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Décisions

CCE, 16 décembre 2003, n° 2004-421

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Wieland Werke AG, Outokumpu Copper Products OY, Outokumpu Oyj, KM Europa Metal AG, Tréfimétaux SA et d'Europa Metalli SpA.; Tubes industriels

CCE n° 2004-421

16 décembre 2003

Le 16 décembre 2003, la Commission a arrêté une décision relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE. Conformément aux dispositions de l'article 21 du règlement 17 (2), la Commission publie par la présente le nom des parties intéressées et l'essentiel de la décision, en tenant compte de l'intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d'affaires ne soient pas divulgués. Une version non confidentielle du texte de la décision dans son intégralité peut être consultée dans les langues de l'affaire faisant foi et dans les langues de travail de la Commission sur le site web de la DG COMP à l'adresse suivante: http://europa.eu.int/comm/competition/index_en.html.

I. RÉSUMÉ DE L'INFRACTION

Destinataires et nature de l'infraction

(1) Les destinataires de la décision sont Wieland Werke AG ("Wieland Werke"), Outokumpu Copper Products OY ("OCP") et Outokumpu Oyj (collectivement dénommées "Outokumpu"), KM Europa Metal AG ("KME" ou "KM Europa Metal"), Tréfimétaux SA ("TMX" ou "Tréfimétaux") et Europa Metalli SpA ("EM" ou "Europa Metalli").

(2) Ces destinataires ont participé, en violation de l'article 81 du traité instituant la Communauté européenne (ci-après dénommé le "traité") et, à compter du 1er janvier 1994, de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après dénommé "accord EEE"), à une infraction unique, complexe et continue, étendue à la quasi-totalité du territoire de l'EEE, en fixant les prix, en se partageant les marchés et en échangeant des informations confidentielles sur le marché des tubes industriels en cuivre.

Imputation des responsabilités

(3) Outokumpu Oyj a pris directement part à l'infraction, de mai 1988 à décembre 1988, date à laquelle son activité dans les tubes industriels a été cédée à sa filiale créée peu de temps avant, "OCP", qui a maintenu la participation à l'infraction. Une fois achevées les formalités de constitution d'OCP en société en décembre 1988, Outokumpu Oyj détenait l'intégralité du capital d'OCP. La société mère et sa filiale à 100 % sont détenues conjointement et sont solidairement responsables de l'infraction après la création de cette dernière.

(4) En ce qui concerne le groupe KME, comprenant KM Europa Metal (Allemagne), Tréfimétaux (France) et Europa Metalli (Italie), deux périodes distinctes ont été établies aux fins d'imputation des responsabilités. Pendant la première période comprise entre 1988 et 1995, KME est considérée comme ayant été une entreprise distincte d'EM et de TMX, indépendamment du fait que leur holding commun Società Metallurgicà Italiana ("SMI") a acquis un contrôle majoritaire de KME en 1990. Le conseil d'administration et la gestion opérationnelle de KME n'ont été coordonnés avec ceux d'EM et de TMX qu'après la restructuration du groupe en 1995, lorsque KME a obtenu 100 % des parts dans EM et TMX. En ce qui concerne la période comprise entre 1995 et 2001, les entités du groupe KME sont considérées comme ayant constitué une seule unité économique sur le marché, ce qui suppose une responsabilité solidaire pour l'infraction pendant cette période.

(5) Au cours de la période allant de 1988 à 1995, Europa Metalli et sa filiale à 100 % TMX sont considérées comme ayant constitué une seule unité économique et, partant, une entreprise unique, solidairement responsable de l'infraction.

Durée de l'infraction

(6) Les entreprises ont pris part à l'infraction pendant, au moins, les périodes suivantes:

a) Wieland Werke AG, du 3 mai 1988 au 22 mars 2001;

b) Outokumpu Oyj, à titre individuel du 3 mai 1988 au 30 décembre 1988, et à titre solidaire avec Outokumpu Copper Products Oy, du 31 décembre 1988 au 22 mars 2001;

c) Outokumpu Copper Products OY, du 31 décembre 1988 au 22 mars 2001 (solidairement avec Outokumpu Oyj);

d) KM Europa Metal AG, à titre individuel, du 3 mai 1988 au 19 juin 1995 et solidairement avec Tréfimétaux SA et Europa Metalli SpA du 20 juin 1995 au 22 mars 2001;

e) Europa Metalli SpA., solidairement avec TMX du 3 mai 1988 au 19 juin 1995, et solidairement avec KM Europa Metal AG et Tréfimétaux SA du 20 juin 1995 au 22 mars 2001;

f) Tréfimétaux SA, solidairement avec Europa Metalli SpA, du 3 mai 1988 au 19 juin 1995, et solidairement avec KM Europa Metal AG et Europa Metalli SpA, du 20 juin 1995 au 22 mars 2001.

