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Décisions

CCE, 3 décembre 2003, n° 2004-420

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

C. Conradty Nürnberg GmbH, Hoffmann & Co. Elektrokohle AG, Le Carbone Lorraine S.A., Morgan Crucible Company plc, Schunk GmbH et Schunk Kohlenstofftechnik GmbH, solidairement, et SGL Carbon AG.; Produits à base de carbone et de graphite pour applications électriques et mécaniques

CCE n° 2004-420

3 décembre 2003

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Le 3 décembre 2003, la Commission a adopté une décision relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE. Conformément à l'article 21 du règlement n° 17 (2), la Commission publie ci-après les noms des parties et l'essentiel de la décision, en tenant compte de l'intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d'affaires ne soient pas divulgués. Une version non confidentielle du texte intégral de la décision est disponible dans les langues faisant foi et dans les langues de travail de la Commission sur le site de la DG COMP à l'adresse http://europa.eu.int/comm/competition/index_fr.html.

I. RÉSUMÉ DE L'INFRACTION

Entreprises destinataires et nature de l'infraction

1. La décision est adressée à C. Conradty Nürnberg GmbH (ci-après "Conradty"), Hoffmann & Co. Elektrokohle AG (ci-après "Hoffmann"), Le Carbone Lorraine SA (ci-après "Carbone Lorraine"), Morgan Crucible Company plc (ci-après "Morgan"), Schunk GmbH et Schunk Kohlenstofftechnik GmbH, solidairement (ci-après "Schunk"), et SGL Carbon AG (ci-après "SGL").

2. Les entreprises destinataires ont participé à une infraction unique et continue à l'article 81, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne (ci-après dénommé "traité CE" ou simplement "traité") et, depuis le 1er janvier 1994, à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après dénommé "accord EEE"), qui s'est étendue à l'ensemble du territoire de l'EEE, et dans le cadre de laquelle ces entreprises

- se sont entendues sur une méthode uniforme et très pointue, qu'elles ont mise à jour à différentes reprises, pour le calcul des prix à facturer à la clientèle, cette méthode étant applicable aux principales catégories de produits à base de carbone et de graphite pour applications électriques et mécaniques, à différents types de clients et à tous les pays de l'EEE dans lesquels il y avait une demande pour ces produits, en vue de parvenir à des prix calculés d'une manière identique ou similaire pour une large gamme de produits;

- ont convenu de pourcentages d'augmentation régulière des prix des principales catégories de produits électriques et mécaniques et pour tous les pays de l'EEE dans lesquels il existait une demande pour ces produits, ainsi que pour différents types de clients;

- se sont entendues sur certains suppléments de prix à appliquer aux clients, sur les réductions à accorder en fonction du type de livraison et sur les conditions de paiement;

- ont mis en place un système de "leadership par client" pour certains gros clients, ont convenu de geler les parts de marché représentées par ces clients et ont régulièrement échangé des informations sur les prix et convenu des prix spécifiques à proposer à ces clients;

- ont décidé d'un commun accord d'interdire la publicité et la participation à des salons;

- se sont entendues sur des restrictions quantitatives, des augmentations de prix ou des boycottages vis-à-vis des revendeurs qui constituaient des concurrents potentiels;

- ont fixé ensemble des prix inférieurs à ceux de leurs concurrents et

- ont eu recours à un mécanisme particulièrement sophistiqué pour le contrôle et la mise en œuvre de leurs accords.

Durée de l'infraction

3. Les entreprises ont participé à l'infraction au moins pendant les périodes suivantes:

- Conradty: d'octobre 1988 à décembre 1999;

- Hoffmann: de septembre 1994 à octobre 1999;

- Carbone Lorraine: d'octobre 1988 à juin 1999;

- Morgan: d'octobre 1988 à décembre 1999;

- Schunk: d'octobre 1988 à décembre 1999;

- SGL: d'octobre 1988 à décembre 1999.

