement absorbée par Mobil. En conséquence, Exxon détiendra la totalité des titres de Mobil émis et en circulation qui confèrent un droit de vote. Les détenteurs d'actions ordinaires de Mobil recevront 1,32015 action ordinaire d'Exxon pour chacune des actions ordinaires de Mobil en leur possession au moment de la clôture. Les actionnaires d'Exxon posséderont approximativement 70 % de la nouvelle entité Exxon/Mobil, tandis que les actionnaires de Mobil en détiendront environ 30 %.

II. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

(6) Étant donné que le chiffre d'affaires total cumulé réalisé sur le plan mondial par Exxon et Mobil (5) est supérieur à 5 milliards d'euros (soit 121 milliards d'euros pour Exxon et 47 milliards d'euros pour Mobil), que chacune des parties enregistre un chiffre d'affaires dans la Communauté de plus de 250 millions d'euros ([...]* (*) milliards d'euros pour Exxon et [...]* milliards d'euros pour Mobil) et qu'aucune ne réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul et même État membre, l'opération a une dimension communautaire conformément à l'article 1er, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations. Le chiffre d'affaires d'Exxon et celui de Mobil sont supérieurs à 250 millions d'euros sur le territoire de l'AELE ([...]* milliards d'euros pour Exxon et [...]* millions d'euros pour Mobil). En conséquence, la présente affaire constitue un cas de coopération avec l'AELE.

III. APPRÉCIATION SOUS L'ANGLE DE LA CONCURRENCE

(7) Le secteur pétrolier est généralement divisé en deux parties, à savoir le secteur des hydrocarbures en amont (prospection, développement et production de pétrole brut et de gaz naturel) et le secteur en aval (raffinage et commercialisation de combustibles, distribution de gaz naturel, production de lubrifiants) et les diverses activités pétrochimiques.

(8) La concentration ne soulève pas de problèmes de concurrence sur les marchés de la prospection, du développement et de la production de pétrole brut et de gaz naturel ni en ce qui concerne les différentes activités pétrochimiques où les intérêts des parties se chevauchent. Les deux parties sont actives sur les marchés de la prospection, du développement et de la production de pétrole brut et de gaz naturel, et la Commission a exprimé des doutes sérieux concernant ces marchés dans la décision qu'elle a rendue en application de l'article 6, paragraphe 1, point c). Dans ladite décision, la Commission a en outre exprimé des doutes sérieux concernant le marché de la liquéfaction du gaz. Cependant, pour les motifs exposés aux sections A et B ci-dessous, l'opération en cause ne soulève pas de problèmes de concurrence sur ces marchés.

(9) Pour les raisons mentionnées ci-après, la concentration aurait entraîné la création ou le renforcement d'une position dominante sur les marchés suivants:

- transport en gros de gaz naturel aux Pays-Bas (section C);

- transport en gros à longue distance de gaz naturel en Allemagne (section C);

- installations souterraines de stockage du gaz naturel dans le Sud de l'Allemagne (section C);

- huiles de base du groupe I dans l'EEE (section D);

- vente au détail de carburant en Autriche, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni (section E);

- vente au détail de carburant sur les autoroutes françaises à péage (section E);

- lubrifiants d'aviation au niveau mondial (section F);

- carburéacteurs à l'aéroport de Gatwick (section G).

A. PROCESSUS DE PROSPECTION, DE DÉVELOPPEMENT ET DE PRODUCTION

(10) Les activités en amont consistent en trois types d'activités commerciales: la recherche de nouvelles réserves, le développement et l'exploitation commerciale de ces réserves. La recherche de nouvelles réserves est généralement appelée "prospection". Le développement concerne la mise en place des infrastructures nécessaires à la production future (plates-formes pétrolières, pipelines, terminaux, etc.). L'exploitation des réserves est appelée "production et vente". Les décisions antérieures de la Commission (6) ont essentiellement porté sur l'incidence des opérations qui lui avaient été notifiées sur le segment de la production et de la vente.

(11) La prospection et le développement sont des activités de longue haleine et à haute intensité de capital qui comprennent un certain nombre d'étapes successives. Premièrement, les pays qui considèrent que des réserves d'hydrocarbures peuvent être découvertes sur leur territoire (pays dits "pays d'accueil") organisent des appels d'offres en vue d'accorder des droits de prospection. Les procédures d'appel d'offres vont des adjudications publiques aux États-Unis à des situations dans lesquelles les soumissionnaires sont présélectionnés par le pays d'accueil. Cette présélection peut se fonder dans une mesure plus ou moins grande sur les compétences techniques des soumissionnaires, sur leur solidité financière ou sur d'autres considérations (action des lobbies, affinités culturelles, etc.).

(12) Les entreprises soumissionnent souvent conjointement afin de partager les risques ou d'apporter des compétences complémentaires. Dans certains cas, les pays d'accueil peuvent exiger que certains soumissionnaires s'associent pour pouvoir obtenir le droit de prospection. Les pays d'accueil peuvent également exiger qu'une partie de toute découverte faite dans la zone de concession revienne à leurs compagnies pétrolières nationales. Dans tous les cas, lorsque la concession est accordée conjointement à plusieurs entreprises, un exploitant est désigné pour la zone concernée. Son rôle consiste dans la gestion technique et financière de la prospection et éventuellement des phases de développement et de production du projet. La plupart des décisions importantes doivent être prises à l'unanimité des participants au projet.

(13) Un délai total de cinq à quinze ans est généralement nécessaire entre l'octroi de la licence et le démarrage de la production effective. Le coût des projets de prospection et de développement peut approcher les 7 milliards d'euros lorsque ces projets concernent des "régions inexploitées ". Les dépenses sont généralement ventilées comme suit: 15 % pour la phase de prospection et 85 % pour la phase de développement.

(14) Il convient également de préciser que lorsque l'on commence à produire dans une nouvelle zone, des infrastructures doivent être mises en place, notamment des plates-formes pétrolières, des pipelines et des terminaux. Les gisements plus petits, qu'il ne serait pas rentable de développer isolément, peuvent alors être exploités au moyen des infrastructures déjà mises en place pour le gisement plus important. Ces gisements plus petits sont parfois appelés "gisements satellites". La prospection dans la mer du Nord suit généralement ce schéma.

MARCHÉS DE PRODUITS EN CAUSE

(15) La prospection, le développement, la production et la vente sont souvent considérés comme étant trop étroitement liés pour que l'on puisse définir plusieurs marchés de produits distincts. On peut cependant arguer que la prospection constitue un marché de produits distinct. En effet, on pourrait faire valoir qu'une entreprise active dans le secteur de la prospection compte deux catégories de clients: le pays d'accueil vis-à-vis duquel elle s'est généralement engagée à fournir de nouvelles ressources au cas où du pétrole ou du gaz serait découvert, et les producteurs et vendeurs de pétrole et de gaz qui achèteraient les produits ou participeraient au développement et à la production. La cession des droits sur une zone concédée est une pratique courante dans ce secteur.

(16) Étant donné que les ressources potentielles du sous-sol ne sont pas connues au moment de la prospection, la Commission considère qu'il n'y a pas lieu d'établir une distinction entre la prospection pétrolière et la prospection gazière. En ce qui concerne les marchés du développement, de la production et de la vente, étant donné que le gaz et le pétrole brut ont des applications différentes et sont soumis à des pratiques tarifaires ainsi qu'à des contraintes de coût différentes, la Commission avait jugé approprié, au stade de sa décision d'engager la procédure, de définir un marché de produits en cause pour le développement, la production et la vente de pétrole brut et un autre pour le développement, la production et la vente de gaz naturel.

(17) Les parties ont contesté l'existence d'un marché de la prospection: elles prétendent que la prospection est trop étroitement liée aux étapes suivantes du processus de production pour pouvoir constituer un marché de produits. Ainsi que cela sera expliqué dans la section ayant trait à l'incidence de la concentration sur la concurrence, il n'est pas nécessaire de définir précisément les marchés de produits en cause aux différents stades de la recherche, du développement, de la production et de la vente du pétrole brut et du gaz naturel, respectivement, pour apprécier les effets de l'opération notifiée sur la concurrence.

MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES EN CAUSE

(18) La Commission considère que le marché de la prospection est de dimension mondiale et partage l'avis des parties selon lequel, du point de vue de la demande européenne, les marchés géographiques en cause sont mondiaux pour la recherche, le développement, la production et la vente de pétrole brut, et comprennent vraisemblablement l'EEE, l'Algérie et la Russie pour le gaz.

(19) La Commission a examiné si des zones géographiques plus petites pouvaient constituer des marchés en cause. Pour des raisons de sécurité de l'approvisionnement, certains acheteurs de gaz établissent une distinction, dans leur politique d'achat, en fonction de l'origine du gaz, en tenant compte des risques politiques et de leur incidence sur la sécurité d'approvisionnement en ce qui concerne le gaz russe et algérien (environ 17 % du gaz acheté par l'Europe occidentale provient de Russie et 12 % d'Algérie). La loi espagnole qui limite à 60 % les importations de gaz naturel en provenance d'un même pays en est le meilleur exemple. Il n'est toutefois pas exclu qu'en cas d'augmentation du prix du gaz produit dans l'EEE, la part de gaz achetée à la Russie et à l'Algérie augmenterait légèrement. Quoi qu'il en soit, la question de la définition du marché géographique en cause peut rester ouverte, car elle n'affecte aucunement la conclusion de l'appréciation sous l'angle de la concurrence.

ACTEURS DU MARCHÉ

(20) Traditionnellement, les entreprises exerçant des activités de prospection, de développement, de production et de vente étaient classées en trois catégories caractérisées par des profils, des objectifs stratégiques et des possibilités futures de prospection et de développement différents. Ces catégories sont: i) les producteurs publics (principalement des entreprises des pays membres de l'OPEP et certaines entreprises des pays membres de l'OCDE comme Statoil); ii) les "grands", à savoir les compagnies pétrolières intégrées verticalement qui sont actives au niveau international; et iii) une multitude de compagnies pétrolières beaucoup plus petites, dont la plupart sont des prospecteurs et/ou des producteurs en amont non intégrés.

(21) Les problèmes de concurrence identifiés par la Commission sont principalement liés au fait qu'à l'issue de l'opération notifiée, ainsi que de celle notifiée par BP Amoco et ARCO, une (quatrième) catégorie distincte d'acteurs pourrait devenir prédominante dans les secteurs de la prospection et du développement. Cette catégorie de "supergrands" serait composée d'Exxon/Mobil, de BP Amoco/ARCO et de Shell.

POSITION DES PARTIES SUR LE MARCHÉ

Prospection

(22) Pour ce qui est du marché de la prospection, il n'existe pas d'indicateur largement disponible ou reconnu du pouvoir de marché. Le pouvoir de marché pourrait être mesuré sur la base du nombre de zones de concession, du nombre de zones pour lesquelles une même entreprise a été désignée comme "exploitant", de la superficie nette, de la superficie totale exploitée, des dépenses en capital consacrées à la prospection, etc. Il est largement admis que des estimations fondées sur le nombre de zones de concession ou la superficie ne serait pas fiable, car elles couvriraient des situations très différentes.

(23) Sur la base des dépenses en capital, Exxon/Mobil, BP Amoco-ARCO et Shell représenteraient, à parts à peu près égales, entre 30 et 40 % des dépenses totales en capital destinées à la prospection, au développement et à la production prévues pour 1999. La taille du quatrième acteur du marché serait équivalente au tiers de la taille moyenne de ces trois principaux acteurs.

(24) Les parties ont contesté la validité de cette mesure du pouvoir de marché pour les raisons suivantes: premièrement, les dépenses en capital varient selon les sites prospectés; la part de marché des compagnies pétrolières nationales des régions relevant de l'OPEP qui nécessitent moins d'investissements serait ainsi sous-évaluée. Deuxièmement, les dépenses en capital ne reflètent pas nécessairement la part exacte de la concession ou de la production des différentes entreprises. Cela tient au fait que la part des dépenses en capital des entreprises publiques est souvent anormalement inférieure à leur part de la concession ou de la production de pétrole brut. Troisièmement, les dépenses en capital consistent plus souvent dans des dépenses d'investissement liées notamment à la liquéfaction du gaz et aux infrastructures que dans des investissements ayant exclusivement pour objet la prospection.

(25) Un autre moyen de mesurer le pouvoir de marché consisterait à calculer la part de la production prévue des entreprises concernées (dans la mesure où les travaux de prospection en cours et l'achat de droits à des tiers se traduiront, à l'avenir, par des activités de production). Selon l'étude de marché qui a été réalisée, la part de marché cumulée des trois "supergrands" dans la production hors OPEP devrait, elle aussi, être comprise entre 30 % et 40 % dans une dizaine d'années.

Production et vente

(26) Exxon et Mobil représenteraient, à elles deux, environ [0-10]* % et [10-20]* % respectivement de la production mondiale de pétrole brut et de la production européenne de gaz naturel en 1998. Les parts cumulées de BP Amoco-Arco seraient respectivement de 3,7 % et de 8,4 % et celles de Shell, de 3,3 % et de 13,9 %. Ces chiffres n'ont pas beaucoup évolué au fil des années. Les trois "supergrands" représentent près de [30-40]* % de la production totale de gaz naturel de l'EEE, mais moins de [20-30]* % du gaz naturel consommé dans l'EEE.

(27) Dans l'industrie pétrolière et dans l'industrie gazière, les réserves prouvées sont souvent considérées comme un indicateur du pouvoir de marché. Sur cette base, les parties détiendraient environ [0-10]* % des réserves mondiales prouvées de pétrole brut et [10-20]* % des réserves européennes prouvées de gaz naturel. On peut cependant arguer que les réserves prouvées ne constituent pas un bon indicateur de la production future. En effet, les réserves prouvées indiquées par les compagnies pétrolières servent uniquement de stock et, comme toute autre société privée, les compagnies pétrolières privées doivent limiter leurs stocks dans toute la mesure du possible. Par ses réserves prouvées, une compagnie indique qu'elle est (ou n'est pas) en mesure de compenser l'épuisement prévisible des champs pétrolifères existants et donc de rester un acteur viable sur le marché. Toutefois, les compagnies pétrolières nationales n'ont pas besoin de justifier de nouveaux investissements en matière de prospection et de développement vis-à-vis de leurs actionnaires, étant donné qu'elles bénéficient des réserves nationales, qui dépassent en général largement leurs besoins. Un tel indicateur implique par conséquent une distorsion vers le haut en faveur des compagnies nationales.

(28) Actuellement, et cela vaut également pour l'avenir prévisible, les producteurs de l'OPEP jouissent collectivement d'un pouvoir de marché considérable pour la production de pétrole brut. Ils contrôlent une partie substantielle de la production et des réserves prouvées (environ 40 % et 75 % respectivement, les réserves saoudiennes représentant plus d'un tiers des réserves de l'OPEP). À plusieurs reprises dans le passé, l'OPEP a pu faire grimper (7) les prix du pétrole brut jusqu'à un niveau donné.

(29) Gazprom (17 %) et Sonatrach (11 %), les entreprises nationales de gaz russe et algérienne, représentent environ 30 % des ventes de gaz naturel réalisées dans l'EEE et leurs réserves représentent 88 % (Gazprom: 81,5 %) des réserves prouvées totales qui peuvent être vendues dans l'EEE.

EFFETS DE LA CONCENTRATION SUR LA CONCURRENCE

(30) La Commission a soulevé les doutes sérieux suivants quant à l'incidence de l'opération envisagée sur la concurrence sur les marchés de la recherche, du développement, de la production et de la vente de pétrole brut et de gaz naturel. La prise de contrôle notifiée et la concentration BP Amoco/ARCO pourraient entraîner l'émergence, dans le secteur en cause, d'une quatrième catégorie de concurrents composée d'Exxon/Mobil, de BP Amoco/ARCO et de Shell. Quel que soit le paramètre retenu (capitalisation boursière, production pétrolière et gazière, réserves prouvées, etc.), il existe à présent un écart substantiel entre ces trois "supergrands" et les autres "grands".

(31) La Commission a examiné la question de savoir si les trois "supergrands" étaient susceptibles d'occuper à l'avenir une position privilégiée par rapport aux autres acteurs du marché pour découvrir et développer de nouvelles réserves importantes. Leur force financière accrue pourrait en effet leur permettre d'assumer un plus grand portefeuille de risques. En revanche, les autres concurrents devraient soigneusement choisir leurs zones d'activité. En raison de leur moindre capacité de financement et de répartition des risques, les petites entreprises devraient, si elles souhaitent continuer à développer des gisements importants, devenir des associés plus petits des "supergrands" pour bénéficier de la combinaison de ressources que ceux-ci peuvent offrir. Leur seule autre possibilité consisterait à occuper un créneau du marché, en se concentrant sur la prospection. Les "supergrands" risqueraient alors de contrôler d'abord l'accès des autres prospecteurs aux régions inexploitées, au moment de l'octroi des premières concessions, et ensuite leur accès aux zones périphériques, étant donné que ce sont ces "supergrands" eux-mêmes qui auront construit les infrastructures nécessaires.

(32) Étant donné qu'un délai de cinq à quinze ans est généralement nécessaire entre les premiers travaux de prospection et le démarrage de la production, les nouvelles réserves et la production hors OPEP pourraient, selon ce scénario, être largement influencées par les "supergrands" dans une dizaine d'années.

(33) Les marchés de la production et de la vente pourraient être affectés de la manière suivante: les pressions concurrentielles qui limitent la possibilité qu'ont les producteurs de l'OPEP de se comporter en cartel seraient réduites. Les trois entreprises en cause auraient les mêmes intérêts que l'OPEP et seraient susceptibles de s'aligner sur ses décisions en limitant la production à un certain niveau sans craindre que cela ne profite aux autres producteurs. La position dominante de l'OPEP sur le marché du pétrole brut serait ainsi renforcée par la création d'une structure oligopolistique associant l'OPEP et les trois "supergrands", ce qui constituerait une incitation à s'aligner sur les stratégies commerciales de l'OPEP. Celle-ci serait alors en mesure d'augmenter les prix et de les maintenir au niveau maximal (niveau au-delà duquel la prospection pétrolière est de nouveau encouragée).

(34) Sur la base de ce qui précède, la Commission a conclu que l'opération envisagée soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun et le fonctionnement de l'accord EEE, et qu'un examen approfondi était nécessaire.

(35) Les parties ont essentiellement invoqué deux moyens pour dissiper les doutes sérieux de la Commission: elles ont fait valoir, d'une part, que les "supergrands" seraient toujours soumis aux pressions concurrentielles des compagnies pétrolières plus petites et, d'autre part, que les pays d'accueil contrôlent la production de pétrole et de gaz et n'auraient, en tout état de cause, aucun intérêt à laisser les compagnies pétrolières limiter la production.

(36) L'étude de marché a confirmé que les petits prospecteurs ne se sentaient pas menacés par l'émergence d'une catégorie de "supergrands". En raison de leur taille plus modeste, ils ne convoiteraient pas le même type de droits de prospection ni ne dépendraient des plus gros prospecteurs pour vendre leur pétrole. De plus, il semble que la capacité de recherche et de développement de gisements des "grands" tels que Chevron, Texaco, Elf ou Total resterait inchangée, quelle que soit la partie du monde considérée. Les parties ont fourni de nombreux exemples de la participation de ces "grands" à des projets en cours partout dans le monde.

(37) En outre, cette étude de marché a confirmé que les contrats de concession généralement conclus entre les gouvernements et les prospecteurs/producteurs interdisaient à ces derniers de limiter leur production (le contrôle de la production étant laissé à la discrétion des gouvernements).

(38) En ce qui concerne le gaz naturel, il est improbable que les parties et les autres "supergrands" puissent contrôler la production de l'EEE et, partant, affecter la concurrence. Même s'il existait un marché limité à l'EEE (vu le risque politique lié à la production gazière en Russie et en Algérie), toute position dominante collective des "supergrands" serait exclue en raison de la forte position du gaz norvégien fourni par les concurrents. De plus, les producteurs de gaz naturel font face à une demande très concentrée, émanant des entreprises nationales de transport de gaz en gros, telles que SNAM (Italie) et Transgas (Portugal).

(39) La Commission conclut par conséquent que l'opération de concentration n'entraînera ni la création ni le renforcement d'une position dominante sur les marchés de la prospection, du développement, de la production et de la vente de pétrole brut et de gaz naturel.

B. TECHNOLOGIE DE LA LIQUÉFACTION DU GAZ

(40) Dans la décision qu'elle a rendue en application de l'article 6, paragraphe 1, point c), la Commission a exprimé des doutes sérieux quant à la création, du fait de l'opération notifiée, d'une position dominante pour ce qui est de la technologie de liquéfaction du gaz.

(41) La technologie "gaz en liquides" ("gas-to-liquids" - "GTL") est un processus de transformation du gaz naturel en carburants finis. La technologie GTL permet la liquéfaction du gaz naturel sur les lieux de la prospection et de la production, ce qui facilite le développement commercial des réserves de gaz et le transport du gaz naturel à partir de sites éloignés qui ne sont pas accessibles par pipelines. En outre, elle présente l'avantage d'élaborer des produits très purs.

(42) À l'heure actuelle, les procédés GTL ne peuvent fournir des produits économiquement substituables aux produits de raffinage classiques. La demande de produits GTL devrait d'abord émaner de l'industrie des lubrifiants et de l'industrie pétrochimique, en raison de la grande pureté et de la configuration moléculaire du produit de base engendré par la technologie GTL. À un stade ultérieur, la demande peut s'étendre aux autres produits pétroliers.

(43) Il existe actuellement deux filières GTL, à savoir le procédé Fischer-Tropsch et la transformation du méthanol en essence, ou procédé "methanol-to-gasoline" ("MTG"), mis au point respectivement par Exxon et Mobil. D'après les renseignements recueillis sur le marché, Exxon s'est constitué le plus gros portefeuille de brevets axé sur le procédé Fischer-Tropsch et détient des brevets étrangers et américains portant essentiellement sur toutes les grandes étapes de la filière. L'industrie a indiqué que [...]*.

(44) Les autres compagnies pétrolières et gazières disposent de portefeuilles de brevets limités pour l'un ou l'autre procédé, voire pour les deux. Toutefois, aucune de ces compagnies n'est en mesure de traiter toutes les étapes essentielles de l'une ou de l'autre filière.

(45) Sous l'angle des brevets, les positions respectives d'Exxon et de Mobil correspondent actuellement à des variantes, mais qui ne sont pas interchangeables. À l'issue de la concentration, la position forte des parties en matière de brevets aurait un effet dissuasif sur les nouveaux venus potentiels. Enfin, les ressources financières substantielles nécessaires pour concurrencer le GTL (ainsi, par exemple, la construction d'une usine "F-T" coûte actuellement [de 1 à 3]* milliards d'USD) empêcheraient à la fois l'expansion des entreprises existantes et l'entrée de concurrents potentiels sur le marché.

(46) En réponse aux doutes sérieux émis par la Commission, les parties ont expliqué que la technologie GTL ne constituait pas un marché en soi et que les quantités de produits pétroliers que cette technologie pouvait produire au cours de la prochaine décennie seraient infimes par rapport à celles produites au moyen des procédés de raffinage traditionnels. De surcroît, les autres entreprises détiendraient des portefeuilles de brevets suffisants pour leur permettre d'exploiter la technologie.

(47) La Commission estime, à l'instar des parties, que l'opération notifiée, même dans l'hypothèse où celles-ci détiendraient un important portefeuille de brevets pour la technologie GTL, ne donnera pas lieu à une position dominante, vu son incidence limitée sur les marchés des produits pétroliers.

C. GAZ NATUREL

INTRODUCTION

Description de la filière gaz

(48) Le gaz naturel qui provient des puits contient des éléments qui doivent en être éliminés pour produire du gaz de qualité propre à la distribution; il est alors composé presque entièrement de méthane et d'éthane et peut être injecté dans les conduites de distribution à haute pression. Ce gaz est vendu aux entreprises de transport en gros, qui le revendent aux consommateurs finals.

(49) Il existe deux types de grossistes qui se chargent du transport du gaz. Il y a ce qu'on appelle les entreprises de transport en gros à longue distance et les entreprises de transport en gros à courte distance. Les premières achètent le gaz aux producteurs et le transportent sur de longues distances au moyen de gazoducs à haute pression. Ensuite, elles le revendent soit à d'autres grossistes, à vocation plus locale, c'est-à-dire aux entreprises de transport en gros à courte distance, ou directement aux clients finals, soit elles fournissent des services de transit international à longue distance pour d'autres entreprises du même type, situées dans d'autres pays.

(50) Outre l'approvisionnement en gaz, les services offerts aux clients finals comprennent:

- La fourniture d'"appoint" ("swing"), la consommation de gaz n'étant pas répartie uniformément sur une année. Cet aspect est particulièrement important pour les compagnies locales de distribution dont le réseau de gazoducs à basse pression dessert les ménages qui, pour leur chauffage, consomment beaucoup de gaz en hiver et nettement moins en été. Un élément essentiel pour fournir l'appoint est l'accès au stockage, principalement sous forme d'installations de stockage souterraines.

- La fourniture d'autres services, comme le contrôle de qualité (veiller à ce que le gaz livré réponde aux spécifications convenues), l'équilibrage (veiller à ce que le gaz introduit dans les gazoducs corresponde à la production requise), les fournitures de secours (accords avec d'autres grossistes et/ou producteurs interconnectés au réseau de gazoducs qui garantissent l'approvisionnement en cas de défaillance du propriétaire) et le comptage.

(51) Les clients finals peuvent être groupés en trois catégories: les producteurs d'électricité, les clients industriels (permanents ou interruptibles) et les compagnies locales de distribution. Ces clients se distinguent les uns des autres comme il est indiqué ci-dessous:

(52) Il existe d'importants écarts de prix entre ces différentes catégories de clients, même si leur demande de gaz est la même. Cela tient au fait que les prix reposent traditionnellement sur la valeur de la source d'énergie de substitution du client ("Anlegbarkeitsprinzip"). Ce terme renvoie à la source d'énergie de substitution à laquelle un client pourrait avoir recours: fuel domestique pour les ménages, fuel lourd pour les utilisateurs industriels et, dans une certaine mesure, énergie nucléaire ou charbon pour les producteurs d'électricité.

(53) On rencontre également des différences qualitatives si l'on examine les livraisons aux différentes catégories de clients. À cet égard, il convient de mentionner l'exigence d'"appoint" pour les livraisons aux compagnies locales de distribution et la différence entre consommateurs industriels permanents (leur approvisionnement ne peut être interrompu) et interruptibles. Ces aspects influent tout autant sur le prix.

(54) La dernière différence tient au cadre juridique découlant de la directive 98-30-CE du Parlement européen et du Conseil (8) (dénommée ci-après "directive européenne sur le gaz") et aux mesures nationales de transposition (libéralisation). Ladite directive fait obligation aux États membres d'ouvrir leurs marchés avant le 10 août 2000 afin que d'ici là, les producteurs d'électricité à partir du gaz, quel que soit leur niveau de consommation annuelle, et les clients finals consommant plus de 25 millions de mètres cubes par an et par site de consommation, soient libres de passer des contrats de fourniture de gaz naturel (clients admissibles dits "éligibles"). L'ouverture totale du marché doit être au moins égale à 20 %, puis à 28 % en 2005 et à 33 % en 2010. Le seuil pour les clients admissibles sera abaissé à 15 millions de m3 en 2005 et à 5 millions de m3 en 2010.

(55) Pour l'organisation de l'accès au réseau, les États membres ont le choix entre deux formules, qui doivent être mises en œuvre conformément à des critères objectifs, transparents et non discriminatoires. La première formule concerne "l'accès négocié", grâce auquel les entreprises de gaz naturel et les clients admissibles négocient des accords commerciaux volontaires et en vertu duquel les entreprises de gaz doivent publier les conditions d'utilisation de leur réseau avant le 10 août 2001 et chaque année par la suite. La seconde formule porte sur "l'accès réglementé", par lequel les entreprises de gaz naturel sont tenues d'accorder l'accès sur la base de tarifs publiés fixés par une autorité compétente de l'État membre.

(56) La directive prévoit une importante procédure de dérogation conditionnelle en vertu de laquelle la Commission peut accepter, sous certaines conditions, qu'une entreprise de gaz puisse refuser l'accès si cela entraînait pour elle de graves difficultés économiques et financières du fait des engagements take-or-pay qu'elle a acceptés dans le cadre d'un ou de plusieurs contrats d'achat de gaz.

(57) Aux Pays-Bas, la récente proposition en faveur d'une nouvelle loi relative au gaz est beaucoup plus stricte que les exigences minimales prévues par la directive en question. Les consommateurs ayant une consommation annuelle de 10 millions de m3 (ce qui représente 44 % de la consommation annuelle totale du pays) bénéficient déjà de la liberté d'achat. À compter de janvier 2002, les clients ayant une consommation annuelle comprise entre 170 000 m3 et 10 millions de m3 auront eux aussi la liberté de choix. À partir de janvier 2007, tous les consommateurs (y compris les ménages) pourront s'approvisionner en gaz où bon leur semble. Aucun régime spécial ne s'applique aux producteurs d'électricité. Les Pays-Bas ont opté pour l'"accès négocié" et Gasunie a publié ses tarifs ATR en août 1998.

(58) En Allemagne, les entreprises de transport en gros détenaient traditionnellement des monopoles régionaux et avaient conclu des accords régionaux de délimitation, c'est-à-dire des accords en vertu desquels chaque entreprise de transport en gros s'engageait à ne pas mener d'activités en gros sur le territoire désigné des autres. Cette pratique est interdite depuis le 29 avril 1998, date de l'entrée en vigueur de la loi sur l'industrie de l'énergie. Celle-ci décrète l'ouverture à 100 % du marché allemand, autrement dit tous les clients sont admissibles. Le texte stipule également que les municipalités doivent accorder des droits de passage pour la construction de réseaux de gazoducs. La nouvelle loi sur la concurrence dispose que les opérateurs de réseaux ne doivent pas refuser l'accès des tiers aux réseaux sans raisons objectives, dûment justifiées. En cas de refus, l'affaire peut être portée devant l'autorité compétente en matière de concurrence ou directement devant le tribunal administratif. Depuis février 1999, les associations de l'industrie négocient ce qu'on appelle la "Verbändevereinbarung Gas", qui devrait fixer les critères d'attribution de l'accès (négocié) des tiers, ainsi que les prix indicatifs.

Cadre contractuel

(59) L'industrie européenne du gaz fonctionne sur la base de contrats à long terme entre acheteurs et vendeurs. Les parties ont indiqué que pour obtenir le financement nécessaire aux investissements dans l'infrastructure de production et de distribution, les producteurs de gaz ont dû conclure des accords à long terme avec leurs acheteurs. Un gisement de gaz n'est exploité qu'en présence d'un acheteur, généralement une ou plusieurs entreprises nationales de transport en gros.

(60) Sur la base de tels accords, les investissements sont en outre réalisés dans l'infrastructure de distribution nécessaire (terminaux et gazoducs). Les contrats sont conclus dans un délai suffisant avant le démarrage de la production effective de manière à permettre la construction de l'infrastructure requise. De même, les entreprises de transport en gros concluent avec leurs clients des contrats en vertu desquels elles s'efforcent d'harmoniser, sur la base de contrats à long terme, leur volume d'achat cumulé. On peut dire que traditionnellement, les entreprises de transport en gros équilibrent la demande par l'offre.

(61) Les contrats à long terme se caractérisent par les engagements "take and/or pay" sur les volumes. Le prix contractuel à chaque niveau se détermine généralement en tant que prix net-back duquel est retranchée une marge convenue pour le client. Un contrat prévoira en outre que trois fois par an, le prix pourra éventuellement être révisé en cas de changement notable sur le marché de l'acheteur (concurrence gaz-gaz, situation nouvelle pour les énergies de substitution, etc.). Ces contrats contiennent également une clause de ventes parallèles qui autorisent l'acheteur à réduire ses obligations d'achat à raison du volume que le vendeur écoule directement dans le territoire de l'acheteur. Les entreprises de gaz [c'est-à-dire les acheteurs]* font valoir que cette clause est nécessaire pour éviter que les producteurs vendent leur gaz deux fois (une fois à l'entreprise de transport en gros et une deuxième fois directement au client de cette dernière). En outre, de tels accords constituent un important élément de stabilité dans la chaîne de distribution du gaz puisqu'ils entretiennent une certaine hiérarchie producteur - entreprise de transport en gros - consommateur final.

(62) La politique consistant à tarifer le gaz sur la base des énergies de substitution dont disposent les clients de l'acheteur, appelée aussi principe de la valeur marchande, constitue, aux yeux des entreprises de gaz européennes, l'élément essentiel pour expliquer la construction et l'expansion d'une infrastructure gazière européenne qui, parallèlement, permet aux consommateurs de bénéficier de prix concurrentiels. Les entreprises en place ont donc pour préoccupation majeure de maximiser de la sorte les revenus tirés des ventes de gaz et de faire accepter ce principe à tous les acteurs du marché.

(63) [...]*

Bref aperçu de la filière gaz aux Pays-Bas et en Allemagne

(64) Les Pays-Bas sont l'un des principaux producteurs de gaz de l'EEE; le pays est exportateur net. Les plus gros producteurs aux Pays-Bas sont la NAM, une entreprise commune d'Exxon et de Shell, et EBN, compagnie publique néerlandaise du pétrole et du gaz. Exxon, Shell et l'État néerlandais (par le biais d'EBN et directement) possèdent Gasunie, entreprise de distribution en gros à laquelle est vendue la quasi-totalité du gaz néerlandais. Gasunie vend environ [80-90]* % du gaz consommé aux Pays-Bas et possède l'ensemble de l'infrastructure gazière en gros du pays (à l'exception d'un gazoduc). Gasunie a conclu des accords d'approvisionnement exclusifs à long terme avec toutes les compagnies régionales de distribution concernant des ventes aux clients dont la demande annuelle est [inférieure à un niveau donné]*.

(65) Il existe une production de gaz en Allemagne, qui représente environ 20 % de la demande dans ce pays. Les principaux producteurs sont BEB, entreprise commune allemande d'Exxon et de Shell pour la production et la distribution, et Mobil. Environ 80 % du gaz consommé est importé de Norvège, de Russie et des Pays-Bas. Le principal importateur et transporteur en gros en Allemagne s'appelle Ruhrgas. Ses propriétaires sont Exxon, Shell, Mobil et BP, ainsi que des producteurs allemands de charbon et d'acier. Les autres importateurs sont BEB, Thyssengas (qui appartient à Exxon et Shell à hauteur de 25 % chacune et à RWE-DEA à hauteur de 50 %; ces entreprises détiennent conjointement le contrôle de Thyssengas) et VNG (entreprise est-allemande de transport en gros dont BEB et Ruhrgas sont actionnaires). Mobil et EWE, une entreprise dans laquelle les parties ne détiennent pas de participations, importent également du gaz destiné à la consommation en Allemagne. Toutes les sociétés précitées sont des entreprises traditionnelles de transport en gros à longue distance qui sont concurrencées par Wingas, une entreprise commune de BASF et Gazprom (le producteur de gaz russe), au moyen de son réseau de gazoducs nouvellement construit.

(66) Le gaz est vendu par les producteurs allemands et les entreprises de transport en gros qui font de l'importation (désignées par l'expression "entreprises de transport en gros à longue distance") à une série d'entreprises régionales de transport en gros (dénommées "entreprises de transport en gros à courte distance"). Les quelque 19 entreprises de transport en gros à longue et courte distance revendent le gaz à environ 700 compagnies locales de distribution qui approvisionnent à leur tour les ménages.

MARCHÉS DU TRANSPORT EN GROS

Marché de produits en cause

(67) Les parties estiment que la distribution et la commercialisation du gaz naturel peuvent être divisées en deux segments: le transport en gros et la distribution locale. Les entreprises de transport en gros accumulent le gaz des producteurs et le vendent ensuite à une combinaison de grossistes de deuxième rang (en l'occurrence les entreprises allemandes de transport en gros à courte distance), de distributeurs locaux et de grands utilisateurs finals. Les entreprises de transport utilisent des réseaux de conduites à haute pression et des installations de stockage pour livrer le gaz à l'endroit prévu et en quantité voulue par leurs clients. Les distributeurs locaux revendent le gaz aux utilisateurs finals (tels que les ménages).

(68) Les parties estiment que les fournisseurs en gros sont généralement différents des fournisseurs au niveau de la distribution locale. Les parties ne sont pas directement présentes sur le segment de la distribution locale.

(69) En plus de la distribution et de la commercialisation du gaz naturel, les parties, dans la notification, qualifient de marchés distincts le "transport de gaz naturel - gazoducs et acheminement de GNL" et le "stockage de gaz naturel". La Commission convient avec les parties que le transport du gaz naturel et le stockage de celui-ci constituent des marchés de produit distincts.

a) Marché du transport en gros et marché de la distribution locale

(70) Les entreprises de transport en gros à longue et courte distance vendent le gaz au moyen de gazoducs à haute pression aux clients industriels, aux producteurs d'électricité et aux compagnies locales de distribution. Ces dernières revendent le gaz aux utilisateurs finals, comme les ménages et les clients résidentiels, par le biais de leur réseau étendu (au niveau des rues) de conduites à basse pression. Ces compagnies locales de distribution achètent aux grossistes de l'appoint et autres services connexes. La Commission convient donc avec les parties que la distribution locale constitue un marché de produits distinct. Les parties n'y étant pas directement actives, ce marché de produit ne fait pas l'objet d'une évaluation plus approfondie dans le cadre de la présente procédure.

b) Marché du transport en gros à longue distance et à courte distance: le marché de gros à longue distance est un marché de produits distinct où l'entrée de nouveaux concurrents dépend du bon vouloir des entreprises en place ou d'un investissement à fonds perdu très élevé

(71) Ainsi que cela a été expliqué plus haut, l'industrie gazière allemande de gros est caractérisée par une structure à deux niveaux: les entreprises de transport en gros à longue distance vendent aux entreprises de transport à courte distance le gaz qu'elles ont importé directement de producteurs étrangers et qu'elles ont acheminé par gazoducs sur de longues distances. Il convient de déterminer si ce type de service pourrait être aisément pris en charge par les entreprises opérant à courte distance dans le cas d'une éventuelle augmentation des prix qui leur sont facturés. En pareille circonstance, le seul moyen pour ces entreprises de contrecarrer une augmentation des prix serait d'obtenir le gaz directement auprès des producteurs, c'est-à-dire en se plaçant plus haut dans la chaîne verticale. Pour ce faire, il faudrait que les entreprises opérant à courte distance (voire les clients finals) obtiennent des producteurs de gaz des conditions de tarification analogues à celles dont bénéficient les entreprises opérant à longue distance et qu'elles soient capables de transporter le gaz sur de longues distances. La Commission conclut de son enquête sur le marché que même devant une augmentation des prix, les entreprises opérant à courte distance ne seraient pas suffisamment incitées à court-circuiter les entreprises opérant à longue distance.

(72) [...]*

i) Le point de vue des parties: tout le monde peut importer du gaz

(73) Les parties considèrent que le marché en cause concerne le gaz allemand et le gaz importé que les quelque 19 entreprises de transport en gros à longue et courte distance vendent aux clients industriels, aux producteurs d'électricité et aux compagnies locales de distribution. Les parties estiment que les activités spécifiques des entreprises de transport à longue distance ne constituent rien de plus qu'une complication technique, puisque tout un chacun est capable d'acheminer du gaz vers la frontière allemande.

(74) Tout d'abord, les parties invoquent la possibilité d'importer de faibles volumes. Elles mentionnent à cet égard quelques contrats d'importation portant sur de faibles volumes, comme ceux de [...]*.

(75) Ensuite, les parties estiment que les coûts engagés pour se lancer dans cette activité économique qui découlent des investissements dans les installations de réception, les gazoducs et le stockage sont une caractéristique naturelle d'une industrie à forte intensité de capital à long terme et qu'ils ne constituent pas une barrière à l'entrée. Elles font valoir tout particulièrement les investissements réalisés par Wingas pour montrer qu'investir dans l'infrastructure gazière allemande reste rentable. Les parties soulignent également qu'il n'est pas nécessaire de réaliser des investissements pour pouvoir importer du gaz [...]*.

(76) Enfin, les parties renvoient aux dispositions de la nouvelle loi allemande sur l'énergie et à l'obligation légale pour les propriétaires de gazoducs de mettre leur marge de transport à la disposition des tiers. En conséquence, les ventes aux consommateurs finals en Allemagne constituent une possibilité réaliste et les parties rappellent à ce propos les décisions d'un certain nombre de compagnies locales de distribution d'acheter directement aux producteurs et le fait que les groupes industriels centralisent leurs achats.

ii) Ce point de vue n'est pas corroboré par l'enquête de la Commission sur le marché

(77) L'enquête sur le marché n'a pas corroboré le point de vue des parties selon lequel l'importation de gaz n'est qu'une simple "complication technique". Les déclarations suivantes émanent de certains des onze grossistes allemands opérant à courte distance:

- Pour obtenir des prix intéressants au moyen d'un contrat d'importation, il faut de nos jours acheter en très grandes quantités en acceptant des obligations d'achat et, entre autres, apporter des investissements propres ou des participations financières dans des projets ou des entreprises. Ce type d'activité est par conséquent caractéristique des entreprises qui concentrent une forte demande et qui disposent de moyens financiers considérables pour supporter les risques de coûts liés à l'importation. Lors de l'importation, la sécurité d'approvisionnement au moyen d'une diversification des sources d'approvisionnement joue un rôle important. - Pour importer, il faudrait disposer d'un réseau de gazoducs parallèle vers les producteurs (ou vers les relais à la frontière) ou d'un ATR. Le grossiste opérant à courte distance ne pourrait pas estimer les coûts et le temps nécessaires.

- Il est difficile de vendre des quantités d'importation complémentaires aux clients en Allemagne, étant donné qu'elles ne peuvent aller qu'aux distributeurs régionaux. La commercialisation directe du gaz auprès des consommateurs finals n'est possible qu'au prix d'efforts considérables et se révèle irréaliste à l'heure actuelle.

(78) Dans leur réponse à la communication des griefs ("la réponse"), les parties ont réaffirmé qu'il était possible d'acheter de faibles volumes, qu'il était aisé de s'informer sur les coûts de l'importation (en menant ses propres recherches ou en passant par des consultants), que les coûts de l'infrastructure d'importation étaient généralement inférieurs à [0-5]* % et que les approvisionnements et les clients étaient accessibles (la demande augmente et les contrats en vigueur expirent). La Commission reconnaît que les coûts de l'importation peuvent être déterminés par calcul. Les autres points seront abordés ci-après.

(79) Il convient de relever que, dans une procédure récente (9), le Bundeskartellamt (Office fédéral des ententes) a conclu que le marché du transport en gros à longue distance constituait un marché distinct de produit en cause.

iii) Le gaz allemand ne permet pas de réagir à une augmentation du prix du gaz importé

(80) Le gaz allemand est entièrement vendu en Allemagne, où il est en concurrence avec le gaz importé. Cependant, la production allemande de gaz, qui représente actuellement quelque 20 % de la consommation totale, devrait tomber à [moins de 15]* % d'ici à 2010. En conséquence, les entreprises de transport en gros qui veulent satisfaire leur demande doivent avoir un meilleur accès au gaz importé, c'est-à-dire aux services des entreprises de transport en gros à longue distance.

(81) En outre, le gaz allemand est réservé dans une très large mesure aux entreprises de transport en gros à longue distance, de sorte qu'en général, la disponibilité en gaz allemand pour les autres entreprises est trop limitée pour qu'elles puissent réagir à une augmentation du prix du gaz importé. Le gaz allemand produit et en réserve est détenu à [70-80]* % environ par les entreprises de transport en gros à longue distance que sont BEB ([40- 50]* %) et Mobil ([20-30]* %). Les [20-30] * % restants de la production allemande (soit environ [0-10]* % de la demande allemande) reviennent à RWE-DEA, qui représente environ 7,5 %, Wintershall et Preussag, qui atteignent chacune 5,5 % environ, et Erdöl-Erdgas Gommern, qui se situe autour de 4,5 %. RWE-DEA s'engage à vendre 60 % de sa production annuelle à Ruhrgas et Preussag s'engage à vendre 45 % de sa production annuelle à Ruhrgas. La majeure partie de la production d'Erdöl-Erdgas Gommern est vendue par le biais de VNG, une autre entreprise de transport en gros à longue distance.

iv) L'accès au gaz étranger dans des conditions concurrentielles n'est pas possible et ne le sera pas après la concentration: les nouveaux venus potentiels sur le marché du transport en gros à longue distance sont dépendants des services des entreprises en place

(82) Les activités quotidiennes de tout grossiste opérant à courte distance dépendent en grande partie du réseau de gazoducs, des installations de stockage et autres services fournis par les entreprises de transport à grande distance. Indisposer des fournisseurs aussi essentiels en les court-circuitant sur une partie de leurs services serait risqué compte tenu de l'éventail des représailles dont ils disposent.

(83) Cependant, il existe une entreprise de transport en gros à courte distance qui ne dépend pas des services de transport en gros des entreprises opérant à longue distance. Il s'agit d'Erdgas Münster (EGM), une entreprise qui vend du gaz allemand produit par ses actionnaires, les principaux producteurs de gaz allemand: BEB ([20- 30]* %), Mobil ([20-30]* %), Wintershall ([20-30]* %), Preussag ([10-20]* %) et RWE-DEA ([0-10]* %). Les actionnaires sont tenus de vendre toute leur production dans une région particulière du Nord-Ouest de l'Allemagne par l'intermédiaire d'EGM (soit [moins de 10 %]* de la consommation allemande totale) et, de cette manière, l'entreprise assure ses approvisionnements en gaz pour [...]*.

(84) [...]*, BEB et Mobil contrôleraient les décisions stratégiques d'EGM à l'issue de l'opération de concentration. Ces décisions portent notamment sur la position de cette dernière dans un futur environnement de marché libéralisé (voir ci-après). Les parties affirment ne pas détenir le contrôle d'EGM, étant donné que [...]*. Cette argumentation ne saurait être acceptée. En effet, Exxon exerce un contrôle en commun sur BEB au sens du règlement sur les concentrations; de plus, il serait logique, du point de vue économique, que Shell approuve [...]*, car de cette manière, elle profiterait également des avantages que procure la possibilité de contrôler EGM.

(85) Bien que Mobil et BEB soient toutes deux des entreprises de transport en gros à longue distance, la position de Mobil sur ce marché est nettement inférieure à celle de BEB. En conséquence, Mobil aurait intérêt, avant la concentration, à conserver la possibilité d'utiliser EGM comme instrument dans un futur environnement de marché libéralisé. BEB et Mobil n'ont donc pas forcément les mêmes intérêts. Cette faculté d'être un concurrent potentiel disparaîtrait à l'issue de la concentration du fait de l'instauration d'un contrôle formel sur EGM.

(86) Les parties ont en outre évoqué des appels d'offres directs lancés à des fournisseurs étrangers par quelques compagnies locales de distribution relativement mineures. Dans leur appel d'offres, ces compagnies, qui sont toutes clientes de Wingas, sollicitent des propositions pour des livraisons jusqu'à la frontière allemande, en indiquant qu'elles s'occuperaient elles-mêmes du transport en Allemagne. Les parties citent également à titre d'exemple la décision de Stadtwerk Viernheim ("SW") d'acheter directement. Il ressort toutefois de l'enquête menée par la Commission que ces appels d'offres n'ont pas été couronnés de succès.

(87) Le fait qu'il puisse y avoir des appels d'offres sporadiques ne signifie donc pas que les compagnies locales de distribution considèrent qu'il est possible de transporter soi-même le gaz sur le territoire allemand. En conséquence, cela ne veut pas dire qu'elles estiment être en concurrence avec les entreprises en place.

(88) Les producteurs qui souhaiteraient pénétrer sur le marché dépendent non seulement des entreprises allemandes pour vendre leur gaz en Allemagne, mais ils sont également tributaires, à des degrés divers, des entreprises en place pour l'acheminement du gaz vers d'autres marchés d'exportation. Par exemple, le gaz néerlandais transite par les gazoducs des entreprises allemandes en place pour gagner la Suisse et l'Italie (voire la Pologne), le gaz norvégien passe par l'Allemagne pour parvenir en Suisse et le gaz russe transite par l'Allemagne pour arriver en France. I l est peu probable que les petites entreprises puissent obtenir des prix ou des volumes intéressants ou que les fournisseurs traditionnels court-circuitent les entreprises en place

(89) Les contrats "take and/or pay" à long terme (10, 20 ou 30 ans), en vertu desquels l'obligation d'achat de l'entreprise de transport en gros est diminuée de la quantité que le producteur vend directement (ou par le biais d'autres entreprises) dans la zone de l'entreprise de transport (ce qu'on appelle également des "clauses de ventes parallèles"), compliquent l'approvisionnement des autres entreprises.

(90) De surcroît, les fournisseurs n'ont aucun intérêt à court-circuiter leurs clients traditionnels si cela entraînait une concurrence gaz-gaz faisant baisser les prix du marché. Ainsi, si le fournisseur n'est pas prêt à offrir des prix moins élevés, le client n'a aucune raison d'en changer. Une concurrence gaz-gaz et une diminution des prix apparaissent, dans ces conditions, comme la conséquence la plus probable. Comme le producteur perçoit des montants en prix net-back, une telle réduction de prix affecterait l'ensemble des ventes de gaz. En vendant aux nouveaux venus, les producteurs s'exposent donc à une concurrence sur les prix potentiellement préjudiciable. [...]*

(91) Selon [...]*, les clauses de ventes parallèles incitent l'entreprise de transport en gros et le fournisseur à se concurrencer pour attirer le même utilisateur final, ce qui favorise dès lors la concurrence. Or ce type de concurrence ne peut se produire que si les bénéfices réalisés par le fournisseur sur ses ventes directes font plus que compenser les pertes à court terme de valeur net-back sur la totalité du volume de vente restant couvert par l'obligation d'achat de l'entreprise de transport en gros et les pertes à long terme liées au risque de perdre des ventes à l'entreprise de transport en gros lorsque le contrat arrive à expiration. Ce cas de figure ayant peu de chances de se produire, les clauses de ventes parallèles constituent également des barrières à l'entrée.

(92) La Commission constate en outre que trois des principaux grossistes allemands opérant à longue distance ont acheté en commun une partie substantielle de leur gaz d'origine non allemande à des producteurs norvégiens, danois et russes (Ruhrgas: [...]* %, BEB: [...]* % et Thyssengas: [...]* %). En groupant leur demande, les consortiums devraient pouvoir obtenir, par le biais de contrats à long terme, de meilleurs prix que toute autre entreprise qui négocierait un contrat isolément. Les parties manifestent leur désaccord sur ce point en indiquant que les prix d'achat sont sans rapport avec le volume, mais qu'ils sont déterminés en fonction des prix des combustibles de substitution. La Commission ne peut accepter cet argument car, si on poussait ce raisonnement à l'extrême, cela signifierait qu'aucune concurrence sur les prix n'est possible dans l'industrie gazière européenne puisque tout le monde pratiquerait la même tarification, en se référant au prix des combustibles de substitution. Ce raisonnement est manifestement erroné, les parties ayant une grande liberté d'appréciation des paramètres du prix du gaz, même en établissant des liens avec les barèmes des prix des combustibles de substitution.

(93) Il convient aussi de relever que les achats en commun incitent moins le producteur à court-circuiter les entreprises de transport en gros en vendant directement ou indirectement à d'autres sur leur territoire. En effet, lorsque plusieurs entreprises regroupent leurs achats, le producteur risquerait de perdre tous ses clients s'il en court-circuitait ne serait-ce qu'un seul.

(94) Et même si, comme le font valoir les parties, d'autres entreprises en place comme VNG et Mobil peuvent acheter du gaz directement et individuellement à des prix comparables, cela ne veut pas dire que la possibilité soit aussi ouverte aux nouveaux venus. Les entreprises en place s'efforceront d'user de leur position et de leur influence vis-à-vis des producteurs pour les inciter à ne pas approvisionner les concurrents. Wingas a indiqué que, quelques années auparavant, elle avait conclu un accord d'approvisionnement en gaz norvégien, mais que le GFU (organisation norvégienne chargée des ventes de gaz) l'avait rejeté. De plus, [...]* a déclaré que " [...]* continuera à essayer d'empêcher [...]* d'acheter du gaz [...]*."

(95) Même si de nouveaux volumes pourraient faire l'objet de contrats, les entreprises de transport en gros à longue distance ont conclu des accords (take-or-pay) d'approvisionnement à long terme avec les principaux clients (entreprises d'approvisionnement à courte distance, compagnies locales de distribution, etc.). Dès lors, il pourrait être difficile d'écouler le volume, de sorte que ces accords à long terme forment une barrière supplémentaire à l'entrée sur le marché à longue distance. La Commission reconnaît que ces contrats finissent tous un jour par arriver à expiration et que la demande de gaz s'accroît de 2 à 3 % par an. Même si ces contrats ne constituent pas une barrière à l'entrée infranchissable, il est indéniable qu'ils rendent l'entrée plus difficile que sur un marché où il n'existe pas d'engagements à long terme entre acheteurs et vendeurs.

(96) Enfin, ces dernières années, les entreprises allemandes de transport en gros à longue distance ont dépensé des sommes considérables - et continueront probablement à le faire - pour leur intégration verticale en aval en prenant des participations dans les entreprises de transport en gros à courte distance et les compagnies locales de distribution. [La Commission considère que]* l'objectif poursuivi par là consiste à maintenir en l'état les structures d'approvisionnement actuelles, ce qui ne fera qu'accroître les barrières à l'entrée du marché.

v) L'accès à l'infrastructure ou sa duplication ne sont pas des solutions

La duplication de l'infrastructure entraînerait des dépenses non récupérables trop importantes

(97) Les importantes dépenses d'équipement des entreprises en place dans les installations de réception, les gazoducs, le stockage et l'ajustement de la qualité ne peuvent servir à d'autres fins, même si, moyennant des frais considérables, certains gazoducs pourraient être transformés en oléoducs. Dès lors, l'investissement peut être considéré pour une très large part comme étant à fonds perdu.

(98) Les parties indiquent que les coûts engagés pour se lancer dans l'activité gazière ne peuvent être raisonnablement considérés comme une barrière à l'entrée, car les coûts de l'infrastructure d'importation sont généralement inférieurs à [...]* de la valeur du gaz acheté. Cependant, l'infrastructure d'importation n'est pas la seule qui soit nécessaire (l'élément essentiel étant sans doute le réseau de gazoducs à longue distance) et il demeure que les importantes dépenses d'équipement s'effectuent pour une très large part à fonds perdu.

(99) En outre, il sera toujours moins onéreux et plus rapide pour les entreprises en place d'ajouter des compresseurs pour augmenter leur capacité de transport que pour le nouveau venu de construire un gazoduc.

(100) Dès lors, on ne peut s'attendre à ce qu'un nouveau venu sur le marché commence à mettre en place un vaste réseau de gazoducs à haute pression en Allemagne. En d'autres termes, l'"expérience de Wingas" a peu de chances de se reproduire. Wingas est en quelque sorte une "association réussie" entre un très gros (voire le plus gros) consommateur industriel de gaz allemand à qui les prix pratiqués ne convenaient pas et un très grand producteur russe qui avait un conflit d'intérêts avec les entreprises en place. Ce conflit d'intérêts sera abordé de manière plus approfondie dans la partie consacrée à l'appréciation sous l'angle de la concurrence.

(101) En outre, la valeur net-back que le fournisseur peut espérer obtenir du renouvellement du contrat avec l'entreprise initiale de transport en gros est supérieure à celle escomptée d'un nouveau venu qui doit réaliser de nouveaux investissements (et qui réclame dès lors une marge plus élevée). De surcroît, ce nouveau venu devrait "se battre" pour faire vendre ses volumes, ce qui entraînerait des baisses de prix pour tous les acteurs sur le marché et ce phénomène se traduirait à son tour par une réduction du prix net-back pour le producteur. L'accès des tiers au réseau proposé par l'industrie aura une incidence limitée sur la capacité des clients d'importer directement du gaz en concurrence avec les entreprises de transport à longue distance

(102) Aux fins de la présente décision, la Commission n'est pas convaincue que l'éventuelle conclusion de la Verbändevereinbarung Gas (VV Gas) permette l'entrée sur le marché au moyen de l'accès des tiers au réseau (ATR). Cette conclusion se fonde sur l'état actuel de la situation, à savoir la proposition de l'industrie gazière allemande dans le cadre des négociations sur la VV Gas.

(103) La VV Gas est une initiative de quatre fédérations professionnelles: a) la BGW, fédération allemande du secteur économique du gaz et de l'eau; b) la VKU, association des compagnies locales de distribution; c) la BDI, fédération des industries allemandes (consommateurs industriels) et d) la VIK, association allemande des producteurs d'électricité. Dans le cadre de la directive "gaz", l'Allemagne a opté pour un "ATR négocié" et la VV Gas vise à fixer les orientations pour un tel accès négocié. L'autorité allemande compétente en matière de concurrence et/ ou la Commission devront examiner la VV Gas lorsqu'elle aura été adoptée. L'objectif de cette dernière, comme l'indique une lettre commune des quatre fédérations adressée au ministre allemand de l'Economie, est "de signaler aux milieux politiques qu'il n'est pas nécessaire de réglementer davantage le secteur du gaz naturel. La VV Gas répondra aux critères de l'économie de marché, de la compétitivité, de la loyauté, de la transparence et de la simplicité, de manière à contribuer au développement d'une bourse du gaz naturel. La VV Gas contiendra les principes et règles de base régissant l'accès au réseau ainsi qu'un barème simple des tarifs. La VV Gas sera conclue avant la fin de 1999".

(104) En dépit de cette déclaration commune, il ne semble pas possible, sur la base du "scénario" élaboré par l'industrie gazière, de conclure que ce type d'ATR permettra d'importer du gaz en concurrence avec les entreprises en place.

(105) Premier élément: le scénario stipule que l'ATR n'est possible que si la capacité de transport le permet et que les contrats take-or-pay à long terme soient pris en considération. L'enquête sur le marché révèle qu'il est difficile d'évaluer les disponibilités de capacité et de déterminer si les entreprises en place se sont engagées jusqu'à 100 % de leur demande au moyen de contrats take-or-pay à long terme. En conséquence, la VV Gas ne menacera pas foncièrement la position des entreprises en place.

(106) Deuxième élément: le scénario indique que le gaz provenant de tiers doit être compatible avec les spécifications propres au réseau de gazoducs du propriétaire. Cette modalité est définie comme suit: "la spécification du gaz est telle qu'il peut être introduit dans le gazoduc sans adaptation par le transporteur; qu'il est à une pression qui ne nécessite pas d'adaptation de la part du transporteur et que sa spécification autorise son usage avec d'autres gaz dans le réseau". Ces critères risquent d'être difficiles à remplir en raison des différentes spécifications du gaz actuellement commercialisé en Allemagne (voir ci-après la discussion sur le gaz à faible/fort pouvoir calorifique et le fait que ces deux types de gaz sont actuellement vendus en Allemagne sous diverses spécifications). Ainsi, le gaz naturel n'étant pas un produit totalement homogène, l'accès des tiers au réseau d'électricité et de télécommunications est d'une nature et d'une praticabilité différentes de l'ATR de gaz. Comme l'indique un document présenté par les parties, "une différence essentielle par rapport à la VV électricité réside dans le fait que, pour le gaz, un accord distinct est nécessaire avec chaque opérateur de gazoduc et que les différentes spécifications du gaz et les écarts de pression aux points de départ et d'arrivée compliquent l'organisation concrète".

(107) Troisième élément: un accord de transport doit avoir une durée d'au moins un an, avec deux dates initiales chaque année (1er octobre et 1er avril). Il convient de relever qu'en conséquence, les contrats ATR prévoiront toujours une utilisation maximale en hiver de manière à accroître les chances d'une exploitation des gazoducs à pleine capacité. En outre, cette exigence vise expressément à empêcher le développement d'un marché du disponible. En effet, le développement d'un marché du disponible déséquilibrerait le système traditionnel. Le rôle des entreprises de transport en gros serait particulièrement menacé, car un marché du disponible faciliterait le contact direct entre le consommateur final et le producteur, avec pour conséquence une réduction de la marge du grossiste. [...]* La VV Gas ne prévoit rien de la sorte.

(108) Quatrième élément: "[...]*".

(109) Enfin, la VV Gas ne contient aucune disposition sur l'accès au stockage et aux services d'ajustement de la qualité (conversion du gaz à faible pouvoir calorifique en gaz à fort pouvoir calorifique) ni sur les fournitures de secours.

(110) Les parties soulignent dans la réponse que pour conclure l'accord sur la VV Gas, le soutien des utilisateurs finals, de l'Office fédéral des ententes et du Gouvernement allemand sera nécessaire. Devant le grand nombre de parties prenantes à la procédure, les parties ne comprennent pas la conception de la Commission selon laquelle le résultat final ne favorisera ni l'ATR ni la concurrence. La Commission doit procéder à son analyse sur la base des informations dont elle dispose, à savoir le scénario de l'industrie gazière. En conséquence, fonder une analyse sur quoi que ce soit d'autre ne serait que spéculation.

Conclusion

(111) La Commission conclut que le marché allemand du transport en gros à longue distance constitue un marché de produits distinct.

Gaz à faible pouvoir calorifique et à fort pouvoir calorifique

(112) Au cours de l'enquête, plusieurs tiers ont fait valoir que dans l'évaluation de l'incidence de l'opération sur les marchés gaziers européens, il convenait de faire la distinction entre le gaz dit à faible pouvoir calorifique inférieur et le gaz dit à fort pouvoir calorifique. La Commission convient avec les parties que le gaz à faible pouvoir calorifique et le gaz à fort pouvoir calorifique font partie d'un marché global du gaz naturel. La Commission est parvenue à cette conclusion sur la base de la substitution du côté de la demande. En d'autres termes, une augmentation relative, entre 5 et 10 %, du prix du gaz à faible pouvoir calorifique serait peu rentable, étant donné que les consommateurs de la région d'Allemagne concernée (10) pourraient y renoncer au profit du gaz à fort pouvoir calorifique.

(113) La distinction entre ces deux types de gaz remonte à la découverte (1959) et à l'exploitation (1963) de l'énorme gisement de gaz à faible pouvoir calorifique de Groningue aux Pays-Bas, le principal gisement de gaz d'Europe et l'un des plus importants dans le monde. Ce gisement a marqué les débuts de l'industrie du gaz naturel en Europe. L'ensemble de la consommation de gaz naturel s'est ainsi orientée vers le gaz possédant les spécifications du gisement de Groningue. Toutefois, la classification du gaz à faible pouvoir calorifique comporte un spectre plus large que le pouvoir calorifique inférieur ou supérieur du gaz de Groningue. Selon la définition du gaz à faible pouvoir calorifique utilisé en Allemagne (code de pratique G 260/I - qualité du gaz de la DVGW), le gaz à faible pouvoir calorifique a un indice de Wobbe allant jusqu'à 13 kWh/m3.

(114) Les spécifications du gaz (de Groningue ou à faible pouvoir calorifique) ont une incidence sur l'ensemble de la filière gaz en aval. Le transport par gazoduc à haute pression (sur de longues distances), les installations souterraines de stockage, le transport par gazoduc à basse pression (permettant de livrer le gaz à une pression suffisamment basse pour les brûleurs utilisés par les ménages) et les installations du consommateur final ont été conçus soit pour le gaz à faible pouvoir calorifique, soit pour le gaz à fort pouvoir calorifique et ne peuvent fonctionner qu'avec l'un des deux.

(115) Des gisements découverts plus récemment étaient d'une qualité différente, c'est-à-dire d'un pouvoir calorifique plus élevé, le gaz contentant moins d'azote inerte. En fait, on n'a découvert de gaz à faible pouvoir calorifique que dans d'autres gisements terrestres aux Pays-Bas et dans le Nord-Ouest de l'Allemagne. Aujourd'hui, il existe toujours des colonnes spécifiques de gaz à faible pouvoir calorifique aux Pays-Bas, dans le Nord-Ouest de l'Allemagne, dans une partie de la Belgique (provinces d'Anvers et du Limbourg) et dans une partie de la France (Nord-Pas de Calais).

Substituabilité du côté de la demande: passage, dans la filière gaz, du gaz compatible à faible pouvoir calorifique au gaz compatible à fort pouvoir calorifique.

a) Une augmentation permanente relative des prix du gaz à faible pouvoir calorifique accélérera le processus en cours

(116) Les parties ont fourni des diagrammes qui illustrent le remplacement continu du gaz à faible pouvoir calorifique par le gaz à fort pouvoir calorifique dans la consommation en Allemagne depuis 1975 sur la base de statistiques de l'industrie indiquant le volume absolu et relatif des différents types de gaz (gaz à fort pouvoir calorifique, gaz à faible pouvoir calorifique, gaz de cokerie et autres gaz)

(117) On évaluera sur cette base quelle serait la réaction d'une entreprise de transport en gros si les producteurs de gaz à faible pouvoir calorifique augmentaient les prix. Sa réaction dépendra de la possibilité pour elle de s'approvisionner auprès d'un producteur de gaz à fort pouvoir calorifique ainsi que des incitations découlant de la possibilité qu'ont ses clients de passer à une autre entreprise de transport en gros susceptible de fournir du gaz à fort pouvoir calorifique moins cher.

