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Décisions

CA Grenoble, ch. corr., 18 décembre 1997, n° 1313-97

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Balmain

Substitut :

général: M. Gandolière

Conseillers :

Mmes Romain, Husquin

Avocats :

Mes Salques, Dunner.

TGI Vienne, ch. corr., du 3 juin 1997

3 juin 1997

LA COUR,

Par jugement contradictoire du 3 juin 1997 le Tribunal correctionnel de Vienne a notamment relaxé Jacques H de la prévention de mise en vente d'aliments destinés à la consommation humaine qu'il savait être toxiques et Jean D de la prévention de tentative de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue.

Appel a été relevé par le Procureur de la République. Le Ministère public demande la réformation du jugement par la déclaration de la culpabilité de Jacques H et de Jean D, leur condamnation à une amende substantielle, et l'affichage et la publication de l'arrêt.

Jacques H et Jean D demandent la confirmation du jugement.

Sur l'action publique:

Il résulte de l'enquête préliminaire et des débats devant le premier juge et la cour qu'au printemps 1996 lors de la période dite "crise de la vache folle" Jacques H et Jean D exerçaient respectivement les fonctions de directeur régional d'une part, et de superviseur des entrepôts de la société X filiale du groupe Y d'autre part.

Du fait de l'organisation générale de la société, qu'il n'est pas plus au pouvoir ni du juge ni de l'administration de critiquer ou d'obliger à modifier que cela n'était au pouvoir des prévenus, simples cadres régionaux, le choix des produits était assuré par la centrale d'achat nationale. Le rôle des prévenus se limitant à assurer la circulation matérielle de la marchandise entre la centrale d'achat directement dépendante de la direction générale et les magasins via les deux entrepôts placés sous la responsabilité directe de Jean D.

Un arrêté ministériel du 21 mars dont la légalité ne sera examinée qu'en cas de besoin car il n'est pas support nécessaire des poursuites envers Jacques H et Jean D a interdit l'importation des produits cuisinés comportant de la viande bovine britannique.

Courant mai la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du siège de la centrale d'achat s'étant aperçu que des boîtes de "Chile con Carne" acquise par X et redistribué par celle-ci dans ses magasins contenant de la viande bovine d'origine britannique a demandé officieusement à X de les retirer de la vente. Il n'est pas établi si ces boîtes ont été importées avant ou après le 21 mars.

La consigne de ne plus livrer les magasins a été directement répercutée à Jean D par fax selon le circuit fonctionnel de distribution des commandes d'X, circuit qui dans l'organigramme de l'entreprise ne passe pas par Jacques H. Jean D adonné les instructions nécessaires aux entrepôts, et aucune boîte n'en est sortie. En même temps la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de l'Isère est intervenue et a dressé procès-verbal à l'encontre de Jean D et de Jacques H pour ne pas avoir pris spontanément toute mesure utile pour répercuter l'alerte et retirer la marchandise litigieuse des magasins dès la réception du fax par Jean D. Or Jean D était en déplacement et n'avait été averti que le lundi matin.

Postérieurement à l'intervention des services Isérois la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du siège de la centrale d'achat du groupe a décidé une mesure de consignation de la marchandise impliquant le retrait de celle-ci de la vente. Cette mesure a été immédiatement exécutée sans incident tant dans les entrepôts que dans les magasins.

En cet état, en admettant que le raisonnement de l'administration assimilant le ministre de l'Agriculture à celui de la consommation, une interdiction d'importer à un retrait du marché avant la décision administrative de consignation dont on se demande alors qu'elle serait l'utilité, et la détention en entrepôt à la mise en vente, soit exact nonobstant le principe d'interprétation strict des lois pénales, il reste que ni Jacques H ni Jean D ne peuvent se voir reprocher d'avoir personnellement et volontairement enfreint la loi en connaissance de cause ce qui est pourtant exigé par la loi pénale en générale, et la définition des infractions qui leurs sont reprochés en particulier.

Cela est évident pour Jacques H dont les fonctions ne comportaient pas l'intervention dans la procédure de diffusion et éventuellement de retrait des marchandises directement réglée entre les responsables d'entrepôt et la centrale d'achat nationales. Les poursuites à son encontre, qui reviennent à lui reprocher de ne pas avoir bouleversé de sa propre initiative les circuits hiérarchiques de l'entreprise dont il n'est pas le dirigeant ni même l'un des dirigeants nationaux, sont en tout état de cause manifestement mal dirigées.

Cela est également valable pour Jean D. La tromperie suppose l'intention d'accomplir en connaissance de cause l'acte illicite reproché, alors que Jean D a exécuté les instructions de sa hiérarchie et les décisions de consignation de l'administration dès qu'elles ont été portées à sa connaissance, et qu'il ne peut lui être imputé à infraction pénale de ne pas avoir agit spontanément au-delà des exigences de la réglementation applicable et des décisions administratives ayant légalement un caractère obligatoire régulièrement portées à sa connaissance, l'ensemble de l'intervention administrative n'ayant aucun caractère obligatoire pour les marchandises en cause avant l'intervention de la décision de consignation.

La décision de relaxe sera donc confirmée.

Par ces motifs: Reçoit l'appel du Ministère public contre le jugement rendu le 3 juin 1997 par le Tribunal correctionnel de Vienne; Confirme le jugement en toutes ses dispositions critiquées; Constate que le présent arrêt n'est pas assujetti au droit fixe résultant de l'article 1018 A du Code général des impôts et Dit n'y avoir lieu à contrainte par corps.