Livv
Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 9 juillet 1984, n° 83-4259

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

ORGECO, Ordre des avocats de Paris, Dumonteil, Cabot

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Veuillet

Substitut :

général: M. Lazari

Conseillers :

MM. Leloir, Martinez

Avocats :

Mes Gibault, Laviec, Leclerc.

TGI Paris, 31e ch., du 17 mai 1983

17 mai 1983

Rappel de la procédure

Jugement

Le tribunal a:

Déclaré X Jean-Claude et Y Gabriel coupables du délit de publicité mensongère prévu et réprimé par l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 et l'article 1er de la loi du 1er août 1905; d'infraction à l'article 144 § 2° du Code pénal et aux articles L. 321-1, L. 328-15, R. 511-2 et R. 511-7 du Code des assurances;

faits commis courant 1979 et courant 1982; courant 1981 et courant 1982;

en répression: a condamné:

X Jean Claude à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis et trente mille francs d'amende (30 000 F) ainsi qu'à la peine de mille francs (1 000 F) d'amende pour la contravention connexe à l'article R. 511-7 du Code des assurances;

Y Gabriel à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis et trente mille francs (30 000 F) d'amende; ainsi qu'à la peine de mille francs (1 000 F) d'amende pour la contravention connexe à l'article R. 511-7 du Code des assurances ordonné aux frais des condamnés, la publication par extrait du jugement dans les journaux "Le Monde", "Le Figaro", "France Soir" et le "Quotidien de Paris";

reçu l'Organisation générale des consommateurs "ORGECO" en sa constitution de partie civile;

condamné X Jean-Claude à lui payer la somme de trois mille francs à titre de dommages-intérêts;

débouté cette partie civile du surplus de sa demande; reçu l'ordre des avocats à la Cour d'appel de Paris en sa constitution de partie civile;

condamné solidairement X Jean-Claude et Y Gabriel à lui payer la somme de un franc à titre de dommages-intérêts; débouté cette partie civile du surplus de sa demande; reçu Dumonteil Danielle en sa constitution de partie civile; condamné solidairement X Jean-Claude et Y Gabriel à lui payer la somme de 1 500 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

reçu Cabot Suzanne en sa constitution de partie civile; condamné solidairement X Jean-Claude et Y Gabriel à lui payer la somme de 1 500 F à titre de dommages-intérêts; condamné en outre X Jean-Claude et Y Gabriel chacun pour moitié aux dépens du jugement, liquidés à la somme de 598,21 F, en ce compris les droits de poste et fixe;

fixé au minimum la durée de la contrainte par corps; déclaré l'association Z civilement responsable de X Jean-Claude et de Y Gabriel.

Appels

Appel a été interjeté par:

X Jean-Claude, le 26 mai 1983;

Y Gabriel, le 26 mai 1983;

L'association Z le 26 mai 1983;

Le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris, le 26 mai 1983, contre les deux prévenus;

Décision

Rendue après en avoir délibéré, conformément à la loi:

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par Y Gabriel, X Jean Claude et l'association Z, ainsi que par le Ministère public à l'encontre du jugement déféré;

Se référant à ce jugement pour l'exposé des faits;

Considérant qu'à l'audience, X expose dans quelles conditions il a été amené à prendre la direction de l'association Z qui fonctionne toujours; qu'il fait valoir que la publicité a été élaborée par Y de sa propre initiative, alors que lui-même, n'exerçait que des fonctions théoriques de président; que, par voie de conclusions, il sollicite sa relaxe du chef de publicité mensongère en reprenant devant la cour les moyens d'irrecevabilité qu'il avait soutenus en première instance; que, subsidiairement, il demande à la cour de déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'Ordre des avocats de la Cour d'appel de Paris et de l'en débouter;

Considérant qu'en ce qui le concerne, Y ne comparait pas; qu'il échet de statuer par défaut à son endroit;

Considérant enfin que, de son côté, et par voie de conclusions également, l'Ordre des avocats à la Cour d'appel de Paris sollicite la confirmation de la décision attaquée;

Considérant pour ce qui a trait à la régularité des poursuites, que X soutient que la procédure suivie sur la base de l'article 44 - II de la loi du 27 décembre 1973 nécessite des procès-verbaux de constatations; que faute de les relever en l'espèce, les poursuites devraient être déclarées nulles;

Considérant que cette argumentation ne saurait être accueillie et qu'il résulte des pièces du dossier de procédure que les procès-verbaux d'enquête établis ont été conformes aux règles du droit commun qui doivent s'appliquer ici, aucune dérogation spécifique n'y étant apportée par le texte susvisé;

Considérant que, pour les mêmes raisons, il y a lieu de rejeter le second moyen de défense, selon lequel les dispositions répressives de la loi du 27 décembre 1973 ne sauraient être appliquées au représentant légal d'une association à but non lucratif, telle que l'association Z;qu'en dépit d'une décision isolée et rendue dans des circonstances très particulières par le Tribunal correctionnel de Lyon, dans une espèce mettant en cause le bâtonnier de l'Ordre des avocats, il y a lieu de dire que le texte réprimant le délit de publicité mensongère est de portée générale, notamment en ce qui concerne la qualité du prévenu qui peut être un simple particulier n'exerçant aucun négoce ou, comme en l'espèce, une association non lucrative qui ne réalise aucun bénéfice;