(118) S'il est techniquement aisé de faire commuter tout un réseau de gazoducs pour gaz à faible pouvoir calorifique vers le gaz à fort pouvoir calorifique, la principale contrainte qui pèse sur l'entreprise de transport en gros en matière de transformation de l'infrastructure réside dans le stockage souterrain. Le problème qui se pose est qu'il faut remplacer le gaz à faible pouvoir calorifique stocké par du gaz à fort pouvoir calorifique. Selon les parties, cette conversion est simple et directe. D'après Wingas, une telle conversion prend du temps (en général trois cycles de stockage, soit deux ans pour les installations en question) et se révèle onéreuse (compte tenu de la teneur calorifique variable du gaz extrait lorsque du gaz à fort pouvoir calorifique est injecté dans une installation de gaz à faible pouvoir calorifique).

(119) Néanmoins, avant même la fin du troisième cycle de stockage, le gaz extrait peut avoir la qualité de gaz à fort pouvoir calorifique. En outre, toutes les entreprises de transport en gros connaissent la technique des "mélanges gazeux" (consistant à ajouter du gaz à faible pouvoir calorifique à du gaz à fort pouvoir calorifique pour obtenir du gaz à fort pouvoir calorifique dont la valeur calorifique est inférieure, mais qui reste du gaz à fort pouvoir calorifique, ou vice versa) pour obtenir la spécification voulue. Par conséquent, il leur est sans doute relativement aisé d'adapter le gaz qu'ils extraient de leurs installations de stockage pendant la période de conversion par un simple mélange pour en conserver la spécification faible/fort pouvoir calorifique. On peut imaginer qu'au début, ils pourraient ajouter du gaz à faible pouvoir calorifique pour maintenir cette qualité de gaz et que, progressivement, ils ajouteraient du gaz à fort pouvoir calorifique pour obtenir la spécification du gaz à pouvoir calorifique élevé. Il est probable que cette méthode réduise considérablement les coûts de conversion.

(120) Sur la base de ce qui précède, la Commission conclut que, face à une augmentation relative permanente des prix du gaz à faible pouvoir calorifique par rapport au gaz à fort pouvoir calorifique, les restrictions techniques que connaissent les propriétaires allemands d'installations de stockage de gaz à faible pouvoir calorifique ne sont pas de nature à les empêcher de changer de qualité de gaz. En conséquence, l'augmentation relative des prix contribue à accélérer cette conversion, qui devra intervenir tôt ou tard.

b) Les clients des entreprises de transport en gros fournissant du gaz à faible pouvoir calorifique ont d'autres possibilités dans la région d'Allemagne concernée pour s'approvisionner chez Wingas en gaz à fort pouvoir calorifique

Clients industriels et producteurs d'électricité qui optent pour le gaz à fort pouvoir calorifique

(121) L'enquête sur le marché a confirmé que, pour la plupart des clients industriels et des producteurs d'électricité, les coûts engagés pour adapter les brûleurs représentent un faible pourcentage de leur facture annuelle de gaz. Il serait donc économiquement viable, pour un grand consommateur industriel ou un important producteur d'électricité, de faire construire un nouveau gazoduc spécifique qui relie le client à un gazoduc à haute pression de gaz à fort pouvoir calorifique situé à proximité (au maximum à 50 km). Il convient donc de déterminer s'il existe dans le voisinage des gazoducs de gaz à fort pouvoir calorifique qui appartiennent à des entreprises autres que celles qui ont intérêt à distribuer du gaz à faible pouvoir calorifique. Si tel est le cas, le risque de perdre de tels clients au profit d'une autre entreprise de transport en gros fera que le grossiste "en place" assurant le transport du gaz à faible pouvoir calorifique sera davantage incité à passer lui-même au gaz à fort pouvoir calorifique (si le prix a été augmenté par le producteur) ou rendrait peu rentable une augmentation des prix par l'entreprise de transport en gros.

(122) En ce qui concerne la demande industrielle de gaz, il convient d'opérer une distinction entre la Rhénanie-du-Nord-Westphalie et la Basse-Saxe. En Rhénanie-du-Nord-Westphalie, les ventes de gaz au km2 sont environ trois fois plus élevées qu'en Basse-Saxe et le nombre de clients industriels au km2 est 2,5 fois supérieur. Ainsi, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, les gazoducs "Wedal" et "Midal" de Wingas sont probablement à proximité d'un nombre suffisant de clients pour permettre le passage au gaz à fort pouvoir calorifique. En outre, les installations souterraines de stockage de Wingas sont situées à Rehden, à la frontière entre la Rhénanie-du-Nord-Westphalie et la Basse-Saxe, ce qui permet à l'entreprise de fournir l'appoint nécessaire à ses clients en Rhénanie-du-Nord-Westphalie/Basse-Saxe. En Basse-Saxe, Wingas dispose également de son réseau de gazoducs à haute pression pour gaz à fort pouvoir calorifique. Il semble que la seule grande zone qui ne soit pas à la portée de ce réseau soit la région de Hanovre. Toutefois, les possibilités existantes sont probablement suffisantes pour qu'une augmentation des prix soit peu rentable.

(123) Il reste néanmoins à construire un gazoduc spécifique qui relie au client industriel le gazoduc à haute pression de Wingas pour gaz à fort pouvoir calorifique. Cette opération, longue et onéreuse, ne s'est révélée rentable que si le client accepte un accord d'approvisionnement exclusif d'une durée de 5 à 10 ans. L'entreprise en place qui fournit le gaz à faible pouvoir calorifique est donc en position d'augmenter son prix par rapport au prix en vigueur du gaz à fort pouvoir calorifique d'une marge allant jusqu'à couvrir les surcoûts de la nouvelle infrastructure. Cependant, de tels accords ne sont pas inhabituels dans l'industrie, de sorte que le coût du gazoduc supplémentaire peut être compensé avantageusement, comme l'a prouvé l'expérience de Wingas dans d'autres régions.

(124) Wingas fait valoir qu'en Basse-Saxe, seuls quelques clients dont la demande est importante sont situés à une distance raisonnable de son gazoduc à haute pression pour gaz à fort pouvoir calorifique, de sorte que son expérience dans d'autres régions ne s'applique pas à ce qu'elle estime être un marché géographique distinct, à savoir la zone de gaz à faible pouvoir calorifique d'Allemagne du Nord.

(125) La Commission reconnaît que les coûts engendrés par le passage au gaz à fort pouvoir calorifique ne sont pas toujours minimes pour les clients industriels. [Une entreprise]* a indiqué que les consommateurs industriels qui utilisent le gaz naturel comme matière première pour un processus chimique peuvent avoir des coûts supérieurs à 20 millions d'euros. Toutefois, la Commission n'a pas connaissance de tels clients dans la région d'Allemagne concernée.

(126) Globalement, la Commission conclut qu'un nombre suffisant de consommateurs industriels de gaz à faible pouvoir calorifique et de producteurs d'électricité allemands ont la possibilité d'opter pour Wingas lorsqu'ils sont confrontés à une augmentation permanente des prix du gaz à faible pouvoir calorifique pour contribuer à ce qu'une telle augmentation des prix ne soit pas rentable. Compagnies locales de distribution qui optent pour le gaz à fort pouvoir calorifique Changement de la part des compagnies locales de distribution

(127) Les compagnies locales de distribution approvisionnent les ménages et autres clients résidentiels. En conséquence, elles ont besoin de fournisseurs capables de leur livrer un appoint élevé et n'envisageraient un changement que si leur nouveau fournisseur était en mesure de leur proposer un appoint élevé en gaz à fort pouvoir calorifique. Ayant son installation de stockage de Rehden dans la région, Wingas est donc capable de fournir l'appoint.

(128) Il demeure que le distributeur et/ou le fournisseur doivent également absorber les coûts entraînés par le changement de gaz chez les ménages. Ces coûts sont évalués à environ 60 euros par ménage sur la base d'une estimation détaillée des coûts qui a été fournie, par le biais des parties, par une entreprise expérimentée en la matière. Sur la base d'une consommation domestique type de 80 MBtu par an, à raison d'un prix de 3,4 euros par MBtu pratiqué par le distributeur local et d'un prix de 8 euros par MBtu facturé pour le gaz domestique, une augmentation de 5 % du prix du gaz à faible pouvoir calorifique fourni par l'entreprise de transport en gros réduit la marge du distributeur local de 13,5 euros. Une augmentation de 10 % réduit sa marge de 27 euros. En conséquence, les coûts du changement seraient totalement rentabilisés par le distributeur local dans un délai de 2 à 4 ans. Étant donné que la durée d'un contrat d'approvisionnement entre une entreprise de transport en gros et une compagnie locale de distribution est généralement comprise entre 10 et 20 ans, une augmentation des prix de 5 à 10 % ne serait guère rentable car les compagnies locales de distribution iraient s'approvisionner auprès d'un autre fournisseur de gaz à fort pouvoir calorifique. En outre, une fois qu'un ménage est passé au gaz à fort pouvoir calorifique, il peut sans danger consommer du gaz à faible pouvoir calorifique jusqu'à ce que le gaz à fort pouvoir calorifique pénètre dans le réseau local de distribution. L'opération entraîne une faible perte temporaire de rendement; cependant, si ce changement a lieu pendant les mois d'été, cette perte sera réduite au minimum.

(129) D'aucuns ont fait valoir que même si le passage du gaz à faible pouvoir calorifique au gaz à fort pouvoir calorifique était possible, une compagnie locale de distribution s'en abstiendrait si, en procédant de la sorte, elle risquait de devenir un "îlot de gaz à fort pouvoir calorifique" dans une région où prévaut le gaz à faible pouvoir calorifique. Il y aurait alors pour la sécurité de l'approvisionnement d'importantes répercussions que le client pourrait ne pas être prêt à accepter. Wingas y voit la raison principale pour laquelle, en dépit de remises de 5 à 8 % (renseignements fournis par les parties) par rapport au barème des prix en vigueur, il a convaincu moins de cinq distributeurs locaux (Stadtwerke) en Allemagne de passer au gaz à fort pouvoir calorifique.

(130) Cet argument ne peut pas être accepté dans la situation actuelle d'augmentation relative permanente des prix. En effet, tous les clients seraient incités au changement, de sorte qu'à terme, ces îlots disparaîtraient.

c) Les solutions de rechange proposées aux clients de l'entreprise en place assurant le transport en gros inciteront encore davantage l'entreprise en place à procéder au changement

(131) Confrontée à une augmentation des prix du gaz à faible pouvoir calorifique par rapport au gaz à fort pouvoir calorifique, il est normal et logique qu'une entreprise de transport en gros qui constate qu'une partie considérable de sa clientèle a la possibilité de s'approvisionner auprès d'une entreprise de transport en gros concurrente défende sa position. Cette entreprise veillera donc à être elle aussi en mesure de proposer du gaz à fort pouvoir calorifique, plus avantageux. En conséquence, l'entreprise de transport en gros qui est "en place" accélérera d'elle-même le changement.

Conclusion en ce qui concerne la substituabilité du côté de la demande

(132) Aux fins de la présente procédure, la Commission conclut qu'une augmentation relative permanente du prix du gaz à faible pouvoir calorifique ne serait pas rentable, étant donné a) que, tôt ou tard, la chaîne du gaz à faible pouvoir calorifique devra être convertie au gaz à fort pouvoir calorifique, b) qu'une telle augmentation de prix accélérera la conversion, c) qu'il existe d'autres possibilités dans la région allemande concernée sous forme d'approvisionnements en gaz à fort pouvoir calorifique par Wingas et d) que la connaissance de ces aspects incitera davantage encore les entreprises de transport en gros de gaz à faible pouvoir calorifique à procéder elles-mêmes au changement dans leur zone de consommation.

(133) Toutefois, il demeure que les coûts du changement représentent un avantage concurrentiel pour l'entreprise de transport qui est capable de proposer la spécification en vigueur, car cela complique le passage à un autre fournisseur.

Marché géographique en cause

(134) Les parties considèrent que, d'une manière générale, les marchés du transport en gros sont nationaux. Elles indiquent que, traditionnellement, la distribution s'est organisée pour une large part sur une base nationale par le biais d'opérateurs nationaux ou régionaux. Néanmoins, les parties estiment que la tendance en faveur des achats transfrontaliers à la suite de l'entrée en vigueur de la directive "gaz" ne saurait être ignorée. Toujours selon les parties, les tentatives pour augmenter les prix à l'issue de l'opération de concentration dans l'un ou l'autre État membre seraient mises en échec non seulement par la concurrence au niveau national, mais aussi par l'accroissement des achats transfrontaliers par les entreprises de transport en gros, les compagnies locales de distribution, les producteurs d'électricité et les gros consommateurs industriels.

(135) Étant donné que la propriété de l'infrastructure est encore organisée sur une base largement nationale et que les conditions d'accès des tiers au réseau continueront à être essentiellement fixées au niveau national, la Commission estime que les marchés resteront principalement nationaux dans un proche avenir.

a) Pays-Bas

(136) Pour les raisons indiquées au point précédent, la Commission convient avec les parties que le marché néerlandais du transport en gros est national.

b) Marché(s) allemand(s) du transport en gros à longue distance

(137) En ce qui concerne l'Allemagne, certains indices donnent à penser qu'à l'heure actuelle, les marchés sont sans doute encore régionaux. Les régions seraient définies par

a) les accords de délimitation, préexistants mais désormais illégaux, comme ceux que Ruhrgas avait conclus avec BEB et Thyssengas, et b) la propriété des gazoducs de transport à haute pression à longue distance. Bien que les accords de délimitation soient illégaux depuis avril 1998, seuls deux accords avec un client allemand extérieur au territoire régional de l'entreprise de transport à longue distance ont été conclus, tous deux par Ruhrgas, pour des livraisons annuelles de [...]* millions de m3 chacun et moyennant la construction d'un nouveau gazoduc. [...]* Les anciennes délimitations régionales sont toujours en usage par crainte de représailles

(138) Les documents internes de [...]*, [...]* et [...]* confirment que les anciennes délimitations régionales jouent toujours un rôle eu égard à la crainte de représailles.

(139) [...]*

(140) [...]* (11)

(141) [...]*

(142) [...]*

(143) [...]*

(144) [...]* (12)

(145) [...]*

(146) [...]*

Définition des régions

(147) Les régions comprendraient ainsi: la région "Thyssengas" (partie occidentale de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie le long de la frontière avec la Belgique et les Pays-Bas), la région "BEB" (Hambourg, Schleswig-Holstein et certaines parties de Brême et de la Basse-Saxe), la région "VNG" (Mecklembourg-Poméranie-occidentale, Brandebourg, certaines parties de la Saxe et de la Saxe-Anhalt - secteur où Ruhrgas ne dispose pas de son propre réseau de gazoducs) et le territoire "Ruhrgas" (le reste des alte Bündesländer et les parties de la Saxe et de la Saxe- Anhalt desservies par une entreprise de transport en gros à courte distance qui est la propriété commune de Ruhrgas et VNG).

Position de certaines autres entreprises de transport en gros à longue distance

(148) Mobil, qui n'a jamais eu de "région propre" ni de gazoducs à haute pression, a cependant pu atteindre ses clients en concluant avec [...]* des accords d'accès de tiers au réseau.

(149) Wingas est en concurrence, grâce à son propre réseau de gazoducs, dans chacun de ces territoires et la plupart des grossistes opérant à courte distance sont à la portée de son réseau (couloir de 50 km au maximum). Toutefois, on ne peut conclure pour autant que les conditions de concurrence soient identiques dans tout le pays. [...]* que les grossistes opérant respectivement à longue et courte distance différencient leurs prix selon que le client a ou non une autre possibilité d'approvisionnement sous la forme de livraisons par Wingas.

Le régime d'ATR proposé par l'industrie allemande (scénario de la VV Gas) n'aura pas d'incidence sur la détermination géographique des conditions de concurrence

(150) Il résulte de la description de la VV Gas dans la partie consacrée au marché de produits que la Commission ne considère pas que la VV Gas permettra l'importation de gaz en concurrence avec les entreprises en place.

(151) Pour le motif, mentionné dans cette partie, concernant les limitations inhérentes au concept de la VV Gas et au scénario de l'industrie gazière, comme a) la difficulté générale qu'il y a à déterminer la capacité disponible, b) le fait qu'avec une durée minimale d'un an, la pointe d'hiver est toujours prise en compte lors de l'évaluation de la capacité disponible dans un gazoduc, c) les difficultés imputables à la spécification du gaz (pouvoir calorifique, pression, etc.) et d) la portée limitée des services proposés, la Commission estime que la VV Gas ne permet pas de considérer, sous l'angle d'une analyse prospective, que le marché soit national. En outre, la Commission tient compte du fait qu'en cas de litige entre une partie qui demande un ATR et une autre qui le refuse, la procédure devant les autorités compétentes en matière de concurrence et/ou les tribunaux pourraient durer plusieurs années avant qu'un "précédent" ne soit établi.

Conclusion

(152) Sur la base de ce qui précède, la Commission estime que les marchés du transport en gros en Allemagne pourraient encore être régionaux, suivant les anciennes délimitations. Néanmoins, il n'est peut-être pas nécessaire, aux fins de la présente décision, de déterminer la définition géographique du marché du transport en gros à longue distance en Allemagne, étant donné que la concentration déboucherait également sur le renforcement d'une position dominante (collective) si le marché allemand du transport en gros à longue distance avait une dimension nationale.

(153) Les parties ont déclaré dans leur réponse que le marché était national et non régional. Elles ont indiqué que les prix du gaz étaient déterminés par la concurrence du fuel, et non par la localisation régionale. Cependant, ces affirmations sont en contradiction avec les résultats de l'enquête de la Commission sur le marché, qui révèlent que les prix varient aussi selon que le client dispose ou non d'un autre fournisseur (concurrence gaz-gaz). Les parties font en outre valoir qu'une analyse prospective doit tenir compte de la récente suppression des délimitations et de l'accord imminent de l'industrie sur l'accès négocié des tiers. Toutefois, il subsiste trop d'incertitudes pour conclure que cet accord final déboucherait sur un marché national où les conditions de concurrence sont les mêmes.

Position des acteurs sur le marché

a) Le marché néerlandais du transport en gros

1. Relations entre les producteurs de gaz néerlandais et Gasunie

(154) En 1947, Exxon et Shell ont constitué, à parts égales, une entreprise commune, appelée Nederlandse Aardolie Maatschappij ("NAM"), ayant pour objectif de prospecter et de produire des hydrocarbures aux Pays-Bas. Après la découverte par la NAM du grand gisement de gaz de Groningue en 1959, le Gouvernement néerlandais a organisé l'industrie gazière des Pays-Bas en tenant compte de l'importance stratégique du gisement de Groningue pour l'économie néerlandaise. À cette fin, le Gouvernement néerlandais a conclu en 1963 avec Exxon, Shell et la NAM un accord qui confie à la NAM la responsabilité de développer et d'exploiter la concession de Groningue pour le compte du Partenariat de Groningue, dont la NAM détient 60 % des parts et le Gouvernement néerlandais, via EBN, 40 %. En outre, Exxon, Shell et le Gouvernement néerlandais ont créé une entreprise appelée Gasunie, qui a été chargée de la commercialisation du gaz de Groningue. Le Gouvernement néerlandais participe au capital de Gasunieà hauteur de 50 % (10 % directement et 40 % par le biais d'EBN), tandis qu'Exxon et Shell en détiennent chacun 25 %. Enfin, le Gouvernement néerlandais a conclu avec Gasunie un accord de droit privé qui prévoit que Gasunie doit obtenir l'accord du gouvernement pour certaines décisions commerciales.

(155) Depuis 1959, la NAM a obtenu des autorisations de production pour d'autres gisements de gaz néerlandais sur terre et en mer, environ 50 % de sa production actuelle provenant de ces gisements dits de petite taille (par rapport à Groningue). Les parties ont indiqué que la plupart de ces concessions se font également au profit de partenariats dans lesquels EBN détient généralement une participation de 40 à 50 %. Le gaz issu de ces gisements a été vendu à Gasunie. En outre, toutes les découvertes futures de la NAM devront être vendues à Gasunie, car selon [...]* (13). Au total, la NAM représente 75 à 80 % de la production néerlandaise de gaz (compte tenu de la participation d'EBN dans la production de la NAM, cette dernière représente environ 45 % de la production sur la base de la participation nette). En outre, EBN a rigoureusement géré toutes ses participations par le biais de Gasunie. [...]*.

(156) Jusqu'en 1994, les producteurs néerlandais étaient tenus de vendre à Gasunie tout le gaz destiné au marché néerlandais. Ils pouvaient vendre eux-mêmes sur le marché d'exportation, même si les prix étaient et sont toujours contrôlés par le Gouvernement. De surcroît, Gasunie est obligée d'acheter du gaz provenant des petits gisements avant la production et ce aux conditions financières fixées au départ si le producteur a décidé de le lui proposer. [...]*

(157) Il apparaît que, d'une façon générale, le Gouvernement néerlandais n'approuverait pas le prix figurant dans un contrat d'exportation de gaz néerlandais si celui-ci était inférieur au prix "net-back" de Gasunie, appelé "Norm Inkoop Prijs" (NIP ou prix d'achat normatif). De cette manière, le gouvernement veille à garder sa part du "gâteau gazier".

(158) [...]* (14)

(159) La NAM possède deux des trois installations souterraines de stockage des Pays-Bas (gisements gaziers épuisés) qu'elle a loués à 100 % à Gasunie.La troisième installation, exploitée par BP Amoco, est également louée dans sa totalité à Gasunie. Par conséquent, Gasunie est seule à pouvoir proposer des installations souterraines de stockage aux Pays-Bas. S'il existe dans ce pays quelques gisements gaziers épuisés qui pourraient être transformés en installations souterraines de stockage desservant le marché néerlandais, il est peu probable que ces installations soient développées par d'autres en raison des risques que cela comporte. Ces risques concernent le lien entre l'investissement nécessaire et le fait que Gasunie pourrait toujours baisser ses tarifs, rendant ainsi l'investissement peu rentable. Il convient également de noter que [...]*.

2. Structure du Gouvernement d'entreprise de Gasunie

(160) Gasunie appartient à l'État néerlandais, à hauteur de 50 %, et à Exxon et Shell, à raison de 25 % chacune. Les décisions sont prises à la majorité de [...]* des voix. Il n'existe pas d'accord spécifique entre les actionnaires, de sorte qu'Exxon n'exerce aucun contrôle en droit sur Gasunie au sens du règlement sur les concentrations.

(161) Quant au contrôle en fait, les parties font valoir l'absence de communauté d'intérêt entre Exxon et Shell. [...]*. Toutefois, pour les raisons mentionnées ci-après, il n'est pas nécessaire de déterminer si Exxon exerce ou non sur Gasunie un contrôle en fait au sens du règlement sur les concentrations.

3. La position de Gasunie en matière de ventes de gaz sur le marché néerlandais

(162) Totalisant environ [...]* des ventes, Gasunie est l'entreprise de transport dominante aux Pays-Bas. Gasunie reconnaît explicitement sa position dominante dans l'introduction de son nouveau barème tarifaire [...]* (15). En outre, d'après son "Programme des ventes de gaz 1999", Gasunie fournira [...]*.

(163) Gasunie est propriétaire ou détentrice de droits exclusifs vis-à-vis de a) l'ensemble du réseau néerlandais de gazoducs à haute pression (à l'exception d'une canalisation dans le Sud des Pays-Bas pour l'importation du gaz britannique), b) la totalité des installations de traitement et de mélange, c) la capacité totale de stockage (souterraine et de gaz naturel liquéfié).

(164) Il ressort également de plusieurs [documents]* que Gasunie connaît et continuera à connaître une concurrence minime. Ces documents, cités dans les points qui suivent, confirment l'évaluation interne de Gasunie selon laquelle il s'agit d'une entreprise occupant une position dominante.

(165) [...]*

(166) [...]*

(167) [...]*

(168) [...]*

(169) [...]*

4. La position de Mobil sur le marché néerlandais

(170) Mobil est l'un des trois concurrents effectifs. Elle détient, selon les parties, [moins de 5 %] du marché total. Statoil (ou le comité mixte de négociation norvégien qui commercialise tout le gaz norvégien) a une part de marché estimée à 4 % par le biais de son contrat d'approvisionnement avec une importante centrale électrique. EnTrade, société commerciale de la compagnie régionale de distribution néerlandaise Pnem/Mega, est le troisième concurrent, avec une part de marché de 4 % résultant de la vente de gaz britannique à des consommateurs industriels et à un producteur d'électricité à proximité du gazoduc Zebra pour gaz à fort pouvoir calorifique, situé dans le Sud des Pays-Bas, dont elle est partiellement propriétaire. Elle a conclu un accord de transport ATR avec Gasunie pour l'approvisionnement d'un client.

(171) La position de Mobil aux Pays-Bas découle de sa stratégie européenne de vente de gaz [...]*. Cette stratégie européenne sera décrite dans les paragraphes qui suivent. Cette description présente également un intérêt pour l'évaluation de la position de Mobil sur le marché allemand. La stratégie européenne de Mobi l en matière de ventes de gaz

(172) [...]*

(173) [...]*

(174) [...]*

(175) [...]*

(176) [...]*

Mobil aux Pays-Bas

(177) [...]* (16)

(178) [...]*

(179) [...]*

(180) [...]*

b) Le(s) marché(s) allemand(s) du transport en gros à longue distance

Acteurs sur le marché

(181) Dans la partie consacrée à la définition du marché de produits, la Commission est arrivée à la conclusion que le marché du transport en gros à longue distance était un marché de produits distinct où l'entrée de nouveaux concurrents dépend de la bonne volonté des entreprises en place. Elle a en outre conclu que l'entrée de nouveaux venus investissant dans leur propre infrastructure neuve était peu probable.

(182) Les entreprises en place sont celles qui a) achètent du gaz à des producteurs étrangers, b) peuvent le livrer à leurs clients par un réseau de gazoducs à haute pression, c) peuvent fournir l'appoint et d) peuvent offrir d'autres services connexes. Ils se chargent de ces services sur la base de leurs propres investissements ou parce qu'ils ont obtenu, pour certaines parties d'entre eux, un ATR de la part des autres.

(183) Ruhrgas, BEB, VNG, Thyssengas et Wingas sont les principaux acteurs sur le marché. Ils fournissent chacun les services susmentionnés grâce à leur investissements propres.

(184) Exxon est un intervenant actif sur le marché allemand grâce à son entreprise commune, BEB, qu'elle possède de longue date à parts égales avec Shell. Exxon reconnaît exercer, avec Shell, un contrôle en commun sur BEB, au sens du règlement sur les concentrations. Exxon est également active sur le marché en cause par le biais de sa participation de 25 % dans Thyssengas, le reste des parts étant détenu par Shell (25 %) et RWE (50 %). Exxon reconnaît exercer un contrôle en commun avec RWE et Shell sur Thyssengas au sens du règlement sur les concentrations.

(185) Ruhrgas est la principale entreprise allemande de transport à longue distance. Exxon, par le biais de BEB, et Mobil sont toutes deux actionnaires de Ruhrgas. La participation de BEB représente 29,5 %. La majeure partie des droits de vote liés à cette participation (25 %) est directe;le restant (4,5 %) fait partie de ce qu'on appelle le pool Schubert au sein de Ruhrgas. Le pool Schubert représente 15 % des voix dans Ruhrgas. Les membres du pool sont Mobil (participation de 7,4 %), BEB (4,5 %), BPAmoco (0,5 %) et Preussag (2,6 %). Les votes doivent être exprimés en bloc et les règles du pool Schubert stipulent qu'aucun membre ne peut avoir plus de [...]* des droits de vote au sein du pool. Les parties font valoir que ces règles font que les droits de vote actuels de BEB dans le pool Schubert seraient attribués, à l'issue de la concentration, à BPAmoco et Preussag. Il convient de relever que les actionnaires de Schubert se sont engagés à fournir à Ruhrgas [...]* % de leur surcroît de réserves intérieures prouvées. Leur transport est assuré par [...]*.

(186) Ruhrgas est officiellement contrôlée par ce qu'on appelle le pool Bergemann, un groupe d'actionnaires qui détient 59,76 % des voix. Ce dernier réunit les 25 % de participations de BPAmoco ainsi que les voix détenues par un groupe de producteurs allemands de charbon et d'acier (pour qui la production et la distribution d'électricité est en outre une activité très fréquente). La complexité de ces règles doit empêcher que Ruhrgas soit contrôlé par des multinationales du pétrole et du gaz.

(187) [...]* (17)

(188) En outre, conformément à l'accord entre les actionnaires de BEB et Ruhrgas, [...]* % des voix sont nécessaires au cas où serait soulevée une question "capitale pour BEB", ce qui confère à BEB un droit de veto pour toutes les questions qui sont vitales pour elle. Les parties ont signalé que cette clause n'avait jamais été invoquée. [...]*

(189) [...]*. En conséquence, il semble qu'en dépit de l'absence de contrôle en droit, les compagnies pétrolières aient une influence en fait sur Ruhrgas.

(190) Verbundnetz Gas (VNG) est une entreprise de transport en gros à longue distance active dans les nouveaux Länder allemands. Fondée dans les années 1960, elle a été privatisée après la réunification de l'Allemagne. Ses actionnaires actuels sont Ruhrgas (36,8 %), Wintershall (15, 8 %), des collectivités locales (15,8 %) et BEB (10,5 %). En outre, Statoil, Erdöl-Erdgas Gommern, PreussenElektra et Gazprom détiennent chacun 5,2 %. Il en découle que tous les actionnaires de VNG, à l'exception des collectivités locales, sont des producteurs de gaz et/ou des entreprises de transport en gros à longue distance.

(191) Wingas est une entreprise commune dont 65 % appartiennent à Wintershall (filiale de BASF) et 35 % à Gazprom.

(192) [...]*

(193) EWE est de fait une entreprise de transport en gros à courte distance, étant donné qu'elle ne revend pas de gaz d'importation ou de sa propre production à d'autres entreprises qui exploitent un réseau à haute pression (entreprises de transport en gros à longue et courte distance). Toutefois, elle importe directement de Gasunie une part considérable du gaz qu'elle vend, par le biais de son propre gazoduc à haute pression (gaz à faible pouvoir calorifique). Elle est par conséquent considérée comme une entreprise de transport en gros à longue distance. (17) [...]

Position sur le marché

a) Marché local

(194) BEB a déclaré détenir une part de marché de [40-50]* % en Allemagne du Nord (Schleswig-Holstein, Hambourg, Brême et Basse-Saxe). Néanmoins, cette région d'Allemagne du Nord est plus vaste que la région de délimitation de BEB, qui n'englobe que certaines parties de Brême et de la Basse-Saxe. Le restant est constitué par le "territoire de Ruhrgas", Ruhrgas ayant conclu à son tour un accord de délimitation avec Erdgas Münster. Il en découle donc que la part de marché de BEB dans sa région de délimitation est supérieure à [40-50]* %.

(195) [...]*

(196) [...]*

(197) Le document d'orientation de RG d'octobre 1998 indique qu'en raison de la concurrence gaz-gaz, elle ne peut pas maintenir sa part de 100 % dans son secteur. En dépit de l'absence de données précises, le fait que RG représente [plus de 50 %]* environ des livraisons aux entreprises de transport en gros à courte distance présentes dans son secteur est le meilleur indice dont on dispose pour se faire une idée de sa part de marché.

(198) VNG avait même, selon la réponse des parties à une demande fondée sur l'article 11, une part de marché de [90-100]* % en 1997. TG représentait, selon les parties, [70-80]* % en 1997. [...]*

b) Marché allemand

(199) Toutes les données relatives aux ventes dans cette partie portent sur l'année 1997. Les importations totales de gaz en Allemagne représentent 75,6 milliards de m3.

(200) BEB produit la moitié du gaz allemand, soit [...]* milliards de m3. Elle achète aussi [...]* milliards de m3 à Gasunie, à Gazprom, à la DONG (l'entreprise publique danoise de pétrole et de gaz), au GFU (entité norvégienne chargée des ventes de gaz) et à un petit nombre d'autres producteurs allemands. Thyssengas importe [...]* milliards de m3. Mobil importe [...]* milliards de m3 provenant de sa propre production néerlandaise et de Norvège. Mobil est également productrice de gaz allemand (environ [...]* % de la production allemande, soit [...]* milliards de m3). Ruhrgas importe un volume de [...]* milliards de m3 provenant des Pays-Bas, de Norvège, du Danemark et de Russie. Elle achète [...]* milliards de m3 de gaz de production allemande. VNG importe [...]* milliards de m3. Wingas a importé 6,9 milliards de m3. EWE importe, ainsi que cela a été indiqué plus haut, du gaz de Gasunie, pour un volume de [...]* milliards de m3.

(201) D'après ces chiffres relatifs aux importations, les entreprises de transport en gros à longue distance détiennent les parts de marché suivantes: RG: [50-60]* %, BEB: [10-20]* %, VNG: [10-20]* %, Wingas: [0-10]* %, TG: [0-10]* %, Mobil: [0-10]* % et EWE: [0-10]* %.]

La stratégie de Mobil en Allemagne

(202) Dans son document relatif à sa stratégie en Europe, Mobil a décrit sa position en Allemagne de la manière suivante:

[...]*.

(203) [...]*

(204) [...]*

Appréciation sous l'angle de la concurrence

a) Le marché néerlandais du transport en gros

Les parties et Gasunie reconnaissent dans leurs documents internes que Gasunie est et restera en position dominante

(205) Sur la base des documents décrits dans la partie consacrée à la position des parties sur le marché, on peut conclure que Gasunie se trouve en position dominante et le restera (sa part de marché actuelle, qui est de [80-90]* %, devrait se maintenir à ce niveau dans les [...]* années à venir).

La pression concurrentielle des autres concurrents effectifs reste limitée

(206) À part Mobil, il y a deux autres concurrents effectifs, Statoil et Entrade. Statoil a indiqué que sa politique sur les marchés néerlandais (et allemand) de la distribution gazière en gros peut, en résumé, être qualifiée d'approche attentiste. [...]*.

(207) Les "ventes directes" de Statoil à la centrale d'Eems constituent l'unique contrat de vente jamais conclu directement par Statoil, de sorte que, sur la base de ce qui précède, la Commission estime que, globalement, Statoil ne peut pas être considérée comme un concurrent qui restera en activité sur le marché. [...]*.

(208) L'autre concurrent effectif est Entrade. Cette dernière s'est engagée pour [...]*. Le potentiel de vente d'Entrade le long de son gazoduc semble être plus ou moins épuisé. Le potentiel d'accroissement des ventes par le biais d'un ATR avec Gasunie semble limité [...]*.

(209) Mobil a des ventes annuelles de gaz de [...]* sous contrat. Environ [...]* sont d'origine britannique, le reste provenant de la concession de Mobil en Frise du Nord (Anjun). L'un de ces contrats porte sur [...]*. Mobil a déclaré ne plus avoir beaucoup d'appoint non engagé issu de sa propre production.

Concurrence potentielle

(210) [...]*

(211) Les parties font état de la proximité du terminal de GNL de Zeebrugge, qui dispose de capacités de réserve et de raccordements de gazoducs qui permettent l'entrée directe du GNL aux Pays-Bas. Elles indiquent en outre, dans leur réponse, que Sonatrach, la compagnie de gaz algérienne pourrait ainsi pénétrer sur le marché néerlandais. Les parties n'ont pas fourni de renseignements sur la capacité de réserve du terminal de Zeebrugge et les raccordements de gazoducs. Cependant, les nouvelles livraisons de GNL sont beaucoup plus chères (coût de 16-19 ct (HFL)/m3) que les approvisionnements par gazoduc et il n'y a aucun signe d'intégration verticale de Sonatrach dans un autre marché gazier européen. Par conséquent, l'éventuelle entrée de Sonatrach aux Pays-Bas n'est pas jugée très vraisemblable.

(212) Les parties indiquent en outre que le récent accord d'ATR que Gazprom a obtenu de Ruhrgas facilite l'éventuelle entrée de Gazprom sur le marché néerlandais. Si cet accord est susceptible de la faciliter, il ne la rend pas plus probable. [...]*. Dans leur réponse, les parties ont indiqué que l'exemption potentielle de l'accord de ventes parallèles ne portait que sur la vente directe par Gazprom à un client de Gasunie. Or tous les clients, sauf ceux de Statoil, Entrade et Mobil (c'est-à-dire [80-90]* % du marché) sont des clients de Gasunie, de sorte que la protection est considérable.

(213) Dans leur réponse, les parties ont indiqué que de grandes entreprises continentales de transport en gros possédaient du gaz à divers endroits le long de la frontière néerlandaise. Distrigaz, Thyssengas, Wingas, SNAM, Gaz de France, BEB et Ruhrgas disposent toutes d'approvisionnements susceptibles d'être vendus sur le marché néerlandais, et il n'existe aucun accord de ventes parallèles entre Gasunie et ces entreprises pour ce type de ventes sur le marché néerlandais. Il est exact que ces entreprises possèdent du gaz à divers endroits le long de la frontière néerlandaise puisqu'à l'exception de Wingas, elles achètent toutes du gaz à Gasunie. Même si le contrat permettait à ces entreprises de revendre le gaz de Gasunie aux Pays-Bas, ou même si elles avaient accès à du gaz provenant d'autres sources à proximité pour le vendre aux Pays-Bas, il est peu probable qu'elles "attaquent " leur fournisseur compte tenu du risque de représailles par Gasunie [...]*.

(214) Même si l'on ne peut exclure qu'une ou plusieurs des entreprises précitées ou toute autre entreprise pénètrent sur le marché néerlandais, la Commission peut conclure que les perspectives de développement d'une concurrence potentielle sont relativement minimes, car Gasunie elle-même ne s'attend pas, de toute manière, à perdre beaucoup plus de sa part de marché [...]*. Cette appréciation a été faite sur la base de sa structure tarifaire ATR et en toute connaissance des projets de libéralisation du Gouvernement néerlandais.

(215) En ce qui concerne le tarif de Gasunie, la Commission reconnaît que tous les services possibles nécessaires à l'exploitation d'une compagnie de gaz aux Pays-Bas figurent dans ce tarif. Ainsi, l'étendue du tarif contraste avec l'approche plutôt limitée du "transport par gazoduc uniquement" retenue par l'industrie gazière allemande dans la VV Gas. Toutefois, ces tarifs ne renforcent pas la probabilité d'une telle entrée. Le tarif, qui repose sur les frais engagés par le client pour fournir le service lui-même, est ainsi calculé sur la base des coûts qui seraient supportés par Gasunie pour le remplacement de l'infrastructure. Alors que la Commission reconnaît que le tarif répercute les économies d'échelle de Gasunie sur le client, [...]*.

(216) [...]*

(217) [...]*

Mobil est dans une position unique

(218) [...]*

(219) Les parties font valoir que Mobil n'a pas d'atouts uniques pour entrer en concurrence sur le marché néerlandais et que tout nouveau venu peut en faire autant et le dépasser sur ce marché. Les parties indiquent que tout producteur néerlandais disposant de réserves non engagées a plusieurs options de commercialisation: exporter, vendre à un opérateur, à un utilisateur final néerlandais, à une compagnie régionale de distribution ou à Gasunie. Il convient néanmoins de noter que toutes les réserves actuelles sont ou ont été engagées en faveur de Gasunie, à l'exception d'une partie des réserves de Mobil, qui dispose de [...]* milliards de m3 de réserves prouvées aux Pays-Bas, dont [...]* milliards de m3 ne sont pas encore engagés. En outre, Mobil possède encore [...]* milliards de m3 de réserves probables. [...]*, ce qui, à nouveau, fait le caractère "unique" de Mobil.

(220) En outre, il convient de rappeler la stratégie de Mobil, qui souligne que [...]*.

La concentration éliminera Mobil en tant que concurrent

(221) En temps normal, une fusion entre Mobil et Exxon découragerait fortement Mobil de concurrencer Gasunie. Exxon, qui a une participation importante et lucrative dans Gasunie, souffrirait d'une baisse de rendement due à une concurrence des prix entre deux de ses entreprises. Toutefois, en raison des dispositions contractuelles régissant la création de Gasunie, Mobil ne sera pas autorisé à soutenir la concurrence avec Gasunie.

(222) L'accord de 1963 conclu par Exxon avec Shell et le Gouvernement néerlandais prévoit que la totalité du gaz néerlandais d'Exxon soit vendue à Gasunie. Exxon aurait par conséquent besoin de l'approbation de Shell comme du Gouvernement néerlandais avant de concurrencer directement Gasunie. Même en supposant que, pour appuyer sa politique de libéralisation du marché du gaz, le Gouvernement néerlandais accepte que Mobil concurrence Gasunie, Shell n'aurait pas intérêt, du point de vue économique, à donner son accord, car la concurrence des prix provoquerait d'énormes pertes de bénéfices pour Gasunie. [...]*

(223) La concentration aura donc pour effet d'éliminer du marché l'un des deux seuls véritables concurrents "actifs" de Gasunie. La Commission estime donc que l'opération de concentration renforce la position dominante de Gasunie ayant comme conséquence que la concurrence effective serait entravée de manière significative sur le marché néerlandais du transport en gros de gaz.

(224) Dans leur réponse, les parties indiquent que le comportement de Gasunie sur le marché n'a pas changé du fait de la présence de Mobil en tant que concurrent et ne changera pas si Mobil et Exxon fusionnent, étant donné que le prix du gaz est fixé en fonction du prix des combustibles de substitution et que les services sont tarifés de façon comparable à ceux fournis ailleurs en Europe. Une telle argumentation reviendrait à affirmer que la concurrence dans l'industrie gazière est sans importance; or c'est manifestement faux, même si l'on se fonde sur les documents internes de Gasunie lui-même.

Le règlement sur les concentrations s'applique au renforcement d'une position dominante qui n'est pas détenue par les parties à la concentration

(225) Il est à noter que l'article 2, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations précise que les opérations de concentration qui créent ou renforcent une position dominante doivent être déclarées incompatibles avec le Marché commun. Ainsi, l'article 2, paragraphe 3, ne se limite pas, en ces termes, à interdire une opération qui donnera lieu à la création ou au renforcement d'une position dominante d'une ou de plusieurs des parties à la concentration - voir aussi les considérants 1, 5 et 7 dans le préambule du règlement.

(226) La motivation de la Cour de justice dans l'arrêt Potasses et azote (18) et celle du Tribunal de première instance dans l'affaire Gencor (19) confirment indirectement la conclusion ci-dessus. La Commission reconnaît le caractère indirect de la confirmation, étant donné que les deux affaires traitent de positions dominantes oligopolistiques.

(227) Toutefois, au point 171 des motifs de l'arrêt Potasses et azote, la Cour confirme, en des termes généraux, que la position dominante qui est créée ou renforcée ne doit pas forcément être celle des parties à la concentration: "Or, une opération de concentration qui crée ou renforce une position dominante des parties concernées avec une entité tierce à l'opération est susceptible de se révéler incompatible avec le régime de concurrence non faussé voulu par le traité. Dès lors, s'il était admis que seules les opérations de concentration qui créent ou renforcent une position dominante des parties à la concentration sont visées par le règlement, la finalité de celui-ci telle que résultant notamment des considérants précités serait partiellement mise en échec. Ce règlement serait ainsi privé d'une partie non négligeable de son effet utile, sans que cela s'impose au regard de l'économie générale du régime communautaire de contrôle des opérations de concentration."

(228) La Commission considère que la création ou le renforcement d'une position dominante par un tiers n'est pas exclu du champ d'application de l'article 2, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations. En outre, il convient de ne pas oublier que Gasunie est une entreprise commune dans laquelle une des parties à la concentration détient une participation importante.

(229) Dans leur réponse, les parties font valoir l'absence de précédent pour l'application susmentionnée de l'article 2, paragraphe 3. Cette affirmation est juste, mais dénuée de pertinence. En outre, les parties prétendent qu'il n'est pas nécessaire d'appliquer à de tels cas le règlement sur les concentrations, étant donné que les autorités de concurrence européennes et nationales disposent d'autres moyens pour restreindre les abus de position dominante d'un tiers. Cependant, le règlement sur les concentrations prévoit un contrôle structurel, interdisant la création ou le renforcement d'une position dominante, et non un système de contrôle des abus.

b) Le(s) marché(s) du transport en gros à longue distance en Allemagne

Absence de concurrence sur le marché allemand du gaz

(230) Comme l'indique la partie consacrée au marché géographique du produit, il existe deux façons de concevoir l'activité du transport en gros à longue distance en Allemagne. On peut d'une part estimer que les marchés sont encore régionaux, les régions étant définies suivant les "anciennes régions de délimitation". Mais on pourrait également considérer que le marché est national. Après avoir examiné les deux points de vue, la Commission est d'avis que l'opération notifiée renforce les positions dominantes individuelles (marchés régionaux) et/ou collective (marché national).

Les barrières à l'entrée sont très élevées sur le marché allemand du transport en gros à longue distance.

(231) Ainsi que l'indique la partie consacrée au marché de produits en cause, ces barrières sont imputables au caractère non récupérable des importantes dépenses en capital à effectuer par une entreprise pour disposer de sa propre infrastructure de transport en gros à longue distance, aux contrats take-or-pay à long terme entre les producteurs et les entreprises de transport en gros à longue distance, aux clauses de ventes parallèles figurant dans ces contrats, ainsi qu'aux accords à long terme entre les entreprises de transport en gros à longue distance et leurs clients. Ces éléments confèrent à l'industrie une grande stabilité. En Allemagne, cette stabilité était assurée, jusqu'en mai 1998, par des dispositions privées (les accords de délimitation). Il est en outre indiqué dans cette même partie que, sur la base du régime d'ATR proposé par l'industrie allemande (scénario VV Gas), il est peu probable que la position des entreprises de transport en gros à longue distance soit menacée.

Concentration au niveau de l'offre

(232) RG, BEB, TG et VNG représentent [80-90]* % des importations de gaz en Allemagne, de sorte que l'offre est très concentrée; de plus, les documents cités dans la partie consacrée au marché géographique (marchés régionaux) montrent qu'en raison des craintes communes de représailles, les relations entre les quatre entreprises resteront stables. Les liens entre les acteurs du marché découragent davantage encore la concurrence entre Ruhrgas, BEB et Thyssengas

(233) Avant la concentration, les six entreprises de transport en gros à longue distance étaient déjà, sous une forme ou une autre, toutes liées les unes aux autres par des participations. BEB et Thyssengas sont contrôlées conjointement par Exxon et Shell. BEB et Mobil sont actionnaires de Ruhrgas. Ruhrgas, BEB et les deux actionnaires de Wingas (Gazprom et Wintershall) sont toutes actionnaires de VNG. Il en résulte que les liens entre Wingas et les autres entreprises sont moins étroits que ceux entre BEB, Thyssengas et Ruhrgas.

(234) Ruhrgas, BEB et Thyssengas achètent en commun une grande partie de leur gaz d'origine non allemande (RG: [...]* %, BEB: [...]* % et TG: [...]* %), ce qui entraîne une symétrie des coûts au "niveau frontalier". En outre, ces entreprises transportent une large part de leur gaz dans des gazoducs qui sont leur propriété commune (20). Par conséquent, elles sont également au fait de cette partie des coûts.

Transparence du marché

(235) Enfin, le marché est transparent dans la mesure où chacune des entreprises de transport en gros à longue distance saurait immédiatement qu'un de ses clients a changé de fournisseur et serait au courant de l'identité de ce dernier.

Les autres grossistes opérant à longue distance n'ont aucun intérêt à entrer en concurrence

(236) À part Wingas, aucun des acteurs du marché n'aurait intérêt à pénétrer dans la région d'un autre. On ne peut attendre de VNG qu'elle s'y risque, et ce en raison des participations minoritaires de Ruhrgas et de BEB dans VNG, entreprise commune de transport en gros à courte distance fondée par RG et VNG dans certains nouveaux Länder, et du fait que VNG ne possède pas de gazoducs à haute pression ni d'installations de stockage en dehors de son territoire principal dans les nouveaux Länder. En outre, les autres actionnaires ne verraient aucun intérêt à ce que l'entreprise concurrence RG et BEB dans leur secteur (le secteur de TG est trop éloigné) et qu'elle s'expose à des représailles. Les actionnaires préféreraient que l'entreprise leur redistribue dès que possible une partie des dividendes issus de ses activités principales dans les nouveaux Länder.

(237) EWE pourrait dans une certaine mesure accroître sa part d'importations pour ses propres reventes dans la partie "Ems Weser" de son secteur de vente en s'approvisionnant auprès de Gasunie au lieu de BEB. Cependant, les ventes d'EWE en dehors de son secteur de ventes d'"Ems Weser" exposent l'entreprise aux représailles de BEB et RG. Comme elle est beaucoup plus vulnérable face aux représailles de BEB et de RG que BEB et RG ne le sont aux représailles d'EWE, il est peu probable qu'EWE étende ses activités sur le marché du transport en gros à longue distance en achetant du gaz à Gasunie pour ses ventes en dehors de son secteur d'"Ems Weser".

Capacité limitée de Wingas à accroître sa part de marché

(238) En raison de sa position historique de franc-tireur, Wingas ne fait manifestement pas partie de l'oligopole. Elle a été la première et jusqu'ici l'unique entreprise à introduire la concurrence gaz-gaz en Allemagne en construisant son propre réseau - qu'elle est en train d'étendre - de gazoducs à haute pression pour gaz à fort pouvoir calorifique. Elle n'a jamais conclu d'accord de délimitation avec Ruhrgas, BEB ou Thyssengas. Cependant, l'enquête de la Commission fait ressortir un certain nombre d'éléments permettant de conclure que Wingas ne sera pas en mesure d'attaquer davantage l'oligopole.

(239) L'entreprise a annoncé que, sur la base de ses investissements actuels, elle pourrait atteindre une part de marché de 15 %. Selon les parties, elle a sous contrat environ 12 % du marché, de sorte qu'elle est proche de son objectif. Il ressort des documents internes des parties que le marché était en train de se stabiliser et que Wingas était déjà en passe de s'établir. Ainsi, [...]*.

(240) [...]*

(241) [...]*

(242) Cette nouvelle coopération avec RG a conduit cette dernière à prendre une participation de 4 % dans Gazprom et à conclure un nouveau contrat take-or-pay à long terme, en vertu duquel RG s'engage à acheter à Gazprom [...]* % de sa demande allemande de gaz naturel, Gazprom étant prête à en fournir jusqu'à [...]* %. Dans le cadre de cet accord, RG est libérée de ses obligations d'achat si Gazprom/Gazexport vend du gaz en Allemagne en concurrence avec Ruhrgas, [...]* (21). L'un des actionnaires de Wingas - et son principal fournisseur de gaz - (Gazprom) est donc convenu avec le principal concurrent (Ruhrgas) de restreindre la croissance de Wingas. La Commission peut dès lors raisonnablement en déduire que le potentiel futur de Wingas de s'attaquer aux entreprises en place est très limité. Indices de conditions non concurrentielles

(243) Il y a lieu de relever l'importante RCI des entreprises allemandes de transport en gros. [...]*. Seule VNG a jusqu'ici reversé des bénéfices minimaux, ce qui est probablement imputable aux investissements massifs qu'elle a dû réaliser à la suite de la réunification allemande. Toutefois, il semble également que les actionnaires actuels aient intérêt à présenter l'entreprise comme étant de faible valeur, car ils réduisent ainsi le risque que la BVS (qui a succédé à la Treuhandanstalt) intente une action en justice pour obtenir un paiement rétroactif élevé.

(244) En 1996, les prix pour les consommateurs finals en Allemagne étaient, en moyenne pondérée, plus élevés qu'au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Belgique, alors qu'ils étaient légèrement inférieurs à ceux pratiqués en Italie. La France est le marché le plus coûteux (22). Pendant la période comprise entre 1997 et mai 1999, les prix appliqués en Allemagne aux clients commerciaux et aux clients industriels permanents et interruptibles étaient continuellement parmi les plus élevés des six pays susmentionnés. Cette conclusion vaut pour les prix avant et après impôt.

Position dominante individuelle dans l'ancienne région de délimitation

(245) Dans la partie consacrée aux acteurs du marché, il est indiqué que Ruhrgas, BEB, Thyssengas et VNG ont, chacune dans sa région, une part de marché estimée à plus de 50 %. Bien que les anciens accords de délimitation n'aient plus cours, il se peut que les grossistes "traditionnels " opérant à longue distance protègent encore dans une très large mesure leur propre territoire. Tout d'abord, compte tenu des achats communs de gaz importé: étant donné que les entreprises se sont entendues pour déterminer à qui serait attribuée telle ou telle partie du gaz importé en commun, elles ne vont pas "s'attaquer" mutuellement avec leur part du gaz importé dans le territoire des autres. Ensuite, il y a ce qu'on appelle les lettres de ventes parallèles. Grâce à ce procédé, les ventes de l'une des parties dans le territoire d'une autre peuvent être déduites de l'obligation d'achat contractée par la partie "attaquée" vis-à-vis de la partie qui attaque. [...]*. Enfin, il y a la crainte des représailles. Compte tenu de ce qui précède, Ruhrgas, BEB, Thyssengas et VNG sont considérés comme occupant une position dominante dans leur propre région.

Position dominante oligopolistique

(246) On prévoit que la croissance du marché reste constante, atteignant tout au plus 2 à 3 % par an. Alors que les parties ont indiqué que cette croissance pourrait provoquer un déficit d'approvisionnement à partir de [...]*, une telle croissance du marché peut tout au plus être considérée comme modérée.

(247) La demande de gaz est plutôt inélastique par rapport aux prix. De nombreux éléments du dossier indiquent qu'une "guerre des prix" supprimerait les marges de tous les intervenants et que ce fait est connu à la fois des producteurs et des entreprises de transport en gros (voir ci-dessus la section consacrée aux anciennes délimitations régionales jouant toujours un rôle eu égard à la crainte de représailles), qui agissent en conséquence.

(248) À la lumière du caractère non concurrentiel du marché examiné plus haut, de la croissance limitée du marché et de la faible sensibilité de la demande aux fluctuations de prix, la Commission estime qu'avant même l'opération de concentration, il existait déjà une position dominante oligopolistique que se partageaient au moins Ruhrgas, BEB et Thyssengas sur le marché allemand du transport en gros à longue distance.

(249) La meilleure illustration de l'existence d'une position dominante collective vient de BASF, probablement le principal consommateur de gaz naturel en Allemagne, qui a jugé nécessaire d'investir dans son propre réseau de gazoducs pour obtenir du gaz à un prix plus avantageux. Il s'est servi en cela de l'effet de levier de sa demande pour contribuer à créer Wingas.

Résultat de la concentration

Mobil - placé dans une position unique pour être un acteur sur un marché gazier al lemand plus libéralisé

(250) Mobil détient actuellement [0-10]* % du marché, mais ce chiffre sous-estime nettement son potentiel concurrentiel sur le marché allemand. [...]*.

(251) Mobil est dans une situation quelque peu atypique en Allemagne. Elle produit une part considérable du gaz allemand ([...]* %), représentant [...]* % de la consommation allemande de gaz. Elle détient en outre des participations dans Erdgas Münster et Ruhrgas (membre du conseil de surveillance) et fait donc partie de l'establishment gazier allemand. C'est sans doute la raison pour laquelle elle a pu importer du gaz sans disposer de son propre réseau de gazoducs à haute pression et ce grâce à un ATR, notamment avec BEB (son proche partenaire dans la production allemande). [...]*.

(252) [...]*

(253) Le potentiel qu'a Mobil d'instaurer une concurrence accrue sur le marché allemand grâce à la libéralisation disparaîtra complètement.Contrairement à Mobil individuellement, la libéralisation représente pour la nouvelle entité issue de la concentration un risque bien plus important que pour Exxon et Mobil individuellement avant celle-ci.

Renforcement des liens de participation entre Exxon/Shell et Ruhrgas

(254) Avec la concentration, les liens de participation entre Exxon/Mobil et Shell, d'une part, et Ruhrgas, d'autre part, seront renforcés. Se fondant sur la base de la structure officielle du Gouvernement d'entreprise de Ruhrgas ([...]*), les parties font valoir que l'incidence de la nouvelle entité sur Ruhrgas ne s'en trouvera pas renforcée, mais au contraire affaiblie.

(255) [...]*. Tous les intérêts d'Exxon et de Shell dans la production gazière européenne et dans la vente en gros de gaz aux Pays-Bas et en Allemagne sont détenus en commun. Ils ont par conséquent des intérêts économiques parallèles, ce qui, malgré les divergences de vues entre Exxon et Shell au sujet de certains éléments des activités de transport en gros, comme l'illustre le débat sur le rôle futur de Gasunie, devrait constituer une solide base pour une communauté d'intérêts. Il en découle qu'après l'opération de concentration, il ne restera plus qu'à convaincre BP de s'aligner sur les intérêts communs d'Exxon/Shell par rapport à ceux de BP et Mobil avant la fusion. Les possibilités de la nouvelle entité d'accroître son influence de facto sur Ruhrgas s'en trouvent donc multipliées.

(256) En outre, même si l'on fait abstraction de la possibilité qu'a la nouvelle entité d'accroître son influence sur Ruhrgas, un renforcement des liens de participation entre entreprises opérant sur le même marché augmente le risque de recours à leur pouvoir de marché. Afin d'évaluer le niveau de concentration sur ce marché avant la concentration et l'incidence de celle-ci, la Commission a déterminé les indices HHI, qui prennent en considération l'existence de participations croisées chez la plupart des acteurs sur ce marché. Ce calcul reposait sur les travaux de Bresnahan et Salop (23). En partant de l'hypothèse que BEB est identifié à ses propriétaires, Exxon et Shell, l'indice HHI augmenterait de 139 points, passant de 4243 à 4382. Une telle progression à ce niveau de concentration donne la mesure de l'accroissement potentiel du pouvoir de marché.

Contrôle d'Erdgas Münster, concurrent potentiel

(257) À l'issue de l'opération de concentration, BEB et Mobil contrôleraient la structure du Gouvernement d'entreprise d'EGM. Mobil aurait intérêt, avant la concentration, à conserver la possibilité de faire de la seule entreprise de transport en gros à courte distance qui ne dépende pas des services de transport en gros des entreprises opérant à longue distance un concurrent potentiel dans un futur environnement de marché libéralisé. Cette faculté d'être un concurrent potentiel disparaîtrait à l'issue de la concentration du fait de l'instauration d'un contrôle formel sur EGM car, contrairement à Mobil individuellement, la libéralisation représente pour la nouvelle entité issue de la concentration un risque bien plus important que pour Exxon et Mobil individuellement avant celle-ci.

Conclusion

(258) On peut donc en conclure que la concentration renforce

a) la position dominante individuelle de Ruhrgas, de BEB et de Thyssengas au sein de leur région et/ou b) leur position dominante collective sur le marché allemand du transport en gros à longue distance, ce qui a pour effet d'entraver l'exercice d'une concurrence effective sur ces marchés.

(259) Dans leur réponse, les parties indiquent que, étant donné que Mobil ne détient que [0-10 %]* seulement du marché, que [...]* et que la part de marché de BEB et de Thyssengas, les autres entités contrôlées par les parties, ne s'élève qu'à [10-20]* %, l'opération notifiée ne peut entraver, et encore moins entraver fortement, la concurrence, quelle que soit la définition du marché. Les parties font valoir que le règlement sur les concentrations procède à un contrôle sur deux fronts et que ce principe a été accepté par la Commission et confirmé par les juridictions communautaires.

(260) Cependant, ainsi que cela a été indiqué plus haut, les changements sur le marché en cause résultant de la concentration sont imputables non seulement à la position actuelle de Mobil sur le marché du transport en gros à longue distance, mais au potentiel ([...]*) de Mobil et au renforcement des liens de participation entre les entreprises en place comme l'indiquent les calculs de l'indice HHI.

STOCKAGE SOUTERRAIN

Marché de produits en cause

(261) Les installations souterraines de stockage sont essentielles pour fournir l'"appoint", notamment pour la demande de gaz des compagnies locales de distribution. La Commission convient donc avec les parties qu'il s'agit d'un marché de produits distinct.

Marché géographique en cause

(262) Il existe deux types d'installations de stockage: en milieu poreux et en cavité (voir plus haut la partie consacrée au gaz à faible/fort pouvoir calorifique). Le rayon économique pour le stockage en milieu poreux est inférieur à 200 km, tandis que le stockage en cavité limite l'éloignement de l'utilisateur final à 50 km.

(263) Dès lors, il est possible de tracer les contours d'un marché géographique distinct des installations de stockage en milieu poreux dans le Sud de l'Allemagne, à savoir dans une région d'environ 200 km autour de Munich.

Installations souterraines de stockage desservant le Sud de l'Allemagne

(264) Il existe aujourd'hui cinq installations souterraines de stockage en milieu poreux relativement proches de Munich. En outre, compte tenu du rayon de 200 km que permet le stockage en milieu poreux, une autre installation (Eschenfelden) couvre toute la région autour de Munich. Ces installations desservent le Sud de l'Allemagne, qui constitue une partie substantielle du Marché commun.

(265) Le tableau ci-dessous donne un aperçu de ces installations, de leur volume de stockage, de leur débit maximal de soutirage et des différentes parts de propriété.

EMPLACEMENT TABLEAU

(266) [...]* de la capacité ci-dessus.

(267) RG détient un droit de participation bénéficiaire (propriété + location) dans [...]* % du volume de stockage et du potentiel de soutirage journalier. [...]*

(268) Toutefois, les parties détiennent des participations dans [...]* des 16 réservoirs épuisés de Bavière dont on peut raisonnablement supposer qu'ils sont transformables en installations souterraines de stockage desservant la région de Munich. Selon les parties, les quatre réservoirs épuisés dans lesquels elles ne détiennent pas de participations pourraient être transformés en installations de stockage ayant un volume de gaz utile de [...]* millions de m3 environ. Or, selon les détenteurs de la concession et les autres tiers intéressés, le potentiel de ces réservoirs ne serait que de [...]* millions de m3 environ; de plus, certains des gisements en question suscitent des doutes, car ils ne conviendraient pas à un tel usage.

(269) En revanche, les [...]* réservoirs épuisés dans lesquels les parties détiennent des participations auraient, toujours selon les parties, un potentiel de [...]* millions de m3 en volume de gaz utile. De surcroît, les parties détiennent des participations dans les gisements ayant le potentiel maximal en termes de volume de gaz utile.

(270) [...]*

(271) Néanmoins, en raison de la concentration, ces possibilités dans la région de Munich seront évaluées compte tenu de la participation de 36 % que détiennent BEB et Mobil dans Ruhrgas. En conséquence, il est beaucoup plus improbable que a) Exxon/Mobil commence à se faire concurrence dans le secteur et que b) les concurrents de Ruhrgas aient l'occasion de développer le stockage complémentaire.

(272) On peut par conséquent en conclure que les barrières s'opposant à l'entrée des concurrents potentiels sur le marché de la capacité d'appoint dans le Sud de l'Allemagne seront renforcées à la suite de la concentration. C'est la raison pour laquelle la concentration renforce la position dominante de Ruhrgas sur le marché de la capacité d'appoint dans le Sud de l'Allemagne (région de Munich).

EMPLACEMENT TABLEAU

D. HUILES DE BASE, ADDITIFS ET LUBRIFIANTS

INTRODUCTION

(273) L'industrie des lubrifiants comprend trois produits différents ayant un lien vertical entre eux: huiles de base, additifs chimiques et lubrifiants. L'huile de base est mélangée aux additifs chimiques pour produire des lubrifiants.

(274) La Commission estime, après avoir étudié le marché en cause, que la concentration conduira à la création d'une position dominante détenue par Exxon et BP/Mobil sur le marché de l'EEE pour les huiles de base.

DESCRIPTION ET FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ

Les huiles de base sont le produit final du raffinage du pétrole brut

(275) En règle générale, les huiles de base utilisées dans la formulation des lubrifiants sont des huiles minérales produites par les raffineurs de pétrole à partir du résidu de brut restant après séparation des autres grands produits pétroliers. Une petite partie du marché des huiles de base résulte de processus chimiques: il s'agit des esters ou des PAO (polyalphaoléfines).

(276) Les huiles de base ont des capacités de performance différentes en fonction de leur composition chimique et physique qui varie selon le brut utilisé comme charge d'alimentation et les processus de raffinage employés. Elles sont classées sur la base de leurs caractéristiques intrinsèques et leurs qualités font l'objet d'une étroite surveillance grâce aux normes établies par des organismes indépendants (API/ACEA/ATIEL) (24).

Caractéristiques

(277) Chaque huile de base est définie par sa viscosité, son indice de viscosité (VI), sa volatilité et un certain nombre de spécifications subsidiaires.

