CA Nîmes, ch. corr., 6 mars 1998, n° 274-98
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Perus Armand, Ohl
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Goedert
Substitut :
général: M. Tailhardat
Conseillers :
Mme Jean, M. Nicolai
Avocat :
Me Samouelian.
Vu le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Privas le 29.01.1997, qui statuant par décision contradictoire, déclare le prévenu coupable d'avoir, à Aubenas,
- le 9.01.1995, trompé Josiane Perus Armand, contractant, sur les qualités substantielles d'un véhicule, en l'espèce sur le kilométrage,
- le 18.03.1995, trompé Ohl Jean-Philippe, contractant, sur les qualités substantielles d'un véhicule, en l'espèce sur l'état du système de freinage, de direction et d'amortissement,
- le 1.08.1995, trompé Aleysson Jacques, contractant, sur les qualités substantielles d'un véhicule sur l'état de l'échappement,
- le 17.09.1994, trompé Chabout Alain, contractant, sur les qualités substantielles d'un véhicule, en l'espèce le kilométrage,
et, en répression, le condamne à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 F d'amende, reçoit Mme Perus Armand et M. Ohl Jean-Philippe en leur constitution de partie civile et condamne V à payer à chacun respectivement les somme de 14 313,87 F et 12 749,24 F à titre de dommages-intérêts
Le tout par application de l'article L. 213-1 du Code de la consommation et des articles 473 et suivants du Code de procédure pénale;
Vu les appels interjetés par le prévenu et le Ministère public le 10.02.1997,
Vu les citations données aux intéressés les 18 et 19.12.1997 et le 9.01.1998 à la requête de M. le Procureur général près la cour de céans, à l'effet de comparaître à l'audience du 06.03.1998 pour vois statuer sur lesdits appels;
Sur quoi
En la forme,
Attendu que les appels interjeté dans les forme et délai légaux sont réguliers et recevables;
Au fond,
Sur l'action publique:
Le prévenu appelant qui soutient en substance que les quatre plaignants initiaux ont disposé de toutes les informations utiles lors de l'achat des véhicules en cause, y compris le rapport du contrôle technique et qu'en outre, trois des transactions ont été effectuées par des vendeurs salariés de l'entreprise et non par lui-même, conclut à sa relaxe, aucun fait de tromperie dans la vente de véhicules affectant un élément substantiel ne pouvant lui être reproché; il se dit en outre victime d'ostracisme de la part de concurrents sur la place où il vient de s'installer.
Attendu que les éléments résultant du dossier et des débats ne permettent pas de retenir Laurent V dans les liens de la prévention au regard de la tromperie sur l'échappement du véhicule vendu le 1er août 1995 à M. Aleysson.
Attendu que pour le surplus, il ressort des pièces de la procédure que la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes a procédé au cours du mois de février 1996 à une enquête auprès du garage SARL X, géré par lui; que cette enquête a mis à jour des faits de tromperie sur trois véhicules, respectivement acquis par Mme Perus Armand Josiane, Ohl Jean-Philippe et Chabout Alain.
Attendu que Perus Armand Josiane a acheté le 9.01.1995 un véhicule Opel Corsa ayant un kilométrage de 45 000 km auprès de ce garage sans que lui soit remis le contrôle technique, lequel datait du 7 décembre 1994.
Qu'après cette enquête, il était apparu que ce véhicule avait été acheté par ce garage alors que cette voiture présentait un kilométrage de 145 000 km.
Que le contrôle technique mentionnait que ce véhicule présentait une déformation importante au longeron AVG et un déséquilibre important du frein de service, nécessitant une vérification impérative.
Que ce contrôle technique datant du 7.12.1994 aurait dû être présenté à l'acheteur le jour même de la vente;
Que V Laurent, professionnel de l'automobile, s'est donc abstenu volontairement de le faire pour cacher l'état réel du véhicule et ainsi ne pas compromettre ses chances de le vendre.