Le marché des produits à base de carbone et de graphite pour applications électriques et mécaniques

4. Les produits à base de carbone pour applications électriques servent principalement à conduire l'électricité vers et dans les moteurs électriques. Les produits les plus importants de cette catégorie sont les balais de carbone et les appareils de prise de courant. Les applications sont l'automobile, les produits de consommation, les applications industrielles et la traction (transports publics). Dans le domaine automobile, on peut citer les starters, les alternateurs, les pompes à essence, la climatisation et les vitres électriques des voitures et des camions. Les balais destinés au marché des produits de consommation sont notamment utilisés pour l'outillage électrique (perceuses, etc), les aspirateurs, les rasoirs électriques, les mixeurs ainsi que de nombreux autres appareils électroménagers et biens de consommation durables. Parmi les applications industrielles, on peut citer les chaînes de montage et les monte-charge. Les balais pour la traction sont utilisés sur les trains et autres moyens de transport publics, principalement les locomotives et les moteurs électriques auxiliaires. Les produits à base de carbone et de graphite pour applications mécaniques peuvent résister à des frottements importants, sont non réactifs, résistants à l'usure et, s'ils contiennent du graphite, peuvent aussi présenter des propriétés lubrifiantes. Ils sont utilisés principalement pour assurer une fermeture étanche des récipients contenant des gaz ou des liquides et pour la lubrification des pièces de machine à faible usure. Les produits à base de carbone et de graphite sont également vendus sous forme de blocs, qui doivent ensuite être usinés.

5. La Commission a estimé que l'étendue géographique de ces activités correspondait à l'EEE plutôt qu'au marché mondial. Les clients devant être approvisionnés très rapidement, de longs délais de transport ne sont pas rentables. En 1998, la dernière année complète durant laquelle tous les membres ont participé au cartel, celui-ci couvrait plus de 90 % du marché de l'EEE pour le produit concerné dont la valeur totale cette année-là est estimée à 291 millions d'euros, y compris la valeur de l'usage captif.

Fonctionnement du cartel

6. Plus de 140 réunions du cartel documentées ont eu lieu entre octobre 1988 et décembre 1999. Le mode de fonctionnement du cartel est resté pratiquement le même pendant toute cette période.

- Les hauts responsables des entreprises membres du cartel chargés des produits à base de carbone et de graphite se sont rencontrés lors de réunions européennes au sommet périodiques. Celles-ci avaient lieu deux fois par an.

- Les réunions du comité technique au niveau européen se tenaient en principe aussi deux fois par an, au printemps et à l'automne, préalablement aux réunions au sommet. L'objet principal des réunions du comité technique était de se mettre d'accord sur les niveaux de prix et sur les pourcentages d'augmentation des prix des différents produits et pour différents pays. Ces réunions servaient aussi à parvenir à un accord sur certains aspects des stratégies de vente des entreprises, comme l'harmonisation (à la hausse) des prix dans toute l'Europe, les niveaux de prix à appliquer aux gros clients, le comportement à adopter vis-à-vis des concurrents et les suppléments à appliquer à certaines fins.

- Les réunions locales étaient organisées sur une base ad hoc en Italie, en France, au Royaume-Uni, au Benelux, en Allemagne et en Espagne (marché portugais compris). Lors de ces réunions était abordée la question des augmentations de prix à appliquer au pays concerné, ainsi que celle des comptes de certains clients locaux.

- Des contacts réguliers entre les représentants des membres du cartel étaient nécessaires afin de veiller au respect quotidien, par toutes les parties, des accords conclus lors des réunions. Les représentants entretenaient aussi des contacts réguliers de manière à coordonner les offres particulières faites aux gros clients. Ces contacts avaient lieu sur une base hebdomadaire, parfois journalière, soit par téléphone ou par télécopie, soit, de temps à autre, dans le cadre de réunions.

II. AMENDES

Montant de base

7. La Commission considère que les entreprises concernées ont commis une infraction très grave. La nature de celle-ci et sa portée géographique sont telles qu'elle doit être qualifiée de très grave, que son incidence sur le marché soit mesurable ou non.

Traitement différencié

8. Dans la catégorie des infractions très graves, l'échelle des amendes envisageables permet d'appliquer un traitement différencié aux entreprises, de façon à tenir compte de la capacité économique effective des contrevenants à causer un préjudice grave à la concurrence, et à fixer des amendes d'un niveau suffisamment dissuasif. Détenant des parts de marché supérieures à 20 %, Carbone Lorraine et Morgan étaient les plus gros vendeurs de produits à base de carbone et de graphite pour applications électriques et mécaniques dans l'EEE en 1998, la dernière année complète durant laquelle le cartel a fonctionné. Elles ont donc été placées dans la première catégorie. Schunk et SGL, dont les parts de marché se situaient entre 10 et 20 %, ont été classées dans la deuxième catégorie. Enfin, Hoffmann et Conradty, dont les parts de marché étaient inférieures à 10 %, ont été placées dans la troisième catégorie.