(278) La viscosité est la mesure de la résistance d'un fluide à l'écoulement. Il faut une huile à faible viscosité dans une situation où la vitesse est élevée, mais la température et la pression sont basses et une huile à haute viscosité en cas de vitesse plus faible, température élevée et haute pression. La viscosité est exprimée en grades, mais afin de faciliter la compréhension, la Commission parlera des huiles de base à faible viscosité (qualifiées d'huiles "neutres légères") et des huiles de base à haute viscosité (huiles "neutres lourdes" et "bright stock").

(279) L'indice de viscosité est l'une des caractéristiques les plus importantes de la quasi-totalité des produits de lubrification. Il permet de mesurer leur fluidité à une température donnée. La viscosité des lubrifiants change avec la température (ils deviennent plus fluides au fur et à mesure que la température augmente). La viscosité change à un taux qui varie en fonction de l'huile de base. Ce taux est mesuré par un "indice de viscosité" et chaque huile de base se voit attribuer un certain indice. Plus l'indice de viscosité d'une huile est élevé, moins elle a tendance à changer de viscosité avec la température, ce qui est crucial pour garantir une lubrification efficace, notamment pour les huiles moteur. Les huiles de base sont classées selon leur indice de viscosité dans les catégories suivantes: (viscosité faible (LVI), moyenne (MVI), élevée (HVI), très élevée (VHVI) et extrêmement élevée (XHVI). Bien qu'il s'agisse là de dénominations commerciales, qui ne sont pas reconnues par Exxon et par Mobil, elles sont largement utilisées dans l'industrie. Le tableau ci-dessous fournit une définition des dénominations qui seront employées dans le présent document:

EMPLACEMENT TABLEAU

(280) La volatilité est un élément important pour les huiles moteur et pour leur taux de consommation. Plus un liquide à base de pétrole est volatil, plus son taux de consommation est élevé. La volatilité est liée à la forme de la courbe de distillation et se mesure en Noack.

(281) Le point d'écoulement est la température la plus basse à laquelle l'huile peut encore couler. Il va de soi que ce facteur est essentiel pour les huiles moteur et les autres lubrifiants utilisés à basse température. Le point d'écoulement est directement lié au type de brut utilisé et au traitement employé.

Classification

(282) Les huiles de base sont classées en fonction de leurs performances, en cinq catégoriesqui vont de l'huile de base classique ayant un indice de viscosité de 80 à 120 et un niveau acceptable d'impuretés (groupe I) aux PAO (groupe IV), qui sont utilisées dans les lubrifiants de synthèse et ont un indice de viscosité élevé, en passant par les huiles ayant un indice de 120 ou plus (groupe III) (25). Le groupe V comprend toutes les autres huiles de base, telles que les huiles naphténiques et les huiles d'ester de très haute qualité.

Charges d'alimentation

(283) Les huiles de base peuvent être classées par type de brut:brut paraffinique, brut naphténique et brut à base mixte. Le brut paraffinique est celui qui est le plus couramment utilisé pour les huiles de base, bien que le brut naphténique ait certaines qualités qui lui sont supérieures dans certaines applications. Toutefois, les parties ayant déclaré qu'elles ne produisaient pas d'huile de base naphténique où que ce soit dans le monde, l'évaluation sera limitée à l'huile de base paraffinique.

(284) La sélection du schiste bitumineux a un impact sur la capacité de production d'une raffinerie d'huile de base. La différence entre un brut adapté à la production d'huile de base et un brut qui ne l'est pas réside dans la concentration des molécules d'huile de base présentes dans ce brut et la facilité avec laquelle elles peuvent en être extraites. L'arabe léger est considéré comme un brut d'excellente qualité pour la production des huiles de base, contrairement aux bruts d'Afrique de l'Ouest, par exemple.

(285) Comme les raffineries d'huiles de base font généralement partie intégrante d'une raffinerie de combustibles et de carburants et partagent un grand nombre d'équipements communs, le schiste bitumineux est également choisi en fonction d'une analyse économique de l'ensemble du schiste utilisé dans la raffinerie où se situe l'usine d'huiles de base. Le brut nécessaire aux raffineries de combustibles et de carburants peut donc déterminer, dans une certaine mesure, le niveau de production des huiles de base (et vice versa).

Additifs

(286) Les additifs sont des substances chimiques qui sont ajoutées aux huiles de base afin de les aider à effectuer un travail de lubrification précis. Les lubrifiants utilisent différents additifs selon les applications en cause et l'huile de base employée.Les additifs peuvent être divisés en deux catégories: les préformulations de détergents et d'inhibiteurs et les améliorants de l'indice de viscosité. Dans la plupart des lubrifiants automobiles, les améliorants doivent être utilisés en combinaison avec des préformulations de détergents et d'inhibiteurs. Il y a aussi lieu de noter que tous les additifs utilisent des huiles de base comme support.

(287) Les préformulations de détergents et d'inhibiteurs servent à mettre en suspension les impuretés de l'huile et les sous-produits de la combustion ainsi qu'à éviter l'oxydation de l'huile et la formation de vernis et de dépôts boueux. Une préformulation comprend généralement quelque 6 additifs différents, dont les plus importants sont les détergents, les dispersants, les additifs anticorrosion et les antioxydants. La combinaison de ces composantes et leurs proportions respectives varient selon l'utilisation finale et la spécification du lubrifiant fini.

(288) Les améliorants de la viscosité, quant à eux, modifient les caractéristiques viscosimétriques des lubrifiants en réduisant leur taux de fluidification par température croissante et leur taux d'épaississement par basse température. Ils améliorent donc la performance à basse et à haute température. Ils peuvent être considérés comme des épaississeurs synthétiques de l'huile, relativement inactifs à basse température, mais réagissant avec la chaleur afin de contrecarrer la tendance naturelle de l'huile de base à se fluidifier à des températures plus élevées. Tous les lubrifiants multigrades pour moteur contiennent des additifs améliorant la viscosité.

(289) Le marché des additifs est extrêmement concentré. Les cinq principaux fournisseurs détiennent plus de 90 % du marché mondial. Lubrizol vient en première position et représente [30-40]* % du marché. L'entreprise commune Infineum (qui regroupe les intérêts d'Exxon et de Shell en matière d'additifs) figure en deuxième place avec [30-40]* % du marché. Ethyl et Oronite (qui sont détenues par Chevron) ont chacune environ [10-20]* % du marché.

Lubrifiants

(290) Les lubrifiants ont diverses utilisations, mais leur fonction principale est de réduire le frottement et l'usure des pièces mobiles.Ils sont employés dans quatre grands domaines: les véhicules à moteur ("lubrifiants automobiles"), certaines applications industrielles ("lubrifiants industriels"), les bateaux ("lubrifiants marins") et les moteurs à réaction ("lubrifiants pour avions"). Les lubrifiants finis sont produits par des fabricants de lubrifiants, qui mélangent des additifs chimiques aux huiles de base pour obtenir les propriétés demandées.

(291) Le secteur automobile représente environ 50 % de la consommation de lubrifiants, tandis que les applications industrielles en consomment 48 % (dont une partie significative (36 %) se compose des huiles de traitement). Les bateaux et les avions constituent le reste. Il sera question des lubrifiants pour moteurs à réaction dans la section F ci-dessous.

Lubrifiants automobiles et industriels

(292) Les lubrifiants automobiles comprennent les huiles moteur des véhicules motorisés (voitures particulières ou véhicules professionnels), les fluides pour transmission automobile, l'huile de frein, l'huile pour engrenages automobiles, etc.

(293) Les lubrifiants industriels comprennent les huiles pour engrenages industriels, les huiles destinés au travail des métaux, les huiles pour turbines, les huiles de transformation, les huiles pour compresseur, les fluides hydrauliques, les huiles de traitement et les extraits aromatiques (notamment utilisés dans la production des pneus). Les huiles industrielles doivent posséder des caractéristiques spécifiques qui leur sont conférées par les additifs.

Conception des lubrifiants

(294) La fabrication d'un lubrifiant fait intervenir quatre catégories d'acteurs: les producteurs d'huile de base, les producteurs d'additifs, les fabricants de lubrifiants et l'organisme chargé de veiller aux normes de qualité (soit un équipementier, comme un constructeur automobile, soit un client final industriel). Les lubrifiants sont conçus en deux étapes entre le client qui définit la spécification de produit, le fabricant de lubrifiants qui choisit les fournisseurs et le producteur d'additifs qui donnera des caractéristiques particulières au lubrifiant.

(295) La première étape se déroule entre le fabricant du lubrifiant et l'équipementier (ou tout autre client final). Ensemble, ils déterminent les performances qui devront être celles du nouveau lubrifiant.

(296) La deuxième étape se situe entre le fabricant du lubrifiant et le producteur d'additifs. Le fournisseur d'additifs doit alors concevoir une préformulation d'additifs susceptible, en combinaison avec l'huile de base choisie, de donner au lubrifiant les propriétés souhaitées. Il peut également faire le nécessaire pour garantir le fonctionnement de ses préformulations d'additifs avec les huiles de base disponibles, souvent sans la coopération du fabricant du lubrifiant ou sans l'en informer.

(297) Le fabricant du lubrifiant fini peut préciser l'huile de base qu'il convient d'utiliser avec la préformulation d'additifs, à moins qu'il ne se fie aux huiles pour lesquelles le fournisseur d'additifs a déjà une préformulation d'additifs. Cette dernière confère au lubrifiant la spécification requise au coût le plus faible possible. Une fois le mélange composé, il doit être testé afin de prouver sa performance, au cours de programmes de test reconnus par l'industrie.

(298) Selon les fournisseurs d'additifs, ces tests sont financés soit par le fabricant du lubrifiant, soit par le producteur d'additifs, selon que c'est l'un ou l'autre qui a lancé le programme de conception du lubrifiant, et en fonction de l'accord commercial entre les deux parties.

(299) Les producteurs d'additifs ont tendance à élaborer aussi des préformulations d'additifs prêtes à l'emploi, aptes à être mélangées à plusieurs huiles de base (26). En pareil cas, l'investissement nécessaire pour que ces préformulations prêtes à l'emploi respectent les spécifications requises est réalisé par le fournisseur d'additifs. Il dépendra de l'existence d'une certaine "couverture", c'est-à-dire d'un éventail d'huiles de base provenant de différents fournisseurs, mais pouvant être utilisées, car l'effet de leur utilisation sur le lubrifiant fini est connu et documenté. S'il n'existe pas de couverture de ce genre, un "programme de tests pour assurer l'interchangeabilité des huiles" sera lancé afin de constituer une base de données sur les effets d'un changement d'huile de base. Selon les fournisseurs d'additifs et les fabricants de lubrifiants, il est nettement plus coûteux d'employer des préformulations prêtes à l'emploi qu'une préformulation spécifiquement conçue pour une huile de base donnée. Une préformulation générique doit en effet être conçue pour fonctionner avec l'huile de base qui se révèle "la plus faible" lors de chaque banc d'essai. Comme chaque huile de base peut avoir un appétit différent, il est possible que l'huile la plus faible ne soit pas la même à chaque test. En d'autres termes, certaines huiles de base devront être surchargées en additifs afin de répondre aux exigences de performance fixées.

Exigences de qualité pour les lubrifiants industriels et marins

(300) Les lubrifiants industriels et marins sont soit approuvés à la suite des tests commerciaux, soit conformes à une "spécification standard" garantissant que le produit a les propriétés requises (par exemple, ISO ou DIN). Bien que le processus de certification des performances reste "interne" (contrairement aux lubrifiants automobiles), la combinaison huile de base/additif est importante. Les clients industriels achètent les produits en fonction de leur réputation en matière de performances, qui doit donc être protégée. Un remplacement de l'huile de base exigerait des tests de validation d'un certain nombre de produits-clés et de paramètres importants de performance. Certains des tests industriels destinés à vérifier si les additifs ne se comporteront pas différemment dans une autre huile de base sont très longs (il existe par exemple un test d'oxydation qui dure 4000 heures), ce qui empêche de changer rapidement l'huile de base. Selon les fournisseurs d'additifs, le processus de certification d'un lubrifiant industriel ou marin prend généralement 6 mois, mais peut aussi durer plus d'un an. Son coût varie entre 25 000 et 50 000 USD par certification.

Définition des normes et systèmes de certification des lubrifiants automobiles

(301) Le système européen d'élaboration des normes applicables aux lubrifiants automobiles accorde un rôle prépondérant aux équipementiers. Cela s'explique par le fait que la demande pour ces produits vient de clients individuels qui n'ont ni les moyens ni l'expérience nécessaire pour s'assurer que le lubrifiant qu'ils achètent convient effectivement à leurs besoins. Actuellement, ce rôle est assuré par l'ACEA, qui défend les intérêts de tous les fabricants européens de voitures et de poids lourds. En décembre 1995, l'ACEA a instauré un nouveau système de classification composé de neuf séquences différentes permettant de définir la qualité de l'huile moteur pour des applications automobiles en service normal. Ce système repose sur un programme d'essais physiques et chimiques et de tests moteur semblables à ceux utilisés aux États-Unis et définis par l'API (l'Institut américain du pétrole). Il comporte deux codes de bonne pratique, l'un élaboré par l'ATC (le Comité technique des fabricants d'additifs pétroliers en Europe) et l'autre par l'ATIEL (l'Association technique de l'industrie européenne des lubrifiants), qui définissent les procédés à employer pour concevoir, tester et documenter les données de performance requises.

(302) Ensemble, l'ATIEL et l'ATC précisent les conditions dans lesquelles les fournisseurs de lubrifiants et d'additifs peuvent modifier les composants de leurs lubrifiants ou de leurs préformulations d'additifs, tout en continuant à utiliser des données résultant de tests antérieurs et à prétendre assurer les mêmes performances. L'ATIEL, qui est un groupe de fournisseurs de lubrifiants (intégré aussi bien au niveau régional que national), a établi une nomenclature des lubrifiants ayant atteint les normes ACEA. Cette association réglemente aussi, dans un code de bonne pratique, les conditions dans lesquelles les fabricants de lubrifiants peuvent changer les composants des lubrifiants qu'ils produisent (principalement en modifiant l'améliorant de viscosité ou l'huile de base) tout en continuant de prétendre satisfaire aux normes de performance pour lesquelles le lubrifiant a été testé. L'ATC, quant à lui, établit un code de bonne pratique régissant les essais qui doivent être réalisés avant qu'un lubrifiant ne puisse prétendre atteindre un certain niveau de performance, ainsi que la manière d'enregistrer et d'effectuer les tests et le partage des résultats.

(303) La certification ACEA/API est accordée pour le mélange d'une huile de base donnée avec une préformulation d'additifs en particulier, après réalisation de plusieurs séries de tests. La certification indiquera explicitement les composants du lubrifiant mélangé; l'huile de base provenant d'un fabricant donné et la préformulation d'additifs indiquée font partie intégrante de la formulation approuvée. Comme la certification ne s'applique qu'à l'huile de base d'un producteur donné et non à celles d'autres producteurs de qualité comparable (27), il faut faire approuver les performances de chaque formulation (c'est-à-dire de chaque combinaison d'huile de base et de préformulations d'additifs) par l'ACEA ou l'API. Si un fabricant de lubrifiants souhaite remplacer un ou plusieurs composants par d'autres composants (l'huile de base ou les additifs), la nouvelle formulation devra être testée selon les règles fixées par l'API ou l'ACEA.

(304) Selon les fournisseurs d'additifs, le processus de certification peut durer d'un mois à plus d'un an, mais en général, il prend six mois. Il coûte entre 50 000 USD et plusieurs millions d'USD par certification, mais le chiffre se situe généralement entre 200 000 et 400 000 USD (il faut une certification distincte pour l'ACEA et pour l'API). L'ampleur exacte de l'investissement (en temps et en argent) dépend de divers facteurs, dont le niveau de performance, les tests précédemment réalisés et le degré de changement souhaité (28). Le remplacement d'un composant sera d'autant plus facile que le nouveau fournisseur (d'huile de base ou d'additifs) aura déjà obtenu une certification pour la nouvelle huile de base ou le nouvel additif. Si cette "couverture" n'existe pas, il faut compter 100 000 USD pour mener à bien un "programme de tests pour assurer l'interchangeabilité des huiles" (pour une simple base de données sur les effets d'un changement d'huile de base), voire 1 000 000 USD (pour un protocole de tests plus complexe concernant des huiles rarement commercialisées), en supposant naturellement que la combinaison huile de base/additifs soit techniquement capable de réaliser la performance désirée.

(305) Si un fabricant de lubrifiants était forcé de remplacer l'huile de base par une huile peu commercialisée, un programme de tests plus étendu et plus approfondi, coûtant entre 500 000 et 1 000 000 USD, serait nécessaire. Une telle procédure prendrait 18 mois, voire davantage.

(306) Tous les équipementiers ont adopté ces spécifications ACEA (ou API) comme étant les normes minimales à respecter pour les lubrifiants. Certains équipementiers, tels que Mercedes-Benz pour les lubrifiants automobiles et Volvo pour les lubrifiants poids lourds, imposent des limites plus strictes, qui requièrent des tests supplémentaires, avec d'autres paramètres de performance, et une homologation qui s'applique à leur équipement en particulier. Obtenir l'homologation d'un équipementier nécessite des tests complémentaires (bancs d'essai et tests sur le terrain) et implique des investissements additionnels, en temps et en argent. Chaque équipementier conserve un certain degré de liberté et de flexibilité dans l'homologation des produits, y compris en ce qui concerne le remplacement de l'huile de base. Les fabricants d'additifs offrent leurs services pour obtenir ces homologations, bien que certains équipementiers exigent que les tests soient réalisés par des organismes indépendants.

(307) Un fabricant de lubrifiants doit stocker les huiles de base utilisées dans des lubrifiants certifiés par l'ACEA/l'API séparément des huiles ne possédant pas ou n'ayant pas besoin d'une telle certification. Afin d'économiser leur capacité de stockage ou d'augmenter leur pouvoir d'achat vis-à-vis du fournisseur d'huiles de base, ils peuvent ne pas opérer de distinction en fonction de leur utilisation. Dans ce cas, ils auront tendance à employer une huile utilisée dans des lubrifiants certifiés par l'API/ l'ACEA pour des applications aussi bien automobiles qu'industrielles.

DÉFINITION DU MARCHÉ

Marchés du produit

Huiles de base

(308) Selon les parties, les huiles de base sont des produits homogènes et ne forment donc qu'un seul marché, quelle que soit leur application ou leur groupe. Néanmoins, comme expliqué ci-dessus, il existe de nombreuses applications possibles pour les lubrifiants et chacune d'entre elles requiert une huile de base différente, avec des caractéristiques spécifiques. On pourrait donc faire valoir qu'il y a autant de marchés de produits en cause qu'il y a de besoins différents. Il semblerait cependant que l'offre se caractérise par une forte substituabilité puisque la même raffinerie peut produire n'importe quelle qualité d'huile de base relevant du groupe I. Il semblerait aussi que les huiles du groupe I et des groupes III/IV n'appartiennent pas au même marché de produits.

Substituabilité du côté de la demande: impossibilité de distinguer entre les applications automobiles et les applications industrielles

(309) La liste ci-dessous énumère les impératifs techniques s'appliquant aux huiles de base en fonction de l'usage que le fabricant de lubrifiants veut en faire:

- lubrifiants pour carter: groupe I (HVI), groupe II (sauf en Europe), groupe III (VHVI et XHVI) et groupe IV (huile de base synthétique) et groupe V;

- huiles pour engrenages et transmission automobiles: groupe I (MVI et HVI) et groupe III/IV;

- lubrifiants industriels et lubrifiants marins: groupe I (LVI, HVI et HVI) et groupe II;

- fabricants d'additifs: groupe I (LVI, HVI) et groupe III (XHVI);

- exportations, cires et huiles de traitement: groupe I: LVI, MVI et HVI;

- huiles blanches: groupe I et III;

- lubrifiants pour moteurs à réaction et certains lubrifiants industriels: groupe IV (huile de base synthétique) et groupe V.

(310) Il ressort de cette liste que la plupart des huiles de base du groupe I peuvent être utilisées dans des applications aussi bien automobiles qu'industrielles, à quelques exceptions près (notamment celles de grades LVI qui sont utilisées pour le traitement du caoutchouc, les machines frigorifiques, la fabrication de graisses, le travail des métaux et les amortisseurs). En outre, il résulte de l'enquête sur le marché qu'il n'existe que quelques différences mineurs de qualité ou de prix entre les huiles de base du groupe I selon qu'elles servent dans des applications industrielles ou automobiles et aucune distinction en ce qui concerne l'offre.

La substitution du côté de l'offre est possible entre les huiles de base du groupe I

Indice de viscosité

(311) En Europe, plus de 90 % des huiles de base relèvent de la catégorie HVI. Du point de vue de leur indice de viscosité, les huiles de base ne sont pas des produits fongibles puisque chaque type de lubrifiant exige un indice de viscosité caractéristique d'un certain niveau de performance. Un concurrent sur le marché des huiles de base a déclaré par exemple que "Les huiles HVI ayant une viscosité de 150, une volatilité faible et un indice de viscosité inférieur à 99 forment, par exemple, un sous-groupe important pour les applications automobiles". Chez l'utilisateur, la séparation physique entre les huiles de base doit être maintenue afin de conserver au produit son statut de produit homologué.

(312) Un raffineur peut cependant obtenir des huiles de base du groupe I ayant des indices de viscosité plus élevés en procédant à une extraction par solvants plus rigoureuse. Cette substituabilité du côté de l'offre diminue le rendement et influence donc la capacité de production de l'usine d'huiles de base. La diminution des consommations intermédiaires peut être considérable et avoir un impact sur la capacité de production des huiles de base (10 % ou plus selon le brut utilisé et l'équipement de la raffinerie). En revanche, même un raffinage plus poussé ne peut permettre d'obtenir les indices de viscosité extrêmement élevés qui sont caractéristiques des huiles de base du groupe III. L'ajout d'additifs dans la formulation du lubrifiant fini peut compenser le faible indice de viscosité d'une huile. La production, en ce qui concerne l'indice de viscosité, dépend également de la configuration de la raffinerie et de la charge d'alimentation.

Viscosité et autres caractéristiques

(313) Les huiles de base du groupe I obtenues par la méthode de séparation classique de l'extraction par solvants peuvent être divisées en deux catégories en fonction de leur viscosité: les huiles de faible viscosité ou huiles légères (N150 par exemple) et les huiles de viscosité élevée ou huiles lourdes (500N et bright stocks par exemple). Les huiles légères sont utilisées de préférence dans les régions où le climat est tempéré et sont conçues en fonction des besoins des moteurs automobiles qui nécessitent des huiles de faible viscosité. Leurs performances sont de qualité supérieure et leurs propriétés permettent un meilleur contrôle des émissions et une meilleure consommation de carburant. En dehors de l'EEE et de l'Amérique du Nord, la demande se concentre principalement sur les huiles à viscosité plus élevée en raison de la chaleur du climat. Exxon, Shell, BP/Mobil, Total et Elf, par exemple, exportent beaucoup vers leurs filiales en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Dans une certaine mesure, il existe aussi une différence dans la demande d'huile de base entre le Nord (huiles plus légères) et le Sud de l'Europe (huiles plus lourdes).

(314) Les parties font valoir que la proportion relative d'huiles légères et d'huiles lourdes peut considérablement varier, selon la qualité du brut, la capacité de distillation, les exigences de la demande et les limitations du matériel. Bien qu'il y ait un certain degré de substituabilité du côté de l'offre dans le secteur de la production, l'enquête sur le marché a montré qu'elle reste limitée du fait que chaque charge d'alimentation ne peut fournir qu'une certaine quantité d'huile légère.

Les huiles de base du groupe I ne peuvent se substituer aux huiles des groupes III et IV

(315) Il existe des différences de prix significatives entre les différents groupes d'huiles de base.Celles du groupe III par exemple coûtent deux à quatre fois plus cher que celles du groupe I, c'est-à-dire que les huiles ayant un indice de viscosité élevé. En outre, les huiles de base des groupes I et III peuvent être produites avec la même installation de raffinage (bien qu'il faille prévoir un réservoir distinct pour les huiles du groupe III afin d'éviter qu'elles ne se mélangent à celles du groupe I), mais ne sont pas fabriquées à partir de la même charge d'alimentation. Les huiles du groupe I sont produites à partir de brut ou de fractions de brut (brut réduit, gazole sous vide, résidu) tandis que les huiles du groupe III sont produites à partir du fond de colonne de certains hydrocraqueurs (résidu d'hydrocraqueur) dans les raffineries de combustibles et de carburants. Les polyalphaoléfines (PAO) du groupe IV sont le résultat d'un processus chimique.

(316) Les huiles de base appartenant aux groupes III et IV sont utilisées pour créer des lubrifiants à forte valeur ajoutée.Parfois, elles sont également mélangées à des huiles de base ayant un indice de viscosité plus faible afin d'obtenir un lubrifiant fini ayant des propriétés supérieures (un lubrifiant fini peut ainsi être obtenu à partir d'une huile à indice élevé mélangée à une huile de base synthétique, bien qu'il soit plus onéreux de fabriquer un tel équivalent du groupe III par mélange que d'acheter une huile du groupe III sur le marché). De même, les raffineurs peuvent changer la qualité du brut ou procéder à un raffinage plus poussé afin de modifier la qualité de l'huile de base qu'ils produisent pour un groupe spécifique (sans atteindre pour autant les propriétés d'un groupe supérieur). Il est aussi possible d'ajouter une plus grande quantité d'additifs à l'huile de base afin de l'améliorer.

(317) En Europe, plus de 95 % des huiles de base relèvent du groupe I, tandis que le groupe III représente moins de 5 %. L'enquête sur le marché a révélé que le groupe III va vraisemblablement croître de 8,5 % par an au cours des quelques années à venir, tandis que le groupe I chutera de 0,5 % par an. La baisse de la demande pour le groupe I est due à l'évolution de la technologie du moteur, aux exigences plus strictes des équipementiers en ce qui concerne la consommation de carburant, les performances et l'intervalle entre les vidanges d'huile ainsi qu'à la législation plus stricte en matière d'émissions.

(318) La conclusion qui découle de ces remarques est que les groupes III et IV peuvent être considérés comme appartenant à des marchés de produit différents de celui du groupe I. Économiquement, la tendance est à la maximisation de l'utilisation des huiles du groupe I et au respect des exigences concernant les lubrifiants par l'emploi d'un mélange d'huiles de base et d'additifs fondé sur des considérations de coût. L'utilisation d'huiles du groupe III ou IV dans une formule de lubrifiants finis est décidée lorsque leurs propriétés spécifiques (autre que leur simple indice de viscosité) compensent le coût plus élevé qu'implique l'obtention de la performance requise. [...]*, il est inutile de préciser davantage les contours respectifs des marchés des groupes III et IV en tant que marchés de produits distincts (le groupe II n'est pas utilisé actuellement dans l'EEE).

Additifs

(319) Dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire "Infineum JV", la Commission a estimé que les améliorateurs de viscosité, les préformulations de détergents et d'inhibiteurs pour applications automobiles et celles pour applications industrielles constituaient des marchés différents (29). Les parties, quant à elles, ne voient qu'un seul marché en cause, celui des préformulations de détergents et d'inhibiteurs pour lubrifiants automobiles. En ce qui concerne les préformulations de détergents et d'inhibiteurs pour les moteurs et les transmissions, les résultats de l'enquête suggèrent que, du point de vue de la demande, ces produits ne constituent probablement pas un seul marché, mais qu'il pourrait y avoir différents marchés en fonction de l'application. Cependant, comme Mobil représente moins de [...]* % de la production d'additifs, il n'est pas non plus nécessaire de délimiter plus avant le marché des produits en ce qui concerne les préformulations de détergents et d'inhibiteurs pour les moteurs et les transmissions.

Lubrifiants

(320) L'opération notifiée ne posant de problème de concurrence sur aucun des éventuels marchés de lubrifiants (sauf les lubrifiants pour avions), la définition des marchés de produits en cause peut être laissée en suspens.

Marchés géographiques en cause

Huiles de base

(321) Les parties estiment que le marché des huiles de base a au moins la taille de l'EEE, et plus probablement du monde entier.Elles fondent leur argumentation sur les considérations suivantes: Premièrement, ce sont les mêmes types d'huiles de base qui sont vendus et utilisés dans le monde entier. Deuxièmement, les huiles de base peuvent être expédiées à peu de frais sur de longues distances et il existe déjà un commerce significatif originaire de l'EEE. Troisièmement, il y a un lien entre les prix des huiles de base et les marges brutes. Or aucun de ces arguments ne résiste à un examen approfondi: le marché en cause est le marché de l'EEE.

(322) L'étude du prix des huiles de base et des marges brutes en différentes régions du monde révèle que l'EEE forme un marché géographique distinct.

(323) Les prix FOB ont toujours été différents dans l'EEE, aux États-Unis et en Asie, les prix IABP d'Exxon à Singapour et aux États-Unis étant en moyenne supérieurs de [...]* % (pour du SN 150 à Singapour), voire de [...]* % (pour du SN 600 aux États-Unis), à ses prix dans l'EEE. Cette différence s'accroît si l'on tient compte du coût du transport. Les parties expliquent que le transport depuis la Sicile jusqu'au Moyen-Orient coûte environ [...]* USD par tonne. Si l'on considère ce chiffre comme une estimation des frais de transport entre l'Asie et l'EEE et si le coût du transport dans l'EEE se monte à [...]* % des prix au débarquement, les prix d'Exxon à Singapour restent plus élevés que ses prix EEE. Seuls les prix de 1998 et de 1999 à Singapour sont d'un niveau qui rendraient les importations dans l'EEE rentables, à condition que les prix de l'EEE soient augmentés de [...]* %. Néanmoins, ces prix s'expliquent par la crise en Asie du Sud-Est et il est donc peu vraisemblable qu'ils conservent longtemps de tels niveaux. [...]* (30).

(324) Il convient également de tenir compte d'un autre élément important, c'est que les prix à l'exportation depuis l'EEE ont toujours été globalement inférieurs aux prix pratiqués dans l'EEE. Les parties ont estimé que cette différence atteignait en moyenne [...]* USD par tonne. Ce chiffre est inférieur de [...]* % aux prix actuels de l'EEE. Il équivaut approximativement aux frais de transport et montre qu'aucun arbitrage n'est possible entre l'EEE et les autres régions du monde, sauf dans des circonstances exceptionnelles comme la crise asiatique. Ceci est d'ailleurs illustré par le fait qu'il n'y a presque pas d'échanges.

(325) L'Europe a toujours été le producteur d'huile de base ayant la plus grande capacité de production excédentaire et donc le producteur de bouclage. Autrefois, elle exportait beaucoup vers l'Asie, l'Afrique, l'Extrême-Orient et l'Amérique latine parce que ces pays avaient besoin d'huiles lourdes.

(326) Divers projets concernant de nouvelles capacités de production ont été annoncés, parfois réalisés, dans ces pays qui étaient auparavant des importateurs nets d'huiles de base européennes (principalement pour le groupe II et III, grâce à des projets d'Exxon, Mobil ou Shell). L'excédent de production de l'EEE se compose essentiellement de grades lourds, pour lesquels la demande est limitée dans l'EEE, mais suffisante à l'extérieur. Les grades lourds (par exemple les SN 600) sont donc vendus à bas prix sur le marché du disponible à l'exportation. En revanche, l'excédent de production pour les grades légers (par exemple les SN 150) est vendu dans l'EEE. Les exportations concernent principalement des grades lourds; d'après les chiffres fournis par les neuf principaux concurrents d'Exxon et de BP/Mobil, elles se composent pour 24,3 % de grades légers, pour 12,63 % de grades moyens et pour 63 % de grades lourds. Les grades plus lourds sont également utilisés comme huiles de traitement.

(327) Les documents émanant d'Exxon contiennent les explications suivantes: [...]* (31) (32) (33) (34) (35) (36) (37).

(328) Si les prix EEE augmentaient, par exemple de 5 %, par rapport aux prix de Singapour, les importations vers l'EEE ne pourraient toujours pas concurrencer aisément la production dans l'EEE. Vu que les formulations de lubrifiant sont liées par les règles de l'ACEA et de l'API en matière d'interchangeabilité des huiles de base, il faudrait réaliser d'importants investissements pour faire certifier ces huiles de base rarement commercialisées. L'enquête sur le marché révèle qu'aucune des grandes entreprises productrices d'additifs n'a investi dans des programmes de certification pour des huiles de base importées provenant d'entreprises autres qu'Exxon, Mobil ou Shell. En outre, même si les problèmes liés au remplacement d'une huile de base étaient résolus (ce qui serait coûteux et prendrait au moins 18 mois), cela n'aurait d'effet que pour la certification ACEA et non pour l'API. Et il faudrait encore ajouter les coûts de transport et de manutention.

(329) Pour finir, il y a lieu de noter que, contrairement aux affirmations des parties, il n'existe pas vraiment en Europe, pour les huiles de base, de marché du disponible ayant la moindre liquidité significative. Les négociants interrogés ont tous répondu qu'ils n'avaient pas importé d'huiles de base dans l'EEE ces dernières années. Ils ne jouent qu'un petit rôle d'intermédiaires dans le secteur de l'exportation. Tous les concurrents des parties à la concentration sauf un (Repsol: 24 kt), ont déclaré qu'ils ne recouraient pas à des négociants pour les exportations ou les importations avec des pays hors EEE.

(330) Il résulte des considérations ci-dessus que la production et la vente d'huiles de base appartenant au groupe I dans l'EEE constituent l'un des marchés en cause, notamment en raison du profil de consommation actuel spécifiquement européen et des exigences européennes en matière de qualité.

Additifs

(331) Les parties ont fait valoir que le marché géographique en cause était au moins équivalent à l'EEE. La question de savoir si le marché en cause serait celui de l'EEE ou un marché plus grand ne modifie en rien l'appréciation de cette opération du point de vue de la concurrence et peut donc rester en suspens.

Lubrifiants

(332) La question de l'ampleur géographique de tous les marchés de lubrifiants possibles (à l'exception des lubrifiants pour turbines à base d'ester, dont il sera question plus loin) peut rester en suspens, puisqu'il ressort des définitions de marché ci-dessus que la concentration ne créera ni ne renforcera une position dominante entravant la concurrence de manière significative.

APPRÉCIATION SOUS L'ANGLE DE LA CONCURRENCE

Huiles de base

Structure actuelle du marché

Positions sur le marché pour les huiles de base; une concurrence à deux niveaux

(333) Les producteurs d'huiles de base peuvent être divisés en quatre groupes:

i) les compagnies suprarégionales: ce sont les compagnies pétrolières intégrées qui ont des raffineries d'huiles de base dans le monde entier, qui sont fortement présentes dans l'EEE et dont la production dépasse les besoins, à savoir Shell, Exxon, BP/Mobil;

ii) les sociétés régionales qui ont une offre nationale d'huiles de base et dont la production, pour certaines d'entre elles, dépasse leurs besoins internes: Cepsa, Repsol, Agip, Fortum, Elf, Total, KPI, Petrogal et DEA;

iii) les producteurs d'huiles de base peu commercialisées comme Iplom, MOH et SRS. Ces huiles, qui sont probablement de qualité inférieure, sont essentiellement destinées à l'exportation, aux lubrifiants industriels à grand volume et aux huiles de traitement. Les quatre principaux fournisseurs d'additifs ont déclaré ne pas avoir demandé de certification pour ces huiles de base;

iv) les producteurs d'huiles de base non conventionnelles comme Nynas (huiles naphténiques pour lubrifiants industriels spécialisés) ou Fortum (précédemment appelée Neste) qui produisent des PAO.

(334) Exxon distribue ses huiles de base dans l'EEE à partir de trois usines situées à Fawley au Royaume-Uni, Port Jérôme en France et Augusta en Italie. BP/Mobil possède cinq usines, implantées en France, à Gravenchon et Dunkerque (ELF a une participation de 40 % dans cette dernière), au Royaume-Uni (Coryton), en Allemagne (Neuhof) et en Espagne où la société gère, en commun avec Cepsa, l'usine d'huiles de base d'Algésiras. Shell a 4 installations, aux Pays-Bas (Pernis), en France (Petit-Couronne), en Allemagne (Hambourg) et au Royaume-Uni (Stanlow). Exxon, BP/Mobil et Shell contrôlent douze des vingt-quatre raffineries d'huiles de base en Europe, dont huit parmi les dix plus grandes. Afin de calculer le volume du marché EEE pour les huiles de base du groupe I et la part de marché des parties, la Commission a tenu compte des éléments suivants. Les parts de marché ont été calculées selon trois méthodes: premièrement, sur la base des capacités nominales pour 1996 telles que proposées par les parties; deuxièmement, sur celle des chiffres fournis par les parties; et troisièmement, sur la base de la production d'huiles du groupe I.

Capacité nominale et production effective

(335) Tous les chiffres sont fondés sur les données relatives à l'année 1998 fournies par Exxon, Mobil et leurs concurrents dans le secteur des huiles de base (les tiers) pour leurs usines respectives. Lorsque les tiers n'ont pas fourni les chiffres demandés (comme dans le cas de MOH, de SRS et, dans une moindre mesure, d'AGIP), la Commission a utilisé les données fournies par les parties dans le formulaire CO. Certains tiers ayant demandé que les données relatives à la capacité effective, à la production et aux ventes soient considérées comme confidentielles, le tableau ne contient que des éventails de pourcentages. Le tableau de production et de capacité de production pour l'huile de base qui figure ci-dessous établit une comparaison entre la capacité et la production effectives et la capacité nominale d'Enerfinance pour 1996, telle qu'indiquée par les parties.

EMPLACEMENT TABLEAU

(336) Les huiles de traitement sont considérées comme des huiles de base. Les composés aromatiques, les paraffines, les huiles blanches et les graisses ne sont pas inclus dans les ventes d'huiles de base, étant donné qu'ils sont des sous-produits ou nécessitent un raffinage complémentaire. Les huiles blanches, les paraffines et les cires sont très dépendantes de la production de matières premières et les avantages concurrentiels et les économies d'échelle débouchent sur des parts de marché considérables. Ces produits n'en restent pas moins le résultat d'un raffinage supplémentaire des huiles de base, à moins qu'ils ne soient un sous-produit de la production des huiles de base. L'appréciation de la position concurrentielle des parties est donc liée à celle des huiles de base.

Parts de marché fondées sur les ventes aux tiers

(337) Les ventes sur le marché libre ont été définies comme des ventes réalisées avec des tiers, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'EEE, y compris les ventes sur le marché du disponible. Les ventes aux filiales sont considérées comme des ventes captives. Les ventes aux clients hors EEE ont été maintenues dans le calcul afin de refléter la position adoptée par les parties, qui affirment que les exportations pourraient être réorientées afin de satisfaire la demande dans l'EEE. Les ventes aux fabricants d'additifs sont considérées comme des ventes sur le marché libre (sauf dans le cas des additifs AGIP et des ventes réalisées par Shell et Exxon à leurs secteurs "additifs" avant la création de l'entreprise commune).

EMPLACEMENT TABLEAU

(338) La capacité d'Exxon de vendre sur le marché libre, grâce à des investissements réalisés dans les années 1950 et 1960 dans ses capacités de production d'huiles de base, est extrêmement importante: [...]* % de sa production est à la disposition de ce marché, contre [...]* % pour BP/Mobil.

(339) Les calculs fondés sur les chiffres des ventes pour 1998 indiquent qu'Exxon possède une part significative du marché libre ([30-40]* %), suivie de BP/Mobil avec [10-20]* %. Shell est en troisième position, avec une part proche de celle de BP/Mobil (il faut toutefois préciser que presque la moitié des volumes que Shell met à la disposition du marché libre est vendue en tant qu'huiles de traitement).Total et Agip ont des parts de marché inférieures à 8 %. Les concurrents de plus petite taille comme DEA, Cepsa, Repsol, KPI, SRS, Petrogal et MOH détiennent entre 3 % et 5 % du marché libre. Elf, pour sa part, doit être considéré comme un acquéreur net sur le marché.

(340) Pour finir, il faut souligner que les parts de marché indiquées ci-dessus n'ont pas significativement varié au cours des dernières années.

(341) Globalement et quelle que soit la méthode choisie, il s'avère qu'Exxon est clairement le premier producteur d'huiles de base sur le marché, autant du point de vue de sa production absolue qu'en termes de production mise à la disposition des tiers. Les principaux concurrents d'Exxon sont BP/ Mobil et Shell, mais ils vendent une plus petite partie de leur production aux tiers.

Obstacles à l'entrée et à la sortie

(342) Selon les parties, il est peu probable que de nouvelles capacités apparaissent dans l'EEE en raison de la surcapacité actuelle et de la faiblesse des prix;si cela devait néanmoins se produire, il est vraisemblable qu'il s'agirait de capacités de production relatives aux huiles du groupe III pour lesquelles la demande devrait augmenter à l'avenir. Les parties ont estimé que la construction d'une nouvelle usine (groupe II/III) nécessiterait [...]* millions d'USD pour une capacité de [...]* kt par an. Les tiers ont confirmé cette estimation en déclarant que la construction d'une nouvelle installation prendrait deux à trois ans à 3 ans et requerrait un investissement de 400 millions d'USD pour une usine ayant une capacité de 400 kt par an.

(343) Il est possible de convertir des capacités de production relatives au groupe I pour produire des huiles du groupe III; une telle opération demande un investissement de [...]* USD, contre [...]* pour une construction entièrement nouvelle. [...]* (38).

(344) La fermeture d'une raffinerie entraîne des coûts significatifs, notamment en raison de la nécessité de remettre le site en état. Trois raffineries d'huiles de base ont néanmoins fermé au cours des deux dernières années: Llandarcy (BP/Mobil UK: d'une capacité nominale de [...]* kt/an), Addinol (170 kt/ an dans l'ex-Allemagne de l'est), et l'une des deux usines DEA d'huiles de base en Allemagne. Ces raffineries produisaient des huiles de grade lourd et ont donc subi de plein fouet la chute des prix à l'exportation depuis 1997. Bien que le coût d'une fermeture soit considérable, les raffineurs prennent cette décision lorsqu'il devient aussi onéreux de maintenir l'usine en exploitation que de la fermer. Il serait question de fermer d'autres usines d'huiles de base prochainement en raison de leur faible productivité.

Le rôle privilégié des compagnies Exxon, BP/Mobil et Shell et les quelques contraintes imposées par les petits producteurs d'huiles de base

Interchangeabilité des huiles de base pour toutes les raffineries et contraintes limitées en matière de certification

(345) La certification API/ACEA est accordée pour le lubrifiant fini composé d'un mélange d'huile de base et d'additif ayant passé avec succès les tests requis. Elle indique précisément le producteur de l'huile de base (la certification concernant l'huile de base est octroyée pour toutes les usines) et la préformulation d'additifs utilisée. Si l'origine des composants change, il faut obtenir une nouvelle certification (un échange de 10 % à l'intérieur du groupe I est toutefois autorisé sans nouveau test). Il en résulte que les fournisseurs suprarégionaux d'huiles de base (qui ont procédé à des investissements (39) afin de garantir l'interchangeabilité de leurs huiles de base pour leurs usines de production) ne doivent obtenir la certification de leur huile de base avec une préformulation donnée qu'une seule et unique fois. Comme ils ont plusieurs unités de production et un grand nombre d'unités de stockage couvrant plusieurs zones, ils sont mieux placés pour approvisionner diverses usines de mélange. Les producteurs régionaux d'huiles de base, qui n'ont pas cette couverture géographique, doivent soit assumer des coûts de transport plus élevés entre leur raffinerie et l'usine de leur clients, soit acheter l'huile de base sur le marché proche de leur client (les fabricants de lubrifiants) afin d'éviter ces frais de transport, mais dans ce cas, ils devront faire certifier chaque huile de base achetée sur le marché.

(346) Les concurrents d'Exxon et de Mobil (tant dans le secteur des huiles de base que dans celui du mélange de lubrifiants) ont fait remarquer qu'il était essentiel, pour les usines de mélange, d'être certaines de bénéficier d'un approvisionnement ininterrompu d'huiles de base de qualité constante car leurs stocks sont limités. Il est donc onéreux, même pour le plus grand des producteurs nationaux intégrés d'huiles de base disposant d'une capacité suffisante pour vendre sur le marché libre, de livrer régulièrement des volumes relativement faibles provenant d'une seule usine d'huiles de base à un réseau suprarégional d'usines de mélange.

Avantages dérivant des économies d'échelle en usine

(347) Les parties ont reconnu que les économies d'échelle jouaient un certain rôle dans la production des huiles de base du groupe I. Exxon, BP/Mobil et Shell contrôlent [...]* des 24 raffineries d'huiles de base en Europe, dont [...]* parmi les dix plus grandes. Ces entreprises en tirent certains avantages de coûts par rapport à leurs concurrents plus petits parce qu'elles peuvent mieux répartir leurs frais généraux sur l'ensemble de la production. Seules Agip en Italie et Total en France ont des usines de dimension comparable et pourraient réaliser des économies d'échelle similaires. Comme Mobil l'a indiqué dans ses plans d'entreprise (40), [...]*. Shell est considérée par les parties comme étant efficace et rentable grâce à son approche intégrée (carburants/combustibles et lubrifiants) et à la rentabilité de ses cires, graisses et huiles blanches.

(348) Le tableau suivant classe les usines d'huiles de base en fonction de leur dimension:

EMPLACEMENT TABLEAU

(349) Une raffinerie de grande dimension présente d'autres avantages puisque a) elle peut optimiser les entrées de brut, et b) un excédent de capacité de production est créé, ce qui est important si l'on veut optimiser le processus de fabrication grâce à une flexibilité accrue, essentielle pour produire plusieurs catégories d'huiles de base.

Avantages dérivés des économies logistiques

(350) Ainsi que cela a été indiqué précédemment, Exxon, BP/Mobil et Shell possèdent un grand nombre de raffineries dans l'EEE. Ce déploiement à l'échelle européenne est renforcé par des capacités de stockage disposées à des endroits stratégiques en Europe.

(351) Leur situation contraste avec celle des producteurs nationaux plus petits, qui n'ont qu'une raffinerie à partir de laquelle il n'est pas aussi facile et aussi économique d'approvisionner des clients potentiels situés loin du lieu de production.Tel est manifestement le cas pour les raffineries enclavées telles que SRS et DEA, qui peuvent seulement desservir des clients locaux, par camion et par train. Non seulement ces moyens de transport limitent la distance maximale pour laquelle il est économiquement viable de transporter le produit, mais ils imposent des frais de transport supplémentaires. Les concurrents ont indiqué que le transport terrestre était limité à un rayon de 500 km par camion et de 1 000 km par train. Les frais de transport ne sont pas comparables en raison du volume limité que peuvent transporter un camion et un train et peut varier entre 6 % et 10 % du prix de vente.

(352) Même les raffineries situées sur la côte ont des frais de transport plus élevés que la moyenne. Les parties ont estimé le coût moyen du transport dans l'EEE à [...]* % du prix au débarquement. Elles ont également expliqué que ce chiffre comprend une proportion de frais variables qui peut aller de [...]* % (du Royaume-Uni aux Pays-Bas) à [...]* % (d'Italie aux Pays-Bas). En supposant que les coûts fixes restent constants pour ces deux voyages, cela signifie que le transport entre l'Italie et les Pays- Bas coûte [...]* % de plus qu'entre le Royaume-Uni et les Pays-Bas (41). En d'autres termes, si le coût du transport du Royaume-Uni aux Pays-Bas représente [...]* % du prix au débarquement, il serait de [...]* % si les produits arrivaient d'Italie. La couverture géographique d'une raffinerie, son implantation sur la côte ou ses connexions avec des usines de mélange sont donc déterminantes pour sa compétitivité et sa capacité concurrentielle sur le marché libre de l'EEE, par opposition au marché local ou au marché de l'exportation hors EEE.

La dynamique du marché de l'huile de base consolide les avantages d'Exxon, de BP/Mobil et de Shell

Ils fixent les normes applicables à l'élaboration des futurs lubrifiants

(353) En raison de la nécessité de faire certifier les mélanges d'huiles de base et d'additifs, la dimension constitue un avantage concurrentiel qui se renforce lui-même sur le marché des huiles de base. Selon les informations obtenues sur le marché, les préformulations d'additifs pour les nouvelles formulations de lubrifiants sont traditionnellement développées en premier lieu pour les huiles de base d'Exxon, de BP/Mobil et de Shell. Les principaux fournisseurs européens d'additifs automobiles formulent des préformulations d'additifs pour les huiles de base sélectionnées par le fabricant de lubrifiant. En général, les fabricants de lubrifiants indépendants choisissent des huiles de base d'Exxon, de BP/Mobil ou de Shell, tandis que les compagnies pétrolières nationales intégrées ayant un secteur "mélange" peuvent utiliser leur propre huile de base. Les producteurs d'additifs investiront de manière indépendante dans l'obtention de certifications supplémentaires, mais uniquement pour les huiles de base les plus vendues (essentiellement Exxon, Shell et BP/Mobil), étant donné que l'investissement supplémentaire qu'implique cette nouvelle certification sera compensé par une hausse des ventes. Les huiles de base autres que celles d'Exxon, de BP/Mobil et de Shell sont généralement certifiées au cas par cas pour répondre à la demande d'un client, à condition que cela paraisse techniquement possible et commercialement viable.

(354) Les fournisseurs d'additifs ont déclaré qu'en moyenne, plus de la moitié de leurs ventes d'additifs était constituée de préformulations "prêtes à l'emploi". La Commission a demandé aux quatre principaux fournisseurs d'additifs d'indiquer les huiles de base pour lesquelles ils ont élaboré des préformulations de détergents et d'inhibiteurs prêtes à l'emploi et déjà dûment certifiées, que ce soit à des fins industrielles ou automobiles. En moyenne, plus de 70 % des préformulations disponibles sont formulées sur la base des huiles d'Exxon, de BP/Mobil et de Shell. À part ces entreprises, seuls Total et Elf (et dans une moindre mesure AGIP et KPI) ont des certifications avec plusieurs fournisseurs d'additifs. Ces trois entreprises sont donc les fournisseurs de référence en matière d'huiles de base et il n'existe que peu d'autres fournisseurs plus petits qui soient compatibles.Les fournisseurs d'additifs ont confirmé qu'ils avaient tendance à ne proposer et élaborer de formulations pour applications automobiles qu'avec les huiles de base des trois grandes compagnies pétrolières, étant donné qu'ils peuvent en escompter davantage de ventes, ces huiles de base étant aisément disponibles sur un marché suprarégional, à qualité constante et dans les quantités nécessaires.

(355) Les produits finis composés à partir d'huile de base de marque Exxon, BP/Mobil et Shell peuvent être plus rapidement adaptés aux nouvelles normes puisque l'interchangeabilité des huiles de base garantit la possibilité d'acquérir le produit à proximité de l'usine de mélange sans certification supplémentaire.Si un fabricant de lubrifiants suprarégional décidait d'acheter des huiles de base à différents producteurs locaux, il aurait besoin d'un grand nombre de tests et de certifications avant d'obtenir une certification pour le lubrifiant fini. Cela les rend moins attrayants pour les fournisseurs d'additifs.

(356) Selon les tiers (fabricants de lubrifiants et producteurs d'huiles de base), cet avantage inhérent aux huiles produites par Exxon, Shell et BP/Mobil revêt une importance cruciale dans une industrie qui s'est trouvée confrontée, ces dernières années, à un raccourcissement de la durée de vie des lubrifiants. Aujourd'hui, elle est de trois à cinq ans pour les lubrifiants automobiles. En outre, les exigences des équipementiers en matière de qualification deviennent plus sévères. Les fabricants de lubrifiants doivent donc constamment élaborer de nouvelles formulations. Comme ils ont moins de temps pour développer de nouveaux produits et amortir leurs coûts, les fabricants de lubrifiants font souvent appel aux trois grands producteurs d'huiles de base, avec lesquels les fabricants d'additifs élaborent systématiquement des préformulations adaptées. Les fournisseurs d'additifs expliquent qu'ils commencent par élaborer les nouvelles formulations avec les huiles de base d'Exxon, de BP/ Mobil ou de Shell puisque seules ces huiles permettent de réaliser suffisamment de ventes pour rentabiliser les investissements réalisés. Les équipementiers, coopérant parfois avec les compagnies pétrolières, tracent les grandes lignes des prochaines générations de lubrifiants. Selon les fabricants de lubrifiants concurrents, les équipementiers discutent souvent de leurs besoins avec Exxon ou BP/ Mobil et, dans une moindre mesure, avec Shell (selon le principe des achats groupés), du fait qu'ils sont les seuls opérateurs mondiaux présents à tous les niveaux de la chaîne d'approvisionnement. [...]* (42). Les concurrents ont indiqué que leur capacité déjà limitée de concurrencer Exxon, BP/ Mobil et Shell serait encore réduite du fait de l'actuelle diminution de la durée de vie des lubrifiants.

(357) Le secteur du mélange des lubrifiants industriels connaît la même tendance puisque les fabricants essayent de minimiser le stockage et la diversité des huiles de base/additifs. Les fabricants de lubrifiants qui se targuent d'offrir des produits de haute qualité ne stockent en effet pas les huiles de base provenant de différents fournisseurs dans le même réservoir (même si ce sont des huiles ayant des spécifications similaires). En raison de leurs capacités limitées de stockage, ils ont donc tendance à employer des huiles "universelles", qui peuvent être utilisées pour des applications automobiles aussi bien qu'industrielles.

Le marché des huiles de base est très exigeant en matière de qualité

(358) La logistique des usines de mélange contribue aussi à augmenter le coût lié au remplacement d'une huile de base du fait que les usines sont normalement optimisées pour minimiser le nombre de réservoirs nécessaires aux huiles de base et aux additifs (certaines d'entre elles, parmi les plus grandes, peuvent stocker plus de 30 grades d'huiles de base). On utilise donc souvent une huile "universelle". Ce type d'huile est fixé de manière invariable dans certaines spécifications, pour un large éventail de produits. Cela signifie que l'huile de base utilisée pour les produits hauts de gamme l'est aussi pour les produits bas de gamme. Changer la formulation d'un produit haut de gamme entraîne toute une série de coûts liés à sa formulation du fait qu'on a choisi une huile de base haut de gamme. L'autre solution consiste à acheter de nouvelles capacités de stockage et à conserver des stocks plus importants, ce qui peut être coûteux, ou à se spécialiser dans la production de lubrifiants uniquement automobiles ou uniquement industriels (bien que les parties aient déclaré qu'il ne s'agit là que d'une tendance récente et croissante, elles ont aussi allégué qu'il n'existe pas de marchés des huiles de base différents selon l'application, automobile ou industrielle, du lubrifiant). Le fait que l'huile de base et les préformulations d'additifs sont rendues invariables par la certification affecte également la relation entre le fabricant d'additifs et le fabricant de lubrifiants, puisque ce dernier achète généralement toute une série d'additifs à son fournisseur. Si le fabricant de lubrifiants modifie la formulation de son lubrifiant en changeant de fournisseur pour les huiles de base, le fournisseur d'additifs devra approuver un nouveau programme de développement (commun). S'ils ne peuvent s'entendre, la compagnie pétrolière devra chercher d'autres fournisseurs de combinaisons "additifs - huile de base" déjà certifiées, diminuant ainsi son pouvoir d'achat vis-à-vis du producteur d'additifs.

(359) La quasi-totalité des produits automobiles de marque sont certifiées conformément à des spécifications industrielles standard (API, ACEA), après réalisation de tests sévères et documentés. Le respect de ces normes minimales de performance est un minimum qui ne fait que permettre l'utilisation du produit pour l'application concernée. Ensuite, c'est à l'utilisateur final (équipementier) ou au consommateur réseau de faire son choix parmi les produits approuvés. Les grandes compagnies pétrolières sont en contact permanent avec les équipementiers et contribuent à l'élaboration de leur stratégie, ce qui peut orienter leur développement technique en fonction des besoins spécifiques de certains clients. Lorsqu'un équipementier modifie ses spécifications, il empêche toute vente de lubrifiant, quelle que soit sa marque, jusqu'à ce que les nouvelles spécifications puissent être respectées. Les concurrents suprarégionaux (Exxon, Shell, BP/Mobil) adoptent de plus en plus souvent une seule gamme de produits pour toute l'Europe (tant pour les lubrifiants automobiles que pour les lubrifiants d'entretien).

(360) Un fabricant de lubrifiants ne peut pas se permettre de voir sa compétitivité menacée parce que le lancement d'une nouvelle formulation de produit risque d'être retardé en raison du temps qu'il faut pour obtenir une documentation de test extensive au sujet d'une huile de base peu commercialisée. Lorsqu'un fournisseur d'additifs peut choisir lui-même une nouvelle formulation, il optera généralement pour une huile de base Exxon, BP/Mobil ou Shell. Les règles concernant l'interchangeabilité des huiles de base et la nécessité d'obtenir une certification pour les lubrifiants finis limitent la fréquence du changement de fournisseurs d'huiles de base après formulation d'un lubrifiant. [...]* (43).

(361) Les indications des parties concernant le degré de changement de fournisseurs montrent que les producteurs nationaux d'huile de base se concurrencent mutuellement pour avoir accès aux fabricants de lubrifiants locaux (automobiles et industriels), aux fabricants de lubrifiants industriels spécialisés et aux fournisseurs d'additifs [...]* (44) et qu'il leur arrive d'obtenir un marché pour une huile de première monte ou pour un des principaux fabricants de lubrifiants sur leur marché domestique. Exxon et, dans une moindre mesure, BP/Mobil sont spécialisées dans les contrats à terme avec les fabricants de lubrifiants suprarégionaux et les premières montes des équipementiers.

(362) Exxon et BP/Mobil ont perdu quelques-uns de leurs clients, de petits fabricants de lubrifiants qui sont passés à la concurrence, comme Total, Elf, KPI ou Shell. Parfois, ce changement s'est opéré pour des raisons de qualité, parfois en raison du prix, mais dans tous les cas, le concurrent retenu avait une usine située à proximité du client. Cela ne signifie cependant pas qu'Exxon et BP/Mobil n'exercent pas une concurrence par les prix; dans plusieurs cas, le client perdu a été récupéré l'année suivante.

(363) Bien qu'Exxon et BP/Mobil comptent [...]*, elles sont souvent perdantes lorsqu'elles sont en concurrence avec les huiles de Petrogal, Repsol, Cepsa, KPI, Total, Elf, voire certaines huiles de base en petites quantités provenant d'Europe de l'Est. Il convient cependant de noter que, ainsi que l'indiquent les parties, les "producteurs d'additifs peuvent utiliser des huiles de base de qualité relativement faible" et achètent parfois ces volumes en plus de leur contrat à terme avec Exxon, Shell ou BP/Mobil sur le marché du disponible. Étant donné que les fournisseurs d'additifs ne sont pas très stricts en matière de certification ou de qualité, les concurrents de moindre puissance se font âprement concurrence sur les prix (même si cela implique des frais de transport supplémentaires) pour capturer cette demande.

(364) La demande suprarégionale (Texaco, Fina, Castrol, Fiat lubrificanti, Fuchs, etc.) est de plus en plus absorbée par Exxon, BP/Mobil et, dans une moindre mesure, par Shell, au fur et à mesure de la conclusion de contrats paneuropéens. De temps en temps, c'est un concurrent national producteur d'huiles de base, situé à proximité de l'usine de mélange (Agip en Italie, Repsol en Espagne), qui remporte un marché, mais en général, ce sont ces producteurs qui perdent des clients. La qualité, la sécurité de l'approvisionnement et l'absence de contraintes en matière de certification sont cruciales pour ces fabricants de lubrifiants, [...]* (45).

(365) En tout état de cause, il ressort [...]* qu'Exxon fait office de producteur de bouclage du fait qu'il approvisionne aussi bien les producteurs nationaux d'huiles de base (Elf, Total, Agip, KPI, MOH) que BP/Mobil et Shell lorsque ces deux producteurs connaissent une pénurie de produits, doivent procéder à l'entretien de la raffinerie ou ont besoin de certains grades particuliers. Lorsque le marché redevient favorable à l'acheteur ou que la capacité de production retrouve son niveau normal, ces clients recourent de nouveau à leur production interne.

Conséquence : les petits raffineurs d'huiles de base se consacrent aux ventes locales et aux exportations

(366) Les compagnies pétrolières régionales intégrées ayant des activités de mélange (les champions locaux) peuvent, en fonction de leur puissance relative, remporter des contrats de mélange sur certains marchés régionaux (par exemple, une première monte d'équipementier pour des voitures produites dans le pays d'origine du producteur d'huiles de base, mais pas dans d'autres pays), elles sont présentes sur le marché des lubrifiants industriels, pour lesquels les exigences dépendent davantage de leur performance générale que de leur formulation, et sont en position de force en ce qui concerne les ventes de lubrifiants finis.

(367) Les petits fabricants de lubrifiants indépendants se font également souvent une place dans les créneaux spécialisés. Ils seront essentiellement actifs dans le secteur des spécialisations industrielles où les facteurs concurrentiels ne sont pas étroitement liés à de fortes positions (intégrées) dans la production d'huiles de base et où la répartition géographique et les économies d'échelle sont moins déterminantes. Les petits fabricants de lubrifiants locaux qui se sont spécialisés dans les lubrifiants industriels sont souvent extrêmement sensibles aux prix et changent rapidement de fournisseur d'huiles de base pour acquérir davantage de poids. L'assistance technique au client, la souplesse et le savoir-faire relatif aux applications spécialisées sont les principaux atouts concurrentiels et les petits raffineurs locaux excellent souvent dans ce domaine. Ces fabricants de lubrifiants locaux n'ont généralement pas de fournisseurs suprarégionaux; ils préfèrent lancer des programmes de développement communs avec des fournisseurs d'additifs locaux, en ayant une source garantie d'huile de base à proximité de leur usine de mélange. En outre, l'importance de l'huile de base est moindre pour ces lubrifiants spécialisés. Par exemple, un fluide spécialisé destiné au travail sur métaux sera vendu trois fois plus cher qu'une huile hydraulique industrielle. Or les huiles de base composant ce fluide pour travail sur métaux représenteront 5 % du coût de revient total, comparé à 35 % pour les additifs.

(368) Cependant, la combinaison huile de base/additif est importante, même pour les lubrifiants industriels et les lubrifiants marins, et ce bien que la certification des performances puisse se faire de manière interne. Les équipementiers ont de plus en plus conscience des effets potentiels de chaque huile de base. Un remplacement de l'huile de base exigerait des tests de validation d'un certain nombre de produits-clés et de paramètres importants de performance.

(369) Outre l'interchangeabilité d'une huile de base et la certification du lubrifiant fini, ce sont l'implantation régionale et les homologations des équipementiers qui sont cruciales.Cette réalité est d'ailleurs parfaitement illustrée par le cas d'un raffineur d'huiles de base qui profite de l'interchangeabilité de huiles entre les usines, mais qui a indiqué que celle-ci ne lui garantit pas davantage de ventes. Cette société a confirmé qu'elle a très peu de ventes pour les applications automobiles et ne possède que quelques certifications huile de base/additifs. Elle estime ne pas être suffisamment présente au niveau régional et ne pas pouvoir réaliser les économies d'échelle nécessaires pour concurrencer Exxon, BP/ Mobil et Shell au niveau paneuropéen. Elle ajoute qu'elle perd de plus en plus de ventes automobiles nationales au profit d'Exxon et de BP/Mobil en raison des exigences croissantes des équipementiers et de l'évolution de la demande vers une demande paneuropéenne. Pour 1999, seuls les contrats de fourniture pour applications industrielles ont été renouvelés. L'entreprise en question indique également que, même avec une certification pour tous les fournisseurs d'additifs importants, elle ne pourrait pas gagner de contrats de fourniture paneuropéens en raison de son implantation (le coût du transport dans l'EEE est de 10 % à 12 %, manutention comprise). Seuls 9 % de sa production sont destinés au marché paneuropéen et exclusivement utilisés pour les lubrifiants industriels.

(370) La dynamique du marché décrite ci-dessus n'a guère laissé d'autre choix aux petits fabricants d'huiles de base que d'augmenter leurs ventes sur les marchés à l'exportation. Il ressort de l'enquête sur le marché réalisée par la Commission qu'ils vendent entre 20 et 40 % de leur production actuelle sur le marché du disponible à l'exportation. Comme indiqué précédemment, une forte proportion de ces volumes est composée de grades lourds pour lesquels la demande est insuffisante dans l'EEE. Le plus souvent, ces ventes sont réalisées sur le marché du disponible et à des prix sensiblement plus faibles que sur le marché de l'EEE (de 20 à 30 % de moins que les prix actuels). [...]*

(371) [...]* (46) (47) (48).