Considérant sur la réalité de l'infraction commise, qu'il résulte de la procédure comme des débats que, par des motifs pertinents qui sont à adopter, les premiers juges ont exactement apprécié les circonstances de la cause, en retenant les prévenus dans les liens de la poursuite; qu'au reste, X admet fort bien le caractère très excessif et mensonger de la publicité dont Y aurait, selon lui, pris l'initiative de diffuser, et qu'il appartenait à X, en sa qualité de dirigeant, de contrôler; que le jugement sera donc confirmé sur la culpabilité des deux prévenus sur le fondement de la loi du 27 décembre 1973;

Considérant en répression qu'eu égard aux indications qui précèdent, il échet de modérer la peine infligée à X, mais de faire à Y une application moins indulgente de la loi pénale, ainsi qu'il le sera précisé dans le dispositif ci-après;

Considérant que le tribunal a également, à juste titre, déclaré les prévenus coupables d'avoir enfreint les dispositions de l'article 144 § 2° du Code pénal, en raison de la nature du cachet apposé sur les documents de l'association Z;

Considérant en revanche, s'agissant des infractions qui leur sont reprochées sur la base du Code des assurances, que la cour ne relève en l'espèce aucun agissement répréhensible à la charge de l'association Z dans le fait, pour cet organisme, d'avoir conclu un contrat avec une compagnie régulière d'assurance - à savoir la société d'assurance La Défense civile (SA) - aux fins de faire bénéficier les adhérents de l'association de la couverture d'un risque, l'assureur se chargeant de la défense des intérêts desdits membres; que l'association qui s'entremet, dans de telles conditions, avec une compagnie d'assurances pour établir un contrat collectif de cette nature, ne peut être tenue pour exercer elle-même une activité nécessitant les formalités et habilitations que le Code des assurances exige de la part de ceux qui font des opérations proprement dites d'assistance ou de présentation d'assurance; qu'on ne peut donc relever, en l'espèce ni le délit prévu par les articles L. 321-1 et L. 328-15 ni la contravention prévue à l'article R. 511-7 dudit Code des assurances; qu'une relaxe partielle interviendra sur ce point;

Considérant sur les intérêts civils, que la juridiction de premier degré a exactement évalué le montant du préjudice éprouvé par Mme Cabot et Mme Dumonteil;

Considérant, que, dans les conclusions visées ci-dessus, X invoque l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'Ordre des avocats à la Cour d'appel de Paris; qu'il soutient que l'ordre n'ayant pas dans ses statuts la mission de défendre les consommateurs et n'ayant subi aucun préjudice direct, n'a pas qualité pour agir;

Considérant néanmoins, contrairement à ce qui est exposé par le prévenu, que l'action civile peut, dans ce domaine, être exercée dans les conditions du droit commun, par toute personne ayant subi un préjudice du fait d'une publicité mensongère; qu'on ne saurait déduire des dispositions légales une exclusivité pour agir au profit des seules associations ayant pour objet statutaire la défense des intérêts des consommateurs;

Considérant au fond, comme l'a relevé à bon droit le tribunal, que l'affirmation fausse d'un réseau de 600 avocats gratuits (alors que l'association Z n'était en rapport qu'avec quelques avocats: cote 24) lèse les intérêts collectifs de la profession d'avocat que l'ordre a pour attribution de défendre, en laissant entendre qu'un grand nombre d'avocats participeraient gratuitement et apporteraient leur caution morale à une opération douteuse, échappant à tout contrôle déontologique; que, par ailleurs, la publicité effectuée par l'association Z constitue, en raison de ses affirmations mensongères, une concurrence à l'égard de l'ensemble du Barreau de Paris, tenu, lui, à des règles strictes d'interdiction de publicité par son règlement intérieur, et est la source d'un préjudice; que les allégations fausses étaient bien de nature, ainsi qu'en ont décidé les premiers juges, à porter atteinte à la dignité et aux intérêts légitimes de la profession d'avocat;

Considérant en conséquence qu'il convient de confirmer la décision attaquée, par laquelle l'Ordre des avocats a été reçu en sa constitution de partie civile et les prévenus condamnés solidairement à verser à cet ordre la somme d'un franc à titre de dommages-intérêts pour réparation de son préjudice;

Considérant enfin que la même confirmation interviendra en ce qui concerne la constitution de l'Organisation générale des consommateurs "ORGECO";

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par défaut pour YA, l'ORGECO et Dumonteil, et contradictoirement vis-à-vis des autres parties; En la forme: Reçoit les appels; Au fond: Infirmant partiellement le jugement entrepris, relaxe les prévenus des chefs du délit et de la contravention prévus par le Code des assurances; Confirme sur les culpabilités des chefs du délit de publicité mensongère (loi du 27 décembre 1973) et de l'infraction prévue à l'article 144-2° du Code pénal; Confirme également sur les publications ordonnées; Infirme en répression et condamne: 1°) - X Jean-Claude à trois mois d'emprisonnement avec sursis et vingt mille francs d'amende (20 000 F); 2°) - Y Gabriel à six mois d'emprisonnement avec sursis et trente mille francs d'amende (30 000 F); Confirme le jugement sur les intérêts civils; le confirme également sur la déclaration de l'association Z comme civilement responsable; Y ajoutant, condamne solidairement les deux prévenus à payer à Mme Cabot Suzanne la somme de 1 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Rejette toutes conclusions contraires; Condamne Y et X, chacun à la moitié des dépens, ceux d'appel étant liquidés à la somme de 828 F, en ce compris les droits de poste et forfaitaire (72 + 125 F); Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps, s'il y a lieu de l'exercer. Après avoir prononcé cette condamnation, le président a formulé l'avertissement prévu par l'article 737 du Code de procédure pénale.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site