Qu'il avait bien conscience de cette abstention en ce sens que, si le kilométrage du véhicule repris par le garage est bien indiqué, celui d'occasion vendu (cf. conditions particulières sur l'imprimé de commande pour véhicule neuf mais rempli en l'espèce) ne figure pas; lui-même a procédé aux démarches administratives;
Que cette abstention est encore illustrée par la teneur d'un courrier en date du 12.08.1995, donc bien postérieur à la vente, adressé par le prévenu à Mme Perus Armand et aux termes duquel il lui fait parvenir la photocopie du rapport de contrôle technique du véhicule en cause;
Qu'il est encore utile de remarquer que le prévenu n'est pas en mesure de justifier des travaux prétendument effectués avant la vente et portant sur les défectuosités dénoncées dans le rapport de contrôle technique, lequel porte comme kilométrage parcouru 45 722 km, alors que le certificat de vente établi entre l'ancien propriétaire et le garage X mentionne 145 000 km;
Que ce document n'a pas été porté à la connaissance de Mme Perus Armand, circonstance qui s'explique par le fait non contesté que c'est le garage X, comme déjà indiqué supra, qui a procédé aux démarches administratives la concernant;
Attendu que Laurent V a vendu le 18.04.1995 un véhicule BMW 520 I à M. Ohl Jean-Philippe sans davantage lui remettre le contrôle technique.
Que le contrôle réalisé le 23.03.1995 avait révélé le mauvais état du véhicule et son absence de remise en état avant la vente; ainsi, il apparaissait que le mécanisme de direction et le relais de direction droit étaient en mauvais état; les rotules de direction présentaient un jeu anormal;
Qu'il est évident que la vente ne se serait pas réalisée si l'acheteur avait connu l'état réel de ce véhicule au moment de l'achat;
Que l'attestation de la secrétaire du garage indiquant qu'elle a remis une photocopie du rapport de contrôle technique lors de la demande d'immatriculation du véhicule est sans emport alors que la date de celle-ci est du 30 mars 1995, donc postérieure à la vente et que la rédactrice de ce document est la préposée du prévenu;
Que des travaux ont ensuite été effectués, mais seulement le 10 avril 1995 et ne concernant pas les défectuosités signalées dans le rapport précité;
Que le prévenu ne saurait dénier sa responsabilité pénale au motif que la vente aurait été réalisée par un de ses vendeurs, alors qu'il n'est pas établi ni même allégué que ce dernier aurait agi en excédant ses attributions ou au mépris d'instructions reçues de la part de l'employeur.
Attendu que Chabout Alain a acheté le 17.09.1994 une Mercedes 300 D ayant un kilométrage de 125 000 km; or, après enquête, il s'est avéré que ce véhicule avait été acheté par le garage X le 5.09.1994 au garage "Royale Garage", avec un kilométrage de 224 533 km.
Que dans cette opération, le prévenu entend encore se retrancher derrière son vendeur;
Qu'en sa qualité de professionnel de l'automobile, il ne pouvait se méprendre sur la réalité du kilométrage, la différence étant de l'ordre de 100 000 km.
Que le fait que le prévenu ait finalement consenti à reprendre ledit véhicule n'enlève rien à l'existence de l'infraction.
Attendu qu'eu égard à la répétition des tromperies et à leur gravité - certaines tromperies portant sur le système de direction des véhicules vendus mettent directement en cause la sécurité des utilisateurs -, il échet de porter l'amende à 30 000 F, assortie pour moitié du sursis;
Qu'en revanche, le prévenu étant délinquant primaire, il n'y a pas lieu de le condamner à une peine d'emprisonnement.
Sur l'action civile:
Attendu qu'à bon droit, le tribunal a reçu Mme Perus Armand et M. Ohl en leur constitution de partie civile, régulière et fondée sur les infractions retenues à l'encontre du prévenu;
Qu'il a, en outre, sainement apprécié le préjudice des victimes, le prévenu ne s'expliquant d'ailleurs pas sur le caractère prétendument exagéré des sommes allouées;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant contradictoirement, En la forme: Déclare les appels recevables; Au fond: Sur l'action publique: Relaxe Laurent V des faits reprochés relatifs à M. Aleysson; Confirme le jugement entrepris quant au surplus de la culpabilité; Le réforme sur la peine; Condamne Laurent V à une peine d'amende de 30 000 F dont 15 000 F assortis du sursis conformément à l'article 132-30 du Code pénal; Le président a donné l'avertissement prévu à l'article 132-29 du Code pénal. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le prévenu; Dit que la contrainte par corps s'il échet, s'exercera conformément aux dispositions des articles 749 et 750 du Code de procédure pénale; Sur l'action civile: Confirme la décision déférée.