Contraintes concurrentielles exercées sur Exxon, BP/Mobil et Shell par les opérateurs de petite taille: possibilités limitées d'augmenter leurs ventes sur le marché de l'EEE

(372) Ainsi que cela a été expliqué plus haut, la capacité des opérateurs nationaux de concurrencer les fournisseurs suprarégionaux d'huiles de base est limitée par le fait que leurs coûts de transport sont plus élevés et leur éventail de certifications moins large.Il ne leur reste donc plus qu'à approvisionner les fabricants de lubrifiants locaux, qui fabriquent essentiellement des lubrifiants industriels, ou à exporter leur production. Les parties ont fait valoir que le marché des huiles de base de l'EEE connaissait une forte surcapacité qui limite toute possibilité de manipulation des prix ou de la production.Au cours de l'enquête de la Commission sur le marché, les concurrents ont émis des doutes sur l'effet de la prétendue surcapacité structurelle en tant que moyen de contrôler l'éventuel comportement d'Exxon/Mobil. En fait, il n'y a pas surcapacité sur le marché, mais plutôt un excédent de production qui ne peut être vendu sur le marché de l'EEE. Les raisons en sont les suivantes.

La surcapacité citée par les parties est incorrecte

(373) Les parties ont défini la surcapacité comme étant la différence entre la capacité nominale et la production réelle.Or la capacité nominale se révèle être un indicateur peu fiable de la capacité de production d'une raffinerie d'huile de base. Au lieu de parler de surcapacité, il semble plus approprié de se pencher sur l'excédent de production (c'est-à-dire la différence entre la production actuelle dans l'EEE et la consommation actuelle dans l'EEE).

(374) Les parties ont commencé par mettre à jour leurs données concernant les capacités nominales en admettant que celles mentionnées sur le formulaire CO étaient nettement plus élevées que la capacité de production réelle. En se fondant uniquement sur les capacités de production qui ont été fermées, les parties ont révisé leur estimation initiale évoquant une "surcapacité de plus de 30 %" à moins de 24 %, bien qu'il existe différentes appréciations de la surcapacité (49). Ces chiffres restent sujets à caution. Par exemple, les parties avaient effectivement révisé à la baisse un grand nombre des estimations publiquement disponibles sur la capacité nominale de leurs propres usines, mais non celles concernant leurs concurrents. En outre, ces chiffres sont fondés sur la capacité et ne font pas la distinction avec la production. Les concurrents comme NYNAS ne produisent que des huiles de base naphténiques (groupe V) pour des applications industrielles spécifiques qui ne peuvent pas concurrencer les huiles de base paraffiniques utilisées dans les lubrifiants automobiles ou les lubrifiants industriels généraux (à l'exception de certaines applications spécifiques telles que les encres d'imprimerie ou le caoutchouc) en raison de la différence de prix et des caractéristiques techniques. Il en va de même pour les raffineries produisant des huiles de base du groupe III ou IV.

(375) Il existe plusieurs raisons pour lesquelles la capacité nominale est une surestimation de la vraie capacité des raffineries d'huiles de base. C'est dû, par exemple, aux goulets d'étranglement qui se produisent dans le processus de fabrication et aux fermetures de raffineries pour entretien, qui diminuent la capacité de production effective. Un concurrent important, fabricant d'huile de base, a expliqué qu'en raison de l'âge avancé de bon nombre d'usines d'huiles de base de l'Union européenne, la capacité de production moyenne réelle tendait à être inférieure à la capacité nominale. Ces raffineries ne bénéficient plus de la suppression des goulots d'étranglement [...]* (50).

(376) Les parties ont abondamment cité une étude de l'industrie européenne du raffinage réalisée par Roland Berger. L'une des conclusions de cette étude était que les raffineries ont naturellement tendance, en raison de leurs coûts fixes très élevés, à toujours produire au maximum de leur capacité disponible. Effectivement, les concurrents d'Exxon et de BP/Mobil ont indiqué à la Commission que leurs usines fonctionnaient au maximum de leur capacité (sauf les raffineurs produisant des huiles de base autres que celles relevant du groupe I) et qu'il ne serait pas économiquement viable d'en réduire l'utilisation. Cepsa signale aussi que même avec de fortes exportations hors EEE (donc à des prix inférieurs à ceux pratiqués dans l'EEE), l'usine fonctionne à 100 %. Selon cette entreprise, il ne serait pas économiquement viable de réduire le taux d'utilisation de la capacité de production.

(377) Le taux général de surproduction, calculé comme équivalant à la part des exportations parmi les ventes sur le marché libre, est de 26 %. Cependant, environ [...]* de cette surproduction est aux mains des parties à l'opération. L'excédent de production détenu par des tiers s'élève à approximativement [...]* % des ventes réalisées par les parties à l'opération sur le marché libre de l'EEE. Comme expliqué ci-dessous, il est toutefois peu probable qu'une partie quelconque de cette surproduction puisse satisfaire la demande de l'EEE.

Il ne serait ni facile ni rapide d'augmenter la production d'huile de base destinée au marché de l'EEE en réglant différemment les raffineries

(378) Les parties ont fait valoir que la production d'huiles de base dans l'EEE pourrait être augmentée de 5 à 10 %, sans le moindre coût supplémentaire, en améliorant les entrées de brut et le réglage de la raffinerie. Toutefois, l'enquête sur le marché effectuée par la Commission a révélé que la plupart des raffineries de l'EEE fonctionnent déjà avec les bruts les plus adaptés à la production d'huiles de base. De même serait-il irrationnel de croire que les raffineurs n'ont pas déjà optimisé leur production en réglant correctement leurs raffineries. Quelques-uns des principaux concurrents d'Exxon et de BP/ Mobil ont indiqué qu'ils avaient très peu de marge en ce qui concerne les grades légers.

(379) Par ailleurs, on pourrait faire valoir que certains raffineurs préfèrent procéder à une raffinage plus poussé des huiles de base afin de produire des carburants et combustibles et qu'ils pourrait cesser ce processus à tout moment et donc augmenter leur production d'huiles de base. Or les parties ont expliqué que, depuis une dizaine d'années, le raffinage plus poussé des huiles de base pour en faire des combustibles/carburants n'avait plus aucune logique économique.

(380) Un raffineur peut cependant décider d'affecter sa capacité de production d'huiles de base à la production de carburants/combustibles; un petit concurrent fabriquant des huiles de base du groupe III a expliqué qu'il envisageait de passer à la production de carburants s'il se trouve dans l'impossibilité (en raison d'une faible demande) d'accroître sa production d'huiles de base. [...]* (51).

(381) Le choix du brut et des charges d'alimentation influence le volume de la production effective. Il s'avère par exemple que les raffineries de petite taille s'adaptent à la chute des prix à l'exportation en utilisant des schistes bitumineux qui leur permettent de diriger la charge d'alimentation vers une production accrue de carburants/combustibles et donc une production réduite d'huile de base. Kuwait Petroleum International (KPI), un concurrent important dans le secteur des huiles de base, l'exprime de la manière suivante: "Un raffineur maximise toujours les possibilités locales. Après cela, soit il ne produira pas d'huiles de base et utilisera les molécules de la charge d'alimentation pour la production de combustibles/carburants, n'utilisant donc pas sa capacité de raffinage pour l'huile de base, soit il peut décider de produire de l'huile de base et la vendre sur les marchés à l'exportation (non UE)" ou un autre concurrent: Nous emploierons les charges d'alimentation à accroître la production de combustibles et de carburants si le taux d'utilisation des capacités est faible. Il ne serait pas si facile de réorienter vers l'EEE les huiles de base exportées de ce marché.

(382) Les huiles de base exportées hors de l'EEE ne peuvent normalement pas être consommées localement parce qu'elles ne répondent pas aux exigences locales. Bien que les qualités standard (par exemple une huile SN 150) offertes et vendues par tous les raffineurs européens soient identiques sur les marchés à l'exportation et sur le marché de l'EEE, la demande est différente sur les marchés extérieurs.

(383) Autrefois, les grades élevés étaient fortement demandés dans les régions d'exportation, où ils étaient employés pour fabriquer des huiles moteur adaptées aux climats plus chauds et où la consommation industrielle de lubrifiants (pour les industries lourdes sur les marchés émergents) et la consommation d'huiles de traitement (production de pneus) étaient plus élevées. Les grades lourds étaient vendus au prix fort jusqu'à ce que la capacité asiatique commence à concurrencer ces exportations. La consommation de grades légers dans l'EEE a augmenté au fur et à mesure que les exigences en matière de lubrifiants pour moteur devenaient plus strictes tandis que le volume de grades lourds présent sur le marché s'accroissait et que la demande baissait (crise asiatique). Cette différence de qualité est illustrée par les différences significatives de prix signalées sur le marché d'exportation comparé au marché de l'EEE, comme expliqué dans la section ci-dessous.

EMPLACEMENT TABLEAU

(384) Ces deux tableaux montrent l'évolution des prix de deux huiles de base typiques en comparant les prix dans l'EEE et ceux à l'exportation pour la même qualité d'huile. Il est frappant de constater que la différence de prix passe de 11-12 % du prix EEE en août 1998 à 26-29 % en mai 1999. Si les exportations pouvaient être réorientées pour satisfaire la demande de l'EEE, il est vraisemblable que les raffineurs de l'EEE l'auraient déjà fait depuis longtemps, étant donné la différence de prix, déjà ancienne; cette réaction aurait même été encore plus probable au cours de la dernière année en raison de l'augmentation significative de cette différence de prix.

(385) Les prix sur le marché du disponible à l'exportation sont nettement inférieurs aux prix EEE pour une huile de base donnée (p. ex. SN 150) et cela ne peut s'expliquer, si l'on néglige l'effet des contrats à terme et les éventuelles différences de qualité, que par les effets de l'offre et de la demande. Selon les parties, un raffineur décidera d'écouler à bas prix un certain volume de ses produits sur le marché du disponible dès que ses réservoirs commenceront à atteindre leur niveau maximal et acceptera des prix du marché couvrant le coût de production de l'huile de base plutôt que d'avoir des capacités inutilisées. Si le marché est favorable à l'acheteur, ce montant sera peut-être inférieur aux coûts d'exploitation globaux, mais l'opération restera rentable pour le producteur.Il est toutefois important de souligner qu'Exxon, Shell et, dans une moindre mesure, BP/Mobil n'ont que très peu de ventes sur le marché du disponible comparés à leurs concurrents nationaux dans le domaine des huiles de base. Ainsi que cela a été expliqué plus haut, les ventes d'Exxon, de Shell et de BP/Mobil se font principalement à terme, tandis que leurs concurrents vendent plutôt sur le marché du disponible. Même si l'industrie avait la souplesse nécessaire pour réorienter certains volumes destinés aux marchés à l'exportation vers la consommation EEE, il est clair qu'avec le supplément de prix actuel de 28 %, cette souplesse n'existerait pas pour les producteurs qui font l'essentiel de leurs affaires sur le marché du disponible. Comme indiqué précédemment, les raffineries d'huiles de base n'ayant qu'une usine et des certifications limitées sont axées sur les fabricants de lubrifiants locaux ou vendent leur production sur le marché du disponible (que ce soit dans l'EEE ou en dehors). Quoi qu'il en soit, le volume de grades légers exportés hors de l'EEE est limité puisque ces volumes sont vendus sur le marché de l'EEE en raison des prix qui y sont plus élevés et du fait que la demande est plus faible en dehors de l'EEE. Si l'on ventile les volumes d'huiles de base exportés en 1998 par les neufs principaux concurrents d'Exxon - Mobil en fonction de leur viscosité, on parvient à la répartition suivante: huiles neutres légères ([...]* %), neutres moyennes ([...]* %), neutres lourdes ([...]* %). Certains concurrents ont même déclaré que le marché des huiles légères devenait de plus en plus étroit.

(386) Dans une note interne (52), Mobil décrit l'effet de la rationalisation sur les grades légers de la façon suivante: [...]*.

(387) D'après les chiffres fournis par les principaux concurrents des parties (Agip, Cepsa, DEA, Elf, KPI, Repsol, Shell, TotalFina, Petrogal), les volumes d'huiles de base produits en 1998 se répartissent entre les différents grades de viscosité comme suit: huiles neutres légères (45 %), neutres moyennes (8,9 %) et neutres lourdes (46,1 %).

Malgré les prix plus élevés pratiqués dans l'EEE, les producteurs d'huiles de base sont dans l'impossibilité d'augmenter la production de grades légers alors que la demande pour ces grades dans l 'EEE est deux foi s plus importante que pour les grades lourds. Les producteurs d'huiles de base de l'EEE ne peuvent décider d'augmenter leur production de grades légers sans investissements conséquents du fait que les concurrents ont déclaré avoir optimisé leur production d'huiles neutres légères .

(388) Les concurrents ont déclaré que la production d'huiles de base n'était pas tellement flexible. Chaque brut ne contient qu'un potentiel fixe de viscosité donnée. Choisir des bruts autres que ceux actuellement utilisés par les principaux concurrents d'Exxon et de BP/Mobil n'aura qu'un effet très limité (de 3 à 5 %) sur la production d'huiles légères. Changer de brut suppose aussi que le raffineur a une capacité de distillation sous vide suffisante. Si ce n'est pas le cas, il devra procéder à un investissement d'environ 50 millions d'USD (chiffres fondés sur les estimations des concurrents).

(389) Il est possible d'accroître la production de grades légers en convertissant des molécules lourdes de charge d'alimentation en molécules légères, ce qui impliquerait la construction d'un hydrocraqueur (et représenterait un investissement de quelque 100 millions d'USD).

(390) Les parties ont également déclaré qu'il était possible d'employer des charges d'alimentation plus adaptées aux lubrifiants. Les concurrents ont répondu que cette option était très défavorable du point de vue économique puisqu'une charge d'alimentation pour lubrifiants coûte 10 USD/tonne de plus que la charge d'alimentation normale (telle qu'elle est utilisée par une raffinerie de combustibles et de carburants). Si l'on suppose que le rendement de l'huile légère est d'environ 20 % de la charge d'alimentation, cela résulterait en un déficit de presque 50 USD/tonne sur le coût de production de l'huile légère supplémentaire, réduisant les marges brutes d'environ [...]* % (53). Il faudrait encore y ajouter les frais de transport de la charge d'alimentation pour lubrifiants et la perte des recettes réalisées avec les ventes d'huiles lourdes. Plusieurs concurrents ont précisé qu'ils ne pouvaient trouver des charges d'alimentation pour lubrifiants sans devoir affronter des frais de transport qui ne seraient pas viables. La volatilité est le deuxième élément.

(391) Un raffineur a deux possibilités: améliorer la volatilité exprimée en Noack (comme exigé pour les lubrifiants de la présente génération) au prix d'une diminution de la productivité d'au moins 10 % en raison d'un raffinage plus rigoureux ou exporter un produit avec des spécifications moins strictes en matière de volatilité sur un marché à l'exportation moins axé sur la qualité. L'un des principaux concurrents dans le secteur des huiles de base l'exprime de la manière suivante: "Les contraintes imposées au SN150 sur le plan de la volatilité tendent à réduire la capacité de production volumétrique pour ces grades par opposition à la surcapacité."

(392) Il est possible que certains raffineurs choisissent de produire des huiles légères de qualité nettement supérieure à celles d'Exxon et de BP/Mobil et aient donc une production d'huiles légères moins importante. Par ailleurs, les parties ont souligné dans leur formulaire CO que Cepsa, Repsol et Petrogal garantissaient au marché des huiles de base légère ayant une faible volatilité et que cela faisait la force de ces raffineurs. La Commission en conclut que ces producteurs ne décideraient pas de produire des huiles légères à faible volatilité s'il n'existait pas de demande correspondante sur le marché et que la volatilité est un élément important pour apprécier l'éventualité d'une augmentation de la production de grades légers.

(393) Les considérations ci-dessus démontrent que le marché de l'huile de base ne connaît guère de surproduction que pour les huiles lourdes qui ne se font pas concurrence sur le marché européen pour les applications automobiles. Les raffineries fonctionnent au maximum de leurs capacités ou produisent au moins la qualité nécessaire dans la limite des capacités de leurs installations. Une conversion accrue des usines à la production d'huiles du groupe III pourrait déboucher sur la fermeture des installations inefficaces plutôt que sur la création de capacités excédentaires. En outre l'apparition d'une production supplémentaire dans les anciens pays importateurs extérieurs à l'Europe est compensée par la réduction des capacités en Europe. La demande pour les huiles de base du groupe III étant encore marginale, la capacité de production pour les huiles de ce groupe ne sera pas augmentée, ce qu'illustre le fait que l'usine nouvellement créée de Neste ne fonctionne que pour une fraction de sa capacité. Exxon, BP/Mobil et Shell disposent d'importantes capacités qui sont à la disposition du marché libre et, même en supposant que les opérateurs régionaux aient des capacités excédentaires, les règles de certification et leur implantation géographique restreinte limitent leur capacité de concurrence à l'échelle européenne.

(394) Les exportations ont diminué en raison de la crise asiatique et de l'apparition de nouvelles capacités dans les pays autrefois importateurs. Néanmoins, tandis que Shell et BP/Mobil ouvraient des usines à forte capacité en Asie (à Singapour), trois usines d'huile de base implantées dans l'EEE ont été fermées, réduisant la capacité dans l'EEE de plus de 7 %. La surcapacité créée par la baisse des exportations en dehors de l'EEE a donc été compensée par la fermeture de certaines capacités de production dans l'EEE.

Prix du marché, marges et effet de la surcapacité

(395) Selon les informations fournies par les parties, les prix des huiles de base dans l'EEE sont restés plus ou moins stables au cours des dix dernières années. L'évolution des marges brutes comme pourcentage du prix de vente montre qu'il n'y a eu aucune tendance à la baisse pendant cette période. La marge brute calculée par Exxon pour les huiles SN150 et SN600 s'est maintenue entre [...]* et [...]*. Si l'on compare les marges brutes et les coûts entre [...]* et [...]*, il s'avère qu'il existe une étroite corrélation tant entre leurs montants qu'entre leurs variations absolues. En d'autres termes, les prix ont été marginalement influencés par les variations des coûts sur cette période. Or ce n'est pas là une caractéristique typique d'un marché prétendument affecté par une surcapacité importante. Au contraire, sur un marché où l'offre est excessive, on s'attendrait à ce qu'une baisse des coûts soit immédiatement suivie d'une chute des prix. En d'autres termes, bien qu'il y ait surcapacité, elle touche moins Exxon que ses concurrents qui se situent dans la troisième et quatrième déviations quartile coût de financement.

(396) [...]* (54).

(397) [...]* (55).

(398) [...]* (56).

Rôle unique d'Exxon

(399) L'usine d'Exxon située à Augusta (en Sicile) fonctionne essentiellement pour approvisionner ses clients à terme sur les marchés d'exportation. [...]*.

(400) [...]* (57).

Effets de la concentration sur la concurrence sur le marché des huiles de base

La structure du marché après la concentration

(401) Après la concentration, Exxon et BP/Mobil auraient une part de marché cumulée se situant entre [40-50]* % et [40-50]* %, selon qu'elle est calculée sur la base de la capacité nominale ou de l'aptitude des parties à vendre sur le marché libre (cf. le tableau ci-dessus). Leur concurrent le plus proche serait Shell avec une part de marché de l'ordre de 18 % (sur la base de la capacité nominale) et de 10-14 % si l'on se fonde sur les ventes aux tiers. Total et Agip auraient des parts de marché inférieures à 8 %. Tous les autres concurrents se situeraient au-dessous de 5 %.

(402) Les parties ont affirmé que plusieurs producteurs intégrés nationaux d'huiles de base avaient des capacités significatives à la disposition du marché libre. Ils pourraient donc, sur la base de leur forte position concurrentielle, contrecarrer aisément et immédiatement toute tentative des parties d'augmenter les prix après la concentration. Elles ajoutent que la concentration n'entraînerait pas la création ou le renforcement d'une position dominante puisque le marché se caractérise par une surcapacité structurelle considérable, de [...]* % de la capacité nominale. Les parties prétendent également que l'utilisation de la capacité correspondant aux huiles du groupe III augmentera même la disponibilité des capacités de production du groupe I. Elles font aussi valoir que les exportations seraient réorientées vers l'EEE afin de profiter de la hausse des prix.

(403) Comme expliqué dans les sections précédentes, aucune de ces allégations n'a été confirmée par l'enquête sur le marché effectuée par la Commission.

Les parties à l'opération pourraient profitablement augmenter leurs prix ou exercer une pression sur les prix.

(404) Seule Shell serait éventuellement en mesure d'influencer le comportement d'Exxon/Mobil. Or, selon les informations obtenues sur le marché, la stratégie de Shell en matière d'huiles de base est axée sur sa clientèle captive et sa capacité de vendre sur le marché libre est insuffisante pour contrecarrer le pouvoir de marché combiné d'Exxon/Mobil. En outre, Shell et Exxon ont des intérêts communs et contrôlent plusieurs entreprises communes, notamment le fabricant d'additifs Infineum. Shell a indiqué qu'une augmentation des prix de 5 % ne serait pas suffisante pour l'inciter à augmenter sa production d'huiles de base. Sa politique en la matière est de satisfaire ses besoins internes en priorité. La rentabilité du reste de sa production est évaluée du point du vue des activités combinées du raffinage carburants-lubrifiants et dépend fortement de la production des huiles spécialisées (huiles blanches, graisses et cires) et des huiles de traitement. Par conséquent, Shell suivrait le mouvement des prix des huiles de base.

(405) En outre, Exxon pourrait parfaitement rappeler ses concurrents à l'ordre s'ils s'opposaient à ses mouvements des prix. [...]*. La perspective d'une chute des prix sur le marché en raison d'une telle action d'Exxon pourrait dissuader n'importe lequel de ses concurrents d'offrir des prix nettement inférieurs aux siens.

(406) Les concurrents dans le secteur des huiles de base ont indiqué qu'en cas de hausses des prix, ils suivraient le mouvement (aux prix actuels).Bien que les parties aient insisté sur la prétendue surcapacité de l'EEE, celle-ci n'a pas été confirmée par les tiers, producteurs d'huiles de base concurrents. Les principaux concurrents (ayant de nombreuses certifications de lubrifiants finis comme Shell, Total, DEA, KPI) ont tous déclaré qu'ils n'avaient pas de capacités disponibles ou de volumes à l'exportation susceptibles d'être compétitifs de manière économique sur le marché de l'EEE. Ce fait est d'ailleurs illustré par l'acquisition de Fina par Total. [...]*. Total a expliqué à la Commission que, bien qu'il ait des capacités dépassant celles requises pour ses ventes domestiques sur le marché de l'EEE, il n'en a pas suffisamment pour les huiles de base légères et n'a aucun moyen de les augmenter sans réaliser d'importants investissements. La Commission en déduit que Total ne pourra pas fournir l'huile de base nécessaire aux activités de mélange de Fina.

Contrepoids limité des consommateurs

Rareté des solutions de rechange

(407) Les parties ont fait valoir qu'elles ne pourraient pas exercer de pouvoir sur le marché parce qu'elles devraient affronter une demande concentrée et sophistiquée de la part des fabricants de lubrifiants. Cet argument ne saurait être admis puisque les principaux fabricants de lubrifiants n'auraient guère d'autre choix que de se tourner vers Exxon - BP/Mobil ou Shell. Avant la concentration, les fabricants de lubrifiants pouvaient tenter de servir de l'une des trois grandes compagnies pétrolières contre les deux autres alors que cette possibilité disparaîtra lorsque l'entité Exxon - BP/Mobil dominera le marché.Par ailleurs, les principaux fabricants de lubrifiants ont également fait savoir que la qualité et la sûreté de l'approvisionnement prévalaient sur le prix et qu'ils préfèrent limiter le nombre de fournisseurs pour leurs activités suprarégionales à deux ou trois fournisseurs au maximum. Après la concentration, ils n'auront plus guère le choix puisque Shell n'a qu'une capacité limitée pour le marché libre, l'essentiel étant déjà lié par des contrats à terme.

(408) Les fabricants de lubrifiants concurrents ont déclaré que si Exxon - BP/Mobil devaient augmenter leur prix de cinq points de pourcentage, ils auraient du mal à changer de fournisseur d'huiles de base pour les raisons exposées ci-dessus.Ils envisageraient alors de changer à la fois d'huile de base et de fournisseurs d'additifs, puisqu'ils pourraient alors acheter aux sociétés d'additifs des combinaisons existantes déjà pleinement certifiées. Cela prendrait néanmoins un certain temps, notamment en raison du délai de mise en marche nécessaire pour vendre les additifs qu'ils ont déjà, se réapprovisionner et obtenir les homologations des équipementiers. Les concurrents dans le secteur des huiles de base ont estimé que cela prendrait entre 12 et 18 mois, pour un coût se situant entre 300 000 et 700 000 euros. En pratique, si le fabricant de lubrifiants escompte un volume de vente pouvant couvrir le budget de recherche et de développement nécessaire, il acceptera l'augmentation des prix tout en commençant à élaborer une formulation entièrement nouvelle. Comme le marché des lubrifiants semble être concurrentiel, les fabricants de lubrifiants seraient coincés entre l'augmentation du prix des huiles de base et leurs clients.

Les réformes proposées par Atiel n'auront probablement pas d'impact sur le marché

(409) Les parties ont également fait valoir que les règles d'ATIEL concernant l'interchangeabilité des huiles de base (et donc la facilité avec laquelle ces huiles peuvent être remplacées par d'autres dans les formulations de lubrifiants) seraient modifiées en 1999. Les changements proposés à ATIEL permettraient à de plus petits producteurs d'huiles de base de constituer des familles d'huiles de base interchangeables. Il est vrai qu'ATIEL, qui est une organisation commerciale comptant un grand nombre de sociétés de lubrifiants parmi ses membres, a ordonné la révision de ses règles en matière d'interchangeabilité des huiles de base. Cette révision a été demandée il y a quelques années par les sociétés nationales de raffinage et les fabricants de lubrifiants. Il semblerait qu'elles l'aient justifiée en déclarant que les sociétés de raffinage ayant plusieurs usines se trouvent dans une position nettement plus avantageuse, en ce qui concerne l'offre paneuropéenne, que les compagnies n'ayant qu'une raffinerie. Cette révision n'ayant pas encore eu lieu à ce jour, la Commission pense que l'appréciation de la concentration envisagée doit se fonder sur les prescriptions actuelles d'ATIEL en matière d'interchangeabilité des huiles plutôt que sur la version qu'elles auront éventuellement à l'avenir.

(410) De plus, il reste très improbable que ces changements aient lieu. ATIEL représente le secteur des lubrifiants et compte parmi ses représentants des fabricants de lubrifiants indépendants et des compagnies pétrolières nationales intégrées. Bien que les compagnies pétrolières suprarégionales intégrées (Exxon, BP/Mobil et Shell) soient en minorité, le changement de règles devra être adopté à l'unanimité. Le fait que la demande visant à changer les règles d'ATIEL a été introduite il y a trois ans indique clairement que la procédure pour parvenir à un accord a été longue et difficile et n'est même pas encore achevée. En outre, même si la proposition était adoptée à l'unanimité, elle devrait encore être entérinée par l'ATC et l'ACEA. Aucune difficulté notable n'est à prévoir du côté de l'ATC (fournisseurs d'additifs), mais l'ACEA en revanche (qui représente les équipementiers) exigera la preuve qu'une modification des règles d'ATIEL n'aura pas d'effet négatif sur la qualité du lubrifiant fini (et donc sur la responsabilité du fait des produits), qui risquerait de gêner une mise en œuvre rapide (voire l'acceptation) des changements proposés.

(411) Même si la révision adoptée était pleinement conforme à la proposition (qui envisage un système permettant à deux entreprises ou plus de procéder conjointement aux tests requis afin de se prévaloir d'une interchangeabilité de leurs huiles), la Commission ne croit pas que le relâchement potentiel des règles d'interchangeabilité serait un élément fondamental pour apprécier le fonctionnement du marché.Les grands producteurs automobiles européens ont accepté, par le biais de leurs représentants au sein de l'ACEA, certaines spécifications techniques minimales pour les moteurs gazole et diesel, la question de l'interchangeabilité des huiles de base étant couverte par le code ATIEL. En Europe, la moitié des équipementiers environ utilisent les spécifications API et l'autre moitié les spécifications ACEA, les fabricants japonais et américains ayant tendance à appliquer celles d'API et les fabricants européens celles d'ACEA. Par conséquent, les voitures qui ne sont pas construites en Europe s'appuient sur des lubrifiants obéissant aux spécifications API et les fabricants de lubrifiants automobiles veillent donc à obtenir les deux types de certifications afin de pouvoir vendre un volume suffisant sur le marché. En fait, la quasi-totalité des lubrifiants automobiles sur le marché ont une spécification API, censée être plus familière aux clients. Les fournisseurs d'additifs ont expliqué que les lubrifiants ayant une certification ACEA n'étaient généralement pas commercialisés isolément, mais bénéficiaient d'autres certifications. Par conséquent, les lubrifiants automobiles doivent posséder les deux certifications pour représenter un volume suffisant sur le marché. Les changements proposés ne toucheraient donc que le marché EEE de la première monte, où Exxon (et, dans une moindre mesure, BP/Mobil) est très fortement représenté. Les producteurs nationaux d'huiles de base et les fabricants de lubrifiants pensent que l'existence de règles ATIEL moins rigides déboucheront finalement sur une norme ACEA-API commune, bien que rien n'ait été accompli (ni même prévu) à ce niveau jusqu'à présent. Comme l'API change ses spécifications tous les deux ans, la contrainte que constitue la certification et l'absence d'interchangeabilité des huiles de base restera identique.

(412) En outre, l'ACEA n'impose que des obligations minimales en matière de spécifications techniques. Certains équipementiers sont plus sévères. Ford, par exemple, a ses propres spécifications de produit auxquelles ses fournisseurs doivent satisfaire, non seulement dans l'UE, mais dans le monde entier. Ses spécifications sont fondées sur celles d'API. Volkswagen en revanche, pour citer un autre exemple, n'utilise que les standards API.

Exercice du pouvoir de marché

(413) Il est permis de conclure de ce qui précède qu'Exxon et BP/Mobil détiendront une position dominante sur le marché EEE des huiles de base. L'enquête sur le marché a révélé que la concentration ne créera ni ne renforcera une position dominante dans les secteurs des additifs ou des lubrifiants finis. Néanmoins, l'exercice par Exxon-BP/Mobil de leur pouvoir de marché sur le marché des huiles de base, conjugué à la position, déjà forte, d'Infineum dans le secteur des additifs, peut entraîner un renforcement de leur position dans les lubrifiants finis. En ce qui concerne la conception de la future génération de lubrifiants, un tel contrôle sur la chaîne d'approvisionnement des lubrifiants risque même de mener à une situation où la concurrence serait entravée de manière significative.

(414) Après la concentration, l'entité Exxon-BP/Mobil pourrait utiliser sa position dominante dans le domaine des huiles de base en appliquant diverses stratégies. Elle pourrait par exemple être tentée de profiter de sa position dominante dans ce secteur pour accroître les coûts de ses concurrents indépendants au niveau des marchés de lubrifiants. Pour ce faire, elle pourrait faire pression sur les opérateurs de plus petite taille en augmentant les prix de l'huile de base, en standardisant les produits avec un nombre croissant de nouvelles formulations certifiées avec leurs huiles de base ou leurs préformulations d'additifs de la marque Infineum, ou même en appliquant les hausses brutales des prix, en vendant des combinaisons additifs/huile de base et en limitant les ventes de matières premières. Une telle stratégie serait également au bénéfice de Shell, puisqu'elle la renforcerait en consolidant sa position dans le secteur des lubrifiants. Les petits producteurs d'huiles de base ne pourraient pas réagir puisque leurs huiles ne servent pas de référence aux fournisseurs d'additifs. Ils sont obligés, même s'ils ont une dimension internationale, de fournir des huiles de base provenant de différentes sources (leur propre production dans certains pays, mais celle de leurs concurrents dans d'autres), ce qui les force à consacrer davantage de temps et d'argent aux certifications et homologations (à la fois celles d'API/ACEA et celles des équipementiers) et affaiblit leur compétitivité.

(415) Après la concentration, l'entité Exxon-BP/Mobil pourrait être encore davantage tentée de défier un marché de l'huile de base en pleine mutation en reprenant des parts de marché aux compagnies pétrolières nationales intégrées, par exemple en baissant les prix. Seule Shell semble pouvoir s'adapter à des prix plus bas, les autres opérateurs confrontés à une faible demande dans l'EEE risqueraient de devoir détourner leurs ventes sur le marché à l'exportation. Cela minerait la compétitivité des opérateurs nationaux et accentuerait la pression qui s'exerce sur l'industrie pour fermer les vieilles raffineries d'huiles de base, dont certaines ne seraient plus économiquement viables. La fermeture de certaines capacités devrait éliminer la faible surcapacité qui existe effectivement à l'heure actuelle. Si cette stratégie est un succès, Exxon-BP/Mobil pourra procéder à une nouvelle hausse des prix.

(416) En combinant sa force sur le marché des huiles de base ([40-50]* %) et sur celui des lubrifiants ([20- 30]* %), l'entité Exxon-BP/Mobil pourrait étendre sa position dominante sur le marché des huiles de base aux additifs et aux lubrifiants. Elle serait alors en mesure de monopoliser les futurs développements de nouveaux lubrifiants et d'établir des liens étroits avec les équipementiers et les fabricants d'additifs qui, à leur tour, créeraient des barrières empêchant leurs concurrents de pénétrer sur le marché.

(417) Le marché des préformulations d'additifs est influencé par le marché des produits finis contenant de tels additifs: le pouvoir de marché s'exerce par le biais d'une concentration de la chaîne d'approvisionnement des lubrifiants.Au fur et à mesure que les préformulations d'additifs sont liées à une huile de base donnée pour atteindre le haut niveau de performance exigé par les équipementiers, l'excédent de capacité en huiles de base perd son caractère de garantie d'un marché concurrentiel. Les fabricants de lubrifiants indépendants utiliseraient de plus en plus les huiles de base Exxon-BP/ Mobil et peut-être Shell du fait que ces huiles sont déjà testées et certifiées par les fournisseurs d'additifs. Élaborer des mélanges d'additifs avec d'autres huiles de base serait coûteux puisque les producteurs d'additifs ne seraient plus sûrs de bénéficier d'un volume de ventes suffisant pour ces huiles de base.

(418) L'élaboration, les tests et la certification de produits fabriqués avec des huiles de base autres que celles d'Exxon-BP/Mobil devraient de plus en plus souvent être financés par les fabricants de lubrifiants. Ces étapes du développement d'un lubrifiant, qui sont normalement financées (du moins en partie) par le fournisseur d'additifs, imposeraient des coûts significatifs aux fabricants de lubrifiants. Les petits fabricants indépendants seraient les premiers touchés et disparaîtraient du marché. Les fabricants nationaux intégrés limiteraient leurs activités à leur propre pays. Les fabricants extrêmement rentables tels que Castrol, Fuchs ou Texaco seraient également touchés par la hausse des coûts et en arriveraient au point où ils ne pourraient plus concurrencer Exxon-Mobil et Shell sur les prix. Leurs budgets de recherche et de développement et de commercialisation diminueraient, confirmant encore la place prépondérante d'Exxon-BP/Mobil sur le marché.

Conclusion

(419) Les faits exposés ci-dessus amènent à conclure que l'opération conduira à la création d'une position dominante sur le marché des huiles de base dans l'EEE.

Additifs

(420) Le marché des additifs est extrêmement concentré: les cinq fournisseurs principaux détiennent 86 % du marché mondial (et plus de 90 % des additifs pour huile moteur). Lubrizol et Ethyl (numéros 1 et 3 sur le marché) limitent leurs activités aux additifs. Texaco (numéro 5) a sa propre société d'additifs, mais ne produit pas d'huile de base et le numéro 4, Chevron (Oronite), commercialise uniquement des lubrifiants en Europe. Infineum vient en deuxième place et a été constituée au début de 1998 par la jonction des activités de Shell et d'Exxon dans le secteur des additifs. Les cinq producteurs fournissent à la fois des préformulations de détergents et d'inhibiteurs et des améliorateurs de viscosité. Certes, Infineum ne sortira guère renforcée de la concentration, étant donné que Mobil n'a qu'une part limitée ([...]* %) du marché des additifs, mais elle bénéficiera néanmoins de liens directs avec tous les producteurs suprarégionaux d'huiles de base ayant des capacités excédentaires à la disposition du marché libre des huiles automobiles certifiées. Étant donné le chevauchement limité entre les entreprises en cause, la concentration ne créera ni ne renforcera une position dominante sur le marché des additifs pour lubrifiants.

Lubrifiants

(421) Dans le paysage concurrentiel actuel, il existe plusieurs grands opérateurs se faisant concurrence sur une base paneuropéenne. Ces opérateurs sont soit des sociétés verticalement intégrées telles que les parties notifiantes, soit des fabricants de lubrifiants indépendants comme Castrol ou Fuchs. Exxon et Mobil possèdent tous deux des activités importantes dans le secteur des lubrifiants et doivent affronter la concurrence des compagnies pétrolières (nationales) intégrées, telles que Agip, TotalFina, Elf, Repsol, Statoil, Nynas, Texaco, Shell (qu'il faut considérer comme le plus grand producteur mondial de lubrifiants automobiles et industriels) et des sociétés de lubrifiants indépendantes telles que Castrol et Fuchs/DEA.

(422) En 1996, la part d'Exxon sur le marché EEE des lubrifiants automobiles finis était de 10 %, contre 13 % pour BP/Mobil (pour l'ensemble du groupe). Les estimations d'Enerfinance pour cette période donnent 13 % à Shell, 7 % à Castrol, 6 % à ELF et 6 % à TotalFina. En 1996, la part d'Exxon sur le marché EEE des lubrifiants industriels finis était de 8 %, contre 17 % pour BP/Mobil (pour l'ensemble du groupe). Les estimations d'Enerfinance pour cette période donnent 11 % à Shell, 6 % à Castrol, 6 % à AGIP, 4 % à KPC, 3 % à ELF et 5 % à TotalFina.

(423) Quant aux lubrifiants marins, Shell est en première position sur le marché avec 21 %. Exxon (12 %) et Mobil (18 %) y sont fortement présents. La part de marché de BP est d'environ 14 % et Castrol, Elf et Texaco ont chacun plus ou moins 10 %.

(424) Après la concentration, les parties deviendraient de loin le plus grand fabricant et vendeur de lubrifiants en combinant l'efficacité d'Exxon et la puissance de marque de Mobil, mais il n'y aurait pas création d'une position dominante, sauf si elles exploitaient leur domination sur le marché de l'huile de base. L'industrie des lubrifiants devrait rester concurrentielle avec des concurrents tels que Shell, Castrol, TotalFina ou Elf. En outre, l'influence et le pouvoir d'achat des clients que sont les distributeurs ou les équipementiers devraient même s'accroître à l'avenir.

E. RAFFINAGE ET COMMERCIALISATION DES CARBURANTS (MARCHÉ DU PÉTROLE EN AVAL)

APERÇU GÉNÉRAL

(425) Les activités en aval comprennent le raffinage du pétrole brut, ainsi que la commercialisation des produits raffinés et leur distribution aux utilisateurs finals.

La chaîne d'approvisionnement

Raffinage

(426) Le raffinage du pétrole brut comprend généralement les processus suivants: i) le fractionnement du pétrole brut, afin de séparer les hydrocarbures qui le composent; ii) la conversion, qui entraîne une modification de la nature chimique des produits; iii) le traitement, qui consiste à ramener à des niveaux acceptables les éléments ou certains types de molécules indésirables; et iv) le mélange, qui est la combinaison de différents produits raffinés de manière à répondre aux exigences du marché.

(427) Les produits raffinés sont souvent classés en distillats légers (GPL, essence automobile, naphta), distillats moyens (gazole et kérosène) et distillats lourds (fioul et bitumes).

Commercialisation et vente des produits raffinés

(428) Les produits raffinés sont vendus par les canaux de distribution au détail ou en gros. Les ventes au détail comprennent les ventes aux automobilistes dans les stations-service. Les produits vendus par les canaux de distribution au détail sont l'essence automobile et le gazole. Dans certains pays, les canaux au détail vendent aussi du GPL pour automobile.

(429) Les ventes en gros comprennent les ventes à trois catégories de clients: les détaillants indépendants (exploitants de stations-service sans marque tels que les hypermarchés), les autres revendeurs indépendants, les entreprises et autres établissements consommateurs (hôpitaux, entreprises de location de voitures, usines). L'offre est constituée par les entreprises de raffinage ou d'autres négociants ayant à leur disposition de très grandes quantités de produits raffinés parce qu'ils sont propriétaires d'un site de production (raffinerie) ou d'une grande installation de stockage (terminal) situés à proximité.

(430) Les ventes départ raffinerie portent sur de grandes cargaisons, vendues sur le marché du disponible par les entreprises de raffinage à d'autres compagnies pétrolières, à des négociants, à des revendeurs ou à de grandes entreprises industrielles. Les clients achètent en général de grandes cargaisons, à livrer en une fois, et acheminées par chaland de 1 000 à 3 000 tonnes ou par pétrolier pouvant atteindre 20 000 tonnes. Les prix sont fonction de l'évolution des cours sur le marché. La livraison s'effectue départ raffinerie. Les ventes départ raffinerie approvisionnent le "marché cargo". Comme ces transactions portent en général sur de grandes quantités de produits raffinés pouvant être transportées sur de longues distances en raison de coûts de transport relativement faibles, les prix mondiaux sur le marché cargo sont très voisins. Ces prix sont publiés tous les jours par des organisations telles que Platt's et Petroleum Argus, ce qui permet aux acheteurs de négocier sur la base de données à jour.

Transport des produits raffinés

(431) Le transport et la distribution des produits raffinés comportent trois étapes différentes: i) le transport des produits raffinés depuis les raffineries jusqu'aux terminaux de distribution par un moyen de transport maritime ou fluvial, par oléoduc ou par chemin de fer (distribution primaire); ii) le stockage des produits en vrac dans les terminaux de distribution et le chargement ultérieur sur des véhicules de livraison; et iii) le transport et la livraison aux clients principalement par camion, mais également par rail et par chaland (distribution secondaire). Il existe un certain nombre d'indépendants à chacune de ces étapes, et les utilisateurs des services de transport ont le choix entre un grand nombre de solutions concurrentes.

Logistique

(432) Les terminaux de distribution sont une composante essentielle de la distribution des produits pétroliers aux clients finals. Les compagnies pétrolières gèrent habituellement des dépôts de produits pétroliers répartis sur tout le territoire ainsi qu'un réseau d'oléoducs pour assurer les livraisons aux clients, y compris les stations-service, dans les délais. Il existe aussi des exploitants de terminaux indépendants qui louent des capacités de stockage dans leurs installations à tous les tiers intéressés, dans le cadre d'accords à court ou à long terme. Les dépôts sont généralement de deux types: les grands terminaux, qui ont une capacité supérieure à 50 000 m3 et qui sont approvisionnés par des moyens de transport de très gros volumes (oléoducs, navires-pétroliers, chalands, wagons-citernes), et les petits dépôts périphériques, qui assurent la distribution des produits pétroliers en plus petites quantités jusqu'à leur destination finale par des moyens de transport secondaires (camions et chalands).

Environnement concurrentiel

(433) Le secteur du pétrole en aval se caractérise par l'existence de nombreuses compagnies pétrolières verticalement intégrées, présentes dans le raffinage et dans la vente en gros et au détail des produits raffinés. Chaque segment de ce secteur comprend aussi plusieurs sociétés indépendantes non intégrées.

(434) En ce qui concerne, plus précisément, la vente de carburant au détail, la concurrence oppose pour l'essentiel trois catégories d'opérateurs:

i) les anciennes compagnies pétrolières verticalement intégrées, qui sont actives à tous les niveaux de la chaîne de l'offre, notamment le raffinage et la vente en gros et au détail. Cette catégorie peut encore être subdivisée en plusieurs segments: les grands groupes pétroliers (les grandes compagnies), autrement dit les grandes multinationales verticalement intégrées qui sont toutes présentes dans la plupart des pays de l'EEE (Exxon, Shell, BP/Mobil), les multinationales plus petites, dont les activités sont concentrées dans certains pays de l'EEE (Total, Texaco), et les entreprises nationales verticalement intégrées très bien implantées dans leur pays d'origine (Elf, Agip);

ii) les détaillants indépendants, c'est-à-dire les opérateurs qui ne sont présents qu'au stade du commerce de détail et s'approvisionnent en carburants auprès des entreprises de raffinage et d'autres négociants. Les "pompes blanches" sont un exemple de détaillants indépendants. Ce sont souvent des installations de moins grande capacité (par rapport à la moyenne du secteur), qui sont exploitées par leur propriétaire et appartenaient auparavant aux grandes compagnies pétrolières. Les exploitants d'une seule ou de plusieurs stations-service achètent ces installations et, moyennant un investissement modique, vendent des produits pétroliers sans marque;

iii) les hypermarchés et les supermarchés, qui ne sont pas, au départ, des fournisseurs de carburant au détail. Tout en présentant des similitudes avec les détaillants indépendants traditionnels, ils diffèrent de ces concurrents sur un certain nombre de points. En général, les hypermarchés sont des magasins à très grande surface de vente, spécialisés dans l'alimentation et d'autres produits de consommation, qui disposent de pompes à essence sur leurs parcs de stationnement. Contrairement à la plupart des détaillants indépendants, les hypermarchés estiment souvent que les ventes de carburant ne font pas partie de leurs activités de base et représentent davantage un service supplémentaire offert aux clients ou un moyen supplémentaire d'attirer la clientèle vers leurs magasins. En raison de leur nombreuse clientèle, ils réalisent habituellement un débit considérable et exercent fréquemment une concurrence par les prix. Enfin, à la différence d'un certain nombre de détaillants indépendants traditionnels, ils s'implantent normalement dans les zones à forte densité de population plutôt que dans les zones rurales.

(435) Les points de vente au détail appartiennent à des fournisseurs (COSS) ou à des distributeurs indépendants (DOSS) ou sont loués par ces derniers. La catégorie COSS peut être subdivisée en deux types d'exploitants de stations-service:

i) les stations-service en gérance, c'est-à-dire exploitées par un salarié de l'entreprise ou par des mandataires rémunérés par une commission (company owned/commission agent - COCO); dans les deux cas, le fournisseur reste propriétaire des carburants stockés dans la station-service et fixe les prix à la pompe;

ii) les stations-service exploitées par des licenciés indépendants ou en gérance libre (company owned/dealer operated), autrement dit par des indépendants qui achètent des carburants de marque (CODO).

La catégorie DOSS peut être également subdivisée en deux sous-catégories:

i) les stations exploitées par un détaillant propriétaire, c'est-à-dire les stations-service appartenant à un commerçant indépendant auquel le fournisseur vend des carburants;

ii) les stations exploitées en vertu d'un contrat d'agence par un propriétaire indépendant, qui vend les carburants de son fournisseur. Dans les stations de type CODO ou DODO (dealer owned/dealer operated), le distributeur peut, en principe, fixer les prix à la pompe puisqu'il est propriétaire du carburant vendu sur place. Or, en réalité, le fournisseur maintient généralement un contrôle étroit sur la politique de prix pratiquée par ces stations-service, essentiellement par le biais de certains mécanismes de compensation financière conçus pour couvrir les pertes que le distributeur pourrait subir à la suite d'une réduction des prix à la pompe envisagée par le fournisseur. En outre, les relations contractuelles entre le distributeur indépendant et le fournisseur sont telles que le premier accepte généralement de pratiquer le prix à la pompe recommandé par le second.

Marché de produits

Vente au détail de carburant

(436) Les ventes au détail de carburant comprennent les ventes aux automobilistes de carburant sous marque ou sans marque dans les stations-service. Il s'agit surtout de l'essence et du gazole. Du côté de la demande, il n'y a aucune substituabilité entre ces produits, puisque les automobilistes doivent utiliser le type de carburant compatible avec leur véhicule. Il existe toutefois une substituabilité du côté de l'offre, car les raffineries peuvent produire différents types de carburants. Les raffineries disposent d'une très grande marge de manœuvre en fonction de la qualité du brut à l'arrivée et de la façon dont elles sont configurées. Au niveau de la distribution, les deux produits sont toujours disponibles dans un même point de vente. En outre, les parts de marché pour chaque type de carburant coïncident plus ou moins avec les parts de marché cumulées. Par conséquent, aux fins de la présente affaire, le marché de produits en cause dans le canal de la vente au détail est constitué par la vente au détail de carburant dans son ensemble.

Vente au détail de carburant sur les autoroutes à péage

(437) Dans certains pays, il est possible de considérer la vente au détail de carburant sur les autoroutes comme un marché de produits distinct. Cette distinction est motivée par le fait que les autoroutes sont soumises à des conditions de concurrence différentes. Tout d'abord, la demande est captive, dans la mesure où les automobilistes qui empruntent les autoroutes ne connaissent généralement pas la région qu'ils traversent. Par conséquent, les possibilités de quitter l'autoroute pour aller acheter du carburant dans une station-service située en dehors sont très limitées. En second lieu, les automobilistes choisissent d'emprunter l'autoroute pour la vitesse, de sorte qu'ils n'ont pas envie de perdre du temps pour aller faire le plein de carburant. Le paiement d'un péage est un autre facteur qui dissuade les automobilistes de sortir de l'autoroute pour acheter du carburant dans des stations ordinaires. En général, les automobilistes paient un péage en contrepartie de la vitesse et ont donc encore moins envie de quitter l'autoroute pour aller faire le plein ailleurs. Un élément déterminant qui donne à penser que les autoroutes peuvent constituer un marché distinct est lié au fait que les prix à la pompe sur les autoroutes sont généralement supérieurs à ceux qui sont pratiqués sur les routes ordinaires.

Vente en gros

(438) La vente en gros de carburant et de combustible ne peut faire l'objet d'un cumul, comme dans le cas de la vente au détail. Les différents carburants et combustibles sont fournis à différents types de clients et pour différents usages. Les canaux de distribution peuvent également différer sensiblement. Ainsi, la fourniture de fioul à une centrale électrique ne sera pas identique à une fourniture de GPL pour le chauffage domestique. L'investissement exigé pour ces canaux de distribution n'est pas le même que pour la vente de carburant ou de combustible au détail. Pour ce qui est des deux produits qui se vendent en très grande quantité, tant au détail qu'en gros, à savoir le gazole et le GPL, leur usage est déterminé par le canal de distribution emprunté. Le gazole est vendu au détail aux conducteurs de véhicules équipés d'un moteur diesel. Il est vendu en gros à de grandes entreprises de transport disposant d'une importante flotte de véhicules et de leurs propres installations de stockage. De même, le GPL est vendu au détail aux automobilistes, alors qu'il est vendu en gros aux ménages pour le chauffage domestique.

(439) À la lumière des éléments qui précèdent, chaque produit raffiné constitue, dans le canal de la vente en gros, un marché de produits en cause.

Marché géographique

Vente au détail de carburant

(440) Sous l'angle géographique, le marché de la vente au détail de carburant est caractérisé par un élément local dans la mesure où la demande est constituée par les automobilistes qui s'approvisionnent régulièrement dans les stations-service à proximité de leur centre d'activité. Par conséquent, la substituabilité entre les stations-service est géographiquement limitée.

(441) D'autre part, on constate normalement un certain chevauchement entre les zones de chalandise des stations-service, qui non seulement détermine les interactions concurrentielles entre des stations-service géographiquement voisines, mais déclenche également, dans une certaine mesure, des réactions en chaîne sur les stations-service plus éloignées. Dès lors, la zone géographique à retenir pour l'appréciation de l'opération sous l'angle de la concurrence peut comprendre plusieurs petites zones qui se chevauchent. En outre, du côté de l'offre, beaucoup de paramètres importants sous l'angle de la concurrence, tels que la gamme de produits, la source de ces produits, la qualité, le niveau de service (heures d'ouverture, etc.), la publicité, la promotion et les prix (par exemple, lors de campagnes publicitaires), ne sont pas arrêtés à l'échelon local, mais à un niveau régional, voire national. En outre, les taxes prélevées sur les carburants vendus au détail influent si lourdement sur le prix final à la pompe (au Royaume-Uni, elles représentent plus de 80 % du prix à la pompe) qu'en fait, les variations de prix sur la plupart des marchés nationaux tendent à être relativement ténues. En dernier lieu, les positions des différents fournisseurs sur le marché ont tendance à être peu ou prou comparables dans les différents segments des marchés nationaux sur lesquels ils sont présents. À la lumière de ce qui précède, il y a lieu, aux fins de la présente affaire, de considérer le marché de la vente au détail de carburant comme étant de dimension nationale.

Vente au détail de carburant sur les autoroutes à péage

(442) Les considérations développées aux points 440 et 441 ci-dessus valent également pour la vente au détail de carburant sur les autoroutes à péage.

Vente en gros des produits raffinés (carburants et combustibles)

(443) Un certain nombre d'indices révèlent que le marché géographique de la vente en gros est de dimension locale. Sur ce marché, en effet, l'offre est constituée par les entreprises de raffinage qui peuvent vendre d'énormes quantités de produits raffinés, au départ de leurs raffineries ou de leurs terminaux. La demande, quant à elle, comprend les revendeurs et les utilisateurs finals qui cherchent une source d'approvisionnement proche, en raison des surcoûts qu'ils doivent supporter pour le transport de ces produits depuis le lieu d'approvisionnement jusqu'à leur destination finale (une station-service, une maison particulière, une usine). C'est pourquoi le degré de substituabilité entre les sources d'approvisionnement est géographiquement limité. D'une façon générale, chaque point d'approvisionnement peut desservir une certaine zone géographique (zone de chalandise ou au-delà), dont le rayon est fonction des coûts que les clients doivent supporter pour le transport des produits jusqu'à leur destination finale. Ces coûts peuvent varier suivant le moyen de transport emprunté. Néanmoins, puisque les clients utilisent généralement le transport routier, ce rayon se situe habituellement dans une fourchette de 100 à 150 km.

(444) D'autre part, on peut relever un certain chevauchement entre les zones de chalandise des diverses sources d'approvisionnement, qui non seulement détermine les interactions concurrentielles entre des points d'approvisionnement géographiquement proches, mais déclenche également, dans une certaine mesure, des réactions en chaîne sur les points plus éloignés. Dès lors, la zone géographique à retenir pour l'appréciation de l'opération sous l'angle de la concurrence peut comprendre plusieurs petites zones qui se chevauchent.

(445) Quoi qu'il en soit, la question peut être laissée en suspens, puisque l'opération ne soulève pas de problème de concurrence particulier, quelle que soit la définition du marché géographique retenue en l'espèce.

Appréciation sous l'angle de la concurrence

Appréciation relative à l'entreprise commune BP/Mobil

(446) Dans l'évaluation des effets de l'opération sur la concurrence, il convient d'apprécier la position de la nouvelle entité en tenant compte, tout d'abord, des liens structurels existant entre BP et Mobil. Sur le marché en aval des produits pétroliers, Mobil a créé avec BP une entreprise commune au sein de laquelle elles ont regroupé toutes leurs activités européennes dans ce secteur. L'entreprise commune est chargée en particulier du raffinage, de la fourniture, de la commercialisation et de la vente de combustibles, de carburants et de lubrifiants. Dans le cadre de cette entreprise commune, BP exploite toutes les activités liées aux combustibles et aux carburants, tandis que Mobil s'occupe des lubrifiants. La création de l'entreprise commune a été notifiée et autorisée en vertu du règlement sur les concentrations.

(447) Dans la notification de la présente opération, les parties soutiennent que, même si la Commission a conclu que Mobil exerçait en commun un contrôle sur BP/Mobil au sens du règlement sur les concentrations, Mobil ne participe pas à la gestion courante de la branche "carburants et combustibles " de cette entreprise commune. Elles affirment par conséquent que l'entité Exxon/Mobil issue de l'opération et l'entreprise BP/Mobil auront toutes les raisons de continuer à se faire une concurrence acharnée dans ce secteur. Il serait donc injustifié de cumuler les parts de marché de BP/Mobil avec celles d'Exxon aux fins de l'appréciation des effets de l'opération sur la concurrence.

(448) Sur le fond, l'argumentation des parties revient à dire que, même si Mobil exerce un contrôle en commun sur l'entreprise commune BP/Mobil, l'entité Exxon/Mobil issue de la présente opération et BP/Mobil devraient être traitées comme deux entreprises indépendantes et concurrentes l'une de l'autre, au moins en ce qui concerne les activités carburants et combustibles en aval. En d'autres termes, selon les parties, l'existence d'un contrôle n'influe pas sur les incitations des entreprises concernées par ce lien à se faire concurrence.

(449) Cet argument doit être rejeté pour un certain nombre de raisons. En vertu du règlement sur les concentrations, l'acquisition d'un contrôle en commun ou la création d'une entreprise commune de plein exercice constitue une opération de concentration et, en tant que telle, est soumise à une appréciation sous l'angle de la position dominante conformément à l'article 2 dudit règlement. Afin de vérifier l'existence d'une position dominante, les relations entre l'entreprise commune et ses sociétés fondatrices sont examinées en partant de l'hypothèse, généralement fondée, que ces relations assurent un certain degré d'intégration et que les sociétés fondatrices sont à même de contrôler la politique commerciale de leur entreprise commune, de sorte que du point de vue de la concurrence, l'entreprise commune et ses fondatrices doivent être considérées comme n'étant pas en concurrence.

(450) En ce qui concerne la présente opération, il convient de rappeler que l'entreprise commune BP/Mobil a été notifiée à la Commission en vertu du règlement sur les concentrations et a été qualifiée d'entreprise commune concentrative. La Commission a estimé que BP et Mobil détenaient en commun le contrôle de toute l'entreprise commune, indépendamment du fait que chacune d'elles soit chargée de l'exploitation d'une branche d'activité particulière (les carburants et les combustibles dans le cas de BP et les lubrifiants pour ce qui est de Mobil). Cette conclusion était notamment fondée sur l'influence déterminante que les deux sociétés fondatrices exercent sur la politique de l'entreprise commune par l'intermédiaire d'un comité de surveillance dont les tâches incluent la prise de décisions dans les domaines suivants: plan d'entreprise, acquisitions stratégiques, fermetures, cessions, investissements et certaines autres décisions stratégiques. Mobil était l'une des parties notifiantes de cette opération et elle n'a, à l'époque, jamais contesté ces conclusions.

(451) L'argument des parties selon lequel Mobil ne serait pas en mesure de s'immiscer dans la gestion courante des activités "carburants et combustibles" placées sous la responsabilité de BP n'est pas convaincant. En effet, des informations recueillies au cours de l'enquête, il ressort que dans l'état actuel des choses, Mobil (et, à l'issue de l'opération, la nouvelle entité Exxon/Mobil) exerce une influence profonde et déterminante sur toutes les décisions intéressant la concurrence et les activités de BP/Mobil dans le secteur des carburants et des combustibles, notamment en approuvant, au sein du comité de surveillance, des décisions importantes (adoption du plan d'entreprise stratégique, détermination des paramètres du contrôle financier, autorisation des acquisitions stratégiques, fermetures, cessions et investissements, ainsi que certaines autres décisions stratégiques). En outre, l'obligation contractuelle faite à BP d'obtenir le consentement de Mobil pour toutes ces décisions implique la divulgation à cette dernière d'une quantité bien plus grande d'informations très sensibles sous l'angle de la concurrence, entre autres sur les cessions de raffineries, les entreprises communes de raffinage, les résultats de la branche "carburants et combustibles" (notamment les prévisions, les marges au stade du raffinage et de la vente au détail, les plans d'amélioration, le volume des ventes au détail), la stratégie adoptée dans cette même branche (par exemple, les pressions concurrentielles, la compétitivité, la croissance, les niveaux de productivité) ainsi que le plan d'exploitation de cette branche (notamment le cadre d'exploitation, la prospection de la clientèle, les recettes, les dépenses, les prévisions de trésorerie, les cessions de points de vente au détail et les objectifs stratégiques à plus long terme). Au total, les pouvoirs conférés à Mobil au sein de l'entreprise commune qu'elle a créée avec BP sont tels que Mobil et, à plus forte raison, la nouvelle entité issue de la présente opération peuvent exercer une influence déterminante sur le comportement concurrentiel de l'entreprise commune, y compris dans la branche "carburants et combustibles" exploitée par BP.

(452) Les parties affirment néanmoins, eu égard aux circonstances exceptionnelles qui entourent la présente opération, que BP/Mobil et Exxon/Mobil devraient être considérées comme deux entreprises indépendantes, capables de se faire mutuellement concurrence. Elles justifient cette thèse par le fait que, d'une part, BP est responsable de l'exploitation de la branche "carburants et combustibles" et que, d'autre part, elle est la société fondatrice qui a le plus grand poids et sera à même, par conséquent, de s'opposer et de résister aux ingérences d'Exxon/Mobil dans les décisions intéressant la concurrence qui seront prises au sein de l'entreprise commune. Même en acceptant cette hypothèse, il faudrait tenir compte de la participation que l'une des fondatrices détient dans le capital de l'autre. À cet égard, il convient de noter qu'un lien de ce type, indépendamment de sa qualification formelle, réduit considérablement les incitations des entreprises concernées à se faire concurrence. C'est en effet un principe admis dans les grandes théories sur le contrôle des ententes qu'en général, l'existence de liens entre deux entreprises concurrentes, sous forme d'une participation importante que l'une détient dans le capital de l'autre, peut modifier leurs incitations à se concurrencer mutuellement. Tout d'abord, en effet, un lien de cette nature crée un puissant intérêt financier de l'une des entreprises à vouloir la prospérité de sa concurrente.Cela peut automatiquement changer la dynamique du jeu de la concurrence puisqu'une entreprise trouve moins d'intérêt à combattre l'autre qu'à adopter une stratégie commerciale commune qui soit rentable pour les deux. En outre, grâce à ce lien, les entreprises concernées peuvent avoir accès à des informations sensibles sur le plan commercial, ce qui rend plus transparent le comportement concurrentiel de chacune à l'égard de l'autre et permet de l'anticiper et de le contrôler plus aisément. De surcroît, et c'est peut être l' élément le plus important, un lien de cette nature peut mettre une entreprise en position de peser sur les choix stratégiques de sa rivale en l'orientant vers des décisions conformes à l'intérêt commun. Enfin, un lien de ce type exerce un effet de discipline, car, en cas de désaccord, une entreprise s'expose à des représailles de la part de l'autre. Ce sont autant de facteurs qui peuvent pousser les entreprises concernées à une convergence de leurs politiques commerciales. Il est utile de remarquer que les comportements décrits ci-dessus sont, chez chacune des entreprises concernées, totalement rationnels puisqu'ils se fondent sur la recherche d'une maximisation du profit.

(453) La présente opération doit donc être appréciée sur cette base. Étant donné l'influence que Mobil (et à l'issue de l'opération, Exxon/Mobil) exerce sur le comportement concurrentiel de l'entreprise commune du fait de ce lien, ainsi que l'existence, dans la présente opération, d'un certain nombre de caractéristiques structurelles typiques d'un marché évoluant vers l'oligopole, la relation entre Exxon/ Mobil et BP/Mobil peut en définitive être examinée sous l'angle d'une position dominante collective. En résumé, l'appréciation de l'opération sous l'angle de la concurrence n'en serait pas modifiée.

(454) Dans leur réponse à la décision de la Commission d'ouvrir la seconde phase de la procédure, ainsi que dans leur réponse à la communication des griefs, les parties formulent deux nouvelles objections au raisonnement exposé plus haut.

(455) Elles objectent, d'une part, qu'Exxon/Mobil ne peut modifier son comportement concurrentiel au seul avantage de BP/Mobil, car les autres concurrents profiteraient aussi de cet affaiblissement de la concurrence que livre Exxon/Mobil. Elles soulignent en particulier que les participations directes d'Exxon/Mobil dans le réseau Exxon sont plus importantes que les participations indirectes qu'elle détient par l'intermédiaire de ses 30 % du capital de BP/Mobil. Dès lors, l'intérêt d'Exxon/Mobil serait de maximiser son profit plutôt que de favoriser celui de l'entreprise commune BP/Mobil. Les parties ajoutent qu'a fortiori, BP n'aurait pas non plus intérêt à modifier sa stratégie concurrentielle en faveur d'Exxon/Mobil, puisqu'elle ne possède aucune participation dans le capital de cette dernière. À cet égard, il convient de noter que l'alignement des stratégies concurrentielles d'Exxon/Mobil et de BP/Mobil qui pourrait résulter de l'opération de concentration envisagée viserait à maximiser le profit de ces deux entreprises sur le marché. Cette convergence des stratégies concurrentielles est un comportement rationnel que chaque entreprise adopte dans son propre intérêt. Quant à la possibilité que les autres concurrents tirent avantage d'un "affaiblissement" de la concurrence entre Exxon/ Mobil et BP/Mobil, la Commission estime que, étant donné les caractéristiques oligopolistiques des marchés en cause (voir ci-après), l'alignement des stratégies concurrentielles des deux entreprises peut entraîner une diminution de la concurrence au détriment des consommateurs, sans déclencher pour autant une réaction de la part des autres concurrents.