Le marché des tubes industriels en cuivre

(7) Dans les tubes de cuivre, on distingue généralement deux groupes de produits: les tubes sanitaires, qui sont utilisés dans les installations d'eau, de gaz, de chauffage et de transport de combustible, et les tubes industriels, qui comprennent différents sous-groupes en fonction de leur utilisation finale, la plus importante sous l'angle quantitatif étant le secteur de l'air conditionné et de la réfrigération (ACR). Les autres applications industrielles sont essentiellement les raccords, la réfrigération, les chauffe-eau et chaudières à gaz, la robinetterie, les filtres déshydrateurs et les câbles de télécommunications.

(8) Les tubes industriels, en particulier les tubes ACR, sont normalement fournis en tubes de cuivre recuit en couronnes ou bobines trancannées (ci-après "en couronnes"), pour des longueurs pouvant aller jusqu'à plusieurs kilomètres. La décision se limite aux couronnes trancannées, conçues spécialement pour les chaînes de fabrication automatisées des producteurs d'équipements de climatisation, et introduites dans les années 80 comme solution de rechange aux longueurs droites. D'une manière générale, les tubes industriels, contrairement aux tubes sanitaires, ne sont pas vendus à des grossistes en matériel de plomberie, mais fournis directement aux entreprises industrielles, aux équipementiers ou aux fabricants de pièces détachées. Les tubes industriels sont, en moyenne, des produits à plus forte valeur ajoutée que les tubes sanitaires et leurs coûts de production sont également fort différents de ceux des tubes sanitaires.

(9) La valeur du marché des tubes en couronnes au niveau de l'EEE en 2000 a été estimée à environ 290 millions d'euros. Les grands producteurs de tubes en couronnes en Europe sont actuellement KME (y compris EM et TMX), Outokumpu et Wieland Werke. Ensemble, ces entreprises détenaient quelque 75 à 85 % du marché total au niveau de l'EEE. Parmi les autres producteurs importants sur le marché européen, on note Feinrohren S.p.A (Italie) et Halcor SA (Grèce).

Fonctionnement de l'entente

(10) L'entente était organisée dans le cadre de l'association pour la qualité des tubes ACR (air conditionné et réfrigération) Cuproclima (Cuproclima Quality Association, ci-après "Cuproclima"), créée en Suisse et dont l'objectif premier était de promouvoir une norme de qualité pour ces tubes industriels. Au printemps 1988, au plus tard, les membres de Cuproclima, qui sont destinataires de la décision, ont étendu le champ de leur coopération à la concurrence. Des discussions sur les prix, les clients, les volumes de vente et les parts de marché de chaque entreprise avaient lieu le plus souvent le second jour de la réunion de Cuproclima, après l'examen de l'ordre du jour officiel. Les réunions non officielles se tenaient, sans support documentaire, normalement au moins une fois au printemps et au moins une fois à l'automne, voire plus fréquemment.

(11) Dans ce cadre, les producteurs en cause fixaient des objectifs de prix et arrêtaient d'autres conditions commerciales pour les tubes industriels, coordonnaient les augmentations de prix et se partageaient les clients et les parts de marché sur les territoires européens. Les objectifs de prix étaient généralement fixés, pour l'année suivante, à l'occasion de la réunion d'automne, tandis que la réunion de printemps servait, grâce à une comparaison des données relatives aux ventes et aux parts de marché, à vérifier si les principes convenus avaient bien été respectés. Outre l'échange d'informations confidentielles sur les ventes, les parts de marché et les prix, les participants ont également désigné, parmi eux, des chefs de file, qui étaient chargés, pour les territoires et les clients dont ils étaient responsables, de recueillir des informations sur le marché et de surveiller les visites à la clientèle.

II. AMENDES

Montant de base

(12) L'infraction consiste essentiellement en des pratiques de fixation de prix et de répartition des marchés entre les producteurs, qui sont par nature des infractions très graves à l'article 81, paragraphe 1, du traité et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord l'EEE. L'entente couvrait l'intégralité du Marché commun et, après sa création, la quasi-totalité de l'EEE. Il a été établi que les accords constitutifs de l'entente ont bien été mis en œuvre et qu'ils n'ont pu manquer de produire des effets sur le marché, même si ces effets ne peuvent être quantifiés d'une manière fiable. La Commission considère donc que les destinataires ont commis une très grave infraction.

Traitement différencié

(13) Au sein de la catégorie des infractions très graves, l'échelle des amendes possibles permet d'appliquer aux entreprises un traitement différencié afin de tenir compte de la capacité économique effective de chacune de causer un préjudice important à la concurrence et de fixer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif.

(14) Dans cette affaire, les entreprises ont été réparties en deux catégories. Avec une part de marché de 30 à 50 %, le groupe KME était le groupe le plus important sur le marché de l'EEE des tubes en couronnes en 2000, la dernière année complète de l'infraction. Il appartient donc à la première catégorie. Outokumpu et Wieland Werke, dont la part de marché en cause se situe dans une fourchette de 10 % à 20 %, appartiennent à une seconde catégorie, comprenant des entreprises qui peuvent être considérées comme des opérateurs de taille moyenne sur le marché des tubes en couronnes au sein de l'EEE.