Durée

9. Les entreprises concernées ont participé à l'infraction au moins pendant les périodes suivantes:

- Carbone Lorraine: d'octobre 1988 à juin 1999, soit une période de 10 ans et 8 mois, donnant lieu à une majoration du montant de base de 105 %,

- Morgan: d'octobre 1988 à juin 1999, soit une période de 11 ans et 2 mois, donnant lieu à une majoration du montant de base de 110 %,

- Schunk: d'octobre 1988 à juin 1999, soit une période de 11 ans et 2 mois, donnant lieu à une majoration du montant de base de 110 %,

- SGL: d'octobre 1988 à juin 1999, soit une période de 11 ans et 2 mois, donnant lieu à une majoration du montant de base de 110 %,

- Hoffmann: de septembre 1994 à octobre 1999, soit une période de 5 ans et 1 mois, donnant lieu à une majoration du montant de base de 50 %

- Conradty: d'octobre 1988 à décembre 1999, soit une période de 11 ans et 2 mois, donnant lieu à une majoration du montant de base de 110 %.

Circonstances aggravantes

10. La Commission estime qu'il n'existe pas de circonstances aggravantes dans la présente affaire.

Circonstances atténuantes

11. La Commission estime qu'il n'existe pas de circonstances atténuantes dans la présente affaire.

Application du plafond de 10 % du chiffre d'affaires

12. Le plafond de 10 % du chiffre d'affaires mondial visé à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, s'applique à Hoffmann et à Conradty.

Application de la communication sur la clémence de 1996

Non-imposition d'amende ou réduction très importante de son montant ("titre B": réduction de 75 à 100 %)

13. Morgan bénéficie d'une immunité d'amendes pour avoir été la première entreprise à signaler l'existence du cartel à la Commission.

Réduction significative du montant de l'amende ("titre D": réduction de 10 à 50 %)

14. Carbone Lorraine bénéficie d'une réduction de 40 % pour sa coopération à l'enquête de la Commission. Parmi les entreprises susceptibles de profiter d'une réduction significative de leur amende, Carbone Lorraine a été la première entreprise à coopérer avec la Commission et a apporté la contribution la plus utile. À l'instar des autres entreprises qui ont coopéré avec la Commission, elle n'a pas non plus contesté, pour l'essentiel, les faits sur lesquels la Commission a fondé ses allégations.

15. Schunk bénéficie d'une réduction de 30 % pour sa coopération à l'enquête de la Commission. Les éléments de preuve qu'elle a produits sont parvenus plus tard et sa coopération a été plus limitée que celle de Carbone Lorraine.

16. Hoffmann, faisant aujourd'hui partie du groupe Schunk, a coopéré de la même manière que Schunk. Elle se voit également attribuer une réduction de 30 %.

17. SGL, qui a été la dernière entreprise à coopérer, bénéficie d'une réduction de 20 %.

18. Conradty n'a pas coopéré avec la Commission.

Solvabilité

Carbone Lorraine

19. Les arguments de Carbone Lorraine concernant son insolvabilité sont rejetés.

SGL

20. Les arguments de SGL concernant son insolvabilité sont rejetés.

Autres facteurs

21. Carbone Lorraine a fait valoir qu'elle était soumise à de strictes contraintes financières et qu'elle s'était déjà vu infliger une forte amende pour sa participation à des activités collusoires simultanées. Ces deux arguments sont considérés comme spécieux.

22. Cependant, SGL bénéficie d'une réduction de 33 % de son amende au double motif qu'elle est soumise à de strictes contraintes financières et qu'elle a été condamnée assez récemment à deux fortes amendes par la Commission pour sa participation à des activités collusoires simultanées.

Décision

1. Les amendes suivantes sont infligées:

a) C. Conradty Nürnberg GmbH: 1 060 000 euros;

b) Hoffmann & Co. Elektrokohle AG: 2 820 000 euros;

c) Le Carbone Lorraine SA: 43 050 000 euros;

d) Morgan Crucible Company plc: 0 euro;

e) Schunk GmbH et Schunk Kohlenstofftechnik GmbH, solidairement: 30 870 000 euros;

f) SGL Carbon AG: 23 640 000 euros.

2. Les entreprises susmentionnées mettent immédiatement fin aux infractions, pour autant qu'elles ne l'aient déjà fait. Elles s'abstiennent de tout acte ou comportement relevant de l'infraction constatée en l'espèce et de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

(1) Rapport final du conseiller-auditeur (JO C 102 du 28.4.2004).

(2) JO 13 du 21.2.1962, p. 204. Règlement modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1216-1999 (JO L 148 du 15.6.1999, p. 5).