(456) D'autre part, les parties affirment que l'approche retenue par la Commission est en contradiction avec la jurisprudence communautaire récente en la matière. Les parties font référence en particulier à l'arrêt rendu le 25 mars 1999 (58) dans l'affaire Gencor/Lonhro, où le Tribunal de première instance a conclu qu'une société dans laquelle l'une des parties à l'opération détenait une participation de 27 % était néanmoins un concurrent très important de son actionnaire minoritaire. D'après les parties, la situation qui prévalait avant l'opération dans l'affaire Gencor est structurellement très proche de celle qui suivra l'opération de concentration en cause en ce qui concerne les relations entre Exxon, BP et BP/Mobil dans le secteur des carburants et des combustibles. À l'issue de l'opération de concentration, la nouvelle entité Exxon/Mobil disposera de ses propres activités dans la branche des carburants et des combustibles tout en conservant une participation minoritaire dans une entreprise concurrente, en l'occurrence BP/Mobil.

(457) En réponse à la thèse des parties, il convient de remarquer que la présente opération se différencie nettement des faits établis dans l'arrêt Gencor sur deux points particuliers. D'une part, en effet, à la lumière d'un examen approfondi des faits dans ces deux affaires, il apparaît que la situation prévalant avant l'opération de concentration dans l'affaire Gencor ne peut en aucune façon être comparée à la situation d'Exxon/Mobil à l'issue de l'opération considérée. Ainsi qu'il est expressément dit dans l'arrêt du Tribunal, non seulement Gencor n'avait aucune influence sur la gestion courante de Lonrho, mais elle n'avait pas non plus le pouvoir d'influer sur la commercialisation et la vente de la production de platine de Lonrho. En résumé, le groupe Gencor n'exerçait aucune influence sur les stratégies concurrentielles de LPD (voir point 176 des motifs de l'arrêt). En revanche, ainsi que cela a été indiqué plus haut, dans le cadre des accords relatifs à l'entreprise commune BP/Mobil, Mobil conserve une influence profonde et déterminante sur toutes les décisions intéressant la concurrence et les activités de BP/Mobil dans le secteur des carburants et des combustibles.Il suffit de rappeler à cet égard que toutes les décisions importantes concernant la politique des prix de l'entreprise commune sont soumises à l'approbation de Mobil.

(458) D'autre part, et c'est sans doute ce qui compte davantage, la comparaison faite par les parties ignore la différence entre une situation préalable à une opération de concentration et celle qui résulte de cette opération. La question posée dans l'affaire Gencor était de savoir si la situation concurrentielle serait modifiée par l'opération entre Gencor et Lonrho. À cet égard, la Commission (et le TPI) a pu fonder ses conclusions sur la base d'un examen a posteriori des comportements concurrentiels des deux entreprises et ainsi affirmer que, malgré la participation minoritaire détenue par Gencor dans les activités de Lonrho liées au platine, les deux sociétés avaient été en concurrence l'une avec l'autre pendant la phase précédant l'opération de concentration.Sur ce point, tant la Commission que le Tribunal soulignent explicitement le fait que "LPD et Implats, en conservant leurs services commerciaux respectifs, se faisaient mutuellement concurrence préalablement à l'opération de concentration et (...) que pendant la dernière décennie LPD a été, avec la Russie, le principal élément de concurrence sur le marché" (cf. considérants 174 à 176 de la décision et point 177 des motifs de l'arrêt). Au contraire, la relation entre Exxon/Mobil et l'entreprise commune BP/Mobil à l'issue de l'opération se place dans une perspective future et doit être analysée a priori. Par conséquent, conformément à l'approche qu'elle se doit d'adopter pour le contrôle des opérations de concentration, la Commission prend comme hypothèse de travail le scénario le plus pessimiste possible afin de prévenir tout risque d'entente, c'est-à-dire un alignement des stratégies concurrentielles d'Exxon/Mobil et de BP/Mobil du fait du contrôle commun que la première exerce sur la seconde.

Participation de Mobil dans Aral

(459) Dans l'appréciation des effets de l'opération sur la concurrence dans le secteur de la vente au détail de carburant, il faudrait également tenir compte des liens très importants qui unissent Mobil à Aral, la première entreprise allemande de vente au détail d'essence automobile, également présente en Autriche et au Luxembourg. Mobil possède une participation de 28 % dans Aral, les autres actionnaires étant Veba (56 %), Wintershall (15 %) et un certain nombre de producteurs de benzène (participation cumulée de 1 %). Les trois actionnaires principaux détiennent chacun [...]* % des droits de vote. D'après les parties, Mobil n'exerce aucun contrôle en commun sur Aral au sens du règlement sur les concentrations. [...]*.

(460) On peut néanmoins objecter, pour les raisons qui sont exposées ci-après, que Mobil, conjointement avec Veba et Wintershall, exerce de fait un contrôle en commun sur Aral: [...]*.

(461) Au demeurant, il n'est pas utile de trancher la question puisque, indépendamment de la question du contrôle, il est incontestable que Mobil possède une participation très importante dans Aral, ce qui crée un puissant intérêt financier de la première à vouloir la prospérité de la seconde.En outre, grâce à cette participation, Mobil peut exercer une certaine influence sur la politique commerciale d'Aral. Elle a les mêmes droits de vote que les autres principaux actionnaires et elle nomme le même nombre de membres au sein du comité de surveillance, qui élit à son tour le conseil d'administration. Enfin, Mobil a accès à une grande quantité d'informations stratégiques qui s'échangent au sein des organes de décision d'Aral. Il va donc de soi que l'existence de ce lien est susceptible de réduire les incitations de Mobil à concurrencer Aral et réciproquement. Étant donné l'importante participation que la première détient dans le capital de la seconde, la concurrence entre les deux entreprises semble être considérablement atténuée.

Vente au détail de carburant

(462) Le tableau ci-dessous montre les parts de marché des parties et de leurs concurrents sur les différents marchés nationaux où la part de marché cumulée à l'issue de l'opération de concentration serait supérieure à 15 %.

(463) Parts de marché dans la vente au détail de carburant

EMPLACEMENT TABLEAU

(464) En pourcentage, la position sur les différents marchés nationaux varie légèrement d'un pays à l'autre. D'une manière générale, on relève que la nouvelle entité issue de l'opération deviendrait le numéro un dans la plupart de ces pays, les parts de marché cumulées d'Exxon, de BP/Mobil et d'Aral allant de [20-30]* % au minimum (autoroutes françaises) à près de [30-40]* % (Allemagne et Royaume-Uni).Néanmoins, la présence dans tous ces pays de certains concurrents forts (les grandes compagnies internationales ou des entreprises nationales), réalisant des parts de marché de l'ordre de 15 % à 20 %, voire plus, éliminerait toute possibilité que la nouvelle entité exerce une position dominante individuelle.

(465) C'est davantage la question de la création ou du renforcement éventuel d'une position dominante collective qui doit être posée et examinée, étant donné, en particulier, les caractéristiques structurelles des marchés concernés. À cet égard, les marchés de la vente au détail de carburant présentent, d'une façon générale, toutes les caractéristiques qui sont normalement considérées comme nécessaires à l'émergence d'une position dominante collective. Il s'agit des caractéristiques suivantes:

Concentration au niveau de l'offre

(466) La concentration du marché du côté de l'offre est la première condition préalable à l'existence d'un oligopole. Un oligopole est un marché caractérisé par la présence d'un petit nombre de grands fournisseurs dont les comportements concurrentiels sont interdépendants. Les marchés de la vente au détail de carburant, considérés au niveau national, sont généralement concentrés; ils ne comptent que peu de fournisseurs (entre trois et cinq), qui représentent les deux tiers environ de chaque marché national. Les parties affirment que les marchés retenus par la Commission ne sont pas suffisamment concentrés. Dans sa pratique antérieure, en particulier, la Commission estimait généralement qu'il fallait un degré de concentration beaucoup plus élevé pour qu'un marché pose un problème d'oligopole. Cette question sera réexaminée dans les sections consacrées à chaque marché national. D'une manière générale, on peut dire qu'il est incontestable que plus le nombre d'entreprises participant à un oligopole est élevé, plus le risque de sortie de l'oligopole est grand. Néanmoins, les grandes théories sur le contrôle des ententes soutiennent qu'un oligopole peut également fonctionner sur des marchés moins concentrés. C'est le cas lorsque la transparence du marché au niveau des prix est telle que même si le marché compte de nombreux acteurs, il est facile à ces derniers de se surveiller mutuellement.

Homogénéité des produits

(467) Un degré d'homogénéité élevé simplifie la coordination tacite des politiques de prix. En l'absence d'autres caractéristiques susceptibles de différencier un fournisseur d'un autre, la concurrence sur un marché de produits homogènes tend donc à être axée sur les prix. Dans la présente affaire, le carburant est sans aucun doute un produit qui offre très peu de possibilités de différenciation ou de particularisation. Il est probablement l'un des rares produits pour lesquels les clients (automobilistes) sont incapables de faire la différence entre deux marques de carburant, au niveau des caractéristiques et des performances. Le carburant est un bien fongible d'une nature telle que les entreprises de raffinage recourent systématiquement à la pratique des accords d'échange pour l'approvisionnement de leurs stations-service.

(468) Dans leur réponse à la décision de la Commission d'ouvrir la seconde phase de la procédure, les parties affirment que la vente au détail de carburant est caractérisée par une vive concurrence au niveau de l'éventail des services proposé au consommateur. Outre le prix, le consommateur prendrait en considération d'autres facteurs tels que la commodité, l'éventail des produits complémentaires offerts dans la boutique, la disponibilité d'autres équipements (poste de lavage de voitures), l'offre de caractéristiques perçues comme présentant une certaine valeur, telles que les promotions et les systèmes de fidélisation de la clientèle. Comme il existe, par conséquent, de notables différences entre les concurrents quant à l'éventail des services qu'ils offrent aux clients, les parties soutiennent que le degré d'homogénéité est limité.

(469) Les éléments recueillis au cours de l'enquête ne corroborent pas cette thèse. En ce qui concerne la connaissance des marques et la différenciation des produits, l'enquête a confirmé que ces facteurs ne jouent pas un rôle déterminant dans les préférences des clients. La grande majorité des détaillants interrogés par la Commission indiquent que la connaissance des marques tient une place secondaire dans la vente au détail de carburant. Les détaillants ont, certes, essayé de sensibiliser à la marque, notamment par le biais de campagnes commerciales et de systèmes de fidélisation. Force est toutefois de reconnaître, d'une manière générale, que la politique menée par les grandes compagnies afin de créer une image de marque dans la vente au détail de carburant n'a pas été une réussite. Les seules exceptions sont les Pays-Bas et, dans une moindre mesure, l'Allemagne, où les détaillants sont parvenus plus ou moins à sensibiliser aux marques grâce à des systèmes de fidélisation. Cet aspect sera développé dans les sections consacrées à ces deux pays.

(470) Quant à "l'éventail des produits complémentaires" dont les parties tirent argument, aucune des informations recueillies ne prouve que ces facteurs jouent, de quelque façon que ce soit, un rôle dans la détermination des préférences des automobilistes. Dans leurs réponses, les entreprises du secteur n'ont pas non plus soutenu ce point de vue.

(471) Il ressort en réalité des éléments de preuve réunis par la Commission que, lors de l'achat de carburant, le choix des automobilistes est guidé par deux paramètres essentiels, à savoir la facilité d'accès au lieu d'approvisionnement et le prix. En outre, une étude communiquée par les parties ellesmêmes montre clairement que, dans les pays développés, la plupart des consommateurs ne notent aucune différence de qualité significative entre les différentes marques de carburant. Dans leur écrasante majorité, ces consommateurs choisissent de préférence un point de vente de carburant en fonction de sa facilité d'accès et de ses prix.

(472) Selon cette étude, la facilité d'accès est la première raison qui oriente l'achat de carburant. Néanmoins, contrairement à ce que prétendent les parties, la facilité d'accès n'est un facteur à prendre en considération que pour la définition de l'étendue géographique du marché. À cet égard, ainsi qu'il ressort de la section consacrée à la définition du marché, l'exigence de l'automobiliste qui consiste à pouvoir faire le plein sans avoir un long détour à faire limite à l'échelon local le jeu de la concurrence dans la vente au détail de carburant. En revanche, ce facteur ne peut aucunement être considéré comme un facteur de différenciation de la nature des produits en cause.

Faible innovation technique

(473) L'absence d'innovation technique est une autre grande caractéristique du marché tendant vers l'oligopole, directement liée à celle de l'homogénéité. Sans innovation, les concurrents n'ont d'autre choix que d'axer la concurrence sur les prix. En outre, la faible innovation technique est une garantie que la nature de la concurrence (et l'homogénéité des produits) ne se modifiera pas sensiblement dans un avenir proche. Or, la vente au détail de carburant est caractérisée par une faible innovation technique. Le progrès technique se traduit par des changements progressifs et relativement lents apportés aux procédés et aux produits plutôt que par des changements brusques et révolutionnaires.

Transparence du marché

(474) La transparence du marché est également l'une des caractéristiques fondamentales d'un marché tendant vers l'oligopole. Tout d'abord, la transparence permet aux acteurs du marché de faire converger leurs prix vers un prix donné, sans que cette convergence passe par une coordination explicite. En conséquence, la transparence des prix peut mener au parallélisme des prix pratiqués par les entreprises qui sont présentes sur le marché. Deuxièmement, chacune de ces entreprises a la possibilité de contrôler le comportement des autres, notamment pour s'assurer qu'aucune d'elles ne triche. Or, le marché en cause est caractérisé par une transparence totale, dans la mesure où c'est un marché au détail où les prix à la pompe sont rendus publics. En effet, les informations sur les prix sont disponibles non seulement au stade de la commercialisation, mais aussi à tous les autres stades. Par exemple, les prix auxquels le carburant est vendu départ raffinerie sont publiés quotidiennement par des organisations reconnues telles que Platt's et Petroleum Argus. La transparence des prix existe aussi au stade du pétrole brut. En somme, les informations sur les prix sont accessibles à tous les stades de cette activité, jusqu'à celui de la commercialisation. Il convient également de noter que la transparence du marché est une condition essentielle pour qu'un oligopole puisse fonctionner efficacement. Dans le secteur de la vente au détail de carburant, la transparence est telle qu'elle rend impossible toute forme de tricherie de la part des entreprises présentes sur le marché. En dernier lieu, la vente au détail de carburant est également un marché transparent quant aux quantités vendues. Il suffit d'observer, à cet égard, que la plupart des opérateurs sont bien informés des ventes de leurs concurrents du fait de l'échange intensif d'informations au sein des associations professionnelles du secteur. Il existe, en outre, un certain nombre de sources d'informations statistiques publiées.

Croissance modérée du marché

(475) Sur les marchés où la demande stagne ou ne croît que modérément, la croissance n'imprime pas un élan capable de stimuler la concurrence, et ce, pour deux raisons. D'une part, en effet, les entreprises en place ne sont pas incitées à se faire concurrence pour capter une partie de la croissance de la demande. Les parts de marché ne peuvent progresser qu'aux dépens des concurrents, ce qui peut déboucher sur une guerre des prix dévastatrice dont aucun combattant ne sort gagnant. D'autre part, un taux de croissance modeste de la demande sur un marché n'attire pas les entreprises extérieures. Sur le marché en cause dans la présente affaire, ainsi que le reconnaissent les parties, la demande de carburant en Europe est relativement stagnante. L'essence, en particulier, n'a pas progressé, alors que le gazole a capté l'essentiel de la croissance. En moyenne, la demande de carburant dans l'EEE a connu une croissance annuelle de 0,4 % sur les cinq dernières années.

Symétrie des coûts

(476) Une position dominante oligopolistique a plus de chances de durer si les membres de l'oligopole ont des structures de coûts similaires, parce que, d'une part, cette similarité crée des incitations semblables sur le marché dans certaines situations, et que, d'autre part, elle augmente le risque de représailles, car un fournisseur sait que ses concurrents peuvent contrer ses actions concurrentielles sur un pied d'égalité. Dans la présente affaire, une analyse des structures de coûts des détaillants de carburant a été effectuée pour chaque pays, en prenant comme référence la vente au détail de carburant en tant qu'activité autonome.

Symétrie des parts de marché

(477) La symétrie des parts de marché des concurrents est considérée comme un autre facteur favorisant généralement les comportements parallèles anticoncurrentiels. Cela tient principalement au fait qu'une telle similarité peut être le résultat de la similarité des structures de coûts des entreprises. Comme les coûts déterminent, dans une large mesure, la politique de prix d'une entreprise, les symétries évoquées ci-dessus facilitent la coordination des prix. Sur certains marchés nationaux sur lesquels la Commission a enquêté, les parts de marché sont inégalement réparties entre les différents concurrents. Toutefois, cet élément n'exclut pas en soi la possibilité qu'il existe une position dominante oligopolistique. En effet, bien que la symétrie des parts de marché offre des incitations supplémentaires à adopter un comportement parallèle, elle ne peut être considérée comme une condition préalable à l'existence d'un tel comportement. Ainsi, même en cas d'asymétrie des parts de marché, il peut y avoir des symétries de coûts. C'est le cas dans la vente au détail de carburant, où ce sont les stations-service qui réalisent les économies d'échelle les plus importantes. De même, les membres d'un oligopole peuvent estimer qu'ils détiennent une part équitable du marché et se considérer mutuellement comme se trouvant sur un "pied d'égalité" et comme ayant une puissance comparable. Ils auraient par conséquent peu à gagner et beaucoup à perdre d'actions anticoncurrentielles agressives. C'est justement le cas dans la vente au détail de carburant. En effet, presque tous les membres supposés de l'oligopole sont des entreprises verticalement intégrées, présentes dans le monde entier et dotées de capacités financières qui dépassent de loin ce que suppose leur position au niveau de la vente au détail sur un marché national donné. Au total, la symétrie des parts de marché nationales n'est probablement pas un facteur important pour ces entreprises. À cet égard, il est utile de noter que tous les détaillants verticalement intégrés ont créé un système de compensation des pertes financières que leur réseau de revendeurs au détail pourrait subir en cas de guerre des prix. À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l'asymétrie des parts de marché observée dans un certain nombre de pays sur lesquels la Commission a enquêté afin d'apprécier l'opération sous l'angle de l'oligopole n'est pas un facteur pertinent en l'espèce.

Intégration verticale

(478) D'une manière générale, des degrés d'intégration verticale comparables entre les membres d'un oligopole renforcent leur volonté d'adopter des comportements parallèles et accroissent les chances que de tels comportements soient durables. Cela tient tout d'abord au fait que l'intégration peut conférer aux entreprises intégrées des avantages au niveau des coûts et rapprocher leurs structures de coûts, atouts dont les entreprises non intégrées ne peuvent, quant à elles, bénéficier. En second lieu, et c'est sans doute l'élément le plus important, les intérêts stratégiques des entreprises parvenues à un même degré d'intégration tendent à coïncider à tous les stades du commerce. En effet, les modifications des conditions du marché affectent de la même manière les entreprises intégrées, ce qui les pousse à réagir de façon similaire. Dès lors, on peut s'attendre à des comportements parallèles plus durables sur de tels marchés. Dans la présente affaire, l'industrie pétrolière est une branche d'activité caractérisée par la présence de grandes entreprises verticalement intégrées. En revanche, dans le secteur de la vente au détail de carburant, l'intégration verticale confère certains avantages aux entreprises intégrées, entre autres la sécurité des approvisionnements et, à long terme, une plus grande capacité de faire face à des conditions du marché qui évoluent. En outre, il est incontestable que l'intégration verticale entraîne une communauté d'intérêts entre les compagnies pétrolières intégrées qui couvrent toutes les branches de ce secteur. Aussi cette intégration accroît-elle considérablement les chances de stabilité des comportements parallèles, en faisant coïncider les intérêts des grandes compagnies.

Rigidité de la demande

(479) D'une façon générale, si la demande est inélastique par rapport au prix, l'attrait des comportements parallèles est plus fort. Puisque les volumes totaux de la demande ne diminuent pas sensiblement en cas de hausse des prix, les entreprises présentes sur le marché trouvent leur intérêt à pratiquer des prix supérieurs à ceux que dicterait le jeu de la concurrence. Dans la vente au détail de carburant, la demande est rigide parce qu'il n'existe pas vraiment de produit de substitution. Plusieurs études montrent que même en cas d'augmentation des prix, la consommation moyenne de carburant à long terme reste stable. Cela tient également au fait que la demande présente un caractère captif.

Liens structurels

(480) Les probabilités de comportements oligopolistiques augmentent généralement s'il existe des liens structurels entre les membres de l'oligopole. La raison principale en est que les liens structurels incitent les entreprises présentes sur le marché à se soucier de la prospérité de leurs partenaires et leur permettent d'être informées des stratégies, de la structure des coûts et des plans de chacune d'elles. De tels liens peuvent réduire le zèle des membres de l'oligopole à se faire mutuellement concurrence, ils peuvent constituer des moyens de représailles potentiels et, en fonction des circonstances, également créer un certain intérêt commercial commun sur le marché concerné. Le secteur du pétrole en aval est caractérisé par l'existence de plusieurs liens entre les grandes compagnies sous forme, soit de liens structurels (tels que l'entreprise commune BP/Mobil et la participation de Mobil dans Aral-Allemagne), soit de relations non structurelles ou de relations commerciales (telles que les accords d'échange de carburant).

Barrières à l'entrée - Absence de concurrence potentielle

(481) Un oligopole peut fonctionner plus efficacement si le marché est caractérisé par d'importantes barrières à l'entrée. Ces barrières peuvent rendre un marché difficilement prenable et le mettre à l'abri des pressions concurrentielles qu'exerceraient des concurrents potentiels. La vente au détail de carburant et, d'une manière plus générale, toute l'industrie pétrolière, sont caractérisées par d'importantes barrières à l'entrée. Ces dernières années ont révélé que l'intégration verticale n'était pas un obstacle insurmontable, comme en témoigne la réussite sur les marchés de certains détaillants non intégrés. Néanmoins, d'autres obstacles importants rendent peu probable l'entrée de nouveaux concurrents sur le marché de la vente au détail de carburant.

(482) Tout d'abord, en effet, pour pouvoir exercer une concurrence efficace sur ce marché, il est essentiel de disposer d'une certaine masse critique de stations-service réalisant un débit moyen élevé. Cela implique de lourds investissements, imputables en partie aux coûts liés au respect des normes de protection de l'environnement (les parties estiment le coût d'ouverture d'une nouvelle station-service à [...]* euros) et à la disponibilité de terrains appropriés pour y implanter un point de vente. À cet égard, force est de constater que, dans de nombreux pays, les permis de construire sont difficiles à obtenir en raison de la saturation du marché. Cette remarque vaut très certainement pour tous les pays affectés par la présente opération. Même si l'on peut objecter que de nouvelles entrées pourraient se produire dans l'avenir grâce à la réouverture de sites qui ont été fermés ces dernières années, il n'en reste pas moins que ces sites sont souvent plus petits et moins intéressants. En outre, la réglementation sur l'environnement rend la réouverture d'un ancien site presque aussi difficile et coûteuse que la construction d'une nouvelle station-service.

(483) En fait, les seuls nouveaux concurrents qui aient réussi à établir une présence significative dans certains États membres au cours des dernières années sont les hypermarchés, grâce à la combinaison d'un certain nombre de conditions particulières, à savoir: i) l'existence d'une offre concurrentielle; ii) la disponibilité de très grandes capacités sous l'angle des installations de distribution et des terminaux; iii) la centralisation des achats; iv) l'accès à des biens à usage commercial bien situés; v) l'obtention relativement facile des permis nécessaires; et vi) une faible structure des coûts par rapport aux concurrents traditionnels. À cela s'ajoute, dans une moindre mesure, l'existence de certains détaillants "à faibles coûts" capables de mettre en place un réseau approprié sous l'angle du nombre de points de vente et du débit moyen (par exemple, Save au Royaume-Uni, ou Jet Conoco en Allemagne).

(484) Dans nombre d'États membres, en revanche, les groupes en place ont vu leur position se consolider de façon impressionnante, du fait d'une diminution générale des marges qui a évincé du marché beaucoup de petits détaillants indépendants. C'est une caractéristique commune à tous les marchés analysés ci-après. Dans ce contexte, contrairement à ce que prétendent les parties, les possibilités que de "petites" entreprises pénètrent à l'avenir sur le marché de la vente au détail de carburant à petite échelle semblent très minces.

(485) En résumé, la seule vraie source de concurrence potentielle dans la vente au détail de carburant est constituée par les hypermarchés qui, dans certains pays, ont vu leurs ventes progresser d'une manière spectaculaire (en France, en moins de 20 ans, les hypermarchés ont conquis plus de 50 % du marché). Néanmoins, le fait que ces entreprises ne soient que peu, voire pas du tout présentes dans des pays tels que les Pays-Bas, le Luxembourg ou l'Autriche peut être révélateur de l'existence de certains obstacles structurels, susceptibles d'empêcher, même à l'avenir, toute évolution de ce côté. Dans les autres pays où ces entreprises sont déjà implantées (Royaume-Uni et Allemagne), leur potentiel concurrentiel réel devrait être mesuré en tenant dûment compte des nombreux facteurs qui peuvent entraver leur croissance ultérieure. Ce point sera examiné dans les sections consacrées à l'analyse pays par pays.

Absence de puissance d'achat

(486) La capacité des membres de l'oligopole d'augmenter les prix peut être limitée par la puissance d'achat compensatrice des clients. Des clients puissants et concentrés peuvent empêcher les membres de l'oligopole de pratiquer des prix supérieurs à ceux qu'imposerait le jeu de la concurrence ou être suffisamment forts pour dissuader ces derniers d'adopter un comportement collusoire et les inciter à se faire concurrence. Dans la vente au détail de carburant, la puissance d'achat fait totalement défaut puisque la demande est constituée par les automobilistes.

Contacts sur de multiples marchés

(487) Les contacts sur de multiples marchés peuvent entretenir une position dominante oligopolistique, parce qu'ils peuvent augmenter les risques de représailles sur d'autres marchés. L'industrie pétrolière est caractérisée par des sociétés verticalement intégrées qui sont présentes à tous les stades, depuis l'extraction du pétrole brut jusqu'à la commercialisation du carburant.

(488) Dans ce contexte qui est commun à tous les marchés nationaux précités, il faudrait ensuite déterminer si les conditions propres à chaque marché national sont telles qu'un oligopole puisse fonctionner efficacement à l'issue de l'opération de concentration en cause. La situation dans chaque pays est examinée en détail dans les sections suivantes, en mettant l'accent tout particulièrement sur le degré de concentration de chaque marché, les pressions concurrentielles exercées par des entreprises autres que les membres supposés de l'oligopole, les liens de causalité entre l'opération en question et la conclusion relative à l'existence d'une position dominante collective.

(489) Le tableau ci-dessous montre les résultats d'une comparaison des prix du carburant dans les pays affectés par l'opération de concentration.

EMPLACEMENT TABLEAU

(490) Il n'existe en Autriche qu'une seule raffinerie, exploitée par son propriétaire, OMV. Traditionnellement, plus de 70 % des produits pétroliers sont achetés directement à des raffineries de l'intérieur. Les importations en Autriche ne sont apparemment pas le fait de revendeurs indépendants, mais de sociétés intégrées. L'Autriche dispose d'une capacité de stockage suffisante. Le pétrole brut est acheté par OMV et RAG et transporté par oléoduc de la mer Adriatique jusqu'à Vienne, où il est transformé à la raffinerie Schwechat d'OMV. L'entreprise OMV joue donc un rôle important en Autriche, puisqu'elle possède la seule raffinerie du pays, est actionnaire majoritaire de l'oléoduc entre l'Adriatique et Vienne et de l'entreprise de stockage Erdöl-Lagergesellschaft, qu'elle est actionnaire de la "Autobahn-Betriebsgesellschaft" et possède son propre oléoduc entre Vienne et St Valentin.

(491) OMV a passé un contrat de partage de la production de sa raffinerie avec Shell, Mobil, Esso et Agip. Ces compagnies en utilisent 15 % au total. OMV a également des accords d'échange avec Conoco, Agip et Aral. Shell, Mobil, Esso et Agip sont aussi actionnaires des sociétés AWP, Erdöl-Lagergesellschaft (stockage) et "Autobahn-Betriebsgesellschaft". Le Comité paritaire des ententes ("Paritätische Ausschuß für Kartellangelegenheiten") a estimé que cette coopération entre grandes compagnies pouvait être assimilée à un cartel. Chacune de ces grandes compagnies approvisionne d'ailleurs les stations-service des autres, afin d'économiser sur les frais de transport.

Infrastructure

(492) Exxon rapporte que plusieurs entreprises de transport ont récemment proposé, pour le transport par chaland de Rotterdam à la région de Vienne, des tarifs allant de [...]* à [...]* DEM/t pour les distillats et de [...]* à [...]* DEM/t pour l'essence automobile, ce qui équivaut, pour l'ensemble des carburants auto, à un prix moyen de [...]* DEM/t. Le taux de fret entre Rotterdam et l'une des principales destinations en Allemagne (la région Rhin/Main) est d'environ [...]* DEM/t. Le coût moyen du transport pour l'Autriche est donc supérieur d'environ [...]* à ce qu'il est pour l'Allemagne. Cette différence s'explique par des distances plus longues, par la perception de péages sur les canaux, par le nombre particulièrement élevé d'écluses à passer sur le canal Rhin/Danube, ce qui ralentit le voyage, par des niveaux d'eau plus bas que ceux du Rhin, et par un risque de retard important lié aux basses eaux du Danube (dont le débit n'est pas régulé par des barrages).

(493) Outre les installations de stockage contrôlées par les grandes compagnies, il existe des installations indépendantes, telles que les terminaux de Tamoil à Linz ou de Roth Öl en Styrie, ainsi que des terminaux plus petits qui pourvoient à la demande régionale. Bien que les parties n'aient fourni aucun chiffre sur la capacité de ces installations indépendantes, elle est présentée comme peu importante. En tout état de cause, les concurrents ont indiqué qu'il n'y avait aucun risque de mainmise sur les capacités de stockage, dans la mesure où les grandes compagnies préfèrent louer des capacités plutôt que d'en avoir le contrôle.

Vente en gros

(494) En 1997, 27 % de l'essence et 35 % du gazole consommés étaient importés. Les grandes compagnies, les négociants et les "outsiders" qui importent des produits pétroliers les font venir en chaland par le Danube, par le rail ou par la route. Les "outsiders", ou marques dites de catégorie B (comme Avia, Jet, Turmöl, Rühl, IQ, AWI, Roth, Hölzl, Champion, A1 et Euröl, qui ont des réseaux de vente au détail plus petits que ceux exploités par OMV, Aral ou BP/Mobil), importent leur carburant ou l'achètent aux grandes compagnies ou à des grossistes et sont apparemment libres de choisir l'offre la moins chère et de fixer leurs prix en toute indépendance. Exxon s'approvisionne à hauteur de [...]* % auprès de tiers. Le reste provient de transferts de ses filiales ou lui est fourni par la raffinerie Schwechat d'OMV, dans le cadre d'un accord de transformation à terme. BP/Mobil achète à des tiers [...]* % du volume de ses ventes. Le reste est d'origine locale.

Vente au détail

(495) En Autriche, la vente de carburant au détail est assurée par des stations sous marque, par des stations indépendantes (ou "libres") et par des pompes blanches. Les supermarchés ne sont guère présents dans ce secteur et n'ont qu'un nombre très limité de stations.

(496) Les principaux réseaux de marque sont ceux d'OMV, d'Aral, de BP/Mobil, de Shell et d'Esso. Les autres stations sous marque sont les stations de catégorie B et les pompes blanches.

(497) Les stations sous marque représentent 64 % du total. Elles sont gérées par des agents, selon un système qui oblige ceux-ci à fixer leurs prix conformément aux instructions des grandes compagnies. Il est important de noter que les grandes compagnies (OMV, Aral, BP/Mobil, Shell et Esso) sont actionnaires d'au moins [...]* % des stations en Autriche.

(498) Parmi les stations "libres" (ou marques de catégorie B) figurent Avia, Jet, Turmöl, Rühl, IQ, AWI, Roth, Hölzl, Champion, A1, Euröl, etc. D'autres marques de catégorie B sont partiellement détenues par les grandes compagnies: Genol (détenue à 29 % par OMV) et Avanti (détenue à 50 % par Shell) disposent de réseaux couvrant toute l'Autriche. Dans ce pays, les pompes blanches n'appartiennent pas à des sociétés indépendantes, mais aux grandes compagnies, qui préfèrent ne pas leur faire porter leurs couleurs (OMV, par exemple, possède un réseau de ce type, baptisé "Stroh-Tankstellen").

(499) [...]*.

(500) L'activité des stations-service est fortement réglementée en Autriche. Avant le 16 septembre 1981, les prix des carburants étaient fixés par le Gouvernement et n'étaient modifiés que sur demande des compagnies pétrolières, si celles-ci voyaient leurs coûts augmenter. En 1981, tous les prix des carburants, à l'exception du gazole, ont été libéralisés. Les acteurs de ce marché sont OMV, Agip Austria AG, BP Austria AG, Mobil Oil Austria AG, Shell Austria AG et Aral Austria GmbH. Au niveau local, les grandes compagnies doivent compter avec des marques de catégorie B (telles que Avanti, Jet, Turmöl) et avec les revendeurs indépendants. Dans leur voisinage, les grandes compagnies proposaient des prix plus bas à leurs propres stations (concurrence par "concentration des prix"). En 1990, un nouvel accord (Branchenübereinkommen) est entré en vigueur, afin de rendre la tarification plus objective. Un système d'information du marché a été créé pour permettre de suivre l'évolution hebdomadaire des prix des carburants au niveau national et international. Cette opération n'ayant pas vraiment porté ses fruits, l'accord a été abandonné, de même que la réglementation du prix du gazole.

(501) L'Autriche applique aussi des critères environnementaux stricts, qui ne diffèrent cependant pas de ceux imposés en Allemagne. Les petites stations n'ont pas les moyens de satisfaire à ces normes strictes (selon Exxon, c'est d'ailleurs la principale raison pour laquelle la rationalisation du marché est vouée à se poursuivre). Des aides financières sont prévues pour la fermeture de stations. Tous les coûts mentionnés sont de même ordre que ceux enregistrés en Allemagne.

(502) L'Autriche a un réseau très dense de stations-service (plus dense qu'en Allemagne). Le débit moyen par station est, de ce fait, moins important: 1 422 m3 en Autriche, contre 3 170 m3 en Allemagne. Le nombre de stations-service a diminué de 23 % entre 1995 et 1997. Depuis 1995, il n'y a pas eu sur le marché d'autre entrée que celle de Jet-Conoco, dont le réseau est passé de 29 à 55 stations.

SITUATION AVANT LA CONCENTRATION - ÉTAT ACTUEL DE LA CONCURRENCE

Structure du marché

(503) Le tableau qui suit montre l'évolution des parts de marché en Autriche au cours des quatre dernières années. Il en ressort que le marché était jusqu'ici dominé par trois compagnies, OMV, BP/Mobil et Shell, qui en détiennent à elles trois [50-60]* %. Elles sont suivies par Esso et Aral, qui détiennent chacune plus de [0-10]* % du marché.

EMPLACEMENT TABLEAU

(504) Ainsi que cela a été indiqué plus haut, les autres acteurs du marché regroupent d'autres réseaux de marques plus petits, des supermarchés et des pompes blanches. Un certain nombre de petits réseaux de marque, représentant environ [30-40]* % des marques de catégorie B, sont partiellement détenus par l'un des trois premiers opérateurs. Selon les parties notifiantes, les supermarchés ont stagné à 2 % au cours des cinq dernières années et il ne faut guère s'attendre à voir leur part de marché s'accroître. De même, les pompes blanches sont passées de 8,4 % à 8,0 % du marché durant la même période. Les parties ne s'attendent pas à une modification sensible de la situation concurrentielle en Autriche à brève échéance, en raison, disent-elles, des procédures d'autorisation très restrictives actuellement en vigueur.

Dynamique concurrentielle - Coûts et prix Coûts

(505) Il est très peu probable qu'aucun des autres détaillants sous marque puisse exercer une quelconque pression concurrentielle sur les trois principaux acteurs du marché. En effet, au cours de l'enquête menée par la Commission sur la situation du marché, les concurrents ont indiqué que si les grandes compagnies augmentaient leurs prix, les indépendants suivraient le mouvement. Ces derniers veulent en effet maintenir de bonnes relations avec les grandes compagnies, car ils ne survivraient pas à une guerre des prix ou à une concurrence trop âpre. La première explication est d'abord à rechercher du côté des intérêts financiers que détiennent OMV, BP/Mobil ou Shell dans certaines de ces sociétés. Deuxièmement, ces acteurs ont des coûts fixes plus élevés que les marques de catégorie A. Ainsi, ils ont enregistré en 1998 un débit moyen d'environ 824 mètres cubes, contre 1,422 mètres cubes pour l'ensemble du secteur et 2,000 mètres cubes pour les trois grands. Ce faible niveau de débit n'offre qu'une base limitée pour l'amortissement des coûts fixes qui représentent de ce fait une part importante des coûts totaux. Ces différences de débit se traduisent donc par des différences de coûts significatives. Troisièmement, les petits concurrents dépendent, pour une bonne part de leur approvisionnement, des ventes en gros des trois premières compagnies du marché, qui se partagent, avec Exxon, la production de la raffinerie d'OMV.

(506) Compte tenu de ce qui précède, il semblerait que les conditions de concurrence sur le marché autrichien soient dictées par OMV, BP/Mobil, Shell, Esso et Aral. Vu le nombre restreint de véritables concurrents, et vu que les conditions prévalant dans le secteur de la vente au détail de carburants favorisent traditionnellement les comportements oligopolistiques, l'on serait fondé à penser que le marché autrichien fonctionne selon une structure d'oligopole ou de quasi-oligopole.

(507) Pour l'Autriche, il convient aussi de tenir compte du fait que BP/Mobil et Aral sont structurellement liées (voir les considérations générales émises plus haut) et que toutes ces compagnies ont passé des accords spécifiques avec la raffinerie d'OMV à Schwechat.

Prix

(508) L'examen du niveau et des variations des prix de détail des carburants tend à montrer que ce marché connaît un déficit de concurrence.

(509) En effet, les prix (hors taxes) pratiqués en Autriche sont parmi les plus élevés d'Europe. En 1998, les prix nets de l'essence et du gazole étaient supérieurs de 33 % et 29 %, respectivement, à ceux pratiqués en Allemagne. En outre, il n'existe qu'une corrélation limitée entre le prix des carburants et les cours du pétrole brut ou les cours du Platt's pour le gazole ou l'essence auto. Le rapport Puwein, cité par les parties, explique que les variations mensuelles sont 50 % plus fortes en Allemagne qu'en Autriche, et qu'une variation de 10 % du prix du brut fait varier les prix (hors taxes) de 3 % en Autriche et de 5 % en Allemagne.

(510) Les parties justifient les prix plus élevés pratiqués en Autriche par l'effet conjugué de coûts logistiques supplémentaires, d'un débit plus faible et des restrictions pesant sur les boutiques. Les coûts logistiques incluent selon elles des frais de transport supplémentaires (par rapport à l'Allemagne) se montant à [...]* USD et, en Autriche même, des frais de distribution additionnels ([...]* USD) liés à la nature du terrain et à la structure du réseau de vente. La différence de débit engendrerait un surcoût unitaire de [...]* USD, qui devrait être compensé par un accroissement des marges. Enfin, les restrictions imposées aux boutiques, notamment la limitation de leur superficie (80 m2, contre les [...]* m2 qui sont la norme pour Exxon), l'obligation d'avoir une licence spéciale pour vendre du tabac, etc., entraîneraient pour l'exploitant une perte de recettes de [...]* USD. Les parties, additionnant ces trois postes, obtiennent un chiffre de [...]* USD qui, concluent-elles, explique 90 % de l'écart entre les prix à la pompe en Autriche et en Allemagne.

(511) L'argument du manque à gagner résultant des restrictions imposées aux boutiques paraît sujet à caution. Tout d'abord, les parties parlent d'un déficit de recettes, et non du manque à gagner subi au niveau de leur marge, ce qui donnerait nécessairement un chiffre plus bas. Deuxièmement, lorsqu'elles ont été priées d'évaluer les marges supplémentaires générées par les magasins de commodité en Allemagne, les parties ont renvoyé à une ligne comptable intitulée "marge de distribution brute - divers", qui affichait un montant de [...]* USD/tonne pour l'Allemagne ([...]*). Or, pour l'Autriche, la ligne correspondante affiche un montant de [...]* USD/tonne.

(512) En tout état de cause, et à supposer que ce chiffre de 85 USD/tonne repose sur des hypothèses fiables, la différence de prix inexpliquée de [...]* % avec l'Allemagne représenterait encore environ [...]* cent au litre. Les parties ayant elles-mêmes estimé qu'une marge d'environ [...]* cents le litre, après déduction des coûts d'exploitation, constituerait un retour sur investissement acceptable, cela représenterait un gain de [...]* %. [...]*.

Barrières à l'entrée - Possibilités de développement - Concurrence potentielle

(513) Il ressort des déclarations faites lors de réunions avec les services de la Commission, et des documents internes d'Exxon, que cette compagnie ne s'attend, en Autriche, à aucune menace concurrentielle du côté des supermarchés. Cette prévision a été confirmée par l'enquête sur la situation du marché.

SITUATION À L'ISSUE DE LA CONCENTRATION - INCIDENCE DE L'OPÉRATION SUR LA CONCURRENCE

(514) L'incidence de l'opération doit être appréciée dans le contexte décrit plus haut, compte tenu également des aspects évoqués dans la section consacrée aux caractéristiques structurelles des marchés de vente au détail de carburant en général.

(515) La fusion entre Exxon et Mobil aboutira à la création de liens très puissants entre BP/Mobil, Aral et Exxon au niveau de leurs activités de vente au détail de carburants en Autriche, si bien que Aral et Esso seront nettement moins incitées à défier la position de tête qu'occupent actuellement OMV, BP/ Mobil et Shell. En effet, Aral et Esso semblaient être les seuls réseaux à avoir la capacité d'exercer une pression concurrentielle sur les trois grands. Après la fusion, l'oligopole détiendrait une part de marché cumulée de [70-80]* % (y inclus les participations ou intérêts détenus dans des stations autres que les stations de catégorie A), les petits concurrents étant relégués à une place marginale, avec des coûts fixes ne leur permettant pas d'être réellement compétitifs. En outre, ces petits concurrents seraient dans une certaine mesure tributaires des participations financières de l'un des trois grands, dont ils dépendraient aussi pour leur approvisionnement. La fusion aboutirait donc à la création ou au renforcement de la position dominante collective des sociétés OMV, BP/Mobil et Shell sur le marché de la vente au détail de carburants en Autriche.

AUTOROUTES FRANÇAISES

APERÇU GÉNÉRAL

(516) Ainsi que cela sera été expliqué plus loin, la situation concurrentielle du marché de la vente au détail de carburant sur les autoroutes françaises à péage se caractérise par la présence d'un très petit nombre d'acteurs. L'offre est très concentrée et tous les acteurs sont de grandes compagnies pétrolières verticalement intégrées. Dans la mesure où il ne semble pas y avoir de risque de verrouillage du marché au niveau du raffinage et de la vente en gros, ces aspects ne seront pas abordés dans l'analyse qui suit.

Les stations-service des autoroutes à péage en tant que marché de produits distinct

(517) L'opération aura un impact très important sur les autoroutes françaises. Ainsi que cela a été indiqué plus haut, les autoroutes à péage peuvent être assimilées à un marché de produits distinct du fait de leurs caractéristiques spécifiques. En outre, la France est l'un des États membres où la plupart des autoroutes sont payantes, les automobilistes acquittant un péage calculé en fonction de la distance parcourue sur l'autoroute. Ce facteur contribue à les dissuader de sortir de l'autoroute pour acheter du carburant dans des stations ordinaires. De même, du côté de l'offre, l'isolement du canal de distribution autoroutier s'explique par l'existence de barrières à l'entrée considérables (cf. points 554 à 561 ci-après).

(518) Le tableau ci-dessous indique l'écart existant entre les prix des stations autoroutières d'Exxon et les prix moyens à la pompe sur l'ensemble du réseau d'Exxon dans les États membres les plus touchés par l'opération (60).

EMPLACEMENT TABLEAU

(519) Comme il ressort du tableau ci-dessus, la France est le seul pays, parmi ceux examinés dans la présente affaire, à afficher, au niveau des prix TTC, des écarts de prix significatifs (allant de [...]* à [...]* %) entre les stations autoroutières et les autres. Cela tient probablement au fait que dans les autres pays, les stations autoroutières sont soumises à une concurrence plus vive de la part des stations ordinaires.

(520) Les parties considèrent que la vente au détail de carburant sur les autoroutes françaises ne constitue pas un marché distinct de celui de la distribution de carburant en dehors des autoroutes. Cet argument a également été avancé par les autres compagnies pétrolières dans leur réponse à la communication des griefs que la Commission leur avait adressée au cours de la procédure. Toutes ces compagnies font valoir qu'eu égard à la grande capacité des réservoirs des voitures modernes, les automobilistes peuvent parcourir de longues distances et acheter leur carburant en dehors des autoroutes. De plus, en France, les automobilistes sont régulièrement informés, par des brochures spéciales, des écarts de prix entre les stations situées sur autoroute et les autres. De même, selon les parties et les autres compagnies pétrolières intervenantes, la consommation moyenne de carburant a décru ces dernières années sur les autoroutes françaises, en particulier si l'on tient compte de l'augmentation moyenne du trafic.

(521) Elles affirment plus précisément que la demande de carburant sur les autoroutes françaises a sensiblement diminué, précisément en raison de la concurrence des stations ordinaires. Elles renvoient à une enquête effectuée en 1992 par l'Union française de l'industrie du pétrole, qui pronostiquait un accroissement des ventes de carburant sur les autoroutes sous concession d'environ 410 millions de litres pour les cinq années suivantes, compte tenu également d'un accroissement du trafic et d'un développement de l'infrastructure autoroutière. Or, a posteriori, si ces deux derniers phénomènes se sont effectivement produits, les ventes de carburant ont diminué de près de 270 millions de litres durant cette période. Sur cette base, les parties parviennent à la conclusion qu'il y a eu migration des clients des stations-service autoroutières vers les stations ordinaires.

(522) Les éléments de preuve apportés par les parties sont à tout le moins incomplets. Le fait qu'il y ait eu une baisse des ventes de carburant sur les autoroutes de 270 millions de litres en cinq ans ne permet en soi de tirer aucune conclusion. En fait, pour montrer que les ventes de carburant sur les autoroutes ont diminué en faveur des ventes en dehors de ce réseau, les parties auraient dû comparer valablement les structures de consommation sur les deux réseaux. Or, elles n'ont jamais procédé à ce type d'évaluation. Chose plus importante, elles font abstraction du fait que, en toute logique, même les stations situées en dehors des autoroutes peuvent avoir connu un accroissement du trafic et un développement de l'infrastructure routière.

(523) Une comparaison valable entre la demande de carburant dans les stations situées sur autoroute et la demande dans les autres stations peut à la rigueur montrer que les structures de consommation sur les deux réseaux sont très semblables. Le tableau ci-dessous donne le volume total des ventes de carburant effectuées sur les autoroutes françaises au cours des cinq dernières années, ainsi que le volume total des ventes de carburant réalisées pour l'ensemble du marché français. Il n'est tenu aucun compte de l'accroissement du trafic et du développement de l'infrastructure routière.

EMPLACEMENT TABLEAU

(524) Il ressort du tableau ci-dessus que l'évolution des ventes sur autoroute au cours des cinq dernières années est assez proche de la tendance générale. L'on constate une légère augmentation de la demande, essentiellement due à un accroissement de la demande de gazole, alors que la consommation d'essence a quelque peu diminué. Cette tendance est observable aussi bien sur le réseau des stations d'autoroute que sur le réseau ordinaire. Ces chiffres montrent que les schémas de consommation dans les stations d'autoroute ne s'écartent guère de ceux des stations ordinaires.

(525) L'analyse qualitative des achats effectués dans les stations autoroutières est également riche d'enseignements. Le tableau ci-dessous donne, pour la vente au détail de carburants, une estimation des volumes de vente totaux réalisés par Exxon en 1996, 1997 et 1998, avec une ventilation mois par mois.

(526) Pourcentage des ventes mensuelles réalisées sur autoroute par Exxon

EMPLACEMENT TABLEAU

(527) Il ressort de ce tableau que la plupart des ventes de l'année sur les autoroutes françaises ont lieu durant les mois de vacances. En ce qui concerne notamment la consommation d'essence, les deux mois de juillet et août représentent à eux seuls plus de [...]* % des ventes; en y ajoutant avril et mai, l'on constate que ces quatre mois concentrent environ [...]* % des ventes de toute l'année. Bien que moins prononcée, cette tendance est aussi observable pour le gazole. D'une façon générale, tous les mois comprenant des périodes de vacances enregistrent des ventes plus élevées. En d'autres termes, les données ci-dessus montrent que la demande a un caractère extrêmement saisonnier, ce qui correspond à une clientèle beaucoup plus captive. Les clients saisonniers sont en effet essentiellement des touristes, qui ont toutes les chances de vouloir se réapprovisionner sur les autoroutes. Ces résultats justifient, une fois de plus, que les autoroutes soient traitées comme un marché distinct.

(528) Enfin, la preuve que la distribution de l'essence sur les autoroutes françaises à péage constitue un marché distinct réside dans le fait que les prix sont supérieurs de 5 à 10 % à ceux qui sont pratiqués en dehors des autoroutes. À cet égard, les parties soulignent que les exploitants de stations autoroutières supportent des coûts plus élevés. Or, ce fait n'explique nullement pourquoi les automobilistes veulent payer plus cher le carburant acheté sur les autoroutes. Pour résumer, l'"isolement" du canal de distribution que constituent les autoroutes en France du reste du marché se reflète très exactement dans les prix, qui sont de 5 à 10 % supérieurs à ceux qui sont pratiqués dans les autres stations.

SITUATION AVANT LA CONCENTRATION - ÉTAT ACTUEL DE LA CONCURRENCE

Structure du marché

(529) La situation avant l'opération est la suivante. Contrairement à ce qui est le cas hors autoroute, le marché de la vente au détail de carburant sur les autoroutes françaises à péage est déjà très concentré. Il est caractérisé par la présence de six acteurs seulement, qui sont tous des compagnies pétrolières verticalement intégrées, dont l'une, Agip, occupe une place tout à fait marginale. Les cinq autres se divisent en deux catégories: les grandes compagnies nationales, c'est-à-dire Total et Elf, et les grandes multinationales, c'est-à-dire Shell, Exxon et BP/Mobil. Les deux compagnies nationales dominent le marché. Elles le doivent notamment à une présence historique forte sur le territoire national, qui ne leur a pas encore été disputée sur le marché des autoroutes à péage. Toutes deux ont ainsi leurs propres raffineries en France, ce qui leur assure un approvisionnement rapide et peu coûteux en carburant; elles possèdent de nombreuses installations de stockage réparties sur tout le territoire, ainsi qu'un très grand nombre de stations, qui leur permettent de desservir le réseau autoroutier jusque dans ses moindres ramifications. De ces deux compagnies, c'est Total qui occupe la première place sur le marché des autoroutes à péage. Sa fusion avec Fina lui a permis d'accroître encore son avance et d'atteindre une part de marché d'environ [30-40]* %. Comme il sera expliqué plus avant, Total est aussi le détaillant ayant la meilleure efficacité-coûts, si l'on se fonde sur le débit moyen par site. Quant aux trois multinationales, elles occupent toutes une position intermédiaire. Shell et Exxon ont des parts de marché comparables ([10-20]* % et [10-20]* % respectivement), que ce soit par le volume des ventes ou par le nombre de sites; BP/Mobil ne se situe pas très loin derrière. Avant l'opération, le degré de concentration au niveau des quatre premiers opérateurs (CR4) est proche de [80-90]* %.

(530) Il n'existe pratiquement pas de détaillants indépendants sur ce marché.Cela s'explique par un certain nombre de facteurs, dont la difficulté d'obtenir un permis d'exploitation sur autoroute, la rareté des sites disponibles et le coût élevé des investissements requis (ces aspects seront réexaminés aux points 554 à 561 ci-après).

(531) Le tableau ci-dessous donne une estimation des parts de marché (en volume) des parties et de leurs concurrents au cours des cinq dernières années.

EMPLACEMENT TABLEAU

(532) Le marché est resté assez stable dans le temps pour ce qui est de l'évolution des parts de marché. Certaines compagnies ont enregistré des variations de l'ordre de 10 % en cinq ans, mais les premiers n'ont pratiquement pas bougé dans le classement, Total se maintenant en tête, suivie d'Elf, de Shell, d'Exxon et de BP/Mobil.

(533) Il est également intéressant de comparer la situation des différents acteurs sur le marché en fonction du nombre de stations.

EMPLACEMENT TABLEAU

(534) Total et Elf l'emportent avec un nombre de sites comparable (126 et 124 respectivement), suivis de Shell, d'Exxon et de BP/Mobil. En ce qui concerne l'évolution des parts de marché dans le temps, le degré de stabilité est moins prononcé que dans la comparaison des parts de marché en volume, mais il reste néanmoins très élevé. Total a augmenté le nombre de ses sites d'environ 20 % en cinq ans (sans compter l'acquisition de Fina), ce qui lui a permis de devancer Elf. Quant aux autres grandes compagnies présentes, si l'on excepte BP, qui a fusionné son réseau avec celui de Mobil en 1997, elles n'ont pratiquement pas bougé dans le classement.

(535) D'une manière générale, il ressort de cet examen que le marché de la vente au détail de carburant sur les autoroutes françaises à péage est resté assez statique et n'a enregistré aucun changement notable au cours de ces dernières années. La demande n'a quasiment pas progressé en cinq ans, et les concurrents ont plus ou moins maintenu leur position.

Dynamique concurrentielle - Coûts et prix Coûts

(536) L'un des facteurs déterminants pour la rentabilité d'un réseau de vente au détail est le débit. Plus le débit est important, plus les coûts d'exploitation moyens au litre des stations sont faibles. Pour permettre de comparer les coûts des opérateurs précités, le tableau ci-dessous indique pour chacun d'entre eux le débit moyen par station atteint au cours des cinq dernières années.

EMPLACEMENT TABLEAU

(537) Il ressort du tableau ci-dessus que Total a le plus gros débit par station, avec 7 970 m3, suivi d'Exxon avec 6 482m3. Du reste, tous les gros opérateurs du marché ont un débit nettement supérieur à 5 000 m3. D'une manière générale, on peut dire que les stations d'autoroute ont un débit moyen relativement élevé si on les compare à la moyenne des stations hors autoroute. Toutefois, cela est dû au fait qu'elles sont généralement plus grandes.

(538) Un débit moyen compris entre 3 000 et 3 500 m3 par site est considéré par les professionnels comme suffisant pour permettre à une station-service ordinaire d'atteindre une échelle minimale d'efficience (minimum efficient scale, ou "m.e.s"). Cependant, étant donné que les stations d'autoroute supportent des coûts plus élevés que les stations ordinaires, l'on peut considérer qu'il leur faut un débit moyen plus élevé pour atteindre l'échelle minimale d'efficience. Un débit de 6 000 m3 (le double du débit moyen assurant un seuil minimal d'efficience) peut raisonnablement être pris comme référence en matière de rentabilité. De ce point de vue, il n'existe pas d'écart notable entre les différents acteurs au niveau de l'efficacité-coût. Trois compagnies [Total (61), Exxon et Elf] atteignent sans mal cet objectif, et deux autres (Shell et BP/Mobil) en sont très proches.

Prix

(539) Pour bien apprécier la situation concurrentielle de la vente au détail de carburant sur les autoroutes françaises à péage, il est intéressant de se référer à l'ensemble du marché français de la vente au détail de carburant, considéré par les parties notifiantes comme l'un des concurrentiels d'Europe.

(540) Ainsi que cela a été indiqué aux points 518 à 520 ci-dessus, il s'avère que la France enregistre l'écart de prix de loin le plus élevé. Une comparaison avec d'autres pays peut être trompeuse, les marchés nationaux présentant des conditions de concurrence différentes. Dans certains pays, tels que l'Autriche et les Pays-Bas, par exemple, les prix hors taxes des stations hors autoroute sont, globalement, extrêmement élevés, ce qui peut en partie expliquer un écart plus faible avec les stations autoroutières. En outre, à l'exception de la France, les autoroutes sont gratuites dans tous ces pays, ce qui permet de conclure que les stations ordinaires y exercent une pression concurrentielle plus forte sur les stations d'autoroute. La situation de la France pourrait être comparée à celle du Royaume-Uni, où les prix à la pompe hors taxes sont proches des prix français, mais où l'écart de prix est néanmoins plus de cinq fois plus faible qu'en France. Il est également instructif de comparer la situation de la France avec celle de l'Allemagne, compte tenu de la proximité des prix des deux pays.

(541) Le tableau ci-dessous compare les prix des stations d'autoroute d'Exxon et les prix du réseau d'Exxon en France, au Royaume-Uni et en Allemagne.

EMPLACEMENT TABLEAU

(542) On notera qu'il existe entre ces pays des écarts de prix non négligeables, qui ne peuvent s'expliquer par le fait que les coûts soient plus élevés en France qu'au Royaume-Uni et en Allemagne. Même si l'on considère que certains des coûts énumérés par les parties pour les autoroutes françaises (comme les loyers de concession) n'existent pas dans les deux autres pays, les autres surcoûts sont apparemment communs à tous les exploitants de stations d'autoroute, quel que soit le pays.

(543) Une comparaison des marges brutes et des coûts bruts enregistrés par Exxon pour ses stations autoroutières françaises, britanniques et allemandes en fournit d'ailleurs l'illustration. Il est particulièrement éclairant de comparer ce que les parties nomment, dans leur dossier, les "coûts divers" ("other wholesale costs"), c'est-à-dire tous les coûts directs (tels que les locations/taxes foncières, la publicité, la force de vente) et indirects (tels que les frais généraux et les systèmes logistiques) spécifiquement liés à la gestion et à l'exploitation des points de vente au détail de chaque pays. Les frais de transport et de livraison ne sont pas inclus.

EMPLACEMENT TABLEAU

(544) Il ressort du tableau ci-dessus que les coûts que les parties considèrent comme étant à l'origine des prix plus élevés pratiqués sur les autoroutes françaises sont en fait plus bas en France qu'au Royaume-Uni et en Allemagne. En revanche, les marges brutes et les prix bruts sont sensiblement plus élevés en France que dans les deux autres pays.

(545) L'on ne saurait par ailleurs contester la fiabilité de cette comparaison au motif que le réseau de vente au détail d'Exxon présente une structure différente dans chaque pays. Sur ce point, il suffit de rappeler qu'en France, le réseau de stations autoroutières d'Exxon se compose exclusivement de stations appartenant à la compagnie, c'est-à-dire de stations où Exxon supporte les coûts les plus élevés possible.

(546) Dans leur réponse à la communication des griefs, les parties font valoir que les données de coûts citées ci-dessus comme étant représentatives des stations autoroutières comprennent en fait des stations situées sur autoroute et d'autres qui ne le sont pas. À cet égard, il convient de noter que les informations sur lesquelles la Commission s'est fondée lui ont été soumises par les parties en réponse à une demande de renseignements portant sans ambiguïté sur des données de coûts relatives aux stations situées sur autoroute. La Commission a donc considéré que, pour les parties, ces données étaient en quelque sorte également représentatives des coûts de leurs stations d'autoroute.

(547) En tout état de cause, même en fondant l'appréciation sur les données que les parties ne contestent pas, il apparaît que les marges obtenues dans les stations situées sur les autoroutes françaises sont anormalement élevées. Ainsi, comme on l'a relevé plus haut, les prix à la pompe hors taxes sur autoroute sont en moyenne de [...]* à [...]* % supérieurs aux prix à la pompe hors taxes de l'ensemble du réseau. Les parties affirment que ces écarts s'expliquent par les coûts plus élevés que doivent supporter les détaillants qui exploitent une station autoroutière. Elles invoquent notamment les faits suivants:

i) en France, toutes les stations d'autoroutes sous concession (ce qui est le cas de [...]* des stations d'Exxon) doivent verser au concessionnaire autoroutier un loyer, proportionnel au volume vendu, qui est d'environ [...]* centimes le litre;

ii) les stations d'autoroute demandent des investissements plus coûteux pour pouvoir offrir les installations supplémentaires exigées par le concessionnaire, qui consistent généralement en cuves de stockage, installations de lavage et parcs de stationnement supplémentaires, etc.; il en résulterait un surcoût de [...]* centimes le litre;

iii) les stations d'autoroute doivent être ouvertes sept jours sur sept et 24 heures sur 24, d'où un surcoût d'environ [...]* centimes le litre;

iv) l'utilisation de cartes d'entreprises pour l'approvisionnement en carburant des véhicules de société est plus fréquente sur les autoroutes et entraîne un surcoût de [...]* centimes le litre. Tous ces coûts expliqueraient une grande partie de l'écart constaté ([...]* % pour l'essence et [...]* % pour le gazole).

(548) Néanmoins, même en acceptant les estimations généreuses proposées par les parties, il subsisterait encore une différence inexpliquée de l'ordre de 20-30 %. En résumé, sur la base des calculs fournis par les parties, il devrait encore y avoir une marge allant jusqu'à 10 centimes par litre qui n'est expliquée par aucun coût supplémentaire.

(549) À la lumière de ce qui précède, il apparaît qu'en France, les marges globales et, par voie de conséquence, les bénéfices des détaillants installés sur autoroute sont plus élevés que ceux générés par les stations ordinaires. Ils sont aussi plus élevés que ceux des stations autoroutières des autres États membres examinés ici.

Évolution des prix

(550) Il est également instructif de comparer l'évolution des prix à la pompe des stations autoroutières et des stations ordinaires en France au cours des quatre dernières années.

EMPLACEMENT TABLEAU

(551) Ce tableau montre qu'en termes absolus, les prix hors taxes ont diminué aussi bien sur les autoroutes que dans les stations ordinaires, sous l'effet de la baisse des prix du pétrole brut. En termes relatifs, toutefois, il s'avère que les prix à la pompe hors taxes n'ont pas tous diminué au même rythme, les prix sur autoroute enregistrant une baisse beaucoup plus spectaculaire. À cet égard, il est frappant de constater que les écarts de prix entre stations d'autoroute et stations hors autoroute ont pu atteindre 30 à 40 %.

(552) Sur le fond, le tableau ci-dessus permet un double constat: premièrement, la situation du marché de la vente de carburant au détail sur les autoroutes françaises à péage n'est pas liée à l'évolution des prix sur le marché voisin des stations hors autoroute; deuxièmement, les compagnies présentes sur le marché des autoroutes à péage semblent avoir atteint un équilibre supraconcurrentiel qui n'est pas affecté par la lutte intense à laquelle se livrent les divers acteurs opérant hors autoroute.

(553) Enfin, pour ce qui est du degré de concurrence par les prix entre les différents détaillants de ce marché, il est intéressant de noter que les différences de prix sont minimes. D'une manière générale, les prix à la pompe se suivent toujours de près et les écarts de prix d'un détaillant à l'autre sont insignifiants. Cette absence de concurrence par les prix est encore le signe que chaque détaillant est satisfait de ses recettes et que le marché a atteint une situation d'équilibre supraconcurrentiel.

Barrières à l'entrée - Possibilités de développement - Concurrence potentielle Barrières à l'entrée

(554) Les entreprises du secteur reconnaissent qu'un certain nombre de facteurs font qu'il est plus difficile de pénétrer sur le marché de la vente au détail de carburant sur les autoroutes à péage que sur le marché des stations-service en général.Tel est également le cas en France.

(555) Tout d'abord, la construction d'une nouvelle station d'autoroute nécessite certains investissements.Les parties estiment que la construction d'une nouvelle station autoroutière peut coûter cinq à dix fois plus cher que l'installation d'une station ordinaire. Selon elles, un site à double accès peut coûter jusqu'à [...]* USD, un site à accès simple se chiffrant à [...]* USD, alors qu'un site hors autoroute coûte en général aux alentours de [...]* USD. Ce surcoût est essentiellement lié à l'obligation de fournir des équipements supplémentaires, c'est-à-dire d'aménager davantage de cuves, d'installations de lavage, de parcs de stationnement, etc.

(556) Deuxièmement, la procédure d'agrément pour un site nouveau peut être très longue.En France, il faut en général un ou deux ans pour achever la construction d'une station d'autoroute, en comptant le temps nécessaire à l'obtention des permis nécessaires et au déroulement des procédures d'appel d'offres.

(557) Troisièmement, la création de stations-service est fortement réglementée et soigneusement contrôlée par les autorités autoroutières françaises.La distance entre les différentes stations autoroutières, notamment, est elle aussi réglementée. Il est clair que les possibilités d'équiper de nouvelles stations se trouvent de ce fait limitées.

(558) Quatrièmement, le marché est déjà relativement saturé, à en juger par le nombre de sites existants, ce qui réduit encore les possibilités de création de nouveaux points de vente.