(15) En ce qui concerne le groupe KME, la Commission tient compte des restructurations internes qui ont eu lieu pendant la période d'infraction de sorte que le montant de base de l'amende est réparti entre les différentes entreprises au sein du groupe.

Durée

(16) Wieland Werke, Outokumpu, KM Europa Metal, Tréfimétaux et Europa Metalli ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE (depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 1994) à partir, au moins, du 3 mai 1988 jusqu'au 22 mars, soit une période de 12 ans et 10 mois.

(17) Si les différentes entités du groupe KME ont participé à l'infraction pendant la totalité de sa durée, leur organisation en plusieurs entreprises pendant une partie de la période de l'infraction est prise en considération pour calculer l'augmentation du montant de l'amende en fonction de la durée. En ce qui concerne la période comprise entre 1988 et 1995, cette augmentation est donc calculée séparément pour KME AG, d'une part, et pour l'entreprise constituée d'EM et de TMX, d'autre part. Pour la durée restante, de 1995 à 2001, l'augmentation en fonction de la durée est commune à l'ensemble du groupe KME.

Circonstances aggravantes

(18) La Commission a constaté une circonstance aggravante, qui concerne la récidive commise par Outokumpu Oyj, car cette entreprise était destinataire de la décision de la Commission 90-417-CECA Produits plats en acier inoxydable laminés à froid (3), concluant à l'existence d'une infraction du même type.

Circonstances atténuantes

(19) En ce qui concerne Outokumpu, la Commission lui a appliqué une circonstance atténuante pour avoir coopéré en dehors du cadre de la communication de 1996 sur la clémence. Outokumpu a été la première à révéler la totalité de la durée de l'entente dans le secteur des tubes industriels. À partir des éléments de preuve obtenus avant qu'Outokumpu ne demande l'application de mesures de clémence, la Commission aurait pu établir l'existence d'une infraction continue de quatre ans uniquement. La coopération d'Outokumpu a permis de prouver l'existence d'une infraction de longue durée de 12 ans et 10 mois. En conséquence, le montant de base de l'amende infligé à Outokumpu est diminué d'un montant forfaitaire de manière qu'il corresponde au montant hypothétique de l'amende qui aurait été imposée à Outokumpu pour une infraction de quatre ans.

Application de la communication de 1996 sur la clémence

Réduction significative du montant d'une amende ("Titre D": réduction de 10 % à 50 %)

(20) Tous les destinataires de la décision ont coopéré avec la Commission au cours de son enquête. Le seul titre applicable de la communication de 1996 sur la clémence est le titre D, car les destinataires n'ont demandé l'application de mesures de clémence qu'après les vérifications qui ont produit des preuves suffisantes pour ouvrir la procédure et infliger aux entreprises des amendes pour une infraction d'une durée égale à au moins quatre ans.

(21) Outokumpu a demandé à bénéficier de mesures de clémence immédiatement après les vérifications de la Commission, dévoilant l'existence de l'entente entre 1988 et 2001. Étant donné la coopération approfondie apportée dès le début par Outokumpu, la Commission lui accorde une réduction de 50 % du montant de l'amende qui lui aurait sinon été infligée.

(22) Wieland Werke et KME n'ont pas commencé à coopérer avec la Commission avant que plus d'un an et demi se soit écoulé après les vérifications. Par ailleurs, cette coopération n'a pas été entièrement spontanée, étant donné qu'elle n'a commencé qu'une fois que la Commission avait adressé à ces entreprises des demandes formelles de renseignements. Elles ont donc été récompensées par des réductions plus faibles que celles accordées à Outokumpu, 20 % pour Wieland Werke et 30 % pour KME. La différence entre ces deux dernières traduit des divulgations d'informations plus complètes de la part de KME en termes de durée et de continuité de l'infraction.

Décision

1. Les amendes suivantes sont infligées:

a) Wieland Werke AG: 20,79 millions d'euros

b) Outokumpu Oyj et Outokumpu Copper Products Oy: solidairement 18,13 millions d'euros

c) KM Europa Metal AG, Tréfimétaux SA et Europa Metalli SpA: solidairement 18,99 millions d'euros

d) KM Europa Metal AG: 10,41 millions d'euros

e) Europa Metalli SpA et Tréfimétaux SA: solidairement 10,41 millions d'euros

2. Les entreprises mentionnées mettent immédiatement fin aux infractions, si elles ne l'ont déjà fait. Elles s'abstiennent désormais de tout accord ou de toute pratique constaté dans cette affaire, ainsi que de toute mesure ayant un objet ou un effet équivalent.

(1) Avis du comité consulattif (JO C 102 du 28.4.2004).

(2) JO 13 du 21.2.1962, p. 204-62. Règlement tel que modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1216-1999 (JO L 148 du 15.6.1999, p. 5).

(3) JO L 220 du 15.8.1990, p. 28.