(559) En fait, la rareté des sites disponibles et les autres facteurs précités entravent depuis longtemps l'implantation de nouveaux arrivants sur le marché des autoroutes à péage français. Il est édifiant de constater qu'au cours des dix dernières années, trois stations autoroutières seulement ont été attribuées sur appel d'offres à des compagnies qui n'étaient pas présentes sur les autoroutes françaises avant 1989. L'une a été attribuée à l'enseigne Leclerc (une chaîne française d'hypermarchés) et les deux autres à Dyneff (un gros revendeur indépendant).

(560) Les parties affirment que le marché est perméable dans la mesure où les concessions d'exploitation des sites sont limitées dans le temps et périodiquement réattribuées par les autorités autoroutières. Les autoroutes françaises appartiennent soit à l'État, soit aux collectivités locales, soit, pour tout ou partie, à des sociétés privées. Ces dernières ont le droit de construire et d'exploiter des autoroutes en vertu de "concessions" qui leur sont accordées par les autorités nationales ou locales. Elles accordent à leur tour des concessions à des détaillants en carburant pour l'exploitation de stations-service. Les concessions d'autoroutes portent sur des périodes allant de 15 à 30 ans, mais celles qui sont directement accordées par l'État ou les collectivités locales le sont généralement pour 30 ans.

(561) Il convient de noter que ce système, bien que théoriquement destiné à créer une forme de concurrence pour la réattribution des sites existants, n'a jamais correctement fonctionné. Les parties elles-mêmes admettent qu'elles n'ont jamais vu aucun nouveau venu remporter un appel d'offre pour le rachat de stations autoroutières à l'expiration d'une première concession. Cela tient au fait que la pratique, dans le secteur, consiste à demander le prolongement de la concession initiale avant l'expiration de celle-ci, le fournisseur concessionnaire s'engageant généralement à investir dans la station-service ou à la moderniser.

Concurrence potentielle

(562) Il convient de noter, en outre, qu'il n'existe aucune menace réelle de concurrence sur le marché français des autoroutes à péage.En effet, en France, la principale source de concurrence pour la vente de carburant au détail hors autoroute est constituée par les supermarchés et hypermarchés (qui réalisent plus de 50 % des ventes nationales). Ces acteurs ont notamment fait de la vente de carburant au détail une activité annexe complémentaire de leurs activités de base. L'accroissement de leurs ventes s'explique essentiellement par le fait qu'ils peuvent, en économisant sur les coûts, pratiquer des prix peu élevés. Ces économies sont elles-mêmes rendues possibles par des synergies logistiques entre leurs activités principales et la vente au détail de carburant. Des pompes peuvent ainsi être installées sur l'aire de stationnement située devant les hypermarchés, de manière à tirer parti du grand nombre de clients qui viennent y faire leurs courses. L'exploitant peut, de la sorte, atteindre des débits élevés, moyennant des frais d'exploitation limités. Il n'est toutefois pas possible de recréer facilement toutes ces conditions sur les autoroutes. De fait, à une seule exception près (Leclerc possède une station qui pratique des prix moins élevés que la moyenne), aucune chaîne de supermarchés n'est, à ce jour, présente sur les autoroutes françaises. La plupart des chaînes de supermarchés et d'hypermarchés se livrant à la vente au détail de carburant ont indiqué dans leurs réponses à l'enquête de la Commission qu'elles n'avaient pas l'intention de s'implanter sur le marché des autoroutes à péage, précisément pour les raisons qui viennent d'être indiquées. De même, elles soulignent qu'il est d'autant plus difficile de pénétrer sur ce marché si l'on n'a pas un nombre suffisant de stations.

SITUATION À L'ISSUE DE LA CONCENTRATION - INCIDENCE DE L'OPÉRATION SUR LA CONCURRENCE

(563) Comme indiqué plus haut, la situation avant l'opération se caractérise déjà par un déficit de concurrence, qui peut s'expliquer par plusieurs facteurs. Le marché est très concentré, puisque cinq opérateurs (TotalFina, Elf, Shell, Esso et BP/Mobil) assurent près de 90 % des ventes. Contrairement au marché des stations hors autoroute, il ne compte aucun autre concurrent dangereux. Il est en outre parfaitement protégé d'éventuelles menaces concurrentielles par de hautes barrières à l'entrée. De surcroît, les détaillants indépendants, et en particulier les hypermarchés, qui seraient théoriquement les mieux placés pour investir ce marché, ne se montrent pas intéressés ou n'ont pas été en mesure de le faire.

(564) L'incidence de l'opération doit être appréciée dans le contexte décrit ci-dessus, en prenant aussi en considération les particularités recensées dans la section consacrée aux caractéristiques structurelles des marchés du carburant vendu au détail en général. En premier lieu, l'opération accroît encore le degré de concentration du marché. Concrètement, elle entraîne l'élimination d'un concurrent de taille moyenne.

(565) Surtout, l'opération modifiera la structure du marché, puisqu'elle aboutira à la constitution d'une nouvelle force, composée du couple Exxon-BP/Mobil, qui occupera une position à peu près comparable à celle du numéro deux sur le marché.En somme, en rééquilibrant les rapports de force à l'intérieur de l'oligopole, l'opération aura des conséquences négatives non négligeables. Au lieu de cinq acteurs, dont trois dotés de parts de marché relativement faibles, le nouveau paysage se caractérisera par la présence de deux poids lourds, Total/Fina ([30-40]* % du marché) et Elf ([20-30]* %), d'une troisième force comparable, constituée par Exxon et BP/Mobil ([20-30]* % à elles deux), et d'un acteur plus petit, Shell ([10-20]* %).

(566) Les relations concurrentielles entre les membres de l'oligopole seront affectées, en ce sens que l'éventail des représailles sera élargi. Les parts de marché des intervenants étant plus élevées et mieux équilibrées, les initiatives concurrentielles desdits acteurs auront des répercussions potentielles plus étendues, et plus graves, qu'avec la structure d'offre actuelle.

(567) Dans le scénario antérieur à la fusion, les trois opérateurs de taille moyenne seraient encore susceptibles de menacer l'équilibre de l'oligopole. Ils pourraient en effet légitimement aspirer à améliorer leur part de marché, compte tenu de leurs bons résultats en termes d'efficacité-coûts. De même, ces trois acteurs sont les seules vraies grandes compagnies multinationales capables de représenter une menace concurrentielle constante pour toute entreprise en tête sur un marché national. Après la fusion, la structure du marché sera telle qu'il deviendra impossible d'envisager la moindre initiative concurrentielle sans déclencher une riposte générale. En raison de la faible croissance de la demande de carburant, toute tentative d'un opérateur pour augmenter ses ventes devra inévitablement se faire au détriment des autres. De plus, vu l'homogénéité du produit, la seule stratégie concurrentielle possible pour gagner des parts de marché consiste à baisser ses prix. Or, la moindre baisse de prix ne peut manquer de déclencher des représailles de la part des autres acteurs, qui se sentiront directement visés. Étant donné, en outre, que trois des cinq opérateurs sont très bien implantés sur l'ensemble du territoire et ont un niveau d'efficacité-coûts équivalent, tout sera fait pour éviter une concurrence par les prix. La société Shell, seul "petit" membre de l'oligopole à rester dans la course, et qui pourrait avoir d'autres motivations, courrait de très gros risques en lançant une offensive, car sa couverture du marché est plus restreinte que celle des gros opérateurs, ce qui la rend plus vulnérable aux attaques. Concrètement, la fusion facilitera l'interaction entre les quelques acteurs dominants le marché, tout en aggravant les piètres résultats économiques de celui-ci.

(568) À la lumière de ce qui précède, il apparaît que l'opération aboutira au renforcement de la position dominante collective détenue par TotalFina, Elf, Shell, Esso et BP/Mobil, laquelle aura pour effet d'entraver l'exercice d'une concurrence effective dans le Marché commun.

ALLEMAGNE

APERÇU GÉNÉRAL

Raffinage

(569) L'Allemagne compte actuellement 17 raffineries, situées sur la côte ou à l'intérieur des terres. Les principaux raffineurs sont Exxon, Shell, BP/Mobil et DEA, qui détiennent approximativement 42 % de la capacité totale. Ces trois sociétés sont verticalement intégrées, au sens où elles s'occupent aussi de la vente en gros et au détail de carburants auto. La plupart des autres raffineurs (tels que Conoco, Elf, Total, Agip, OMV) sont eux aussi des compagnies pétrolières verticalement intégrées. Les raffineurs non intégrés, comme Ruhr Öl, Wintershall, Beta ou Holborn, assurent 43 % de la production allemande. Ils ont une capacité totale de 2 186 kilobarils/jour. La consommation dans toute l'Allemagne (gazole, essence et autres carburants) atteignait 622 millions de barils en 1996. Selon Eurostat, les importations nettes de l'Allemagne représentent environ 21 % de sa capacité de production, bien que ce chiffre n'inclue pas la raffinerie Leuna construite récemment. Il est important de noter que les raffineries de l'intérieur du pays ne sont pas en mesure de vendre leur production excédentaire sur le marché cargo et doivent donc la commercialiser en Allemagne.

Infrastructure

(570) Les raffineries et la capacité de stockage sont stratégiquement situées près des principales zones de consommation, les installations de stockage régionales desservant les régions les plus excentrées d'Allemagne. Le Rhin permet d'atteindre directement les raffineries situées à l'Ouest (Gelsenkirchen VEBA, Wesseling DEA, Godorf Shell, Karlsruhe Esso/DEA/VEBA/Conoco) et, indirectement, la raffinerie de Wintershall, par le Mittellandkanal. Les raffineries du Sud du pays (Ingolstadt Esso, Vohburg BP/Mobil/AGIP/Ruhr Oel) sont accessibles par le Danube. Trois raffineries sont reliées au port de Hambourg (Heide DEA, Hambourg Holborn et Hambourg Shell). Les raffineries de l'intérieur qui ne sont pas reliées à un port ou à une voie d'eau desservent principalement la région dans laquelle elles se trouvent, ou offrent d'importantes capacités de stockage, comme dans le cas de Leuna (Elf) pour la région de Dresde, de Burghausen (OMV) pour Munich et l'Autriche (via l'oléoduc relié au Danube) et de Schwedt (DEA/Ruhroel/AGIP/Total/Elf) pour la région de Berlin. Les zones de forte consommation (Hambourg, Hanovre, Cologne, Francfort, Stuttgart, Munich, Berlin, Dresde, etc.) sont approvisionnées par les ventes départ-raffinerie des raffineries voisines.

(571) Les oléoducs (pour produits raffinés et de l'OTAN) desservent l'Ouest et le Sud de l'Allemagne, tandis que la partie orientale du pays est alimentée par d'importantes installations de stockage reliées aux deux oléoducs et à l'Elbe. Ces conduites relient tous les principaux sites de stockage aux raffineries, mais il convient d'établir une distinction entre ceux qui sont destinés au transport de produits raffinés et le système d'oléoducs de l'OTAN, qui est utilisé au maximum de ses capacités et dont la fonction première est d'approvisionner les aéroports militaires en carburéacteur.

(572) La majeure partie du territoire allemand peut être approvisionnée par le marché cargo, grâce à des chalands empruntant le Rhin, le Danube et l'Elbe (qui relie Hambourg à l'est du pays). En raison des différences de niveau d'eau, les chalands sont limités à 1 000 tonnes au maximum. Le transport par chaland sur le Rhin peut être perturbé aussi bien par une baisse que par une hausse du niveau de l'eau. Alors que les taux de fret ne varient pratiquement pas en cas de crue, pour autant que le trafic ne soit pas interrompu (ce qui est très rare), ils sont en revanche affectés par les périodes d'étiage, où les charges doivent être réduites pour permettre le passage en eaux peu profondes. Ces périodes correspondent à une augmentation des taux de fret, bien que leur variation dépende aussi de la situation de la demande en amont. En période de faible demande (particulièrement l'été, lorsque la demande de gazole est faible), la baisse du niveau des eaux n'aura guère d'incidence sur les taux de fret. En période de forte demande, au contraire, elle peut les faire varier sensiblement. Sur le Rhin, la période de basses eaux dure généralement entre une semaine et un mois par an.

Vente en gros

(573) L'enquête effectuée sur la situation du marché indique qu'il est relativement aisé pour les détaillants d'accéder au marché de gros. Le prix de vente généralement appliqué aux revendeurs indépendants est calculé d'après les cours de l'OMR ("Oil Market Report", équivalent local du "Platt's"), auxquels on ajoute une marge prédéterminée destinée à couvrir des éléments tels que les frais liés à l'éloignement, et d'éventuels services. Les cours de l'OMR correspondent au prix qu'un revendeur devrait payer pour l'achat de carburant auto dans les installations de stockage proches du Rhin. Ils évoluent de manière parallèle aux cours du Platt's, mais leur sont supérieurs d'environ 10 % à 15 %. Selon les parties, le transport par chaland de la région ARA (Anvers-Rotterdam-Amsterdam) à la région de Karlsruhe expliquerait environ la moitié de l'écart constaté entre les cours du Platt's et ceux de l'OMR. L'autre moitié correspond à tous les autres coûts qu'une entreprise devrait supporter pour acheminer et vendre le produit au détail en Allemagne, y compris les coûts de manutention (tels que le chargement et le déchargement des chalands), l'utilisation des terminaux et installations de stockage, les frais portuaires locaux (le cas échéant), l'assurance, le coût du personnel chargé des commandes et de la vente, etc., ainsi que la marge de la société vendeuse.

(574) Les parties estiment que 55 % de la capacité de stockage en Allemagne est aux mains de sociétés indépendantes. Cette estimation a été confirmée à la Commission par des sociétés de stockage indépendantes, comme Petroplus, Oiltanking ou Van Ommeren, et par des clients directs, comme la société de négoce Mabanaft et les grossistes AVIA et Baywa. Ces sociétés indépendantes offrent leurs services à tous les types de clients, y compris aux grandes compagnies.

(575) Traditionnellement, plus de 70 % des produits pétroliers vendus en Allemagne proviennent directement des raffineries du pays. Les produits importés le sont généralement par des revendeurs indépendants, mais ils peuvent aussi l'être dans le cadre de transactions intra-groupe. Actuellement, la plupart des concurrents des parties n'achètent que des volumes limités, afin de rester indépendants des grandes compagnies qui contrôlent les raffineries. Leurs concurrents non intégrés ont indiqué que plus de 90 % des produits achetés ces dernières années provenaient des raffineries du pays ou avaient été achetés aux grandes compagnies, qui se les procurent sur les marchés mondiaux ou auprès de filiales. Les concurrents non intégrés s'approvisionnent aussi bien auprès des raffineries du pays que sur le marché cargo (ARA). Le choix du fournisseur dépend des conditions offertes, car l'écart entre les prix du marché cargo et les prix des raffineries varie constamment et il arrive que le marché propose des prix plus bas. La Commission s'est ainsi vu expliquer qu'à l'heure actuelle, les raffineries du pays offraient un prix plus intéressant que celui du fret augmenté des coûts de transport et de stockage. À moins que les prix cargo ne soient sensiblement plus bas, il paraît donc plus intéressant d'acheter sur place au départ d'une raffinerie.

(576) Quant aux détaillants verticalement intégrés, ils disposent de trois sources d'approvisionnement: leur propre production, des accords d'échange avec d'autres raffineurs ou l'achat à des tiers [...]*. BP/ Mobil fait appel à des tiers pour [...]* % de ses besoins. Exxon a conclu des accords d'échange de carburants auto avec [...]*, ce qui s'explique notamment par le fait que la plupart de ses raffineries sont concentrées dans le Sud du pays.

(577) Le secteur de la vente en gros comptant plusieurs opérateurs, comme Avia, Mabanaft et Petroplus (grossistes et négociants), les détaillants non intégrés sont sûrs de pouvoir se procurer du carburant. Il convient cependant de noter que les grossistes précités ne font que très peu appel aux négociants, car la plupart des grossistes exercent aussi des activités (certes limitées) de négoce ou disposent d'une puissance d'achat cumulée qui leur permet d'affréter des navires ou des chalands sur le marché cargo.

Vente au détail

(578) On distingue quatre types de détaillants en Allemagne: les marques de catégorie A, les marques de catégorie B, les indépendants et les supermarchés. Les marques de catégorie A comprennent les compagnies pétrolières verticalement intégrées, à savoir Exxon, BP/Mobil, DEA et Shell, mais aussi Aral, dans laquelle, comme on l'a vu plus haut, Mobil détient une participation de 28 % (les autres actionnaires principaux étant Veba (56 %) et Wintershall (15 %)) et dont l'approvisionnement est assuré à titre exclusif par ses actionnaires Mobil (par le truchement de BP), Veba et Wintershall. Les marques de catégorie B sont des compagnies intégrées de plus petite taille, telles que Elf, TotalFina ou Jet/Conoco.

(579) De 1994 à 1997, le nombre de stations-service a chuté de 7 %. Sur la même période, le volume de carburant vendu en station-service est resté stable, à 50 millions de mètres cubes.

(580) Environ 60 % des stations sont exploitées sous une marque. Dans certains cas, la compagnie pétrolière est propriétaire du terrain, des bâtiments et installations qui s'y trouvent. Dans d'autres, elle ne possède que le bâtiment et les installations, alors que le terrain est la propriété du détaillant. Les grandes compagnies présentes sur le marché allemand ont adopté un système de "contrat d'agence". Ce système est particulier à l'Allemagne, où les frais de personnel n'autorisent apparemment pas les structures de type "COCO". Ce système d'agence ("Agentursystem") peut englober toutes les activités de la station, ou en exclure certaines, comme la boutique ou le lavage de voitures.

(581) Une distinction peut être faite entre les stations appartenant à l'exploitant et les stations appartenant à la compagnie. Il n'existe que quelques stations "pilotes" exploitées directement par une compagnie. Les compagnies pétrolières restent très bien placées en ce qui concerne les stations appartenant aux exploitants. Les agents dépendent en effet de la compagnie pétrolière, qui fixe les prix. Ainsi, en Allemagne, les stations-service exploitées par un détaillant sous la marque Esso font toutes l'objet d'un contrat d'agence, aux termes duquel Exxon est propriétaire des combustibles stockés dans la station et fixe les prix de détail. Ce système d'agence assure des marges plus confortables et plus sûres [...]* (62).

(582) Le concessionnaire est rémunéré par une commission basée sur les volumes de ventes et indépendante du prix à la pompe. Chaque agent ne reçoit qu'une marge de chaque vente; les commissions sont en général d'environ 2,5-3 pfennigs par litre pour les stations appartenant à la marque et de 5 pfennigs par litre pour les stations appartenant à l'exploitant. Cette différence tient aux frais plus importants qui incombent à l'exploitant dans le deuxième cas.

(583) Dans le cas des stations appartenant à la compagnie et exploitées par un concessionnaire (agent), les contrats sont de longue durée (normalement une dizaine d'années, mais ils peuvent être prolongés deux fois de cinq ans), ce qui rend difficile l'implantation de nouveaux concurrents sur le marché. Le contrat d'approvisionnement des concessionnaires d'Exxon varie entre [...]* et [...]* ans, sa durée moyenne étant de [...]* ans.

(584) Les magasins de commodité sont essentiels à la rentabilité des stations-service en Allemagne, puisqu'ils servent à subventionner la vente de carburant. Ils sont gérés par des filiales des compagnies pétrolières ou par des sociétés du type "Lekkerland". La compagnie pétrolière reçoit un loyer en échange, bien que certaines d'entre elles appliquent aussi le système d'agence aux boutiques.

(585) En raison des horaires sévèrement réglementés des magasins et supermarchés, les magasins de commodité sont devenus des points de vente non négligeables en Allemagne (où ils totalisent 4 % des ventes de produits alimentaires et de boissons). Ces magasins attirent des clients et visent à rehausser l'image du pompiste pour ce qui est du service et de la qualité. Les loyers des boutiques génèrent d'importants bénéfices, qui compensent les baisses de la demande de carburant ([...]*). La présence d'un magasin de commodité devrait devenir un élément de plus en plus important. Les grandes compagnies y voient un facteur de différenciation déterminant par rapport aux pompes blanches et aux marques de catégorie B.

(586) [...]*. Les grandes compagnies, se fondant sur la grande fidélité aux marques qui caractérise le client allemand (70 %), ont donc choisi d'investir massivement dans les services, dans le cadre d'une stratégie de rentabilité et de maintien de leurs parts de marché qui joue sur la différence entre marques de catégorie A et "bradeurs". [...]*.

Partie occidentale et partie orientale de l'Allemagne

(587) Les différences existant entre la partie Ouest et la partie est de l'Allemagne du point de vue de l'approvisionnement, du niveau de vie et même des acteurs du marché pourraient inciter à les considérer comme deux marchés géographiques distincts. Il existe effectivement des différences de prix, et les parts de marché ne sont pas comparables.

(588) Cependant, l'enquête de la Commission n'a pas confirmé cette thèse, pour les raisons suivantes. Premièrement, l'écart de prix entre les deux régions est limité, et dans certains cas inférieur aux écarts relevés à l'intérieur même de la partie occidentale. Les prix sont généralement un peu plus bas à l'est, ce qui s'explique en fait par un afflux de nouveaux opérateurs sur ce marché au début des années 1990, lorsque les détaillants traditionnels d'Allemagne de l'Ouest ont essayé de se tailler une part de marché équivalente dans les nouveaux Länder. Ce phénomène s'est traduit par des capacités excédentaires et, partant, par une pression sur les prix. Deuxièmement, les différences manifestes de parts de marché entre l'Ouest et l'est ont une origine historique. Après la réunification de l'Allemagne, la compagnie Minöl a perdu son monopole en 1992 lorsque Elf, qui détenait moins de 10 % du marché en Allemagne de l'Ouest, l'a rachetée, devenant ainsi numéro un du marché. Jusqu'à présent, Elf a pu conserver cette position, bien que sa part de marché ait été réduite à 24 % (63) par la concurrence. Le réseau de Minöl est en mauvais état et ses concurrents ont pu gagner des parts de marché en installant des stations neuves sur des emplacements stratégiques. La rationalisation du réseau détérioré de Minöl va probablement se poursuivre et il faut donc s'attendre à une redistribution progressive du marché Est-allemand selon le même schéma qu'à l'Ouest. Troisièmement, il n'existe aucune différence entre l'Est et l'Ouest au niveau de la législation, de la fiscalité ou des normes environnementales. Quatrièmement, aucun obstacle naturel ne les sépare. En conséquence, une augmentation uniforme des prix dans la partie occidentale serait mise en échec par une concurrence à la marge, à la limite entre l'Est et l'Ouest, qui s'étendrait par un effet de dominos.

SITUATION AVANT LA CONCENTRATION - ÉTAT ACTUEL DE LA CONCURRENCE

Structure du marché

(589) Au total, les grandes compagnies (ARAL, Shell, Esso, BP, DEA ou les marques de catégorie A) représentent plus de 65 % du marché. Les hypermarchés et supermarchés se situent à environ [0-10] * %, les pompes blanches à [0-10]* % et la principale marque de catégorie B, JET-Conoco, aux alentours de [0-10]* %. Selon les chiffres communiqués par les parties pour 1997, Aral est en première position avec [20-30] * %; viennent ensuite Shell ([10-20]* %), Exxon ([10-20]* %), DEA ([0-10]* %), BP/ Mobil ([0-10]* %), Elf ([0-10]* %), TotalFina ([0-10]* %), Agip ([0-10]* %) et KPI (moins de [0- 10]* %). Les "bradeurs" détenaient alors [10-20]* % du marché (dont [0-10]* % pour les hypermarchés, [0-10]* % pour JET-Conoco et [0-10]* % pour les pompes blanches). Les marques de catégorie B (Avia, Tamoil, etc.) représentaient environ [0-10]* % du marché.

(590) Il n'y a guère eu de variation, entre 1994 et 1998, dans les parts de marché des marques A, et même des marques B, comme le montre le tableau suivant.

EMPLACEMENT TABLEAU

Dynamique concurrentielle - Coûts et prix

(591) Selon les parties notifiantes, les prix à la pompe ne connaissent que des variations marginales en Allemagne. Les différences de prix s'expliqueraient par des frais d'exploitation plus élevés dans les zones rurales et, dans une moindre mesure, par le coût du transport dans les régions éloignées. L'enquête a mis en lumière une caractéristique du marché allemand, à savoir que toutes les marques A pratiquent des prix comparables, alors que les autres concurrents fixent leurs prix 1 pfennig au-dessous, sauf les supermarchés, qui offrent des prix inférieurs de 3 pfennigs à ceux des marques A. Cette structure de prix ne semble pas varier dans le temps.

(592) Le leader du marché est Aral. Il semblerait que les changements de prix aient lieu à l'initiative des marques A, selon des scénarios variables, le reste de la concurrence emboîtant le pas. Ce sont les grandes compagnies qui ont le plus d'influence sur les prix. Toutes les compagnies pétrolières verticalement intégrées (Aral, Shell, Esso, BP et DEA) présentent des structures d'organisation similaires et bénéficient, par rapport à leurs concurrents, d'un accès privilégié aux marchés acheteurs et vendeurs. Ces cinq compagnies sont les seules à disposer d'un réseau de points de vente dense étendu à l'ensemble du marché géographique concerné. Elles entretiennent de nombreux liens (matérialisés par des entreprises communes dans le secteur du raffinage, des échanges, du stockage et de l'avitaillement des aéroports en carburant). C'est ce qui explique que les différentes marques de catégorie A aient des coûts à l'achat identiques, ou au moins comparables.

(593) Bien que pratiquant des prix inférieurs, les marques de catégorie B et les supermarchés tendent à suivre l'évolution des prix. Il ressort de l'enquête de la Commission que les changements de prix se produisent essentiellement à l'initiative des grandes compagnies, et qu'il est très rare que l'une d'entre elles ne suive pas le mouvement. L'on assiste parfois à des guerres de prix, qui ne durent pas, par exemple lorsqu'un supermarché œuvre un nouveau point de vente de carburant. Des concurrents ont déclaré que si les grandes compagnies décidaient d'augmenter leurs prix d'environ 5-10 %, les autres compagnies préféreraient leur emboîter le pas afin de bénéficier de marges plus importantes. Les détaillants ont compris qu'ils n'avaient guère de chance d'augmenter leur part de marché en concurrençant les grandes compagnies au niveau des prix. En outre, des concurrents ont indiqué que l'étroitesse de leurs marges et les coûts d'investissement élevés qu'ils doivent supporter en raison des normes de protection de l'environnement les empêcheraient de mener une guerre des prix.

(594) Selon les concurrents des parties, les marques de catégorie B peuvent offrir des prix plus bas parce que leur mode d'exploitation est souvent plus économique et qu'elles ont une structure de coût différente de celle des grandes compagnies; leurs frais généraux, notamment, sont généralement un peu plus bas (elles n'ont pas de frais de marketing et de publicité, leurs boutiques sont plus petites, elles investissent moins dans les stations, ont moins de personnel, et offrent par conséquent un service plus limité). Ces marques vendent leur carburant 1 pfennig moins cher que les grandes compagnies. Cela étant, elles sont généralement loin de le disputer par la taille aux marques de catégorie A. Prises individuellement, des compagnies comme Elf, Agip, Fina, Total et OMV détiennent, tout au plus, 3 % du marché.

(595) [...]*.

(596) Alors que les grandes compagnies n'ont pas réagi à l'arrivée de Conoco à la fin des années 1980, l'étude du marché montre que, dès qu'un nouveau venu essaie aujourd'hui d'offrir des prix inférieurs de 1 pfennig ou plus à ceux de la concurrence, il déclenche immédiatement une riposte dans les stations environnantes. La Commission s'est vu expliquer que lorsque Conoco a testé, il y a deux ans, des pompes à essence entièrement automatisées (c'est-à-dire fonctionnant sans personnel) en affichant un prix inférieur de 2 pfennigs à celui des grandes compagnies, celles-ci n'ont pas manqué de riposter, mais dans la mesure où Conoco ne pouvait poursuivre ses activités contre leur gré et dépendait d'elles pour son approvisionnement, elles ont mis fin à la guerre des prix et rétabli leurs tarifs.

(597) [...]*. Par conséquent, la capacité d'attraction des bradeurs n'équivaut en fait qu'aux deux tiers au maximum de leur volume actuel.

(598) Même si quelques petites compagnies et détaillants indépendants affichent des prix à la pompe inférieurs (1 %), cela ne permet pas de conclure qu'il pourrait y avoir concurrence par les prix. Les indépendants ne sont d'ailleurs présents que dans certaines régions. Ils ont généralement un débit plus faible (1 600 m3 contre 3 000 m3 par an, en moyenne, pour l'ensemble du secteur) et donc des coûts fixes plus élevés par unité de produit vendue. Pour rester concurrentiels, ils compensent ce débit moindre par un service plus limité. Même avec un débit supérieur, ces indépendants ne pourraient pas se livrer à une concurrence sur les prix, car leurs coûts variables sont nettement plus élevés que ceux des grandes compagnies. Dans un graphique indiquant les coûts globaux en fonction du débit (64), Exxon a montré que les coûts restent assez stables pour les stations-service traditionnelles, auxquelles peuvent être assimilées les stations allemandes. Selon le Bundeskartellamt, les indépendants n'exercent pas et ne peuvent exercer de pression concurrentielle sur les cinq compagnies de marque A. Cette thèse a été confirmée par l'étude de la situation du marché à laquelle s'est livrée la Commission. Il semble que les détaillants indépendants aient des marges trop faibles pour se mettre à concurrencer les grandes compagnies au niveau du prix. En effet, dans la mesure où leur implantation est le plus souvent géographiquement concentrée, ils souffriraient plus d'une concurrence par les prix que les marques de catégorie A.

(599) Les grandes compagnies, pour leur part, concurrencent les supermarchés en proposant des prix bas en semaine et des réductions le vendredi, mais ils augmentent leurs prix le dimanche, lorsque les supermarchés sont fermés.

(600) En Allemagne, les hypermarchés et supermarchés ne sont pas des concurrents aussi importants qu'en France; néanmoins, dans certaines zones, ils exercent sur les grandes compagnies une certaine pression au niveau des prix. Les supermarchés ont une part de marché assez faible, qui se situe tout juste au-dessous de [0-10]* %. [...]*. Les hypermarchés ne font pas réellement peser de menace concurrentielle sur les grandes compagnies, pour les raisons suivantes:

- ceux qui vendent du carburant sont très dispersés et n'ont pas de chaîne de distribution d'envergure nationale;

- ils pratiquent des prix généralement inférieurs de 3 à 4 % à ceux des grandes compagnies, mais ne peuvent pas offrir le même service aux clients à cause de leurs horaires d'ouverture limités;

- ils n'ont pas de boutique à proximité des pompes; et

- ils n'acceptent que les paiements en espèces.

(601) Contrairement à ce qui s'est produit en France (où ils sont arrivés sur le marché au même moment), les supermarchés ne se sont pas intégrés dans la chaîne d'approvisionnement. Ils n'ont pas atteint des niveaux de débit suffisants et ne bénéficient d'aucun avantage de coût particulier par rapport aux marques A. [...]* (65). Il ne faut donc s'attendre qu'à une concurrence limitée de la part des supermarchés.

(602) Les grandes compagnies se concentrent sur les grandes villes, tandis que les indépendants sont plutôt implantés en zone rurale et dans les petites et moyennes localités, où il y a moins de concurrence. Le débit est plus important dans les villes, mais les coûts sont plus faibles en zone rurale, car il n'est pas nécessaire de procéder à de gros investissements, le contact personnel comptant davantage, etc. Les prix sont normalement identiques ou supérieurs en zone rurale.

(603) Le système d'"agence" appliqué en Allemagne a contribué à éviter des guerres de prix, les grandes compagnies exerçant un contrôle absolu sur ces derniers. Elles sont en mesure de le faire précisément parce qu'elles passent par des agents, et non par des détaillants indépendants. L'agent doit en effet accepter les prix imposés, qui sont parfois même modifiés automatiquement par ordinateur.

(604) Selon des tiers, les détaillants en carburant sont informés des hausses des prix à la pompe avant qu'elles entrent en vigueur, afin d'avoir le temps de changer les prix affichés à la pompe. Une étude sur le marché du Sud de l'Allemagne (66) conclut à l'absence de concurrence significative entre les marques de catégorie A. Se fondant sur des contrôles effectués en 1990, 1991, 1993, 1997 et 1998, cette étude constate que lorsque les prix ont augmenté, cela a toujours été uniquement à l'initiative des cinq grandes compagnies (marques de catégorie A), et selon un calendrier convenu entre elles (quoique variable). Sur un marché concurrentiel, les concurrents n'écarteraient pas l'option consistant à renoncer à augmenter leurs prix pour des raisons d'image.

Barrières à l'entrée - Possibilités de développement - Concurrence potentielle

(605) La partie occidentale de l'Allemagne n'offre que des possibilités d'accès et d'expansion très limitées. Cela est dû aux restrictions liées à la propriété foncière, à de nombreux problèmes de planification et à des dispositions spécifiques qui limitent les possibilités de construction de nouveaux points de vente (autorités locales). Il convient de noter également que la majeure partie du territoire allemand est déjà fortement peuplée. Tous ces facteurs rendent la création de stations plus difficile et plus coûteuse. Les considérations écologiques ont aussi un effet très dissuasif sur l'implantation et le développement de nouveaux concurrents. L'Allemagne applique dans ce domaine une législation plus stricte que dans la plupart des autres pays européens. Les nouvelles normes d'isolation des sols par double revêtement de la chaussée exigent d'importants investissements, ce qui devrait se traduire par de nouvelles réductions des réseaux. Le système d'agence, en permettant aux compagnies pétrolières de prolonger les contrats d'exploitation des détaillants, entrave considérablement l'arrivée de nouveaux venus sur le marché. Enfin, le consommateur allemand est très attaché aux systèmes de fidélisation et à la marque (symbole de la qualité du service), ce qui rend l'entrée du marché encore plus difficile.

(606) Il était plus aisé de pénétrer le marché dans la partie orientale de l'Allemagne, où le réseau détérioré de Minol devait être reconstruit et où l'implantation de nouveaux venus n'était pas freinée, comme à l'Ouest, par la durée généralement longue des contrats (de propriété et d'approvisionnement) passés avec les détaillants. Souhaitant atteindre à l'est des parts de marché comparables à celles qu'elles avaient à l'Ouest, les grandes compagnies ont ouvert des stations-service surdimensionnées (c'est-à-dire 3 ou 4 fois plus grandes qu'à l'Ouest), avec un débit par conséquent plus faible. La partie orientale compte aujourd'hui trop de stations, présentant de surcroît un excès de capacité, si bien que la plupart d'entre elles connaissent des problèmes financiers, en particulier les pompes blanches. Les hypermarchés détiennent une part non négligeable du marché à l'est (10-12 %), mais leurs stations n'ont qu'un faible débit et sont activement concurrencées par les supermarchés des pays de l'ancien bloc de l'Est.

(607) Globalement, le marché allemand est un marché saturé, caractérisé par les débits faibles et par une baisse prévisible de la demande. Depuis 1998, l'on a enregistré 600 ouvertures de stations-service pour seulement 150 ouvertures, une tendance qui a toutes les chances de se confirmer.

SITUATION À L'ISSUE DE LA CONCENTRATION - INCIDENCE DE L'OPÉRATION SUR LA CONCURRENCE

(608) L'incidence de l'opération doit être appréciée dans le contexte décrit ci-dessus, en prenant aussi en considération les particularités recensées dans la section consacrée aux caractéristiques structurelles des marchés du carburant vendu au détail en général.

(609) La concentration créera de puissants liens entre trois des marques de catégorie A. Les compagnies Aral, Esso et BP/Mobil représenteront à elles trois 40 % du marché de détail. Les deux autres marques de catégorie A, c'est-à-dire Shell et DEA, détiendront respectivement 14 % et 10 % du marché.

(610) La création d'un lien entre trois des principaux concurrents du marché allemand de la vente au détail de carburants donnera à ces sociétés des raisons concrètes de ne pas se faire concurrence. Il est peu probable que d'autres marques de catégorie A, comme Shell ou DEA, remettent en cause cette absence de concurrence significative entre Aral, Esso et BP/Mobil. En effet, ainsi que cela a été expliqué aux points 591 à 604 ci-dessus, le marché allemand est caractérisé par l'absence de concurrent réellement susceptible de faire de l'ombre aux très grandes marques, et par la mise en œuvre quasi-instantanée des instructions tarifaires des grandes compagnies. Dans ces conditions, Shell (qui a toujours misé davantage sur la qualité que sur le prix) et DEA préféreraient avoir des marges plus élevées et des parts de marché stagnantes, que de voir leurs marges diminuer sans accroissement concomitant de leurs parts.

(611) Pour les mêmes raisons, il est peu probable que des concurrents autres que les marques de catégorie A tentent de renverser la situation. En effet, ces concurrents détiennent au total moins de 35 % du marché, et aucun n'en détient plus de 5 %. Ils pâtiraient plus d'une guerre des prix que les marques de catégorie A (qui, par leur taille, peuvent recourir à des subventions croisées). Deuxièmement, ils sont dans une certaine mesure tributaires des compagnies de marque A pour leur approvisionnement en carburant. Troisièmement, à l'exception de Jet-Conoco, ils ont des coûts fixes plus élevés que la plupart des marques A.

(612) Par conséquent, l'opération aura pour effet de créer une position dominante oligopolistique pour les marques de catégorie A, c'est-à-dire pour Exxon, BP/Mobil, Aral, Shell et DEA.

LUXEMBOURG

APERÇU GÉNÉRAL

Raffinage

(613) En l'absence de raffineries au Luxembourg, l'approvisionnement en carburants est assuré par des importations en provenance des pays voisins, et principalement de la zone ARA, grâce à des modes de transport secondaires, c'est-à-dire principalement le rail, les chalands et les camions. Plus précisément, un revendeur souhaitant importer des produits au Luxembourg a deux solutions: réserver des capacités de stockage dans l'un des terminaux situés à Luxembourg et y faire acheminer des lots de chalands achetés à des fournisseurs de la zone ARA, ou faire livrer les lots dans des terminaux de pays limitrophes et les faire acheminer par camion au Luxembourg.

Vente en gros

(614) La plupart des détaillants établis au Luxembourg sont des compagnies pétrolières verticalement intégrées, l'activité de gros étant très limitée. Au niveau de la logistique, il n'y a aucun risque d'accaparement des terminaux disponibles pour stocker le carburant. Le Luxembourg compte essentiellement quatre terminaux opérationnels, dont l'un, stratégiquement implanté sur le port fluvial de Mertert (environ 56 000 m3), appartient à une société indépendante spécialisée dans les opérations de terminal. En raison de la petite taille du pays, de nombreux dépôts situés dans les pays voisins offrent des solutions de remplacement concurrentielles et sont d'ailleurs utilisés par quelques-uns des détaillants exerçant au Luxembourg.

Vente au détail

(615) Le marché de la vente au détail de carburant au Luxembourg présente deux caractéristiques spécifiques. Tout d'abord, la consommation de carburant est stimulée par le faible niveau des droits de douanes appliquées aux hydrocarbures, qui se traduisent par des prix à la pompe plus bas que dans les pays voisins. De ce fait, les volumes de vente sont importants si on les rapporte à la taille du pays. Par ailleurs, la plupart des clients sont des "non-résidents" ressortissants de pays limitrophes. En second lieu, les prix à la pompe sont plafonnés par le gouvernement, qui fixe des maxima. Comme on le verra plus loin, cette réglementation des prix a eu pour effet d'amener les détaillants à aligner leurs prix à la pompe sur le prix plafond fixé par le gouvernement.

SITUATION AVANT LA CONCENTRATION - ÉTAT ACTUEL DE LA CONCURRENCE

Le Luxembourg en tant que marché géographique distinct

(616) L'idée que le Luxembourg ne peut pas constituer un marché géographique distinct à cause de sa situation géographique est, certes, défendable, mais la situation spécifique du marché dans ce pays plaide pour la thèse d'un marché distinct. À cet égard, il convient de noter qu'en raison de la faiblesse de la pression fiscale, le Luxembourg est le pays de l'Union où les prix TTC sont de loin les plus faibles (936 USD la tonne). Par rapport aux pays voisins, le Luxembourg affiche des écarts de prix allant de 15 % environ avec l'Allemagne à 40 % avec la France (voir le tableau ci-dessus).

Structure du marché

(617) Du côté de l'offre, l'environnement concurrentiel est caractérisé par la présence d'un certain nombre de compagnies pétrolières verticalement intégrées exerçant des activités de vente au détail. Cinq acteurs détiennent chacun plus de 10 % du marché, et deux autres en détiennent chacun plus de 5 %. Aucun d'entre eux ne bénéficie d'avantages particuliers en ce qui concerne l'accès aux sources d'approvisionnement, puisqu'il n'existe pas de raffinerie au Luxembourg. Cela étant, en raison de la petitesse du pays et de la relative proximité de grandes zones de raffinage (ARA), les détaillants peuvent se procurer du carburant et alimenter leur réseau sans surcoût majeur par rapport à la moyenne européenne. Aucun hypermarché ou supermarché n'exerce d'activité de ce type au Luxembourg. Les détaillants indépendants occupent une position très marginale.

(618) La situation avant l'opération est la suivante. Le tableau ci-dessous donne une estimation des parts de marché (en volume) des parties et de leurs concurrents pour les cinq ou six dernières années.

EMPLACEMENT TABLEAU

(619) Le marché est relativement peu concentré. Shell tient le haut du pavé avec [20-30]* %, suivie d'Aral (environ [10-20]* %), et de Total qui, après sa fusion avec Fina, a vu sa part de marché passer à environ [10-20]* %. Exxon occupe une position intermédiaire, avec une part de marché de [10- 20]* %. BP ne détient qu'une fraction du marché ([0-10]* %). Avant l'opération, le degré de concentration au niveau des quatre premiers opérateurs (CR4) est proche de 70 %.

(620) Si l'on étudie les parts de marché sur le long terme, on constate une certaine évolution au bas du classement (probablement imputable aux petites quantités en question), alors que la position des principaux acteurs reste assez stable dans le temps. Total a ainsi doublé sa part de marché en cinq ans (indépendamment de sa fusion avec Fina), alors que BP comme Texaco ont vu leurs ventes chuter d'environ [...]* %. En revanche, les gros opérateurs, à savoir Shell, Aral, Exxon et Q8, font preuve d'une plus grande stabilité. [...]*.

(621) En prenant une période de référence plus courte (trois ou quatre ans), la stabilité du marché est encore plus évidente. À l'exception de Total (qui a récemment fusionné avec Fina), les variations des parts de marché sont absolument insignifiantes.

(622) Il est également intéressant de comparer la situation des différents acteurs sur le marché en fonction du nombre de stations.

EMPLACEMENT TABLEAU

(623) D'après les chiffres de 1997, trois opérateurs, à savoir Shell, Aral et Q8, ont un nombre comparable de sites, avec 52, 50 et 48 stations respectivement. Total/Fina et Exxon comptent respectivement 34 et 30 sites. BP n'en possède que trois. Du point de vue de l'évolution dans le temps, l'on constate, là encore, une assez grande stabilité. Parmi les principaux acteurs, la plus forte variation (à la baisse) concerne Q8, dont le nombre de stations a diminué de huit en cinq ans. Vient ensuite Exxon, qui a réduit son parc de cinq stations sur la même période.

(624) Un autre élément frappant est le nombre total de stations, qui est extrêmement élevé compte tenu de la taille du pays. Comme on le verra plus loin, une telle concentration de stations sur un territoire si petit rend fort peu probable toute tentative de développement par l'ouverture de nouveaux sites.

(625) D'une manière générale, il ressort de cet examen que le marché de la vente au détail de carburant au Luxembourg est resté assez statique, avec sept acteurs principaux (Shell, Aral, Exxon, Q8, Texaco, TotalFina et BP/Mobil), et n'a enregistré aucun changement notable ces dernières années. La demande n'a quasiment pas progressé en cinq ans, et les concurrents ont plus ou moins maintenu leur position.

Dynamique concurrentielle - Coûts et prix Coûts

(626) L'un des facteurs déterminants pour la rentabilité d'un réseau de vente au détail est le débit. Plus le débit est important, plus les coûts d'exploitation moyens des stations sont faibles. Pour permettre de comparer la situation des acteurs précités du point de vue des coûts, le tableau ci-dessous indique, pour chacun d'entre eux, le débit moyen par station au cours des cinq dernières années.

EMPLACEMENT TABLEAU

(627) Si l'on choisit comme référence l'année 1997, pour laquelle on dispose des données les plus complètes, on constate que c'est BP qui enregistre, et de loin, le débit moyen le plus élevé, mais cela tient au fait que cette compagnie ne possède que trois stations, et de très grandes dimensions. Parmi les autres détaillants, c'est Total qui affiche le débit le plus élevé, avec 6 609 m3 par station (il s'agit toutefois d'un chiffre antérieur à sa fusion avec Fina), suivie d'Exxon avec 5 057 m3 (6 795 m3 en 1998), puis de Texaco et Shell, qui ont un débit moyen comparable d'environ 4 900 m3 chacune. Le débit moyen le plus faible est enregistré par Q8 (2 542 m3 par site).

(628) Globalement, cependant, on peut dire que le Luxembourg se caractérise par un débit moyen très élevé par rapport à la moyenne des autres pays.

EMPLACEMENT TABLEAU

(629) Un débit moyen de plus de 3 000/3 500 m3 par station est considéré par les professionnels comme une échelle d'efficience minimale suffisante pour permettre à un détaillant d'amortir ses coûts fixes. À cet égard, une étude interne effectuée par les parties montre que l'échelle d'efficience d'une station-service ordinaire correspond précisément à [...]* m3 de débit et à une marge brute de [...]* cents (USD) le litre. Sur cette base, il apparaît qu'aucun des opérateurs de premier rang n'a d'avantage significatif sur les autres au niveau des coûts d'exploitation par site.

Prix

(630) Afin d'apprécier pleinement la situation concurrentielle du secteur de la vente au détail de carburant au Luxembourg, il est utile de comparer l'évolution des prix hors taxes dans les pays concernés par l'opération.

EMPLACEMENT TABLEAU

EMPLACEMENT TABLEAU

(631) Comme il ressort du tableau ci-dessus, les prix hors taxes au Luxembourg ont baissé ces trois dernières années (passant de 401 USD la tonne en 1996 à 321 USD en 1998), mais cela est essentiellement dû à la baisse des prix du pétrole brut. D'une manière générale, les prix hors taxes se situent dans la moyenne des prix de l'UE.

(632) Il est également intéressant de comparer les marges brutes dans les pays touchés par l'opération. Les marges brutes d'Exxon sont considérées comme représentatives des marges brutes moyennes de l'ensemble du secteur.

EMPLACEMENT TABLEAU

(633) Comme le montre ce tableau, sans atteindre les niveaux enregistrés aux Pays-Bas et en Autriche, les marges brutes n'en sont pas moins très élevées au Luxembourg, si on les compare aux marges appliquées en France, décrites par les parties comme comptant parmi les marges les plus soumises aux contraintes de la concurrence en Europe. En pourcentage, les marges luxembourgeoises sont [...]* d'environ [...]* % aux marges françaises. Aucun surcoût particulier, tenant à une quelconque spécificité du territoire luxembourgeois, ne peut expliquer cet écart. Le tableau ci-dessous permet de comparer les frais de transport et de livraison d'Exxon, ainsi que ses "coûts divers" ("other wholesale costs"), dans les pays précités.

EMPLACEMENT TABLEAU

(634) Ce tableau montre que les coûts de transport et de livraison au Luxembourg sont tout à fait dans la moyenne européenne. En revanche, les "coûts divers" y sont nettement plus élevés qu'en France. Cette différence ne suffit cependant pas à expliquer tout l'écart existant entre le Luxembourg et la France au niveau des marges brutes. En effet, même après déduction de ces coûts supplémentaires, les marges brutes appliquées au Luxembourg sont encore environ [...]* % plus élevées qu'en France. Étant donné que les stations-service luxembourgeoises ont des débits moyens plus élevés (et donc probablement des coûts moyens plus réduits) que les stations-service françaises et vu que les carburants sont des produits homogènes, ces marges élevées seraient l'indice d'un déficit substantiel de concurrence sur le marché.

Caractéristiques propres au marché luxembourgeois - Réglementation des prix

(635) Une caractéristique propre au marché luxembourgeois est le fait que le gouvernement fixe un prix maximum pour chaque catégorie de carburant auto. Ce système de plafonnement des prix en gros et à la pompe est géré par le ministère de l'Economie. En principe, ces maxima sont calculés selon une formule comportant quatre éléments principaux, à savoir: i) les cours du marché cargo, ii) une marge (de grossiste) pour la compagnie pétrolière, iii) un supplément destiné à compenser différents frais (coût du transport ferroviaire, frais de stockage obligatoires et investissements pour la protection de l'environnement), et iv) la marge du détaillant.

(636) La plupart des changements de prix font suite à des variations des prix du marché cargo et n'entraînent aucun changement des composantes de la formule relatives aux marges. La marge officielle (du grossiste) est calculée chaque jour par le ministère (et par les professionnels) à partir des prix maxima en vigueur et des cours quotidiens du marché cargo. Ces calculs incluent les accises et la TVA. Si les cours du marché cargo augmentent après la fixation des prix maximum, les marges réelles sont inférieures aux marges de base préalablement définies; à l'inverse, si les cours chutent, elles sont supérieures. Les fluctuations de taux de change entraînent aussi des écarts entre marges effectives et marges de base, puisque les plafonds sont fixés dans la monnaie locale. Ce sont ces variations qui motivent la révision des prix maxima. Le ministère part du principe qu'une telle révision se justifie si l'écart entre la marge maximale et la marge réelle pour un produit donné dépasse 0,25 LUF le litre pendant 10 jours consécutifs, ou 0,4 LUF le litre pendant plus de 2 jours consécutifs. Cependant, les modifications apportées aux prix maxima sont toujours soumises à l'approbation du Gouvernement, ce qui signifie qu'elles n'entrent pas en vigueur immédiatement après les périodes de fluctuation. Les entreprises du secteur - et le ministère - surveillent l'évolution de l'écart positif ou négatif (lié aux variations du marché cargo et des taux de change) par rapport aux marges de base. En cas de chute des cours du marché cargo, les moins-perçus sont généralement compensés par un retard délibéré dans la réduction des prix maxima, alors qu'en cas de hausse, les trop-perçus sont rattrapés par un retard dans l'application de la décision relevant ces prix.

(637) La formule de calcul des prix peut aussi être ajustée à la demande des entreprises du secteur, afin de couvrir des hausses de coûts. Dans ce cas, la demande d'augmentation des prix ou des marges doit transiter par l'association locale des compagnies pétrolières. Cela étant, les révisions de prix ayant pour but principal ou accessoire d'augmenter les marges sont plus rares que les révisions liées à des variations du change ou des cours du marché cargo. À cet égard, il convient de noter qu'au cours des douze mois qui ont précédé juin 1999, il y a eu douze révisions des prix maxima pour l'essence et onze pour le gazole. Les derniers changements de marge remontent au mois d'août 1998.

(638) Si nul ne conteste que l'intervention du Gouvernement par la fixation de prix maxima perturbe le fonctionnement normal du marché, en revanche, elle n'empêche pas les détaillants de se concurrencer en pratiquant des prix inférieurs au plafond imposé. Or, le fait est que la plupart des concurrents appliquent le prix de vente maximal fixé par le gouvernement et n'accordent que très rarement des remises, d'ailleurs tout à fait minimes.

(639) Concrètement, les détaillants alignent leurs prix sur les prix publics et ne s'en écartent pour ainsi dire jamais. L'enquête de la Commission montre que parmi les détaillants, peu d'opérateurs vendent actuellement leur carburant à prix réduit: certains exploitants de pompes blanches affichent des prix inférieurs de 0,1 à 0,4 franc le litre aux maxima, et certaines stations de marques, à savoir les stations Total et Exxon, se situent à 0,1 franc le litre au-dessous des maxima.

(640) En bref, le libre jeu de la concurrence semble actuellement faussé. En pratique, la concurrence est très limitée entre les sept principaux détaillants en carburant, qui alignent systématiquement leurs prix à la pompe sur les prix publics maximum.

Barrières à l'entrée - Possibilités de développement - Concurrence potentielle

(641) Outre les barrières à l'entrée communes à tout le secteur, le principal obstacle pour qui veut s'implanter sur le marché luxembourgeois de la vente au détail de carburant est la saturation du marché au niveau du nombre de stations. Cette saturation limite considérablement la possibilité de créer de nouveaux points de vente.

(642) Quant à la possibilité de voir des concurrents agressifs investir le marché luxembourgeois, il convient de rappeler l'absence totale de stations d'hypermarché au Luxembourg. Surtout, les obstacles à leur entrée éventuelle semblent insurmontables. Premièrement, les autorités tant nationales que locales ont des dispositions législatives et réglementaires très strictes en matière de permis d'installation. Deuxièmement, l'accès à la propriété commerciale est limité par la petitesse du pays. Troisièmement, les terrains commerciaux disponibles coûtent très cher. Quatrièmement, le Luxembourg est trop petit pour accueillir plus d'un certain nombre de supermarchés. Enfin, la demande de carburant au Luxembourg vient pour l'essentiel d'étrangers, attirés par les bas prix. Il est clair que cette demande ne peut pas être captée par les hypermarchés.

SITUATION À L'ISSUE DE LA CONCENTRATION - INCIDENCE DE L'OPÉRATION SUR LA CONCURRENCE

(643) L'incidence de l'opération en cause doit être appréciée dans le contexte décrit ci-dessus compte tenu des particularités recensées dans la section consacrée aux caractéristiques structurelles des marchés du carburant vendu au détail en général.

(644) Dans la situation actuelle, et malgré la présence de sept acteurs principaux, la situation du marché de la vente au détail de carburant au Luxembourg laisse fortement à désirer pour ce qui est de la concurrence sur les prix. Compte tenu de l'existence de plafonds fixés par le gouvernement, la plupart des détaillants alignent leurs prix à la pompe sur ces plafonds et évitent de se faire concurrence. Les marges garanties par la formule de calcul du gouvernement sont généreuses et permettent à tous les détaillants, même les moins performants, de se maintenir sur le marché sans souffrir de la concurrence. Concrètement, très peu d'opérateurs s'écartent du prix public, qui fonctionne comme un prix de cartel. En effet, les variations des prix à la pompe ne se produisent pratiquement jamais à l'initiative d'un opérateur, mais seulement à la suite d'ajustements décidés par le gouvernement.

(645) Toutefois, s'il est incontestable que la dynamique concurrentielle est perturbée par l'existence d'une réglementation limitant le prix maximum à la pompe, il n'en demeure pas moins que la concurrence pourrait s'exercer au-dessous de ce prix maximum. Or, les détaillants en carburant préfèrent éviter toute concurrence sur les prix. En somme, à l'heure actuelle, le marché semble caractérisé par un déficit substantiel de concurrence.

(646) S'il est vrai qu'une des conséquences directes de l'opération sera de placer la nouvelle entité aux commandes d'un opérateur de petite taille (constitué d'Exxon, [10-20]* % et de BP/Mobil, [0-10]* %), il importe néanmoins de tenir compte du lien existant entre Mobil et Aral, qui se situe en deuxième position au Luxembourg avec [10-20]* % du marché.

(647) Dans cette logique, l'opération renforcera sensiblement le degré de concentration du marché, puisque le trio constitué par Exxon/Mobil, BP/Mobil et Aral représentera approximativement [30-40]* % du marché.

(648) Surtout, l'opération modifiera la structure de l'oligopole puisqu'elle créera un nouveau pôle d'opérateurs dotés d'un pouvoir de marché considérable. Le marché se caractérisera donc par la présence d'un pôle principal, à savoir Exxon-BP/Mobil-Aral, et d'un pôle secondaire, Shell, autour desquels graviteront un certain nombre de "satellites". L'opération aura donc pour effet de resserrer sensiblement les liens à l'intérieur de l'oligopole existant, rendant encore plus improbable l'éventualité d'une concurrence entre les différents acteurs du marché. Après la fusion, la structure du marché sera telle qu'il deviendra impossible d'envisager la moindre initiative concurrentielle sans déclencher des représailles générales. Ainsi, si le gouvernement devait relever, voire supprimer le plafond qu'il applique actuellement en matière de prix, l'opération aurait pour effet de dissuader plus encore un acteur du marché d'adopter une attitude plus concurrentielle, une telle démarche ayant encore plus de chances de déclencher des représailles générales. De même, tout nouvel arrivant potentiel aurait affaire à une hostilité plus marquée et plus générale de la part des acteurs déjà établis sur le marché.

(649) À la lumière de ce qui précède, il apparaît que l'opération aboutira à la création ou au renforcement d'une position dominante collective pour Shell, Aral, Exxon, Q8, Texaco, TotalFina et BP/Mobil, ce qui aura pour effet d'entraver l'exercice d'une concurrence effective dans une partie substantielle du Marché commun.

PAYS-BAS

APERÇU GÉNÉRAL

(650) Les Pays-Bas sont l'un des pays de l'Union européenne les plus affectés par l'opération en ce qui concerne la vente de carburants au détail. Deux catégories d'opérateurs y sont présentes: les grandes compagnies pétrolières intégrées (Shell, Exxon, BP/Mobil, Texaco, TotalFina et Q8) et les détaillants indépendants non intégrés, qui vendent sous marque ou non. Le marché de la vente au détail se caractérise par un niveau de concentration élevé: les grandes compagnies pétrolières y représentent plus de [80-90]* % des volumes échangés tandis que les opérateurs indépendants se partagent le reste. Contrairement à ce qui se passe sur d'autres marchés nationaux, notamment britannique et français, aucun supermarché ne vend de carburants au détail aux Pays-Bas. La vente de carburant en gros s'organise au niveau local, les détaillants intégrés et non intégrés approvisionnant leurs réseaux de vente au détail à partir de l'une des cinq raffineries nationales (Shell, Exxon, Total, BP-Texaco et Q8). Le nombre de stations-service a diminué ces dernières années (il en restait 3 980 en 1997, avec un débit moyen de 2 502 m3, soit l'un des plus faibles parmi les marchés en cause examinés). Les prix à la pompe sont parmi les plus élevés. La politique gouvernementale en matière de permis de construire est l'une des plus restrictives parmi les marchés en cause considérés. Les perspectives d'expansion du réseau de vente au détail sont donc limitées. En raison de la topographie du pays (sol mou absorbant), la législation en matière d'environnement est l'une des plus exigeantes de l'Union, ce qui a pour conséquence d'augmenter les coûts d'exploitation.

Raffinage

(651) Les grandes compagnies pétrolières (Shell, Exxon, BP/Mobil, Texaco, TotalFina et Q8) sont les principaux fournisseurs de carburants. Elles exploitent les cinq raffineries qui existent aux Pays-Bas, comme le montre le tableau suivant. Une sixième raffinerie, qui se trouve à Amsterdam et appartient à Smith & Hollander, ne produit pas de combustibles pour moteur, mais principalement des produits asphaltiques.

EMPLACEMENT TABLEAU

Vente en gros

(652) Les Pays-Bas sont un exportateur net de produits pétroliers raffinés. Le carburant destiné à approvisionner le réseau de vente au détail est fourni localement par l'une des raffineries susmentionnées. Les grandes compagnies pétrolières sont donc les principaux grossistes en combustibles pour moteur. Elles vendent leurs produits soit par le biais de leur propre structure de distribution, soit par l'intermédiaire d'opérateurs indépendants, qui les revendent ensuite aux détaillants.

Vente au détail

(653) Au stade de la vente au détail, il existe deux catégories d'opérateurs, à savoir toutes les grandes compagnies pétrolières intégrées mentionnées ci-dessus, d'une part, et des détaillants indépendants non intégrés, d'autre part. Comme il est indiqué au paragraphe précédent, les détaillants indépendants achètent pratiquement tout leur carburant à l'un ou plusieurs des raffineurs susmentionnés.

(654) Les hypermarchés ne sont pas actifs dans la vente au détail de carburant. Cela est principalement dû à la politique environnementale rigoureuse imposée par le Gouvernement aux stations-service et au fait qu'aux Pays-Bas, les supermarchés ne disposent généralement pas d'espace extérieur suffisamment grand pour accueillir ce genre d'installation, comme c'est le cas en France ou au Royaume-Uni. Selon les informations obtenues, les supermarchés néerlandais vendaient du carburant au détail jusqu'il y a quinze ans. Face aux charges et coûts écologiques croissants qu'il leur fallait supporter, ils ont cependant décidé d'abandonner ce marché (c'est ainsi qu'Exxon a acheté quinze stations-service à la chaîne de supermarché Miro, avant de les fermer trois ans plus tard). Selon la législation en vigueur aux Pays-Bas en matière d'autorisation, le propriétaire perd la licence dès qu'une station-service est fermée. En conséquence, il est peu probable, vu l'actuel système d'attribution, que les opérateurs ayant quitté le marché ces dernières années y reviennent.

SITUATION AVANT LA CONCENTRATION - ÉTAT ACTUEL DE LA CONCURRENCE

Structure du marché

(655) Par ses caractéristiques, le marché tend vers une structure oligopolistique dominée par les grandes compagnies intégrées. En dépit de l'asymétrie des positions sur le marché, la stabilité des parts de marché et les importantes caractéristiques que partagent ces entreprises (intégration verticale, structures des coûts similaires pour le raffinage, la vente en gros et la vente au détail, rentabilité de l'investissement similaire) révèlent un marché dont les niveaux de marge et de prix ne dépendent pas de la dynamique concurrentielle à l'œuvre dans la zone ARA.

(656) Shell est le principal opérateur et le "champion" national. Il semble que sa prédominance sur le marché néerlandais soit due à des raisons historiques liées à la découverte, conjointement avec Exxon, du gisement de gaz naturel de Groningue. Les deux sociétés ont été invitées par le gouvernement à réinvestir aux Pays-Bas les recettes tirées du gaz découvert. Shell les a réinvesties dans le secteur situé en aval, en se dotant de capacités de raffinage et d'un réseau de distribution étendu (67). Sur le marché de la vente au détail, sa part était de [30-40]* % en 1998.

(657) Après Shell, le plus grand opérateur est BP/Mobil, qui détient [10-20]* % du marché de la vente au détail. Viennent ensuite Texaco, Exxon et TotalFina, avec des parts de marché comprises entre [10-20]* %, puis Q8, dont la présence est plus réduite au stade du commerce de détail. Ces sociétés représentent quelque [80-90]* % du marché, le reste étant occupé par des détaillants indépendants et des pompes blanches, dont la caractéristique fondamentale, qui les différencie des grandes compagnies, est de ne pas être intégrés verticalement et, partant, de dépendre de ces dernières pour leur approvisionnement.

EMPLACEMENT TABLEAU

(658) La stabilité des parts au cours des dernières années reflète l'absence de concurrence intensive et la circonstance qu'aucun nouvel opérateur n'a pris pied sur le marché. De façon générale, aucune fluctuation sensible n'a été enregistrée dans les positions concurrentielles relatives des différents concurrents. Le tableau qui suit montre l'évolution des parts sur le marché de la vente au détail au cours des cinq dernières années.

EMPLACEMENT TABLEAU

(659) Les positions présentées ci-dessus se reflètent dans la répartition des points de vente sur le territoire néerlandais. Le marché de la vente au détail est dominé par les grands raffineurs, qui détiennent plus de 75 % des stations-service. Bien que le nombre de stations ait diminué ces dernières années sous l'effet de mesures de rationalisation motivées par des considérations écologiques et d'une politique restrictive en matière de permis de construire, les grandes compagnies ont pu continuer à développer leur réseau au détriment des détaillants indépendants.

EMPLACEMENT TABLEAU

Dynamique concurrentielle - Coûts et prix Coûts

(660) Par ailleurs, non seulement les grands raffineurs écoulent la plus grande partie du carburant vendu au détail, mais ils le font aussi avec un maximum d'efficacité, en réalisant les ratios volume/station les plus élevés. Le tableau qui suit montre le débit moyen réalisé par les grandes compagnies et les opérateurs indépendants aux Pays-Bas.

EMPLACEMENT TABLEAU

(661) En 1997, le débit moyen des grandes compagnies était près de deux fois supérieur à celui des opérateurs indépendants. Cette différence s'accroîtra encore avec la concentration. Cet écart s'explique principalement par deux raisons: les stations-service exploitées sous l'enseigne des grandes compagnies sont plus grandes (et presque exclusivement situées le long des autoroutes) et la majorité d'entre elles jouissent d'une excellente situation. Selon un rapport commandé par les autorités néerlandaises, les grandes compagnies pétrolières ont été en mesure, grâce à leur assise financière, de construire et d'exploiter des stations plus nombreuses et idéalement situées. En outre, il leur a été possible par le passé de mettre en place le long des autoroutes néerlandaises un réseau étendu de points de vente à fort débit. Jusqu'en 1994, les concessions étaient attribuées aux grandes compagnies en fonction de leurs parts de marché. Comme cette politique d'autorisation s'est avérée indûment restrictive, elle a été abandonnée et remplacée par une autre, dans le cadre de laquelle les nouvelles concessions sont octroyées pour une période de temps illimitée au candidat présentant l'offre la plus élevée.

(662) Plus le débit augmente, plus la base de coût du détaillant diminue. Aussi va-t-il sans dire que les grandes compagnies peuvent compter sur des marges bénéficiaires supérieures à celles des détaillants indépendants. Même si leurs marges brutes absolues peuvent être similaires, les coûts relatifs des opérateurs sont différents, les grandes compagnies pouvant les répartir sur une base de chiffre d'affaires plus élevée. Cette situation permet à ces dernières de réaliser des économies d'échelle au niveau de l'exploitation de leur réseau de vente au détail; les marges bénéficiaires augmentent de pair avec le chiffre d'affaires. Le rapport demandé par les autorités néerlandaises et l'enquête réalisée sur le marché ont montré que dans le contexte concurrentiel actuel, où il ne faut pas s'attendre à l'octroi massif de concessions, les économies d'échelle peuvent être une condition indispensable pour qu'un opérateur maintienne sa rentabilité. Le rétrécissement du réseau des indépendants peut s'expliquer dans une large mesure par le fait que les réseaux et points de vente plus petits ne permettent pas de réaliser des économies d'échelle.

Prix

(663) Les produits pétroliers sont chers aux Pays-Bas vu les conditions de marché dans la zone ARA. Bien que les prix départ-raffinerie soient alignés sur les niveaux du Platt's, les marges et les prix de gros et de détail sont encore plus élevés. C'est pourquoi les prix à la pompe aux Pays-Bas dépassent ceux qui sont pratiqués dans les pays voisins appartenant à la même zone d'approvisionnement. À titre d'exemple, au cours des cinq dernières années, les prix à la pompe ont été jusqu'à 40 % supérieurs à ceux appliqués sur le marché français, décrit par les parties comme étant l'un des marchés d'Europe les plus soumis aux contraintes de la concurrence. Le tableau qui suit montre qu'en 1998, les prix de gros et à la pompe étaient plus élevés aux Pays-Bas que dans n'importe quel autre marché voisin aligné sur les cours du Platt's pour la zone ARA.

EMPLACEMENT TABLEAU

(664) Cet écart n'est pas attribuable aux droits d'accise et de TVA prélevés aux Pays-Bas (le niveau des taxes est plus ou moins identique et aurait même tendance à être légèrement plus faible dans ce pays), mais avant tout à des marges de distribution brutes sensiblement plus élevées, qui ont été plus deux fois supérieures aux marges françaises pendant la période en question. Le tableau ci-dessous indique la variation de la marge brute (différence entre le prix de gros et le prix de détail, avant taxe) sur quatre marchés géographiques voisins alignés sur les cours ARA du Platt's.

EMPLACEMENT TABLEAU

(665) Ces écarts sensibles ne peuvent pas davantage être attribués à des coûts plus élevés. Les opérations effectuées au niveau du terminal et le transport sont les principaux éléments du coût. Aux Pays-Bas, les sources d'approvisionnement sont nombreuses et bien situées; les cinq raffineries nationales alimentent quasiment tout le marché de la vente au détail. Les distances à parcourir sont relativement petites et les stations-service peuvent donc être approvisionnées directement par ces sources en l'espace de quelques heures. Les coûts de stockage et de logistique sont par conséquent substantiellement réduits tandis que les frais de transport sont plus ou moins les mêmes que dans les autres marchés de référence (chaland: 1 % du prix de gros de l'essence; voie ferrée: 2 %; oléoduc: 1 % et camion: 3 %).

(666) Dans leur réponse à la communication des griefs, les parties affirment que les marges supérieures observées aux Pays-Bas au stade de la distribution sont en grande partie dues aux marges élevées pratiquées par les détaillants, qui échoient aux exploitants des stations-service plutôt qu'aux compagnies pétrolières les approvisionnant. En outre, les détaillants doivent dans ce pays supporter des surcoûts liés à la gestion de programmes de fidélité et à des dispositions sévères en matière d'environnement.

(667) Même si personne ne conteste que les marges des concessionnaires néerlandais sont parmi les plus confortables d'Europe, comme il est indiqué plus haut, le fait est que les prix et les marges de gros sont inexplicablement élevés dans ce pays, vu notamment les caractéristiques structurelles de la région. Le tableau ci-après compare l'écart entre les marges de gros d'Exxon et les marges des concessionnaires aux Pays-Bas et en France.

EMPLACEMENT TABLEAU

(668) Il est manifeste que les marges de gros aux Pays-Bas dépassent de [...]* % celles pratiquées en France. Ces écarts peuvent difficilement s'expliquer par les surcoûts qu'évoquent les parties (programmes de fidélité et dispositions en matière d'environnement), qui, du reste, devraient être supportés principalement par le concessionnaire propriétaire de la station.

(669) Au total, le niveau plus élevé des prix aux Pays-Bas révèle un manque de concurrence. Il semble que le marché néerlandais de la vente au détail ne soit pas fondamentalement influencé par les tendances en matière de prix qui prévalent sur les marchés voisins. Les prix sont structurellement plus élevés sur tout le territoire, sauf dans certaines zones frontalières qui sont en concurrence directe avec un marché voisin. Tel est le cas de la région située à la frontière avec l'Allemagne, où les stations-service néerlandaises doivent tenir compte des prix plus bas pratiqués dans ce pays. Il est symptomatique qu'afin d'empêcher une détérioration des marges dans cette zone, le Gouvernement néerlandais ait décidé d'instaurer un système de compensation visant à soutenir les détaillants indépendants.

Barrières à l'entrée/à l'expansion - Concurrence potentielle Barrières à l'entrée

(670) Les principales barrières à l'entrée et/ou à l'expansion sur le marché néerlandais de la vente au détail sont liées à la politique environnementale stricte et, partant, à la politique restrictive suivie par le gouvernement pour l'octroi des concessions. Selon le rapport commandé par les autorités néerlandaises, la réduction du nombre des stations-service s'explique en partie par les primes à la fermeture accordées par le gouvernement à celles d'entre elles qui ne respectaient pas les sévères dispositions en vigueur en la matière (prévention de la contamination des sols). Les licences d'exploitation sont délivrées par les autorités municipales et provinciales. En règle générale, ces autorités ne mettent pas de nouveaux emplacements à la disposition des stations-service, car elles considèrent que le marché est déjà saturé. Le cas échéant, elles imposent des conditions strictes de sécurité et de protection de l'environnement. Ce faisant, elles semblent plus disposées à délivrer de nouveaux permis aux grandes compagnies qu'aux opérateurs indépendants ou aux pompes blanches. Selon les informations reçues, un demandeur indépendant peut attendre jusqu'à quatre ans avant d'obtenir une nouvelle licence, alors que le délai est beaucoup plus court pour les grandes compagnies, notamment si les travaux relatifs à l'infrastructure annexe font partie de l'offre d'ensemble. En outre, comme les appels d'offres relatifs à l'octroi de nouvelles licences ou au remplacement des anciennes sont attribués au candidat qui présente l'offre la plus élevée, les grandes compagnies sont souvent les mieux placées pour étendre leur réseau.

Concurrence potentielle

(671) La concurrence potentielle des détaillants indépendants est substantiellement réduite. Actuellement, le marché semble avoir trouvé un équilibre caractérisé par des prix exagérément élevés, ce dont profitent tant les détaillants intégrés que les détaillants non intégrés. Les grandes compagnies pétrolières exercent leurs activités aux deux niveaux de la chaîne d'approvisionnement; elles sont à la fois grossistes et détaillants en carburants. Les opérateurs indépendants ne sont que détaillants et s'alimentent presque uniquement auprès des grandes compagnies locales, le plus souvent dans le cadre d'accords de fourniture exclusive renouvelables chaque année. Les grandes compagnies peuvent réaliser des recettes à différents stades de la chaîne d'approvisionnement, ce qui n'est pas le cas des détaillants; les marges brutes de gros échoient aux premières, contrairement aux marges de détail, qui reviennent à la fois à celles-ci et aux indépendants.

(672) Il est clair que les grandes compagnies intégrées disposent d'un avantage financier considérable sur les opérateurs indépendants. Elles peuvent faire montre d'une plus grande souplesse en cas de concurrence par les prix. Selon les informations reçues, elles sont susceptibles de proposer des systèmes de compensation des pertes à leur réseau de détaillants en cas de guerre des prix locale. Leur disponibilité financière et le fait qu'elles sont propriétaires des sources d'approvisionnement leur permettent, en particulier à Shell, de se profiler comme les opérateurs fixant le niveau des prix. L'enquête réalisée sur le marché a montré que lorsque les prix de détail augmentaient, les opérateurs indépendants suivaient le mouvement, car ils jugeaient plus intéressant d'accroître leur marge bénéficiaire en pratiquant des prix plus élevés plutôt qu'en écoulant un volume supérieur avec une marge plus faible. Comme la plupart des points de vente fonctionnent déjà à pleine capacité, toute augmentation du débit supposerait une extension des stations-service ou du réseau. Or, cela est difficile en raison i) des coûts marginaux élevés qu'entraîne une extension des stations-service et ii) des possibilités limitées d'étendre le réseau de vente au détail pour les motifs exposés dans les considérants 670 et 671.

(673) Il est peu probable que les opérateurs indépendants déclenchent une guerre des prix pour plusieurs raisons. Il se peut que les indépendants soient en mesure d'augmenter le volume de leurs ventes, mais ce jusqu'à un certain plafond seulement. S'ils décidaient de se lancer dans une guerre des prix, ils risqueraient de compromettre leurs futurs accords d'approvisionnement avec les grandes compagnies. Une guerre des prix qu'ils auraient provoquée pourrait être de courte durée, car les grandes compagnies seraient à même d'aligner leurs prix sans mettre en péril leur situation financière. À plus long terme, les indépendants devront se tourner vers d'autres sources d'approvisionnement, comme le marché cargo. L'enquête montre toutefois que, de façon générale, les détaillants indépendants hésitent à y recourir. En effet, les prix sur le marché cargo ne sont pas forcément plus intéressants que ceux pratiqués par les raffineries locales, d'autant que pour obtenir un prix attrayant sur le marché cargo, il est nécessaire d'acheter des volumes considérables. Le débit moyen d'un détaillant indépendant est le plus souvent moins élevé aux Pays-Bas que dans d'autres pays voisins (comme la France ou l'Allemagne), où des supermarchés et des opérateurs indépendants de plus grande taille s'approvisionnent sur le marché cargo. La plupart des indépendants n'ont pas besoin de plus de 4 000 litres hebdomadaires par site, alors que les prix pratiqués sur le marché cargo sont intéressants pour des volumes supérieurs à 10 000 litres. Il faudrait donc que les indépendants s'associent pour procéder à des achats groupés; en outre, les coûts de manutention et de stockage élimineraient tout avantage éventuel en matière de prix. Par ailleurs, les détaillants indépendants ont déclaré que la qualité des produits ne saurait être garantie pour des achats effectués sur le marché cargo. En règle générale, ils préfèrent s'adresser aux raffineries locales afin d'être sûrs de la qualité du produit et d'obtenir d'autres avantages en échange de leur fidélité. C'est pourquoi les détaillants indépendants ont maintenant tendance à suivre les prix, pour autant que leurs marges ne soient pas comprimées, auquel cas ils peuvent envisager de quitter le marché, le plus souvent en vendant leurs points de vente à l'une des grandes compagnies.

(674) Le cas présenté ci-après, tiré du rapport commandé par les autorités néerlandaises, montre qu'il est peu probable qu'une concurrence potentielle soit exercée par les opérateurs indépendants. Les autorités locales de la commune d'Almere ont convaincu une pompe blanche de pénétrer sur le marché local (en facilitant la procédure d'obtention de la concession) afin de mettre fin à l'oligopole formé par les stations-service en place. En contrepartie de cette concession, la pompe blanche s'est engagée à offrir un prix de détail de 4 % inférieur à celui de ses concurrents immédiats.

(675) Cette station s'est installée à proximité de trois stations existantes. Six autres stations se trouvaient plus loin, mais toujours sur le territoire de la commune d'Almere. Toutes exerçaient leur activité sous la marque des grandes compagnies.

(676) La première année, la pompe blanche a réalisé un chiffre d'affaires convenable, de même que les trois autres stations-service qui avaient décidé de baisser leur prix comme le nouveau venu. Le volume des ventes dans la commune d'Almere n'a pas augmenté au cours de cette période, ce qui signifie que les six stations n'ayant pas diminué le niveau de leurs prix ont perdu des parts de marché. Une année plus tard, les neuf stations proposaient toutes les mêmes prix que la pompe blanche.

(677) À l'issue de la première année, cette dernière a renforcé la pression en réduisant ses prix de 7 %, 9 %, voire, à un moment, 12 %. À chaque diminution des prix, la concurrence suivait rapidement. De même, lorsque la pompe blanche augmentait ses prix, les concurrents s'alignaient. En d'autres termes, la pompe blanche était passée du statut de nouveau venu à celui d'opérateur déterminant le niveau des prix.

(678) Comme toutes les stations-service offraient le même prix, il n'était possible à la pompe blanche d'augmenter son chiffre d'affaires qu'en cultivant l'image de discompteur qu'elle avait acquise sur ce marché local. Même si elle était appréciée pour son action à la baisse sur le niveau des prix, l'effet s'est atténué au fil du temps. En proposant des réductions de 12 %, la pompe blanche avait quasiment atteint son point d'équilibre. Les stations-service des grandes compagnies n'avaient par contre aucune difficulté à suivre rapidement le mouvement, car elles recevaient de ces dernières une compensation pour la diminution de leur marge de distribution. La pompe blanche n'était donc pas en concurrence avec les stations-service, mais avec les compagnies pétrolières. Le prix du carburant à Almere est alors revenu au niveau qui était le sien lorsque la pompe blanche a fait son entrée. Au même moment, celle-ci a décidé de vendre son activité à la grande compagnie faisant l'offre la plus élevée.

(679) Les considérations qui précèdent permettent de conclure que la concurrence potentielle provenant des détaillants indépendants ne saurait exercer une pression substantielle sur les grandes compagnies pétrolières.

SITUATION À L'ISSUE DE LA CONCENTRATION - INCIDENCE DE L'OPÉRATION SUR LA CONCURRENCE

(680) L'incidence de l'opération doit être appréciée dans le contexte décrit ci-dessus, en prenant en considération les particularités recensées dans la section consacrée aux caractéristiques structurelles des marchés du carburant vendu au détail en général. (681) L'opération renforcerait encore la structure oligopolistique du marché: trois concurrents se partageraient plus de la moitié de celui-ci et seraient suivis d'un groupe de deux opérateurs comparables de taille moyenne, à savoir Texaco et TotalFina. Le reste du marché resterait dispersé entre de petits distributeurs indépendants d'une importance marginale.

(682) L'opération notifiée se traduira donc par un accroissement de la concentration parmi les grandes compagnies. L'actuelle structure oligopolistique sera encore renforcée et les interactions entre les acteurs seront donc plus faciles à mettre en œuvre et à contrôler. À l'issue de la concentration, le marché néerlandais de la vente au détail sera encore moins performant sous l'angle économique. Les détaillants indépendants n'ont aucun intérêt à entamer une guerre des prix, puisqu'ils profitent au contraire des augmentations de prix décidées par les grandes compagnies au stade du commerce de détail. Dans ces conditions, la situation du consommateur final est de façon générale appelée à empirer. Il est donc permis de conclure que l'opération de concentration aboutira à la création ou au renforcement d'une position dominante collective sur le marché de la vente au détail, entre les grandes compagnies pétrolières (à savoir Shell, BP/Mobil, Exxon, Texaco et TotalFina).

ROYAUME-UNI

APERÇU GÉNÉRAL

Raffinage

(683) Le Royaume-Uni est un exportateur net de produits pétroliers raffinés. Traditionnellement, plus de 85 % des produits pétroliers sont fournis directement par les raffineries nationales. Les importations (le plus souvent à partir de l'Europe continentale ou de la Scandinavie) sont généralement imputables aux revendeurs indépendants, mais peuvent aussi résulter des échanges intragroupes auxquels procèdent les raffineurs.

(684) Il existe actuellement dix grandes raffineries de pétrole au Royaume-Uni. La plupart sont situées dans la moitié méridionale du pays et sont reliées aux grands oléoducs qui couvrent presque entièrement l'Angleterre et le Pays de Galles. Elles sont aussi le plus souvent accessibles par bateau. Il convient de noter toutefois que l'Écosse ne dispose que d'une seule raffinerie (site BP/Mobil de Grangemouth), qui alimente la plupart des terminaux locaux de distribution.

(685) Les principaux raffineurs au Royaume-Uni sont BP/Mobil, Exxon et Shell, qui détiennent approximativement 57 % de la capacité totale. La majorité des autres raffineurs (comme Elf, Total/Fina, Texaco et Conoco) sont cependant aussi des compagnies pétrolières intégrées verticalement qui exercent des activités de vente au détail au Royaume-Uni et représentent souvent individuellement plus de 10 % de la capacité de raffinage totale du pays.

Vente en gros

(686) Les carburants importés ou raffinés dans le pays sont ensuite vendus sur le marché cargo puis exportés ou alors acheminés aux détaillants, utilisateurs finals ou revendeurs. Dans certains cas, l'essence et le diesel sont collectés directement à l'entrée de la raffinerie ou de l'installation de stockage des produits importés puis transportés par route. Dans la plupart des cas, les combustibles sont toutefois transportés jusqu'aux terminaux de distribution, qui sont disséminés sur l'ensemble du territoire britannique et sont alimentés par oléoduc, par mer ou (moins souvent) par voie ferrée. Les combustibles pour automobile sont alors collectés par des camions-citernes et distribués aux clients de la région.

(687) En Angleterre et au Pays de Galles, la plus grande partie du carburant est acheminée par l'un des six oléoducs qui relient les raffineries aux terminaux de distribution. En Écosse, comme il n'existe aucun réseau de ce genre, les produits sont généralement transportés à partir de la raffinerie BP/Mobil de Grangemouth.

(688) Le secteur du commerce de gros semble aujourd'hui concurrentiel au Royaume-Uni. En premier lieu, aucune société ne semble actuellement détenir plus de 20 % du marché des ventes de combustibles à des tiers (hors ventes au détail). Cette conclusion est en second lieu confirmée par le fait que la plupart des sociétés ayant répondu à la Commission ont indiqué que les prix de gros reflétaient généralement l'indice international du Platt's, majoré des coûts de transport à partir de la raffinerie ou du terminal d'importation concerné, et qu'elles n'avaient aucune difficulté à s'approvisionner.

(689) L'OFT (Office of Fair Trading) est parvenu à des conclusions similaires dans son rapport sur la concurrence dans le secteur britannique du pétrole (68). Il a même constaté qu'en raison de ces conditions concurrentielles, les petites compagnies pétrolières avaient eu tendance à enregistrer des pertes au stade du commerce de gros pour quasiment chacune des cinq dernières années.

(690) L'un des principaux facteurs de cette concurrence est l'existence de capacités de raffinage chroniquement excédentaires au Royaume-Uni, la production de produits pétroliers raffinés excédant de presque 20 % la demande nationale, qui semble stagner depuis 1990. Même si ce surplus est appelé à être partiellement résorbé après la fermeture de l'installation Shell de Shellhaven (la plus petite des raffineries britanniques), l'offre sera toujours d'environ 15 % supérieure à la demande totale.

(691) Un autre facteur d'explication réside dans le fait qu'un nombre significatif de sociétés indépendantes détient et/ou exploite des terminaux de distribution, à partir desquels ils peuvent importer des produits du marché cargo et approvisionner les détaillants qui ne sont pas des raffineurs (comme les hypermarchés) ou les détaillants sans marque. Grâce à leur présence, les grands utilisateurs finals et les détaillants qui ne sont pas des raffineurs peuvent facilement s'approvisionner à des prix compétitifs.

SITUATION AVANT LA CONCENTRATION - ÉTAT ACTUEL DE LA CONCURRENCE

Structure du marché

(692) Le marché britannique se caractérise par la présence d'un grand nombre de concurrents: outre les trois raffineurs principaux (Exxon, BP/Mobil et Shell), qui détiennent encore collectivement plus de 50 % du marché, plusieurs autres compagnies pétrolières (Total/Fina, Elf, Texaco et Conoco) sont également présentes, de même que des hypermarchés et des détaillants indépendants.

(693) Entre 1994 et 1998, les parts de marché (en volume) ont évolué comme suit:

EMPLACEMENT TABLEAU

(694) Le secteur de la vente au détail peut être grosso modo divisé en quatre grandes catégories: i) les grandes compagnies (Exxon, BP/Mobil et Shell), ii) les petites compagnies pétrolières (Total/Fina, Texaco, Conoco/Jet et Elf), iii) les hypermarchés (Tesco, Sainsbury's, Safeway et Asda) et iv) les détaillants indépendants.

(695) Exxon, BP/Mobil et Shell (les "grandes compagnies") sont les trois principaux détaillants du secteur au Royaume-Uni, avec chacune une part de marché (en volume) supérieure à [10-20]* % (et qui plus est en augmentation). Leur couverture géographique est étendue, comme l'indique le grand nombre de stations qu'elles détiennent (plus de 1 800 chacune).

(696) Leurs coûts sont relativement faibles grâce i) à des frais d'approvisionnement peu élevés (approvisionnement direct à partir des raffineries du groupe ou échanges avec d'autres raffineurs), ii) à un important débit moyen par station (environ [...]* m3, voire davantage) et iii) à la présence de magasins autour des pompes, qui génèrent des revenus et profits supplémentaires.

(697) Leurs parts de marché (en volume) ont légèrement augmenté depuis 1994, pour atteindre aujourd'hui un total de [50-60]* %.

(698) Total/Fina, Texaco, Conoco/Jet et Elf sont aussi des compagnies pétrolières intégrées verticalement qui possèdent des raffineries au Royaume-Uni. Elles ne font pas partie de la même catégorie que les plus grandes compagnies, car leurs parts de marché et leur présence sont plus réduites (moins de mille stations-service pour ces sociétés, à l'exception de Texaco).

(699) Même si elles s'alimentent directement auprès des raffineries du groupe ou procèdent à des échanges avec d'autres raffineurs, ces compagnies semblent supporter des coûts d'approvisionnement plus élevés que les plus grandes, comme en témoignent les pertes qu'elles ont enregistrées au stade du commerce de gros pendant quasiment chacune des cinq dernières années. Enfin, elles ont pour la plupart des débits sensiblement inférieurs (environ 2 000 m3, voire moins) à ceux des plus grandes et supportent donc des coûts de vente au détail plus élevés.

(700) De surcroît, contrairement aux plus grandes compagnies, leur part de marché conjointe a diminué de plus de 23 % depuis 1994, pour s'établir aujourd'hui à quelque 20 % au total.

(701) Les hypermarchés (Tesco, Sainsbury's, Safeway et Asda) vendent des carburants automobiles dans les stations-service installées sur les aires de stationnement de leurs magasins. Ils sont principalement situés dans les zones urbaines ou à forte densité de population, et leur couverture géographique est donc limitée, comme le confirme du reste le nombre relativement faible de stations qu'exploite chacune des chaînes (moins de 200).

(702) Les hypermarchés s'alimentent essentiellement auprès des raffineurs (en particulier de BP/Mobil pour certains d'entre eux). Ils achètent le plus souvent de grandes quantités de carburants et s'adressent donc aussi à des négociants ou à des importateurs, qui peuvent représenter jusqu'à 35 ou 40 % de leur approvisionnement.

(703) Les stations-service des hypermarchés ont en règle générale des débits largement supérieurs (autour de 10 000 m3) à ceux des points de vente détenus par les autres détaillants. Elles bénéficiaient donc d'un avantage de coût substantiel par rapport à ceux-ci avant que les grandes compagnies ne décident de réduire le nombre des stations-service qu'elles exploitaient afin d'atteindre des débits plus élevés.

(704) Les hypermarchés ont conquis des parts de marché considérables au cours des dix dernières années. Ils représentent aujourd'hui [20-30]* % du marché et Tesco occupe le quatrième rang parmi les détaillants en carburants au Royaume-Uni. Selon l'OFT (69), cette forte croissance s'explique principalement par l'important avantage en matière de prix (entre 2,5 et 4 pence par litre) que les hypermarchés ont maintenu sur leurs concurrents. Elle a aussi à l'évidence été nourrie par l'augmentation sensible (plus de 10 % par an entre 1994 et 1997) du nombre de leurs stations-service. Toutefois, comme il est expliqué ci-après, des signes donnent à penser qu'en raison de contraintes de capacité, de barrières à l'expansion et de l'augmentation des coûts, les parts détenues par les hypermarchés ne devraient pas continuer à croître substantiellement au cours des prochaines années.

(705) Les stations-service indépendantes sont souvent anciennes et ont été installées il y a longtemps. Le plus souvent, elles ne vendent pas uniquement du carburant, mais aussi d'autres produits (comme le mazout, des produits alimentaires, etc.).

(706) Bien qu'ils ne semblent pas se heurter à des difficultés d'approvisionnement, les détaillants indépendants ne sont pas intégrés verticalement et supportent donc généralement des coûts d'approvisionnement plus élevés. Selon l'enquête de la Commission, leurs coûts sont également supérieurs à ceux d'autres catégories de détaillants, du fait principalement que leur débit est faible (autour de 500 m3). Nombre de ces stations se trouvent dans des zones rurales, où elles peuvent pratiquer des majorations de prix (jusqu'à 3 à 4 pence le litre) en échange d'un service ou de prestations supplémentaires. La plupart d'entre elles font par exemple aussi office de magasin du village, de bureau de poste etc.

(707) Leur part de marché cumulée est inférieure à 6 % et continue à décroître.

Dynamique concurrentielle - Coûts et prix Perspective historique

(708) Il semble qu'avant 1995, le secteur de la vente de carburants au détail était bien moins concurrentiel: [...]*.

(709) Fin 1994 ou début 1995, les grandes compagnies ont apparemment compris que la croissance des hypermarchés menaçait sérieusement leurs activités et était susceptible de donner naissance à la même structure qu'en France, où les hypermarchés détiennent une part d'environ 50 % et où les prix avant impôts sont bas. Certains d'entre elles, notamment Exxon, ont cherché à augmenter les coûts des hypermarchés et à abaisser les leurs en détournant à leur profit une partie des clients de ces derniers. Plus particulièrement, Exxon a tout à la fois mené une guerre des prix acharnée avec les grandes compagnies (campagne Pricewatch) et instauré des dispositifs de réduction draconienne des coûts.

(710) Les prix ont alors chuté considérablement, au point que tous les détaillants ont enregistré des pertes au cours du premier semestre de 1996. Certains ont alors tenté de relever les prix, mais ces efforts n'ont commencé à porter leurs fruits que lorsqu'ils ont été soutenus par Exxon. Les prix ont augmenté depuis lors et dépassent même les niveaux pratiqués dans le passé par les hypermarchés pour des prix identiques sur le marché cargo.

(711) Enfin, au cours de cette même période, les grandes compagnies [...]* ont essayé de diminuer leur écart de coût avec les hypermarchés. [...]*.

(712) Jusqu'en 1995, le marché ne semblait pas pleinement concurrentiel. C'est ainsi qu'au début de 1994, les prix de l'essence hors taxes au détail étaient 20 % plus élevés qu'en France, avant de chuter de plus de 30 % en deux années. [...]*.

(713) Dans ce contexte, les hypermarchés n'étaient apparemment pas pris très au sérieux et, comme l'OFT l'indique, "jusqu'en 1995, les supermarchés ont pu assez librement pratiquer des prix sensiblement inférieurs à ceux offerts par le reste du marché. (...) Les tentatives faites par les compagnies pétrolières pour répondre à la menace des supermarchés grâce à (des mécanismes de soutien des prix) en faveur des stations-service les plus affectées n'étaient pas systématiques, étaient généralement organisées à un niveau local et se faisaient sans grand appui publicitaire".

(714) [...]*

(715) À la fin de 1994, la part des hypermarchés a atteint environ 17 % en volume. Comme l'OFT l'indique, "la perte ininterrompue de clients au profit du réseau des supermarchés en rapide expansion a incité les grandes compagnies pétrolières à riposter plus sévèrement que jusqu'alors".

(716) [...]*. Aussi Exxon craignait-elle "une érosion substantielle de la position sur le marché et de la rentabilité d'Esso Retail au cours des 5 à 10 prochaines années".

(717) Cette crainte a provoqué une réaction ferme à deux niveaux. D'une part, Exxon s'est lancée dans une concurrence intensive sur les prix, qui devait lui permettre de détourner à son profit les clients des hypermarchés, et donc de réduire partiellement l'écart de coût avec ces derniers. La compagnie s'est aussi efforcée d'empêcher toute nouvelle entrée ou toute expansion du côté des hypermarchés. D'autre part, un dispositif de réduction draconienne des coûts a été mis en place.

La campagne Pricewatch

(718) Le premier détaillant à bouger a été BP qui, à la fin de 1994, a annoncé son intention de déterminer ses prix à l'échelle nationale en fonction des supermarchés. Elle devait bientôt être suivie par Exxon qui, pendant l'automne 1995, a testé sa "campagne" Pricewatch en Écosse et dans le Nord-Est de l'Angleterre, avant de la lancer au niveau national en janvier 1996. Shell a alors déclaré qu'elle s'alignerait sur les prix d'Exxon dans toutes les régions concernées par Pricewatch.

(719) La campagne Pricewatch a consisté à pratiquer les mêmes niveaux de prix que les hypermarchés et à le faire savoir, afin de permettre aux stations-service d'Exxon de détourner en leur faveur les clients des hypermarchés. Les autres grandes compagnies ont suivi une stratégie identique, mais de façon plus mesurée.

(720) Au premier semestre de 1996, cette concurrence par les prix semble avoir eu un effet dévastateur sur les marges des détaillants. [...]*. Les marges brutes ont donc chuté jusqu'à devenir moitiés plus basses qu'en France. À ces niveaux de prix, aucune société de vente de carburants au détail n'atteignait le point d'équilibre.

Rétablissement du niveau des prix

(721) Face à ces pertes, les hypermarchés, BP ou encore Shell ont essayé de relever le niveau des prix. La plupart de ces premières tentatives ont échoué, [...]*. Ce mouvement s'est poursuivi en 1997 et les prix au détail ont atteint les niveaux qui auraient normalement été pratiqués par les hypermarchés compte tenu des prix sur le marché cargo.

(722) Cependant, et contrairement à ce qui se passait avant la campagne Pricewatch, ce mouvement a continué en 1998, lorsque les hypermarchés ont apparemment accepté que les prix au détail soient supérieurs aux niveaux qui auraient normalement été pratiqués avant ladite campagne.

Mouvements au niveau des coûts

(723) En 1994-1995, les coûts des hypermarchés étaient inférieurs de 0,02 à 0,03 GBP le litre à ceux des grandes compagnies. Dans ces conditions, il aurait sans doute été impossible à ces dernières de livrer concurrence sur les prix sans instaurer un mécanisme supplémentaire de contrôle des coûts.

(724) Outre la concurrence sur les prix qui a opposé les grandes compagnies (et particulièrement Exxon) aux hypermarchés, la période 1995-1998 a donc été caractérisée par d'importantes actions axées sur les coûts.

(725) Bien que ces actions aient porté sur plusieurs domaines, le dispositif le plus visible (sinon le plus important) a consisté à réduire la différence de débit moyen entre les stations des hypermarchés et celles des grandes compagnies. Cet objectif a été atteint grâce aux deux actions suivantes:

- la concurrence avec les hypermarchés sur les prix: les grandes compagnies cherchaient ainsi à détourner à leur profit (et donc à augmenter leur débit total) les clients des hypermarchés (et donc à réduire le débit total de ces derniers). Pricewatch a ainsi permis à Exxon d'augmenter ses ventes d'environ [...]* % au cours du premier semestre de 1996;

- les stations-service les moins rentables ont été éliminées: entre 1994 et 1997, Exxon a supprimé 11 % des stations-service portant sa marque, BP/Mobil 10 % et Shell 30 %. Il convient aussi de noter que comme la plupart des stations fermées étaient détenues ou exploitées par des concessionnaires, cette campagne a également permis aux grandes compagnies de mieux contrôler leur réseau de vente au détail.

(726) [...]* de la sorte, et grâce à d'autres mesures de réduction des coûts, [...]*.

(727) En effet, tous les autres concurrents semblent avoir perdu du terrain principalement par rapport aux grandes compagnies et aux hypermarchés au cours de cette période: ils n'ont apparemment pas été capables de suivre le rythme imposé par les grandes compagnies et les hypermarchés, et chacune des autres catégories a vu sa part de marché chuter de plus de 23 % entre 1994 et 1998.

Les petites compagnies pétrolières et les détaillants indépendants n'exercent plus de pression concurrentielle

(728) L'évolution du secteur britannique de la vente de carburants au détail a provoqué l'apparition d'une nouvelle structure, où les petites compagnies pétrolières et les détaillants indépendants ne peuvent plus exercer de réelle pression concurrentielle.

(729) En effet, les petites compagnies pétrolières et les détaillants indépendants n'ont pas pu suivre le rythme imposé par les hypermarchés et les grandes compagnies; ils enregistrent en outre aujourd'hui des débits moyens (moins de 2 300 m3) inférieurs à ceux des grandes compagnies (plus de [...]*) ou des hypermarchés; enfin, aucun de ces concurrents pris individuellement n'a de part de marché supérieure à 6 % et [...]*.

(730) Le rapport OFT confirme aussi cette conclusion, lorsqu'il précise qu'"il est probable que les marges bénéficiaires des détaillants indépendants (...) soient, dans la plupart des cas, inférieures à celles d'autres stations-service situées dans des zones comparables, et même insuffisantes pour beaucoup de ces détaillants".

Les hypermarchés suivront les mouvements des prix

(731) Certains indices montrent aussi que les hypermarchés n'essaieront plus ou ne seront plus en mesure de mener des actions de concurrence par les prix, et devront au contraire suivre les grandes compagnies. Plus particulièrement, les hypermarchés ont indiqué que même s'ils continueront à aligner leurs prix sur le prix le plus bas affiché dans l'une quelconque des stations-service de leurs principaux concurrents, ils ne chercheront plus activement à pratiquer des prix à la pompe inférieurs à ceux des grandes compagnies.

(732) [...]*. Cette tendance trouve aussi confirmation dans le fait que, même si les marges brutes se sont approchées de leurs niveaux historiques en 1997, elles devraient continuer à augmenter pendant les années à venir.

(733) Cette évolution s'explique d'abord par le fait que les hypermarchés auront très peu de latitude pour mener des actions concurrentielles agressives, puisqu'ils n'ont plus de réels avantages de coût sur les grandes compagnies. [...]*. En outre, les résultats de l'enquête menée par la Commission donnent à penser que les coûts des hypermarchés augmenteront à l'avenir, car les nouvelles stations auront des débits plus faibles et supporteront donc des coûts plus élevés que les stations existantes.

(734) L'enquête de la Commission montre que cette évolution s'explique aussi par le fait que Pricewatch a appris aux hypermarchés que toute politique agressive en matière de prix serait suivie par les grandes compagnies, même si cela se traduit par des pertes sévères au stade de la vente au détail. Ils n'auraient donc aucun intérêt à abaisser le niveau des prix, car ce type de stratégie aboutirait pas par à une augmentation de leur part de marché, mais à une baisse de leurs profits.

(735) Le fait que les hypermarchés n'aient probablement rien à gagner d'une politique de prix agressive se trouve également confirmé par la circonstance qu'ils ne peuvent pas augmenter sensiblement le volume de leurs ventes. L'enquête de la Commission montre qu'il serait très difficile pour eux d'accroître ce volume grâce aux stations existantes ou d'obtenir l'autorisation de construire de nouvelles stations et que, même si les hypermarchés envisagent d'ouvrir de nouvelles stations, celles-ci auront des débits (et donc une rentabilité) inférieurs. Les hypermarchés ont également indiqué ne pas compter sur une croissance significative de leurs parts de marché.

(736) Le rapport de l'OFT corrobore ces conclusions lorsqu'il signale que "les stations-service des supermarchés semblent être proches de leur limite de croissance. (...) Toute nouvelle augmentation du volume ne peut provenir que d'un accroissement de leur part de marché, lui-même soumis à des contraintes de capacité. Au fur et à mesure que les stations atteindront leur point limite, il deviendra moins intéressant de vendre avec des marges faibles (...)".

(737) Enfin, certains hypermarchés ont récemment formé des entreprises communes avec les grandes compagnies pour l'approvisionnement et l'exploitation de magasins portant leur enseigne dans les stations-service à l'enseigne des grandes compagnies. Citons l'exemple des entreprises communes BP/ Safeway et Exxon/Tesco. Ce genre de collaboration se limite pour le moment à ces stations-service et n'a d'incidence ni sur l'exploitation ni sur l'approvisionnement des stations des hypermarchés. Toutefois, elle donnera de toute évidence naissance à des relations à long terme entre les hypermarchés et les grandes compagnies, qui pourraient en fin de compte s'étendre aux activités des premiers dans le domaine de la vente de carburants au détail, et devrait de toute façon dissuader les hypermarchés de faire concurrence aux autres.

(738) En conséquence, même si ce sont traditionnellement les hypermarchés qui déterminent le niveau des prix dans le secteur de la vente de carburants au détail, leurs parts de marché et leurs capacités stagnent et ils semblent aujourd'hui s'aligner sur les prix pratiqués par les grandes compagnies. Cette constatation est confirmée par l'enquête de la Commission, dans le cadre de laquelle les hypermarchés ont indiqué qu'en cas de mouvement des prix de gros, ils attendaient généralement de voir quelle était la réaction des grandes compagnies avant de se décider.

Ce sont maintenant les grandes compagnies qui déterminent le niveau des prix

(739) Les grandes compagnies semblent au contraire sortir renforcées de la guerre des prix qui a fait rage en 1995-1996. C'est ainsi que leur part de marché cumulée a augmenté d'environ [...]* % entre 1995 et 1998.

(740) En outre, bien que les marges brutes soient beaucoup plus faibles actuellement qu'au début de 1995 (avant le début de la concurrence agressive avec les hypermarchés), certaines grandes compagnies réalisent aujourd'hui des bénéfices bien plus importants qu'à cette époque.

(741) Outre l'accroissement de leurs bénéfices, les grandes compagnies ont renforcé leur emprise sur le marché, étant donné que les petites compagnies pétrolières et les détaillants indépendants ont été les premières victimes de la guerre des prix. Les hypermarchés ne semblent plus être capables de menacer sérieusement Exxon, BP/Mobil et Shell, et de nombreuses stations-service exploitées par des concessionnaires (dont les prix sont moins facilement contrôlés) ont été éliminées.

(742) Il ressort des considérations qui précèdent que les grandes compagnies sont à l'évidence les leaders sur le marché britannique des carburants vendus au détail et que toute concurrence significative ne pourrait donc résulter que d'une rivalité entre les membres de cette catégorie, les autres concurrents ayant perdu la capacité ou l'intérêt de lutter contre Exxon, BP/Mobil et Shell.

(743) Les parties répondent que les prix à la pompe hors taxes et les marges brutes de distribution au Royaume-Uni sont parmi les moins élevés d'Europe, que cela est le signe d'une concurrence acharnée et que la tendance historique globale à la baisse des marges en résultant devrait se poursuivre. Toutefois, même si les prix à la pompe hors taxes et les marges brutes de distribution au Royaume-Uni se trouvent à un niveau relativement bas, il semble en aller de même des coûts. À titre d'exemple, les coûts d'Exxon ont chuté de [...]* % entre 1994 et 1997. En revanche, et contrairement à ce que prétendent les parties, [...]*. Ces chiffres ne confirment donc pas les propos des parties.

(744) Les parties soutiennent également que les documents versés au dossier de la Commission montrent qu'une augmentation des prix décidée par les grandes compagnies ne serait pas forcément suivie par les hypermarchés et que la politique de ces derniers - qui consiste à être imbattables sur les prix dans leur zone de chalandise - ne devrait pas changer à la suite de l'opération notifiée. Les grandes compagnies ne pourraient donc exercer aucun pouvoir de marché. Comme il est expliqué plus haut, il est toutefois possible que les hypermarchés continuent à pratiquer les prix les plus bas dans leur zone de chalandise tout en suivant les mouvements à la hausse. [...]*. Cette constatation est aussi confirmée par le fait que les hypermarchés ont fait savoir qu'ils ne chercheraient plus activement à pratiquer des prix à la pompe inférieurs à ceux des grandes compagnies pétrolières et qu'en cas de mouvement des prix à la hausse, ils attendraient généralement de voir quelle serait la réaction des grandes compagnies avant de se décider. Elle est enfin cohérente avec la circonstance qu'il serait difficile pour les hypermarchés d'accroître leurs ventes dans les locaux existants ou de construire de nouvelles stations-service. Dans ces conditions, si certains hypermarchés ont affirmé qu'ils ne suivraient pas complètement une augmentation des prix de l'ordre de 5 %, c'est sans doute (comme leurs réponses le laissent entendre) qu'une telle hausse est très exceptionnelle dans le secteur de la vente du carburant au détail.

(745) De surcroît, la nouvelle structure du marché semble favoriser encore davantage l'adoption d'un comportement oligopolistique qu'avant l'expansion des hypermarchés.

(746) Ce phénomène tient aux caractéristiques générales du secteur européen des carburants (à savoir, homogénéité du produit, transparence, absence d'innovation technique, rigidité de la demande, absence de puissance d'achat compensatrice, barrières à l'entrée élevées, etc.) et aux relations entre Exxon, BP/Mobil et Shell (intégration verticale, contacts sur plusieurs marchés, etc.).

(747) Or, outre ces caractéristiques générales, la structure du marché britannique telle qu'elle a émergé de l'évolution récente de ce secteur encourage encore plus l'adoption de tels comportements, à un degré rarement (voire jamais) rencontré dans le passé.

(748) Premièrement, le marché britannique de la vente de carburants au détail semble avoir particulièrement stagné ces dernières années, le volume des ventes au Royaume-Uni ayant augmenté de moins de 2 % entre 1994 et 1998.

(749) Deuxièmement, on constate une symétrie entre les parts de marché d'Exxon, de BP/Mobil et de Shell, qui se situaient en 1998 entre [10-20]* % (Shell) et [10-20]* % (Exxon). Même si ces parts n'ont pas été stables au cours des quatre dernières années, il est surtout important de constater i) qu'elles ont toutes crû (ce qui reflète l'influence croissante des grandes compagnies dans le secteur considéré) et ii) que la symétrie entre les parts de marché des grandes compagnies a augmenté au cours des dernières années, l'écart entre la part la plus élevée et la part la plus faible ayant diminué de 37 % depuis 1994.

(750) Troisièmement, il semble également exister une forte corrélation entre la structure de coût de ces sociétés [...]*. Les parties contestent ce point et affirment que les écarts de coûts d'exploitation entre les différents opérateurs sont beaucoup plus importants. [...]*. Les parties soutiennent aussi qu'au sein même d'Exxon, il existe des différences de coût selon la taille de la station-service et la gamme qu'elle offre. Cependant, il convient en premier lieu de noter que la stratégie nationale des opérateurs (et, tout au moins, d'Exxon) est définie sur la base d'un seuil de rentabilité moyen et qu'il faut donc prendre pour base la structure des coûts moyenne pour discuter de la symétrie qui existe en la matière entre les différents opérateurs. En second lieu, le fait que les coûts peuvent varier sensiblement au sein même d'un opérateur donné confirme qu'une différence d'environ 0,01 GBP par litre entre les coûts moyens de plusieurs concurrents reflète une symétrie des coûts entre eux.

(751) Quatrièmement, Exxon, BP/Mobil et Shell semblent avoir des intérêts symétriques, car toutes les trois assurent une couverture nationale du marché britannique et ont un degré identique d'intégration verticale. Elles partagent aussi la propriété de certains oléoducs et installations de stockage.

(752) Enfin, et c'est peut-être l'aspect le plus important, les grandes compagnies ont maintenant un pouvoir de marché considérable sur le secteur britannique de la vente de carburants au détail. Cela accroît sensiblement les bénéfices qu'elles peuvent tirer de tout comportement coordonné et les incite donc d'autant à adopter un tel comportement.

(753) Par conséquent, s'il est possible de conclure, comme les parties l'affirment et l'OFT l'a établi en 1998, que le secteur britannique de la vente de carburants au détail est encore concurrentiel, il apparaît que les grandes compagnies ont repris le contrôle de ce marché, que toute concurrence significative ne peut donc résulter que d'une rivalité entre les membres de cette catégorie et qu'une telle rivalité est devenue plus improbable en raison des développements décrits ci-dessus.

(754) Les parties rétorquent que la compétition sur le marché britannique des carburants vendus au détail est intensive, arguant que des études consacrées à ce secteur par les autorités britanniques compétentes en matière de concurrence étaient parvenues à cette même conclusion. Comme il est expliqué plus haut, le marché a cependant beaucoup évolué ces dernières années, la concurrence sur les prix qui a fait rage au milieu des années 1990 ayant conféré le contrôle aux grandes compagnies. En outre, même si le dernier rapport de l'OFT affirme que le marché est concurrentiel, il conclut aussi qu'il "devra faire l'objet d'un contrôle pour veiller à ce que la concurrence entre les grandes compagnies ne disparaisse pas si le niveau de concentration devait augmenter".

Barrières à l'entrée - Possibilités de développement - Concurrence potentielle

(755) Exxon, BP/Mobil et Shell ne paraissent guère menacées par l'expansion ou l'entrée d'un opérateur sur le marché, puisque le volume des ventes au Royaume-Uni est plutôt en stagnation depuis 1994 (sa croissance a été inférieure à 2 % en trois ans) et que l'arrivée d'un nouvel opérateur est très improbable.

(756) Plus particulièrement, selon le rapport de l'OFT, "il n'est actuellement pas intéressant de pénétrer sur le marché de la vente au détail en raison des faibles marges qu'offrent les carburants et des coûts à supporter pour se conformer à la législation en matière d'environnement. Afin d'être rentable, l'entrée doit se faire à une échelle relativement grande et il peut être difficile d'obtenir des permis de construire pour des stations à l'extérieur des villes. Certes, un opérateur pourrait ultérieurement pénétrer sur le marché en rouvrant les nombreuses stations qui ont été fermées ces dernières années, mais il s'agira plutôt des stations les plus petites, et la législation en matière d'environnement oblige à fermer les stations complètement et à remplir de béton les réservoirs. Ces stations serviront du reste souvent à un autre usage. Aussi est-il presque aussi difficile de rouvrir une ancienne station que d'en construire une nouvelle".

(757) Par ailleurs, bien que les parties évoquent la possibilité d'une nouvelle entrée en commun sur le marché de la vente des carburants au détail, elles se bornent à citer l'exemple des hypermarchés (qu'on ne saurait considérer véritablement comme de nouveaux venus) et du réseau "Save" (qui détient une part de marché très limitée et a perdu 15 % de ses stations-service en 1997).

SITUATION À L'ISSUE DE LA CONCENTRATION - INCIDENCE DE L'OPÉRATION SUR LA CONCURRENCE

(758) L'incidence de l'opération doit être appréciée dans le contexte décrit ci-dessus, en prenant aussi en considération les particularités recensées dans la section consacrée aux caractéristiques structurelles des marchés du carburant vendu au détail en général.

(759) Comme il est expliqué ci-dessus, le marché britannique de la vente de carburants au détail est aujourd'hui nettement dominé par les grandes compagnies, les autres concurrents ayant perdu la capacité ou l'intérêt de faire substantiellement concurrence à Exxon, à BP/Mobil et à Shell. La structure du marché favorise fortement l'adoption d'un comportement oligopolistique par les trois grandes compagnies, qui ont des caractéristiques similaires et des parts de marché comparables.

(760) Les tiers ont indiqué qu'Exxon et BP se faisaient concurrence sur les prix et que tout porte à croire que c'est cette dynamique qui influencera à l'avenir le niveau des prix sur le marché britannique. [...]*. Comme les grandes compagnies ont dorénavant fortement intérêt à adopter un comportement oligopolistique, il est peu probable que cette rivalité se poursuive au même degré à l'avenir.

(761) Comme il est expliqué ci-dessus, la concentration notifiée créera un lien structurel entre Exxon et BP/Mobil, qui permettra à Exxon d'exercer une influence significative sur l'entité BP/Mobil et qui, plus généralement, incitera encore davantage ces deux sociétés à coopérer. Vu que, de surcroît, de nombreuses raisons liées au marché plaident résolument pour une coopération de ce genre, il est très probable qu'après la concentration, toute concurrence réelle entre Exxon et BP/Mobil aura disparu.

(762) Tout porte aussi à croire que Shell ne cherchera pas à contester la position concurrentielle d'Exxon et de BP/Mobil. Très vraisemblablement, Shell rejoindra au contraire Exxon et BP/Mobil pour former un oligopole.

(763) Il semble qu'avant même la concentration, Shell n'ait pas traditionnellement été un concurrent très agressif en matière de prix. [...]*. En outre, Shell semble avoir joué un rôle-clé dans le mouvement de restauration des prix [...]*.

(764) Les tiers estiment que la politique de Shell consiste au contraire à chercher à se positionner sur le haut de gamme, et pas uniquement pour les carburants. C'est sans doute la raison qui l'a poussée à pratiquer des prix supérieurs à ceux du marché.

(765) Rien ne prouve non plus que Shell s'efforcera ou sera en mesure de changer de stratégie après la concentration. [...]*. Deuxièmement, et contrairement à Exxon et à BP/Mobil, Shell n'a pas formé d'entreprises communes avec les hypermarchés et ne peut donc pas proposer des offres similaires. Enfin, la stratégie actuelle de Shell semble fonctionner relativement bien, puisque sa part sur le marché de la vente de carburants au détail a augmenté de 13 % entre 1994 et 1998 (encore que, comme il est indiqué ci-dessus, sa croissance doive se ralentir à l'avenir).

(766) En outre, Shell a déjà conclu plusieurs partenariats avec BP/Mobil et Exxon: Shell possède conjointement avec l'une ou l'autre de ces deux grandes compagnies un certain nombre de terminaux de distribution au Royaume-Uni, et Shell et BP/Mobil détiennent en partie deux des principaux réseaux d'oléoducs qui desservent l'Angleterre et le Pays de Galles. Les liens de Shell avec BP devraient par ailleurs se renforcer après la fermeture de la raffinerie Shell de Shellhaven, qui forcera la première à couvrir une grande partie de ses besoins en carburants raffinés auprès de la raffinerie de Coryton de BP/Mobil.

(767) Enfin, Shell est d'autant moins susceptible de faire montre d'une plus grande combativité que les raisons d'adopter un comportement oligopolistique décrites ci-dessus sont, pour elle, plus fortes que jamais.

(768) À la lumière de ce qui précède, on peut conclure qu'après l'opération, les grandes compagnies formeront un oligopole sur le marché britannique des carburants.

Position concurrentielle exceptionnelle sur le marché du commerce de gros

(769) Exxon, BP/Mobil et Shell vendent aussi en gros de l'essence et du diesel à des tiers. Selon les chiffres dont dispose la Commission, leur part cumulée sur ce marché serait de l'ordre de [30-40]* %.

(770) Or, ces chiffres sous-estiment le pouvoir de marché des grandes compagnies. À cet égard, il convient de noter que même après la fermeture de la raffinerie de Shellhaven, les grandes compagnies continueront à représenter ensemble près de [50-60]* % de la capacité totale de raffinage au Royaume-Uni; elles détiendront aussi ensemble quelque [40-50]* % des terminaux de distribution dans ce pays et posséderont conjointement (avec d'autres opérateurs que les grandes compagnies) [0-10]* % des terminaux de distribution; enfin, les sites Fawley d'Exxon et Coryton de BP/Mobil seront les deux seules raffineries situées au Sud et au Sud-Est de l'Angleterre.

(771) Exxon, BP/Mobil et Shell jouiront donc d'une position concurrentielle exceptionnelle. D'une part, en tant que raffineurs, ces sociétés auront la possibilité de conclure des accords d'échange avec d'autres raffineurs et donc de s'approvisionner au niveau national à de meilleures conditions que les nonraffineurs. D'autre part, elles bénéficieront d'avantages concurrentiels significatifs sur les autres raffineurs, du fait que leurs volumes de vente seront supérieurs et leur couverture géographique du territoire britannique plus étendue. À titre d'exemple, les grandes compagnies auront une capacité de raffinage plus de cinq fois supérieure à celle de leurs concurrents immédiats (Texaco et Conoco) et détiendront ou partageront beaucoup plus de terminaux de distribution que ceux-ci.

(772) Les grandes compagnies seront bien moins tributaires des échanges avec les autres raffineurs que vice-versa. Il se peut donc que leur coopération leur donne l'envie et les moyens d'imposer des conditions plus sévères aux accords d'échange qui les lient avec d'autres raffineurs.

(773) Il est aussi possible qu'après la concentration, les grandes compagnies soient mieux à même de dissuader les autres raffineurs ou grossistes de mener des actions concurrentielles locales (comme le fait d'entrer sur le marché), car grâce à leur large couverture géographique, les grandes compagnies pourront répartir les coûts liés à des actions concurrentielles locales sur des volumes et des territoires plus importants.

(774) Enfin, il est possible qu'après la concentration, Exxon incite BP/Mobil (voire Shell), qui est actuellement un important fournisseur des hypermarchés, à proposer des prix plus élevés ou des quantités moins importantes à cette catégorie de clients. Certains hypermarchés craignent qu'un tel comportement augmente leurs coûts et, partant, porte préjudice à leur compétitivité dans le secteur en aval de la vente de carburants au détail.

(775) Étant donné les surcapacités de raffinage et la présence de nombreux grossistes au Royaume-Uni, l'opération ne créera probablement pas de position dominante dans le secteur britannique du commerce de gros. Les grandes compagnies jouiront toutefois d'une position concurrentielle exceptionnelle sur ce marché, ce qui, comme il est expliqué ci-dessus, augmentera les coûts d'approvisionnement de leurs concurrents.

(776) Selon les parties, le fait que des sociétés autres que les grandes compagnies contrôleront quelque 46 % de la capacité de raffinage au Royaume-Uni et 58 % des terminaux de distribution britanniques va à l'encontre de la conclusion selon laquelle les grandes compagnies pourront exercer un pouvoir de marché ou augmenter les coûts d'approvisionnement de leurs concurrents à l'issue de l'opération. Comme il est expliqué plus haut, c'est à la lumière de ces chiffres et des enquêtes de la Commission qu'il est permis de conclure que le secteur de la vente en gros restera concurrentiel. Les arguments avancés par les parties ne tiennent pas compte du fait que les autres concurrents sur le marché de la vente en gros sont beaucoup plus petits que l'une quelconque des grandes compagnies, qu'ils ont généralement une couverture géographique limitée et qu'ils ne peuvent pas procéder à des échanges ou alors dépendent des parties pour ces échanges dans une plus large mesure qu'inversement. Par conséquent, ces arguments ne contredisent pas la conclusion selon laquelle les grandes compagnies pourront influer sur les coûts d'approvisionnement de leurs rivaux ou mener avec succès des actions commerciales locales.

(777) D'après les parties, des éléments montrent aussi que les entreprises intégrées traitent le raffinage et la commercialisation comme deux activités distinctes. Elles estiment donc que l'intégration verticale ne confère pas aux grandes compagnies un quelconque avantage sur les opérateurs non intégrés, comme le confirme la présence croissante de ces derniers sur le marché, en particulier des hypermarchés ou des chaînes tels que British Fuels. Toutefois, la circonstance que le raffinage et la commercialisation soient traités comme deux activités distinctes ne saurait empêcher que l'intégration verticale puisse conférer et confère d'ores et déjà des avantages concurrentiels aux entreprises intégrées, dans la mesure où les raffineurs peuvent compter sur des approvisionnements garantis et des accords d'échange et, pour ce qui est des grandes compagnies, bénéficier aussi d'une couverture géographique et d'une infrastructure de distribution (oléoducs, terminaux de distribution, etc.) étendues. De surcroît, il convient de noter qu'abstraction faite des hypermarchés (qui sont des concurrents quelque peu exceptionnels par la taille, la présence et la notoriété), les entreprises non intégrées ne représentent qu'une part très réduite (moins de 6 %), et en diminution, des ventes au détail.

Une position de leader incontestée sur le marché de la vente au détail

(778) Les grandes compagnies occupent les premières places sur le marché britannique de la vente au détail, et surtout, les deux plus importantes d'entre elles. Leur part de marché combinée est d'approximativement [50-60]* %, soit environ [...]* fois plus que leur concurrent immédiat (Tesco, qui a formé une entreprise commune avec Exxon).

(779) Ainsi que cela a été expliqué aux points 728 à 738 ci-dessus, l'évolution récente du secteur de la vente de carburants au détail s'est caractérisée par le déclin des concurrents traditionnels des grandes compagnies, à savoir les petites compagnies pétrolières et les détaillants indépendants. En outre, les hypermarchés ont cessé de déterminer le niveau des prix et de mener une politique concurrentielle agressive pour suivre les mouvements imposés par d'autres en se contentant d'une faible croissance de leur part de marché.

(780) Plus spécifiquement, la dynamique actuellement à l'œuvre sur le marché montre que les grandes compagnies continuent à gagner du terrain aux dépens des petites compagnies pétrolières et des détaillants indépendants. On peut donc s'attendre à ce que, du fait de cette évolution et des contraintes de capacité auxquelles se heurtent les hypermarchés, la part combinée des grandes compagnies augmente encore les prochaines années et que ces sociétés finissent par contrôler le marché de la vente au détail.

(781) Ces conclusions seront encore plus vraies après l'opération de concentration puisque, comme il a été expliqué aux points 769 à 777 ci-dessus, les grandes compagnies auront alors la possibilité d'augmenter les coûts d'approvisionnement des autres détaillants et donc d'affaiblir leurs positions sur le marché de la vente au détail.

(782) Enfin, vu la couverture géographique généralement limitée des hypermarchés et des détaillants indépendants et la large présence nationale des grandes compagnies, Exxon, BP/Mobil et Shell pourraient collectivement mener des actions concurrentielles sélectives dans certaines zones et porter sérieusement préjudice aux concurrents tout en absorbant les coûts liés à ces actions par des augmentations de prix limitées au niveau national. Les parties contestent que les hypermarchés aient une couverture géographique limitée, au motif que [...]* % des stations-service d'Exxon et [...]* % de celles de BP/ Mobil se trouvent à moins de 5 kilomètres d'un hypermarché. Force est cependant de constater que seule une partie des hypermarchés sont équipés de stations-service: le chiffre varie de 35 % à 50 % selon la chaîne d'hypermarchés. Il s'ensuit qu'une station des parties peut se trouver à proximité d'un hypermarché sans pour autant devoir affronter la concurrence de ce dernier. De plus, les chiffres fournis par les parties se rapportent aux hypermarchés considérés globalement. Or, ces chiffres peuvent être trompeurs, car même s'il se peut que les hypermarchés atteignent globalement une couverture nationale, les chaînes prises individuellement ont une présence bien plus limitée.

(783) Par conséquent, à l'issue de l'opération, la position des grandes compagnies sur le marché ne pourra plus être menacée avec succès par des concurrents autres que les grandes compagnies.

(784) À la lumière de ce qui précède, la concentration notifiée créera une position dominante oligopolistique au profit d'Exxon, de BP/Mobil et de Shell sur le marché britannique de la vente des carburants au détail, ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée dans cet État membre, qui est une partie substantielle de l'EEE.

F. LUBRIFIANTS D'AVIATION

(785) Les lubrifiants d'aviation (lubrifiants à base d'ester ou huiles de synthèse pour turbines aéronautiques) sont utilisés pour la lubrification des turboréacteurs à double flux (aviation commerciale et militaire) ou pour des applications dérivées de l'aéronautique (autrement dit, les applications qui découlent des techniques utilisées pour les moteurs d'avion, comme les turbines marines, certains turbogénérateurs et autres machines industrielles). Comme le montrent les considérants qui suivent sur la définition des marchés de produits, les lubrifiants pour l'aviation commerciale, les lubrifiants pour l'aviation militaire et les lubrifiants pour les applications dérivées de l'aéronautique constituent trois marchés de produits distincts.

(786) Leur processus de fabrication comprend plus ou moins les étapes types de fabrication des lubrifiants courants, c'est-à-dire un mélange d'huiles de base synthétiques et d'additifs, même si les ingrédients utilisés diffèrent.

(787) Comme c'est le cas avec les lubrifiants pour l'automobile, le processus de fabrication, la commercialisation du produit fini et son utilisation pour l'équipement aéroporté sont subordonnés à l'homologation des organismes compétents, en l'occurrence les autorités militaires concernées et les équipementiers. En revanche, contrairement aux lubrifiants pour l'automobile et en raison des normes de sécurité plus sévères auxquelles sont soumis les lubrifiants d'aviation, la procédure d'homologation de ces derniers est plus stricte et plus longue.

(788) Les lubrifiants d'aviation intéressent trois grandes catégories d'acheteurs: les compagnies aériennes commerciales, la clientèle militaire ainsi que divers clients de l'industrie.

DÉFINITION DU MARCHÉ

Marché de produits en cause

Les lubrifiants d'aviation et les lubrifiants courants ne relèvent pas du même marché

(789) Les parties font valoir que les lubrifiants d'aviation font partie du même marché que les lubrifiants courants (pour l'automobile et l'industrie) évoqués ci-dessus. Bien que les deux types de lubrifiants ne soient pas substituables du côté de la demande, les parties affirment qu'ils le sont du côté de l'offre et que de la sorte, les fabricants de lubrifiants courants qui ne sont pas présents dans le secteur des lubrifiants d'aviation peuvent sans difficulté et en temps voulu reconvertir leur processus de fabrication pour la production de lubrifiants d'aviation. Les parties invoquent trois faits à l'appui de leur thèse: tout d'abord, les matières premières nécessaires au mélange des lubrifiants d'aviation (c'est-à-dire, le polyolester et les additifs) sont largement disponibles; deuxièmement, le matériel de mélange est identique pour les deux types de lubrifiants; troisièmement, il existe une surcapacité générale en matière de mélange, de sorte qu'il est économiquement possible de reconvertir des installations de mélange. Par conséquent, du côté de l'offre, la substitution avec les lubrifiants pour l'automobile serait réalisable moyennant un nettoyage du matériel de mélange utilisé précédemment pour les lubrifiants pour l'automobile et sa reconversion, en relativement peu de temps, en matériel de fabrication de lubrifiants d'aviation.

(790) La conclusion de l'enquête menée par la Commission auprès du marché est que les lubrifiants courants (pour l'automobile et l'industrie) et les lubrifiants d'aviation constituent deux marchés de produits distincts. Du côté de la demande, l'absence de substituabilité entre les deux produits est incontestable. Les normes de sécurité plus sévères auxquelles sont soumis les lubrifiants d'aviation, ainsi que les différences, sous l'angle des conditions d'exploitation, entre les moteurs automobiles et les moteurs d'avion éliminent toute possibilité de substitution du côté de la demande avec les lubrifiants courants pour l'automobile. Ce point n'est pas contesté par les parties. En ce qui concerne la substitution du côté de l'offre, les arguments avancés par les parties ne permettent pas de conclure à l'existence d'un seul et même marché, dans la mesure où ils ne sont fondés que sur des aspects purement logistiques de cette substitution. Même en supposant que la substituabilité du matériel de mélange soit techniquement possible (bien que les autres fabricants interrogés aient émis des réserves sur ce point) et qu'un fabricant de lubrifiants courants puisse assurer le mélange des lubrifiants d'aviation, l'accès à ce marché n'est pas facile en raison des importantes barrières à l'entrée qui le caractérisent et qui seront examinées dans les paragraphes qui suivent. En outre, non seulement les lubrifiants courants ne sont pas substituables aux lubrifiants d'aviation, mais il existe, ainsi qu'il ressort des paragraphes ci-après, des marchés de produits encore plus étroits pour les lubrifiants d'aviation utilisés dans les moteurs d'avions commerciaux, les moteurs d'avions militaires et les applications dérivées de l'aéronautique.

Applications commerciales, militaires et dérivées de l'aéronautique

(791) L'existence de trois marchés plus étroits pour les lubrifiants d'aviation est démontrée par l'absence de substitution, du côté tant de la demande que de l'offre, entre les trois catégories précitées. La non-substituabilité du côté de la demande entre les différentes catégories de lubrifiants d'aviation est le résultat d'une série de caractéristiques qui limitent les usages propres à chacun de ces trois produits. Les lubrifiants d'aviation utilisés dans les moteurs d'avions commerciaux doivent satisfaire à des exigences de qualité et de sécurité plus sévères que celles qui sont applicables aux moteurs d'avions militaires (les moteurs militaires sont révisés très souvent et l'intervalle entre deux révisions est compris entre 200 et 1 000 heures de vol, contre 20 000 heures pour les moteurs d'avions commerciaux). La non-substituabilité du côté de l'offre, quant à elle, est le résultat des différences de caractéristiques techniques et du temps nécessaire pour pouvoir entrer sur l'un ou l'autre des marchés plus étroits des lubrifiants d'aviation. Pour entrer sur le marché des lubrifiants pour l'aviation commerciale, le fournisseur potentiel devra passer par certaines étapes types avant de pouvoir commercialiser son produit. La procédure type décrite ci-après peut prendre jusqu'à six ans pour les lubrifiants de moteurs d'avions militaires et jusqu'à douze ans pour les lubrifiants de moteurs d'avions commerciaux.

(792) Avant de pouvoir proposer un produit commercialisable et répondant aux besoins de la majorité des compagnies aériennes qui exploitent des flottes d'avions mixtes, un fournisseur doit mener des travaux de recherche approfondis pour la formulation de son produit. Au total, cette première étape peut prendre de trois mois, pour un fabricant bien établi, à quatre ans pour un nouveau venu sur le marché. À ce stade, un fournisseur peut choisir de ne pas s'engager dans une procédure d'homologation militaire et/ou commerciale, et de se limiter à fabriquer et commercialiser des produits destinés à des applications industrielles (c'est-à-dire, des turbomoteurs pour les forages pétroliers, le pompage de gaz, la production d'électricité ou des turbines marines). Par la suite, s'il veut vendre des produits destinés aux avions militaires ou commerciaux, l'homologation des autorités militaires et l'homologation des équipementiers sont nécessaires. Le fournisseur doit tout d'abord obtenir l'homologation des autorités militaires (par exemple, la marine américaine, le ministère britannique de la Défense, la délégation générale pour l'armement en France, etc.). Cette procédure comprend des essais en laboratoire (en éprouvette et au banc d'essai) et des essais sur banc moteur, qui peuvent prendre jusqu'à deux ans et sont généralement une condition préalable aux essais par les équipementiers ou à toute autre démarche à laquelle les équipementiers peuvent subordonner leur homologation. Là encore, le fournisseur peut renoncer à solliciter l'homologation des équipementiers, qui n'est exigée que pour les produits destinés à l'aviation commerciale. Il peut alors se concentrer sur les lubrifiants destinés à la clientèle militaire. D'après les parties, le marché militaire est régi par les appels d'offres, n'est pas fidèle à une marque et est plus sélectif.

(793) L'étape suivante pour pouvoir entrer sur le marché des lubrifiants destinés à l'aviation commerciale est l'homologation des équipementiers. Elle consiste en une homologation générale, couvrant la majorité des moteurs d'avion et des accessoires utilisés par les compagnies aériennes. Cette homologation englobe habituellement sept grands motoristes (tels que General Electric, Rolls-Royce, Pratt & Whitney, Allied Signal, Snecma, International Aero Engines, CFM International), vingt grands modèles de moteur, quatre grands fabricants d'accessoires et quatre grands accessoires (APU, CSD, IDG et ATS) (70). La procédure comporte des essais de laboratoire (en éprouvette et au banc) et, pour chaque modèle, des essais sur banc moteur et une longue évaluation en vol. D'après les estimations des parties, il peut s'écouler au total jusqu'à douze ans entre le début des travaux de formulation, l'homologation générale et la commercialisation des lubrifiants pour l'aviation commerciale. Les parties font toutefois remarquer que le délai d'obtention des homologations des équipementiers pour l'aviation commerciale tend à diminuer. En effet, quelques motoristes n'exigent pas d'évaluation en vol pour certains de leurs moteurs. Ainsi, Pratt & Whitney a révisé son programme et limite l'évaluation à un moteur, ce qui ramène le délai entre l'homologation des autorités militaires et l'homologation pour des vols commerciaux à [...]* ans et les coûts correspondants, à [...]* USD. Les parties expliquent que le délai moyen d'obtention des homologations des équipementiers pour les moteurs d'avions commerciaux serait maintenant de l'ordre de [...]* à [...]* et que le coût se situerait dans une fourchette de [...]* à [...]* USD. Quoi qu'il en soit, ces homologations restent un très grand obstacle à l'entrée.

(794) Du point de vue technique, les lubrifiants pour l'aviation commerciale pourraient avoir des applications militaires, mais non l'inverse. Cette caractéristique est imputable aux essais supplémentaires auxquels est subordonnée l'homologation pour l'aviation civile. En outre, les lubrifiants utilisés dans les applications dérivées de l'aéronautique ne sont soumis qu'à des procédures d'homologation très limitées. Sous l'angle technique, les lubrifiants pour l'aviation commerciale et les lubrifiants pour l'aviation militaire pourraient être utilisés dans ces applications dérivées, mais non l'inverse. Le fait que la plupart des compagnies aériennes utilisent le même produit pour toutes leurs applications dérivées de l'aéronautique (tant le matériel de bord que l'équipement au sol) est une bonne illustration de cette substituabilité à sens unique. C'est pour cette raison qu'elles n'achètent que des lubrifiants de qualité supérieure destinés aux moteurs d'avions commerciaux et homologués par les équipementiers (71). Par conséquent, la substituabilité tant du côté de l'offre que de celui de la demande ne fonctionne qu'à sens unique. C'est ce que démontre également le petit nombre de fournisseurs des compagnies aériennes commerciales (à savoir Exxon, Mobil et, dans une moindre mesure, Shell et Castrol), alors que les fournisseurs pour les applications militaires sont plus nombreux (aux grandes entreprises précitées s'ajoutent un certain nombre de petits fabricants spécialisés comme NYCO, Henkel, Hatco, etc.).

(795) À la lumière de tous ces éléments, il y a lieu de conclure que le secteur des lubrifiants d'aviation comprend trois marchés de produits distincts en fonction de l'usage auquel ils sont destinés. L'opération affectera sensiblement le marché des lubrifiants pour l'aviation commerciale.

Marché géographique en cause

(796) Les parties proposent une définition mondiale du marché géographique, en expliquant que la plupart des fabricants approvisionnent leur réseau mondial à partir d'une ou de plusieurs usines, que le transport des lubrifiants d'aviation est aisé et peu coûteux, que les prix sont comparables dans les différentes régions du globe et qu'il n'existe pas d'obstacles aux échanges de ce type de produits. L'enquête de la Commission confirme cette définition pour tous les types de lubrifiants d'aviation. Par conséquent, le marché géographique est de dimension mondiale.

APPRÉCIATION SOUS L'ANGLE DE LA CONCURRENCE

(797) Exxon et Mobil réalisent [60-70]* % de la production et des ventes mondiales de lubrifiants à base d'ester pour turbines aéronautiques (Exxon: [30-40]* %; Mobil: [20-30]* %).Les autres grands fournisseurs sont Shell ([0-10]* %), Castrol ([0-10]* %), NYCO ([0-10]* %) et diverses entreprises ([20- 30]* %). (798) Sur le marché des lubrifiants pour l'aviation commerciale, la part de marché cumulée des parties à la concentration est sensiblement plus élevée. Selon les estimations des parties, leur part de marché cumulée à la fin de 1997 était de [80-90]* % (Exxon: [40-50]* %, Mobil: [40-50]* %), Shell: [0-10]* %, divers: [0-10]* %). Les compagnies aériennes et les concurrents interrogés dans le cadre de l'enquête de la Commission ont indiqué que l'entité issue de l'opération de concentration accaparerait plus de [0-90]* % du marché et qu'actuellement, Shell et Castrol étaient les seuls autres fournisseurs présents, avec [0-10]* % et [0-10]* % du marché respectivement (il est utile de noter que Shell ne compte aucun client parmi les compagnies aériennes américaines et que ses ventes aux compagnies commerciales de l'Union européenne sont négligeables).

(799) Exxon et Mobil occupent sur le marché une position de tout premier plan quasiment inattaquable qui, selon certains concurrents, serait due à des conditions du marché héritées du passé. Le secteur des lubrifiants d'aviation a souffert d'une médiocre rentabilité et de coûts élevés imputables à la nécessité de réaliser sans cesse des travaux de recherche et développement sous la pression des progrès techniques que connaît la construction aéronautique. C'est pourquoi nombre de fournisseurs ont dû se retirer du marché. Toutes les entreprises interrogées ont souligné le degré d'engagement qu'exige le marché des moteurs d'avions commerciaux. Les parties à l'opération de concentration sont présentes sur ce marché depuis les débuts des turboréacteurs et sont devenues les fournisseurs de choix de toutes les grandes compagnies aériennes. L'importance de leurs parts de ce marché est due, selon elles, à leur engagement long de plusieurs décennies dans ce secteur, tandis que les autres fournisseurs de lubrifiants d'aviation se sont concentrés sur les deux autres marchés (Castrol, dans les applications militaires et industrielles, Shell, dans les applications militaires et autres produits pour l'aviation, Hatco, dans les ventes d'esters synthétiques, le remarquage et le marché militaire). Les parties font valoir qu'elles n'ont pas une suprématie technique insurmontable car les techniques nécessaires pour résister à la concurrence sont parvenues à maturité. C'est probablement exact, mais cela ne change en rien le fait que les procédures d'homologation constituent une importante barrière à l'entrée sur le marché et rendent improbable l'arrivée de nouveaux concurrents, même en supposant une augmentation des prix.

(800) En réalité, les autres fabricants de lubrifiants d'aviation sont souvent spécialisés dans certains lubrifiants et certains produits chimiques, destinés principalement aux applications dérivées de l'aéronautique et, pour certains d'entre eux, aux applications militaires. Hatco (États-Unis) est un important fournisseur d'esters, qui a axé principalement son activité sur les lubrifiants pour le marché militaire et les applications dérivées de l'aéronautique; elle a obtenu avec Shell les co-homologations de certains équipementiers. NYCO (France) est un fournisseur indépendant qui propose une gamme de produits destinés surtout à l'aviation militaire et a obtenu les homologations de certains motoristes. Anderol (États-Unis) est un fournisseur axé essentiellement sur les applications dérivées de l'aéronautique, mais qui exerce aussi des activités limitées pour l'aviation militaire. Henkel (États-Unis) est un fournisseur d'esters spécialisé dans les applications dérivées de l'aéronautique et les applications militaires, mais ne dispose d'aucune homologation pour les lubrifiants destinés à l'aviation commerciale. Les autres fabricants de lubrifiants à base d'ester pour turbines aéronautiques (avec, entre parenthèses, l'indication des marchés de produits dans lesquels ils travaillent) sont notamment: Arpol Petroleum (États-Unis, remarquage, applications militaires), BP Marine Ltd (Royaume-Uni, remarquage, applications industrielles), Caltex (États-Unis, remarquage, applications industrielles), Delta Petroleum (États-Unis, remarquage, applications militaires et industrielles), Hexagon (États-Unis, remarquage, applications militaires et industrielles), Petron International (États-Unis, remarquage, applications militaires), Total (France, remarquage, applications militaires) et Velsicol (États-Unis, remarquage, applications militaires et industrielles).

(801) Il est clair qu'Exxon et Mobil sont les premiers fournisseurs de lubrifiants pour l'aviation commerciale, qu'elles vendent sous leurs propres marques, et disposent des plus importantes capacités de production pour les lubrifiants d'aviation. La concurrence effective sur le marché des lubrifiants pour l'aviation commerciale se limite aux deux fournisseurs qui sont parties à l'opération de concentration (leurs prix respectifs ont augmenté de [...]* % et de [...]* % au cours des cinq dernières années). Le peu de pouvoir de négociation qui reste aux clients disparaîtra donc avec l'élimination de la concurrence entre ces deux fournisseurs.

(802) Les parties affirment que si la nouvelle entité issue de l'opération décidait de pratiquer des prix supérieurs à ceux de la concurrence, les fournisseurs en place verraient leurs ventes progresser, et des concurrents potentiels entreraient sur le marché. L'enquête de la Commission a montré que la demande de lubrifiants pour l'aviation commerciale est inélastique en raison du faible coût que les lubrifiants d'aviation représentent dans les dépenses totales supportées par les compagnies aériennes commerciales au titre des produits pour l'aviation et du fait de la priorité que cette clientèle accorde à la nécessité d'assurer le plus haut niveau de sécurité en vol, ce qui alourdit les coûts liés à un changement de fournisseur et empêche les compagnies de faire le tour des fournisseurs. Les parties expliquent, par exemple, que les clients ont intérêt à garder le même fournisseur en raison des coûts qu'ils supporteraient s'ils devaient changer de marque de lubrifiant d'aviation, sans oublier les notifications et les formulaires à remplir et à remettre aux autorités aériennes compétentes au niveau local (y compris la Federal Aviation Authority s'ils desservent les États-Unis), le remplacement de tous leurs manuels d'utilisation et d'entretien, ainsi que l'envoi de notes d'information à tous les aéroports qu'ils desservent. Les parties ajoutent que les compagnies aériennes fondent leurs décisions d'achat en matière de lubrifiants sur une évaluation des performances techniques passées et pas vraiment sur les prix.

(803) Avec une part de marché cumulée de [0-90]* %, l'entité issue de l'opération serait de toute façon en mesure d'adopter un comportement indépendant de celui de ses concurrentset de ses clients. Les parties font valoir qu'en dépit de la faible élasticité-prix de la demande, les nouvelles entrées sur le marché ont plus de chances d'être le fait de concurrents existants comme Castrol, Hatco ou Shell, qui pourraient étendre leur activité de production de lubrifiants, actuellement destinés aux applications dérivées de l'aéronautique et à l'aviation militaire, à la production de lubrifiants pour l'aviation commerciale. Elles affirment en outre que l'entrée de ces nouveaux concurrents serait soutenue par les compagnies aériennes si les prix venaient à augmenter. L'enquête menée par la Commission montre que les entrées sur le marché ne seraient pas nécessairement encouragées par la croissance escomptée de la demande (1 à 2 % pour les cinq prochaines années) et pourraient être sensiblement entravées par le niveau élevé des coûts d'entrée supplémentaires imputables aux homologations obligatoires et par le souci de rentabiliser les investissements en stimulant les ventes. En outre, les parties ont déclaré que, pour qu'un fournisseur de lubrifiants pour moteurs d'avions commerciaux puisse résister à la concurrence sur ce marché d'une manière viable et optimale, il lui faudrait une part de marché minimale de 20 %. En fait, les fournisseurs existants sont en petit nombre et se partagent une clientèle plus limitée, et aucune nouvelle entrée n'a eu lieu sur le marché des lubrifiants pour l'aviation commerciale au cours des vingt dernières années.

(804) Les parties soutiennent que les compagnies aériennes clientes ont une très forte puissance d'achat et que la tendance à la concentration dans le transport aérien renforce le contrepoids que ces compagnies peuvent faire par le biais de cette puissance d'achat. Or, outre que les lubrifiants d'aviation ne constituent pas un poste de dépenses important pour les compagnies aériennes, il ressort de l'enquête que la tendance à la concentration incitera les compagnies aériennes à conclure des alliances stratégiques axées sur les coûts et les ventes de sièges et, à moins d'une combinaison de leurs services techniques, qu'il se pourrait que cette puissance n'en vienne jamais à s'exercer sur les fournisseurs de lubrifiants. Par ailleurs, les parties indiquent qu'en pratiquant des prix supérieurs à ceux de la concurrence, un fournisseur s'exposerait à des contrecoups sur les ventes de divers autres produits destinés à l'aviation qu'il fournit à ces mêmes compagnies aériennes. Cependant, les compagnies aériennes interrogées considèrent les lubrifiants d'aviation comme un produit à part et estiment que si aucun lubrifiant de rechange n'est disponible sur le marché, l'existence d'autres produits pour l'aviation ne peut influer sur les relations commerciales déjà nouées pour des lubrifiants destinés à l'aviation commerciale.

(805) L'opération réunira les principaux fournisseurs actuellement en concurrence et mettra un terme à la concurrence qu'ils se livrent. Elle conduira en outre à la création d'une position dominante sur le marché des lubrifiants d'aviation destinés à l'aviation commerciale, qui sera détenue par la nouvelle entité issue de l'opération.

G. CARBURÉACTEURS (CARBURANTS D'AVIATION)

MARCHÉ DE PRODUITS

(806) Le carburant utilisé pour les moteurs (ou réacteurs) d'avion est le kérosène. Bien qu'analogue au kérosène domestique (utilisé pour le chauffage, en particulier au Royaume-Uni), il est soumis à des exigences strictes en matière de performances. Dans des décisions antérieures (BP/Mobil, Shell/Gulf Oil), la Commission a conclu que les carburéacteurs constituaient un marché de produits distinct de celui des autres carburants (tels que l'essence automobile, le gazole ou le carburant marin). Les parties notifiantes soutiennent également ce point de vue.

MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

(807) Les parties affirment que les carburéacteurs forment un marché de dimension mondiale ou, du moins, plus étendu que l'EEE. À l'appui de leur thèse, elles font valoir que les carburéacteurs sont vendus dans le cadre d'appels d'offres, pour des marchés de fourniture mondiaux passés par les différentes compagnies aériennes, qui exigent des fournisseurs qu'ils livrent ce produit aux différents aéroports de par le monde. En outre, le prix est fixé sur la base des données Platt's, de sorte que les prix des carburéacteurs sur les marchés cargo du monde entier sont très voisins.

(808) La Commission estime que ces faits ne permettent pas de conclure à l'existence d'un seul marché, qui serait de dimension mondiale. Il faut distinguer la production des carburéacteurs, qui peut être un marché de dimension mondiale, de la fourniture et de la livraison des carburéacteurs à des sites déterminés, l'infrastructure logistique pouvant alors limiter le champ géographique de la concurrence.

(809) Même s'il se peut que le prix départ usine et le prix sur les marchés cargo soient proches, cela tient à la nature du produit et à un alignement général des prix des produits pétroliers raffinés. Étant donné la tarification uniforme des matières premières (pétrole brut) et la structure plus ou moins uniforme des coûts de raffinage et de transport à l'échelle mondiale, on peut s'attendre, comme c'est le cas des autres produits pétroliers raffinés, à ce que le prix des carburéacteurs soit également uniforme au niveau mondial. Quand on en vient, en revanche, à la fourniture de carburéacteurs à certains aéroports, le caractère mondial de ce marché s'estompe. Même s'il est vrai que les compagnies aériennes lancent des appels d'offres à l'échelle mondiale, elles ne choisissent pas nécessairement un seul et même fournisseur pour leur approvisionnement dans tous les aéroports qu'elles desservent. Elles retiennent, au contraire, l'entreprise qui soumet l'offre la plus intéressante aéroport par aéroport, en fonction des atouts relatifs des fournisseurs en un lieu donné. De plus, le prix auquel est facturé l'avitaillement des avions en carburant peut varier d'un contrat à l'autre. L'environnement concurrentiel peut également différer d'un aéroport ou d'une région à l'autre. Ces différences sont imputables principalement à l'infrastructure de distribution des carburéacteurs à destination des différents aéroports, qui est en général propre à chaque aéroport. Pour cette raison, les fournisseurs doivent non seulement produire des carburéacteurs pour pouvoir remporter des marchés avec des compagnies aériennes, mais aussi avoir accès à l'infrastructure de distribution et d'avitaillement propre à chaque aéroport pour pouvoir commercialiser effectivement leur produit jusqu'au maillon final de la chaîne d'approvisionnement, à savoir l'avitaillement de l'avion en carburant.

(810) Les concurrents interrogés par la Commission au cours de son enquête ont également contesté cette vision mondiale du marché. Selon eux, il peut exister des marchés limités à un aéroport déterminé, même dans les cas où plusieurs aéroports se situent dans une même zone (par exemple, les aéroports londoniens Heathrow, Gatwick et London City). De ce fait, du côté de la demande, si le prix du carburéacteur augmente dans un aéroport, une compagnie aérienne n'est pas en mesure de se tourner vers un autre aéroport afin d'obtenir ce même carburéacteur à un prix inférieur, étant donné les contraintes qui sont liées à la disponibilité des créneaux horaires. Du côté de l'offre, la capacité d'une compagnie pétrolière de cesser d'approvisionner un aéroport pour aller en approvisionner un autre dépend de son accès à l'infrastructure logistique. La substituabilité du côté de l'offre est donc, elle aussi, limitée.

(811) Les parties reconnaissent l'importance que revêt l'accès à l'infrastructure d'approvisionnement d'un aéroport. Elles soutiennent néanmoins qu'une forte concurrence oppose différents fournisseurs, nombreux étant ceux qui approvisionnent plusieurs aéroports et d'autres ayant créé des entreprises communes pour les activités de stockage et d'avitaillement des aéronefs dans les aéroports.

(812) Même si cet argument n'est pas faux, l'enquête montre qu'à l'issue de l'opération de concentration envisagée, dans un aéroport européen au moins, en l'occurrence l'aéroport londonien de Gatwick, l'infrastructure de distribution en place risque de limiter sérieusement l'accès des nouveaux fournisseurs à l'aéroport et d'affecter sensiblement les conditions d'accès des fournisseurs existants. Gatwick est approvisionné par l'intermédiaire d'un réseau d'oléoducs spécifiques, dont l'un appartient à Exxon et l'autre à un consortium entre Shell, Mobil, BP et Texaco. Dès lors, l'offre et la demande de carburéacteurs à Gatwick ne sauraient être regroupées avec celles d'un autre aéroport, même s'il s'agissait d'un aéroport géographiquement proche, comme Heathrow ou London City. Les compagnies aériennes qui assurent des vols au départ de Gatwitck ne peuvent donc profiter d'un écart de prix dans un autre aéroport en cessant de s'approvisionner à Gatwick pour aller chercher le carburant dans cet autre aéroport. Les fournisseurs ne seraient pas non plus à même de changer d'aéroport, puisque cette possibilité dépend de leur accès à l'infrastructure logistique. Dès lors, les conditions de l'offre et de la demande applicables à Gatwick semblent constituer un système fermé, qui rend impossible toute substitution entre différents aéroports, puisque l'offre et la demande sont très localisées. Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la fourniture de carburéacteurs à l'aéroport de Gatwick constitue un marché géographique distinct.

(813) L'aéroport de Gatwick représente une partie substantielle du Marché commun. Sous l'angle du trafic aérien, en effet, c'est le cinquième aéroport de l'EEE. En outre, pour ce qui est de la consommation de carburéacteurs, Gatwick absorbe 25 % de la consommation totale de ce type de carburant au Royaume-Uni (contre 55 % pour Heathrow et 20 % pour tous les autres aéroports britanniques réunis) et 6 % des ventes totales de carburéacteurs dans l'EEE (72).

Processus et infrastructure de distribution

(814) D'après les parties, les compagnies aériennes sont les principaux acheteurs de carburéacteurs. Elles achètent le carburant, avitaillement compris, ce qui signifie que les fournisseurs doivent avoir accès à l'infrastructure logistique pour transporter leur produit depuis la raffinerie ou le terminal d'importation jusqu'à l'aéroport et avitailler l'avion. Cette infrastructure peut appartenir soit à de grandes compagnies pétrolières, soit à des tiers, notamment l'État. La plupart des aéroports sont approvisionnés par des oléoducs qui les relient en général directement à plusieurs raffineries. Le transport entre les raffineries et les aéroports peut également s'effectuer par rail ou par chaland, même si ces autres moyens de transport peuvent s'avérer plus onéreux. À son arrivée à l'aéroport, le carburant doit être stocké, en le laissant reposer pendant au moins deux jours. Depuis les dépôts aéroportuaires, le carburant est ensuite transporté jusqu'au poste de stationnement de l'avion, soit par un réseau fixe de distribution du carburant (oléoréseau), soit par camions-pompes. Cette dernière étape est appelée "avitaillement de l'avion en carburant". Dans les activités de stockage et d'avitaillement, des fournisseurs ont constitué des entreprises communes afin de réduire leurs coûts et de réaliser des gains d'efficience. Ce n'est toutefois pas nécessairement vrai de l'acheminement des carburants départ raffinerie ou terminal d'importation jusqu'à l'aéroport, lorsque le transport des carburéacteurs est assuré par des réseaux d'oléoducs appartenant à des compagnies pétrolières ou dont les capacités sont déjà toutes exploitées, ce qui peut limiter sensiblement l'accès et, partant, conditionner la réussite d'un nouveau concurrent sur le marché et/ou le développement d'un concurrent existant. C'est le cas, en particulier, à l'aéroport de Gatwick.

Fourniture de carburéacteurs à l'aéroport de Gatwick

(815) À l'issue de l'opération, la nouvelle entité assurera [40-50]* % des approvisionnements de l'aéroport de Gatwick en carburéacteurs. À cette part de marché il faudra ajouter le fait que la nouvelle entité sera propriétaire d'un fort pourcentage des infrastructures de distribution les plus avantagées sous l'angle de la concurrence (oléoducs appartenant à des compagnies pétrolières, comme l'oléoduc de West London, l'oléoduc de Walton Gatwick et le réseau existant d'Exxon, qui relie directement sa raffinerie de Fawley à Gatwick). D'après les concurrents, tous les autres moyens de distribution sont, soit limités sous l'angle de leurs capacités, soit très désavantagés du point de vue de la concurrence. En outre, Exxon contrôlera une très grande partie des capacités de raffinage de carburéacteurs du Sud-est de l'Angleterre, puisqu'elle possède la raffinerie de Fawley et prendra le contrôle en commun de la raffinerie de Coryton, qui appartient actuellement à BP/Mobil. Il convient d'observer que la seule autre raffinerie de cette région, à savoir Shell Haven, doit fermer à la fin de cette année, de sorte que la nouvelle entité possédera à elle seule la totalité des capacités de raffinage du Sud-est de l'Angleterre (Mobil détient [...]* % de la production de carburéacteurs de Coryton destinée à la distribution nationale - il est utile de rappeler que les carburéacteurs et les carburants marins ne font pas partie des activités de l'entreprise commune BP/Mobil). La part cumulée des parties dans la fourniture de carburéacteurs aux aéroports de Heathrow et London City respectivement est de [30- 40]* % et de [40-50]* %. En outre, les parties ne détiendraient pas de participation importante dans l'infrastructure correspondante utilisée pour l'approvisionnement de ces aéroports.

(816) Après l'opération, la nouvelle entité contrôlera une très grande partie de l'infrastructure logistique reliant Gatwick et une partie encore plus importante des oléoducs appartenant à des compagnies pétrolières (voir, en annexe, les graphiques sur les fournitures de carburants communiqués par les parties et par les concurrents). Exxon possède un oléoduc qui relie sa raffinerie de Fawley à Gatwick. Aucun tiers n'a accès à cet oléoduc (hormis British Airways, qui s'est vu concéder des droits de passage (throughput rights) - limités pour couvrir ses propres besoins en carburant). La seule autre infrastructure directe vers Gatwick est l'oléoduc UKOP, via les oléoducs de Walton et de West London. Cette infrastructure ne serait pas dotée actuellement de capacités suffisantes. Les parts détenues par chaque entreprise propriétaire de ces oléoducs sont indiquées dans le tableau ci-dessous:

EMPLACEMENT TABLEAU

(817) Les autres moyens d'accès ne sont pas compétitifs. Le transport ferroviaire impliquerait un surcoût de 5 GBP par tonne. Le GPSS (oléoduc détenu par l'État et sans restriction d'accès) n'a pas de liaison directe jusqu'à Gatwick et doit passer par celui de Walton (qui appartient à [...]* % à Mobil). Cette solution de rechange n'est pas rentable parce que, d'une part, elle entraînerait un surcoût de 5 GBP par tonne et que, d'autre part, la liaison GPSS-Walton est saturée. Une autre voie d'accès, passant par l'oléoduc GPSS depuis la partie Nord de l'estuaire de la Tamise via Aldermaston, est exclue en pratique, car, en certains points clés, les produits pétroliers sont transportés en sens inverse de ce qu'il faudrait pour approvisionner Gatwick. Même en supposant l'octroi d'un accès à l'oléoduc de Walton, qui dessert directement Gatwick, il faudrait passer par l'oléoduc de West London (détenu à [...]* % par Mobil) dont les capacités sont, d'après certains, limitées.

(818) Étant donné que le coût d'accès aux aéroports par l'intermédiaire d'oléoducs appartenant à des compagnies pétrolières est d'environ [...]* GBP par tonne, il est clair que les fournisseurs qui doivent se tourner vers les solutions de rechange évoquées ci-dessus pour approvisionner leurs clients sont fortement défavorisés sous l'angle de la concurrence. Par conséquent, la nouvelle entité issue de l'opération de concentration sera, de fait, avantagée par rapport à tous ses concurrents, sous l'angle de la logistique, pour toute capacité de fourniture supplémentaire. Le désavantage concurrentiel est encore accru pour les opérateurs qui ne détiennent aucune part des oléoducs existants. Ce facteur pourrait avoir un effet très dissuasif sur de nouveaux concurrents potentiels, dans la mesure où ce sont les coûts de logistique qui déterminent la marge et, partant, le prix que doit payer une compagnie aérienne (étant donné que le coût du produit est, pour une large part, fondé sur les données Platt's et que les autres postes de dépenses importants sont les coûts d'accès et d'avitaillement, ces derniers étant identiques pour tous les opérateurs qui réussissent à avoir accès à l'aéroport).

(819) Dans leur réponse à la communication des griefs, les parties allèguent que, pour l'approvisionnement de l'aéroport de Gatwick en carburéacteur, il existe, outre les deux principales liaisons par oléoduc, au moins trois autres liaisons, à savoir divers tronçons de l'oléoduc GPSS. Or, toutes ces autres liaisons ne desservent qu'indirectement l'aéroport de Gatwick et doivent passer par l'oléoduc de Walton. Étant donné qu'elles n'assurent pas un accès direct à l'aéroport de Gatwick, ces liaisons ne sauraient être considérées comme des solutions de rechange aux deux principaux oléoducs.

(820) Les parties ajoutent que, même si les principaux oléoducs reliant Gatwick sont tous soit saturés, soit proches de leurs capacités maximales, l'extension de leurs capacités est relativement aisée si les propriétaires en prennent la décision. Il est toutefois indéniable qu'à l'issue de l'opération, Exxon/ Mobil exercera un contrôle exclusif sur l'un des oléoducs et détiendra une participation importante dans la seule autre liaison de rechange à destination de Gatwick. La nouvelle entité sera donc à même de restreindre l'accès à cette infrastructure et de limiter l'extension de ses capacités. Au total, le contrôle que l'entité issue de l'opération de concentration exercera sur la majeure partie de l'infrastructure essentielle, à laquelle il faut avoir accès pour pouvoir approvisionner l'aéroport de Gatwick en carburéacteur, peut avoir pour effet de fermer le marché de la fourniture de carburéacteur à cet aéroport aux autres fournisseurs de ce produit.

(821) En ce qui concerne les sources d'approvisionnement, il convient dès lors de constater qu'après la fermeture du site de Shell Haven, la raffinerie d'Exxon à Fawley et celle de Mobil à Coryton deviendront de loin les sources les plus compétitives pour l'approvisionnement de Gatwick en carburéacteurs. [...]*. Les autres raffineries britanniques dotées d'un accès, pour la distribution nationale, au Sud-Est de l'Angleterre, ne disposent pas de capacités excédentaires pour les carburéacteurs (en 1998, le Royaume-Uni était importateur net de 1,6 million de tonnes de ce type de carburant). De plus, outre les raffineries de Fawley et de Coryton, la principale source d'approvisionnement est le marché cargo. Or, le recours à ce marché peut être très désavantageux sous l'angle des prix car, actuellement, l'écart de coûts CAF/FOB est de l'ordre de [...]* GBP par tonne. De surcroît, il n'existe encore aucun accès compétitif à Gatwick à partir des terminaux d'importation, parce que celui-ci sera subordonné à l'accès aux oléoducs détenus par les compagnies pétrolières, à l'oléoduc GPSS ou au transport ferroviaire, ces deux derniers moyens étant non compétitifs et peu pratiques, ainsi qu'il ressort des précisions données ci-dessus.

(822) Les parties contestent le grief relatif au contrôle qu'elles exerceraient sur les sources d'approvisionnement les plus compétitives de ce marché. À cet égard, elles soutiennent qu'un certain nombre de concurrents approvisionnent l'aéroport de Gatwick à partir de raffineries situées dans d'autres régions que le Sud-est de l'Angleterre. Toutefois, s'il est incontestable que d'autres entreprises fournissent du carburéacteur à cet aéroport à partir d'installations de production qui ne se trouvent pas dans le voisinage de l'aéroport, il n'en reste pas moins qu'à l'issue de l'opération, la nouvelle entité sera à même d'approvisionner le marché du carburéacteur à partir des raffineries géographiquement les mieux situées. Autrement dit, la situation des raffineries d'Exxon et de Mobil à proximité de l'aéroport de Gatwick constitue un atout concurrentiel de taille.

Création d'une position dominante dans la fourniture de carburéacteurs à l'aéroport de Gatwick

(823) Actuellement, Exxon détient des parts très élevées sur le marché de la fourniture de carburéacteurs à Gatwick. À l'issue de l'opération de concentration, cette position se trouvera encore renforcée. La nouvelle entité assurera en effet [40-50]* % des fournitures de carburéacteurs à Gatwick. Les parties sont d'accord avec cette estimation. Outre son propre oléoduc, Exxon acquerra les capacités que Mobil détient dans les trois oléoducs appartenant à des compagnies pétrolières (à savoir [...]* % de l'oléoduc UKOP, [...]* % de celui de West London et [...]* % de celui de Walton Gatwick). En outre, l'entité issue de l'opération disposera des seules capacités de raffinage qui soient compétitives dans la région.

(824) De surcroît, d'après les concurrents, Exxon compterait jusqu'à 1,1 million de tonnes de capacités de réserve sur ses propres oléoducs. Elle pourrait utiliser ces capacités supplémentaires pour capter une éventuelle croissance de la demande à Gatwick, laquelle devrait doubler au cours des dix prochaines années. Les autres fournisseurs n'ont aucune capacité de réserve en ce qui concerne le raffinage ou le transport par oléoduc pour être à même d'exploiter une éventuelle croissance du marché.

(825) Un concurrent et une grande compagnie aérienne desservant les aéroports britanniques, notamment celui de Gatwick, craignent que la nouvelle entité n'occupe une position difficilement attaquable pour ce qui est de l'approvisionnement de Gatwick en carburéacteurs. À la lumière des éléments qui précèdent, la Commission estime que l'opération entraînera la création d'une position dominante sur le marché de la fourniture de carburéacteurs à l'aéroport de Gatwick, au Royaume-Uni.

IV. ENGAGEMENTS ET APPRÉCIATION

(826) Le 3 septembre 1999, les parties ont proposé certains engagements visant à résoudre les problèmes de concurrence relevés par la Commission dans sa communication des griefs du 26 juillet 1999. Le 20 septembre 1999, elles ont soumis des engagements modifiés tenant compte de certaines adaptations souhaitées par la Commission à la lumière, notamment, des résultats de son enquête de marché. Ces engagements sont résumés et examinés ci-après, suivant l'ordre de présentation, dans la section "appréciation" de la présente décision, des marchés en cause pour lesquels la Commission a émis des objections.

(827) Le texte intégral des engagements est joint en annexe à la présente décision, dont il fait partie intégrante.

A. GAZ NATUREL

LE MARCHÉ NÉERLANDAIS DU TRANSPORT EN GROS

(828) Dans un délai de [...]* jours à compter de la date d'adoption par la Commission de la décision autorisant l'opération de concentration ("date effective"), les parties concluront un accord contraignant portant sur la vente de Mobil Europe Gas Inc. ("MEGAS") à un acquéreur qui devra être approuvé par la Commission. MEGAS sera vendue en tant qu'entreprise viable; seront aussi vendus, les contrats d'approvisionnement qu'elle aura conclus, son portefeuille de clients et tous les accords de transport et autres contrats de services connexes. Les parties désigneront également un mandataire indépendant et expérimenté qui sera chargé de superviser la gestion courante de MEGAS jusqu'à la réalisation de la vente.

(829) MEGAS est l'entité de Mobil qui vend le gaz naturel en concurrence avec Gasunie sur le marché néerlandais. Elle sera cédée avec l'ensemble des contrats d'approvisionnement qu'elle aura conclus. Il convient de noter que la filiale de Mobil chargée de la production en amont aux Pays-Bas a conclu des contrats "épuisement" pour chacune de ses concessions avec Gasunie, MEGAS ou la filiale allemande de Mobil. Les droits et obligations de MEGAS découlant de ces contrats seront transférés à l'acquéreur, qui disposera de la sorte d'un accès au gaz néerlandais équivalent à celui dont MEGAS aurait bénéficié si elle était restée au sein du groupe Mobil. En conséquence, l'acquéreur se trouvera dans la même position unique, en ce qui concerne les contrats ATR passés avec Gasunie, que Mobil précédemment (cf. point 218). Étant donné que l'acquéreur doit être un concurrent existant ou potentiel viable à même de maintenir et de développer MEGAS en tant que force concurrentielle active, la Commission prendra en considération la possibilité pour cet acquéreur d'avoir accès au gaz naturel provenant d'autres sources que les Pays-Bas et d'acheminer ce gaz vers le marché néerlandais. Si ces conditions (qui doivent être vérifiées par la Commission) sont satisfaites, la situation antérieure à l'opération sera rétablie; la concentration ne débouchera donc pas, pour autant que cet engagement soit respecté, sur le renforcement de la position dominante que Gasunie détient sur le marché néerlandais du transport en gros.

MARCHÉ(S) ALLEMAND(S) DU TRANSPORT EN GROS À LONGUE DISTANCE

Cession de la participation de 25 % qu'Exxon détient dans Thyssengas

(830) Dans un délai de [...]* jours à compter de la date effective, les parties concluront un accord contraignant portant sur la cession de la participation de 25 % qu'Exxon détient dans Thyssengas GmbH à un tiers approuvé par la Commission. Dans les dix jours suivant la date effective, les parties désigneront un mandataire indépendant et expérimenté qui sera chargé de représenter les intérêts d'Exxon et d'exercer les droits de vote que celle-ci détient à hauteur de 25 % dans Thyssengas.

(831) La Commission considère que, globalement, la cession de la participation d'Exxon dans Thyssengas compense le renforcement des positions dominantes qui aurait, sinon, résulté de l'opération de concentration. Ce renforcement concerne les activités de Mobil sur le marché du transport à longue distance, dont elle détient actuellement 1,5 % environ, ainsi que la participation de 7,4 % qu'elle possède dans Ruhrgas. Il convient de noter à cet égard que Thyssengas détient quelque 7,3 % de ce marché et qu'elle est membre de l'oligopole allemand susmentionné.

(832) La Commission estime que, lorsque les parties se seront retirées de Thyssengas, celle-ci devrait être davantage incitée à concurrencer les autres membres de l'oligopole et, partant, à "remplacer" le potentiel de Mobil. Cet avis a été contesté par un tiers, qui a fait valoir que le retrait d'Exxon ne conduirait pas Thyssengas à quitter l'oligopole et à se positionner en tant que concurrent, compensant ainsi l'élimination de Mobil. Cela tient, d'après lui, aux liens de participation que Thyssengas continue d'entretenir avec les autres membres de l'oligopole par le biais de RWE-DEA (qui détient 50 % des parts de Thyssengas) et de Shell (qui en détient 25 %).

(833) La Commission est convaincue que le projet de retrait de Thyssengas permettra à la concurrence de retrouver le niveau qui était le sien avant la réalisation de l'opération de concentration, pour les raisons suivantes. Premièrement, Mobil était également liée à Ruhrgas et opérait en étroite collaboration avec BEB pour ce qui est de sa production en Allemagne. Deuxièmement, la participation de RWE-DEA dans Thyssengas et son influence au sein de celle-ci sont, de toute évidence, plus importantes que la participation de 3,5 % que cette entreprise détient dans Ruhrgas (où elle est membre du pool Bergemann) et que son obligation de fournir à Ruhrgas 60 % du gaz qu'elle produit en Allemagne (soit un volume de fourniture inférieur à 1 % de la consommation de gaz naturel en Allemagne). RWE-DEA a par conséquent tout intérêt à développer et à renforcer Thyssengas. En ce qui concerne Shell, il convient de noter que, à la suite de la fusion d'Exxon et de Mobil et de la cession de la participation qu'Exxon détient dans Thyssengas, les intérêts d'Exxon et de Shell sur les marchés allemands du gaz naturel n'iront plus, pour la première fois depuis plus de trente ans, dans le même sens. Il est difficile de déterminer quelles en seront les conséquences pour le comportement concurrentiel des différentes entreprises communes (interaction concurrentielle entre BEB et Thyssengas, BEB et Ruhrgas, Thyssengas et Ruhrgas, etc.), mais il est permis de conclure que le fonctionnement de l'oligopole sera à nouveau caractérisé par une certaine instabilité.

(834) Afin de déterminer si l'acquéreur de la participation d'Exxon remplit les conditions requises, la Commission tiendra dûment compte de l'intérêt, pour Thyssengas, d'adopter un comportement concurrentiel compte tenu de l'identité de l'acquéreur en question.

Droits de vote au sein d'Erdgas Münster

(835) Les parties mettront tout en œuvre pour obtenir l'accord des autres actionnaires d'EGM en ce qui concerne la réattribution à ces derniers d'un certain pourcentage des droits de vote actuellement détenus par Mobil (au pro rata des droits de vote qu'ils détiennent actuellement), de sorte que BEB et Mobil (ou Exxon Mobil) détiendront conjointement moins de 50 % des droits de vote dans EGM. Cet engagement prévoit une réattribution en faveur des deux entités juridiques au sein d'EGM.

(836) Dans le cadre de l'enquête réalisée auprès du marché en ce qui concerne les engagements proposés, les autres actionnaires d'EGM ont indiqué à la Commission qu'ils ne s'opposaient pas à une réattribution selon les modalités prévues conformément à cet engagement. En conséquence, et compte tenu du fait que l'accord avec les actionnaires sera soumis à l'approbation de la Commission, celle-ci est convaincue que les parties ne prendront pas le contrôle des structures du gouvernement d'entreprise d'EGM.

(837) L'intérêt qu'a EGM de livrer concurrence redeviendra donc ce qu'il était avant la concentration. La Commission considère qu'EGM est toujours en mesure de se positionner en tant que concurrent potentiel sur le marché du transport en gros à longue distance dans un futur environnement libéralisé.

INSTALLATIONS SOUTERRAINES DE STOCKAGE DESSERVANT LE SUD DE L'ALLEMAGNE

(838) Pendant dix ans à compter de la date effective [...]*, les parties proposeront à des tiers de conclure un accord contraignant en vue de la vente de la totalité des droits que Mobil détient sur un ou plusieurs des réservoirs épuisés transformables en installations souterraines de stockage pour le Sud de l'Allemagne, et ce jusqu'à ce qu'un volume de gaz utile cumulé d'une valeur estimative, après conversion, de 600 millions de m3 environ ait été vendu.

(839) Si les parties et un acheteur potentiel ne parviennent pas à se mettre d'accord sur un prix de marché équitable dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle ledit acheteur a manifesté par écrit son intérêt pour un réservoir particulier, les parties, à la demande de l'acheteur, chargeront trois experts indépendants approuvés par la Commission de fournir une évaluation équitable du marché. Les parties conviennent qu'elles seront liées par cette évaluation.

(840) L'engagement de vendre un ou plusieurs des réservoirs épuisés avec un volume de gaz utile total estimatif de 600 millions de m3 devrait permettre d'augmenter l'actuel volume de stockage correspondant de quelque [...]* %. Il ressort également de l'enquête de marché qu'un tel volume serait suffisant pour concurrencer Ruhrgas sur le marché en cause. Aucune des entreprises ayant répondu à cette enquête n'a contesté le fait que les mesures correctives proposées devraient permettre de supprimer les problèmes de concurrence. En conséquence, la Commission considère que cet engagement garantit que les obstacles à l'entrée de concurrents potentiels ne seront pas accrus du fait de l'opération de concentration. On peut donc conclure que, dans ces circonstances, la position dominante que détient Ruhrgas sur le marché en cause ne sera pas renforcée.

B. HUILES DE BASE

(841) Les parties se sont engagées à transférer, dans un délai de [...]* à compter de la date effective, le contrôle (au sens du règlement sur les concentrations) d'une ou plusieurs activités ayant trait aux huiles de base, soit, au total, [...]* barils d'huiles de base par jour, à BP Amoco et/ou à un ou plusieurs tiers devant être approuvés par la Commission, selon les modalités suivantes:

a) transfert (ou restitution) des droits de propriété [...]* ou d'une capacité équivalente; et/ou

b) conclusion d'un accord de location à long terme ou un d'arrangement similaire [...]*, renouvelable à la demande du preneur, prévoyant le transfert de la gestion opérationnelle et stratégique des capacités en cause relatives aux huiles de base, de telle sorte que le bénéficiaire du transfert puisse décider unilatéralement, sans en informer les parties, de tous les aspects opérationnels et stratégiques. Un tel arrangement doit être approuvé par la Commission; l'accord de location stipulera que le bailleur n'a pas accès aux informations du preneur qui sont sensibles sous l'angle de la concurrence. Lorsque de telles informations sont nécessaires dans le cadre de l'exercice des droits normaux du bailleur, elles sont transmises à un représentant indépendant tenu au respect de la confidentialité; un nombre limité d'aspects (tels que les déversements, qui requièrent une intervention de la part du bailleur), précisés dans l'accord de location, ne sont toutefois pas visés par cette disposition.

(842) Outre les installations de production d'huiles de base, l'activité ou les activités ayant trait aux huiles de base incluront le personnel nécessaire, les contrats d'approvisionnement, les fichiers clients et les contrats portant uniquement sur les installations cédées, l'accès à la technologie et la fourniture d'un appui technique.

(843) Durant la période de transition, l'activité "lubrifiants" de l'entreprise commune BP/Mobil (qui regroupe toutes les activités ayant trait aux huiles de base) sera gérée de façon tout à fait indépendante du reste du groupe Exxon - Mobil, sans que des informations soient communiquées et qu'il soit fait rapport aux personnes ne faisant pas partie de l'entreprise commune. Certaines mesures transitoires concernant l'entreprise commune BP/Mobil JV, présentées dans la section C ci-dessous, sont de toute évidence également pertinentes pour ce qui est de la mesure corrective concernant les huiles de base. Les parties se sont engagées, au cas où les activités ayant trait aux huiles de base ne seraient pas rachetées par BP Amoco, à distinguer ces activités de leurs propres activités en désignant un mandataire chargé de garantir une telle séparation.

(844) Les entreprises prévoient également que les parties devront aider l'acquéreur à obtenir les certifications de qualité nécessaires. Elles se sont de plus engagées à lui transférer les contrats d'approvisionnement se rapportant uniquement aux activités cédées. Ces contrats représentent plus de [...]* % des ventes. Enfin, Mobil continuera durant [...]* (si tel est le souhait de l'acquéreur) de s'approvisionner auprès des raffineries cédées à hauteur de sa consommation actuelle, ce qui représente [...]* % environ de la production de ces raffineries.

(845) La limitation des chevauchements résultant de la concentration dépendra de l'issue des négociations en cours entre BP Amoco et Mobil en ce qui concerne la dissolution de l'activité "lubrifiants" de leur entreprise commune. Les engagements garantissent toutefois que, quel que soit le résultat de ces discussions, la part du marché libre détenue par Exxon Mobil ne dépassera pas [moins de 40]* % environ. En conséquence, l'opération modifiée ne devrait pas déboucher sur la création d'une position dominante pour Exxon Mobil sur le marché des huiles de base.

(846) Si le contrôle est transféré au moyen d'un accord de location à long terme plutôt que par le biais de la vente des installations de production, l'accord de location doit également être approuvé par la Commission. À cet égard, celle-ci considère que les grandes lignes d'un accord tel que prévu par les engagements constitue une base de départ suffisante permettant de déterminer si ledit accord est susceptible de déboucher sur une modification du contrôle et de permettre au preneur de gérer l'activité en tant que force concurrentielle active.

(847) Des tiers ont indiqué qu'un accord de location était en principe envisageable si la durée de location était suffisamment longue. De même, toute entreprise acquérant les activités cédées devrait exercer des activités dans le domaine du mélange des lubrifiants afin de pouvoir être un concurrent viable. La Commission estime qu'une période de 15 ans renouvelable à la demande de l'acquéreur devrait être suffisante pour lui permettre de gérer l'entreprise dans une optique à long terme. En ce qui concerne l'importance, pour l'acquéreur, d'exercer des activités dans le domaine des lubrifiants, la Commission s'assurera que l'acquéreur ou le locataire satisfait aux conditions requises au moment où les parties lui soumettront une proposition et tiendra compte de l'intégration des activités ayant trait aux huiles de base dans ses autres activités.

C. VENTE AU DÉTAIL DE CARBURANT

(848) En réponse à la conclusion de la Commission selon laquelle l'opération débouchera sur une domination oligopolistique du marché autrichien, du marché français des autoroutes à péage et des marchés allemand, luxembourgeois, néerlandais et britannique ou renforcera une telle position dominante sur ces marchés, les parties se sont engagées à céder la participation que Mobil détient dans Aral, ainsi que la participation de Mobil dans les activités "carburants" de l'entreprise commune BP/Mobil. ARAL

(849) Les droits de Mobil dans Aral sont détenus par Mobil Marketing und Raffinerie GmbH ("MMRG"), une filiale à 100 % de Mobil. [...]*.

(850) Les parties s'engagent à se retirer complètement d'Aral dans un délai de [...]* à compter de la date effective. [...]*

(851) [...]*

(852) En raison de cet engagement, il n'est plus dans l'intérêt d'Exxon ou de BP/Mobil et d'Aral de coordonner leur comportement concurrentiel, ce qui permet de lever les objections émises par la Commission.

L'ENTREPRISE COMMUNE BP/MOBIL

(853) Les parties s'engagent à se retirer complètement, dans un délai de [...]* à compter de la date effective, des activités menées par l'entreprise commune dans le domaine des carburants. Elles proposent à cet effet de mettre en œuvre l'une ou l'autre des mesures correctives suivantes: i) vente de la participation que détient Mobil dans l'entreprise commune à BP Amoco (ou, si cette dernière ne souhaite pas acheter cette participation et accepte que celle-ci soit vendue à un tiers, à un tiers présentant le profil requis); ii) dissolution de l'entreprise commune BP/Mobil, dont tous les actifs dans le domaine des carburants seront, pour l'essentiel, acquis par BP Amoco ou par un tiers présentant le profil requis.

(854) Les parties se sont engagées i) à désigner, pendant la période de transition, des représentants indépendants au sein du comité de l'entreprise commune, qui voteront en tenant compte au mieux des intérêts de celle-ci et n'échangeront avec Mobil ou Exxon Mobil aucune information concernant les carburants, les huiles de base ou les lubrifiants; et ii) à veiller, durant la même période, à ce que le personnel de l'activité "lubrifiants" de l'entreprise commune (gérée par Mobil) n'ait pas accès aux informations concernant l'activité "carburants".

(855) La Commission considère que cet engagement offre la meilleure protection possible durant la période de transition. Elle reconnaît que la mise en œuvre de ces mesures transitoires dépend dans une certaine mesure de l'autre partie à l'entreprise commune, à savoir BP Amoco. Toutefois, en tant qu'exploitant de l'activité "carburants", BP Amoco aura intérêt à s'assurer qu'aucune information ne peut être transmise à Exxon Mobil. Néanmoins, BP Amoco a émis des objections en ce qui concerne la désignation de représentants indépendants au sein du comité de l'entreprise commune, alléguant que cela équivalait à un transfert des droits de Mobil, ce qui est interdit contractuellement. Il semble toutefois que le fait que les parties s'engagent vis-à-vis de la Commission à désigner certains représentants indépendants, qui devront obtenir son agrément, ne les empêche pas de nommer ceux-ci en tant que représentants de Mobil conformément à l'accord relatif à l'entreprise commune. Il n'est pas certain non plus que BP Amoco et Mobil parviendront à se mettre d'accord sur le moyen de séparer les systèmes d'information relatifs à l'activité "carburants" de ceux ayant trait à l'activité "lubrifiants". Les parties se sont cependant engagées à mettre un terme unilatéralement à de tels liens si elles ne parvenaient pas rapidement à un accord avec BP Amoco. Elles se sont aussi engagées à désigner un observateur indépendant, qui sera chargé de s'assurer qu'elles respectent les mesures correctives proposées.

(856) BP Amoco a fait valoir que le délai accordé à Mobil pour se retirer de l'entreprise commune BP/ Mobil ne devrait pas excéder [...]*. Son argumentation tient en deux points. Premièrement, Mobil ne devrait pas se mettre à la recherche d'un acquéreur, puisque seule BP Amoco pourrait acheter la participation qu'elle détient dans l'entreprise commune BP/Mobil. Deuxièmement, la période de transition serait préjudiciable pour ce qui est de la concurrence en raison de la possibilité, pour Exxon Mobil, de bénéficier des informations ayant trait aux activités de BP/Mobil dans le domaine de la vente au détail de carburant.

(857) La Commission considère cependant que la durée de la période de transition est raisonnable. Afin de déterminer la période appropriée, la Commission a dû comparer, d'une part, la nécessité de résoudre rapidement les problèmes de concurrence qu'elle avait décelés et les conséquences négatives qu'une présence continue de Mobil au sein de l'entreprise commune risquait d'avoir pour l'un des principaux concurrents d'Exxon et, d'autre part, la nécessité pour les parties de voir leurs intérêts dûment pris en compte face à un acquéreur monopsoniste. En effet, BP Amoco pourrait être incitée à dicter les termes de la vente si la période de transition était trop courte. Cette période ne devrait pas être mise à profit par les parties pour prolonger indûment la participation de Mobil dans l'entreprise commune. C'est la raison pour laquelle les engagements prévoient également (i) l'obligation pour Mobil d'accepter le règlement par un expert de tout problème concernant l'estimation de sa participation, si tel est le souhait de BP Amoco, et (ii) l'obligation pour les parties de négocier de bonne foi avec BP Amoco. L'observateur indépendant fera rapport sur tous ces aspects à la Commission afin de lui permettre d'imposer, dans certaines circonstances, un délai plus court en vue du retrait de Mobil ou de la dissolution de l'entreprise commune.

CONCLUSION

(858) Les engagements concernant les carburants devraient éliminer tous les chevauchements entre les activités d'Exxon et de Mobil dans ce domaine, et ce sur tous les marchés pour lesquels la Commission a conclu à l'existence d'un risque de création ou de renforcement d'une position oligopolistique, ainsi que, éventuellement, dans l'ensemble du secteur des carburants en Europe. De telles positions dominantes ne seront donc pas créées ou renforcées.

D. LUBRIFIANTS D'AVIATION

(859) Dans un délai de [...]* à compter de la date effective, les parties cèderont les activités menées par Exxon à l'échelon mondial dans le domaine des lubrifiants destinés aux compagnies aériennes commerciales à un acquéreur approuvé par la Commission. Ces activités comprennent la recherche et le développement de produits, la commercialisation et la vente, les installations de mélange et de préformulations, la gestion qualité des produits et le support technique, les fonctions de commercialisation et de vente connexes, ainsi que le personnel chargé de la gestion qualité des produits et de l'assistance technique. Un mandataire veillera à ce que les activités d'Exxon et de Mobil soient maintenues séparées pendant la période de transition.

(860) L'enquête de marché menée par la Commission a confirmé que la cession des activités d'Exxon ayant trait aux lubrifiants pour aviation serait préférable à celle des activités menées par Mobil dans le même domaine (ainsi que les parties l'avaient proposé initialement). En effet, les activités de Mobil sont intégrées au groupe Mobil. Mobil produit ses propres huiles de base à base d'ester, ainsi que cinq additifs. Il ne semblait pas possible de proposer la cession des installations de mélange de Mobil, étant donné qu'elles faisaient partie d'un complexe plus vaste. Les entreprises qui ont répondu à l'enquête de marché de la Commission ont par conséquent émis des doutes quant à la capacité de tout acquéreur de l'activité "lubrifiants pour aviation" de Mobil de se positionner en tant que concurrent viable à même de limiter les actions d'Exxon Mobil. Mises au courant des doutes nourris par la Commission quant au caractère approprié de la cession de l'activité "lubrifiants pour aviation" de Mobil, les parties ont proposé de se défaire des activités d'Exxon. Au contraire des activités "lubrifiants pour aviation" de Mobil, celles menées par Exxon dans le même domaine ne sont pas étroitement liées à d'autres activités (fourniture de matières premières provenant dans une large mesure de tiers; installations de mélange séparées).

(861) En conséquence, la Commission estime qu'aucune position dominante ne sera créée sur ce marché et que les problèmes de concurrence qu'elle a soulevés dans sa communication des griefs sont éliminés.

E. CARBURÉACTEURS (CARBURANTS D'AVIATION)

(862) Les parties se sont engagées à vendre, dans un délai de [...]* à compter de la date effective, la capacité de transport de carburéacteurs par oléoduc entre la raffinerie de Coryton et l'aéroport de Gatwick équivalant au volume des ventes réalisées par Mobil en 1998 à Gatwick. Cet engagement devrait permettre la suppression du contrôle, sous forme de goulet d'étranglement, que les parties auraient été en mesure d'exercer du fait de la concentration sur la fourniture de carburéacteurs à l'aéroport de Gatwick. En conséquence, aucune position dominante ne sera créée sur le marché de la fourniture de carburéacteurs à l'aéroport de Gatwick,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Sous réserve du respect absolu des engagements résumés aux points 826 à 862 et présentés en détail en annexe, l'opération de concentration entre Exxon Corporation et Mobil Corporation notifiée le 3 mai 1999 est déclarée compatible avec le Marché commun et le fonctionnement de l'accord EEE.

Article 2

1. Exxon Corporation 5959 Las Calinas Boulevard Irving Texas États-Unis 2. Mobil Corporation 3225 Gallows Road Fairfax Virginie États-Unis sont destinataires de la présente décision.

ANNEXE

Le texte original intégral des conditions et des charges visées à l'article 1er peut être consulté sur le site suivant de la Commission: http://europa.eu.int/comm/competition/index_en.html

(1) JO L 395 du 30.12.1989, p. 1; JO L 257 du 21.9.1990, p. 13 (rectificatif).

(2) JO L 180 du 9.7.1997, p. 1.

(3) JO C 87 du 7.4.2004.

(4) Affaire IV/M.727- BP/Mobil du 7 août 1996 (JO C 381 du 17.12.1996, p. 8). Les activités de l'entreprise commune ne s'étendent pas aux lubrifiants pour la marine et l'aviation.

(5) Chiffre d'affaires calculé conformément à l'article 5, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations et à la communication de la Commission sur le calcul du chiffre d'affaires (JO C 66 du 2.3.1998, p. 25). Les chiffres qui comprennent des éléments de chiffre d'affaires relatifs à la période antérieure au 1er janvier 1999 sont calculés sur la base des taux de change moyen de l'écu et convertis en euros au taux d'un euro pour un écu.

(*) Des parties de ce texte ont été omises afin de garantir qu'aucune information confidentielle ne soit communiquée. Ces parties sont indiquées par des points de suspension entre crochets, suivis d'un astérisque.

(6) Voir la décision de la Commission dans l'affaire IV/M.1200 - Arco/ Union Texas, JO C 16 du 21.1.1999, p. 8, la décision de la Commission dans l'affaire IV/M.88 - Elf Enterprise, JO C 203 du 2.8.1991 et la décision de la Commission dans l'affaire IV/M.85 - Elf Occidental, JO C 160 du 20.6.1991.

(7) De simples annonces faites à la suite d'une réunion de l'OPEP peuvent fortement influencer les prix du pétrole brut.

(8) JO L 204 du 21.7.1998, p. 1.

(9) Le dossier a été traité par la Commission sous l'angle du charbon et de l'acier dans l'affaire IV/CECA.1252 - RAG/Saarbergwerke. La décision allemande est résumée dans le rapport d'activité semestriel du Bundeskartellamt et dans son communiqué de presse du 4 février

1998.

(10) Il n'est pas nécessaire aux fins de la présente affaire de déterminer s'il existe aux Pays-Bas un marché distinct du gaz à faible pouvoir calorifique et du gaz à fort pouvoir calorifique, étant donné que l'issue de l'affaire ne serait pas foncièrement différente.

(11) [...]

(12) [...]

(13) [...]

(14) [...]

(15) [...]

(16) [...]

(17) [...]

(18) Affaires jointes C-68-94 et C-30-95, République française et autres/ Commission, Recueil 1998, p. I-1375.

(19) Arrêt du 25 mars 1999 dans l'affaire T-102-96, Gencor/Commission (non encore publiée).

(20) DEUDAN (gazoduc acheminant du gaz danois en Allemagne): [...]* %, BEB: [...]* %; NETRA (gazoduc acheminant du gaz norvégien dans le Nord de l'Allemagne): BEB: [...]* %, Ruhrgas: [...]* %; Salzwedel-Berlin (prolongement de NETRA jusqu'à Berlin): BEB: [...]* %, Ruhrgas: [...]* %, VNG: [...]* %; NETG (gazoduc acheminant en Allemagne du gaz néerlandais à faible pouvoir calorifique): Ruhrgas: [...]* %, Thyssengas: [...]* %; METG (gazoduc acheminant en Allemagne du gaz néerlandais à fort pouvoir calorifique): Ruhrgas: [...]* %, Exxon et Shell: [...]* % chacune; SETG (prolongement de METG): Ruhrgas: [...]* %, Exxon et Shell: [...]* % chacune (les gazoducs NETG-METG-SETG se prolongent l'un l'autre); EVG: (lien par gazoduc dans le centre de l'Allemagne): Ruhrgas: [...]* %, VNG: [...]* %.

(21) [...]* - Annexe 49.21 (italique ajouté par nous). Voir également [...]* - Annexe 49.26.

(22) Voir tableau 3.13, "Competition and Liberalisation in European Gas Markets - A Diversity of Models", Jonathan P. Stern, Royal Institute of International Affairs, 1998.

(23) Bresnahan, T.F. et Salop, S.C., "Quantifying the competitive effects of joint ventures", International Journal of Industrial Organisation, vol.4 (1986) p. 155-175.

(24) L'API est l'Institut du pétrole américain et regroupe des compagnies pétrolières; l'ACEA est l'Association des constructeurs européens d'automobile et l'ATIEL est l'Association technique de l'industrie européenne des lubrifiants. Leurs rôles respectifs sont expliqués dans la présente section.

(25) Le groupe II n'est pas utilisé dans l'EEE à l'heure actuelle.

(26) Comme le confirment les concurrents, tous les fabricants d'additifs inhibiteurs et de détergents ont des homologations génériques pour les huiles de base d'Exxon, de Mobil et de Shell qui sont à la disposition de leurs clients.

(27) Il existe des exceptions pour les huiles de base des groupes III et IV.

(28) Comme décrit dans des documents tels que "API 1509" et le "Code de pratique d'ATIEL".

(29) Affaire IV/M.1137 - Exxon/Shell du 25 mai 1998.

(30) [...]*

(31) [...]*

(32) [...]*

(33) [...]*

(34) [...]*

(35) [...]*

(36) [...]*

(37) [...]*

(38) [...]*

(39) BP/Mobil a dépensé environ [...]* millions d'USD afin d'obtenir l'interchangeabilité entre ses raffineries européennes, alors au nombre de [...]*.

(40) [...]*

(41) [...]*

(42) [...]*

(43) [...]*

(44) [...]*

(45) [...]

(46) [...]

(47) [...]

(48) [...]

(49) [...]

(50) [...]

(51) [...]

(52) [...]

(53) [...]

(54) [...]

(55) [...]

(56) [...]

(57) [...]

(58) Voir l'affaire T-102-96, Gencor/Commission, non encore publiée.

(60) Les compagnies n'ayant pas fourni de chiffres concernant leurs prix moyens à la pompe sur les autoroutes, ceux d'Exxon sont considérés comme représentatifs de l'ensemble du secteur. De même, les parties n'ont pas pu isoler les données se rapportant uniquement aux autoroutes à péage. La Commission a donc utilise les données couvrant l'ensemble des autoroutes comme indicateur pour les autoroutes à péage.

(61) On doit également tenir compte du fait que Total a récemment acquis Fina, qui a les moins bons résultats en ce qui concerne le débit par station.

(62) [...]*.

(63) D'après les renseignements fournis par les parties en ce qui concerne les parts de marché des principaux concurrents est-allemands en 1998.

(64) [...]*

(65) [...]*.

(66) Étude réalisée en 1998 par les autorités bavaroises compétentes en matière d'ententes.

(67) [...]*

(68) Competition in the supply of petrol in the UK - A report by the Office of Fair Trading: mai 1998.

(69) Voir note infrapaginale n° 68.

(70) Groupes auxiliaires de puissance (APU), entraînements à vitesse constante (CSD), alternateurs à entraînement intégré (IDG) et démarreurs pneumatiques (ATS).

(71) La preuve en est qu'afin de diminuer les risques éventuels en matière de sécurité, les compagnies aériennes utilisent un même lubrifiant, homologué par les équipementiers, pour les applications fixes et les applications aéroportées afin d'éviter qu'un lubrifiant destiné à des applications dérivées de l'aéronautique ne soit utilisé par erreur dans un moteur d'avion.

(72) Dans sa décision du 6 juillet 1994 (affaire IV-M.460 - Holdercim/Cedest) (JO C 211 du 2.8.1994), la Commission avait conclu que les marchés qui représentent "moins de un pour cent de la consommation du produit en cause dans la Communauté" constituent une partie non substantielle du Marché commun.