CA Paris, 7e ch. A, 6 janvier 1993, n° 91-5869
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Belhaj
Défendeur :
Valem Aucar (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ribettes
Conseillers :
Mmes Sauteraud, Aldige
Avoués :
Mes Bernabe, Ricard, Fisselier Boulay Chilloux
Avocats :
Mes Baroukh, Berthod.
A la suite du vol, le 02/06/1989, de la camionnette Mercedes louée par M'Hammed Belhaj -exerçant sous l'enseigne commerciale des Etablissements Sonia- le 30/05/1989 à la société Valem Aucar, celle-ci a assigné M. Belhaj en paiement, notamment, de la somme de 146 788,89 F, représentant la valeur du véhicule et les frais de location avec intérêts à compter du 02/11/1989, date de l'assignation et 10 000 F de dommages-intérêts.
Un jugement du 21/12/1990 du Tribunal de commerce de Paris a mis Mme Belhaj hors de cause, a déclaré que la responsabilité de M. Belhaj était engagée, a condamné M. Belhaj, exploitant sous l'enseigne "Sonia" à payer à la société Valem Aucar 146 788,89 F au principal, avec intérêts légaux, à compter du 22/08/1990, date de la nouvelle assignation, au motif que s'il était effectif que les conditions générales figurant au verso du contrat de location étaient imprimées en lettres grisées claires et en petits caractères extrêmement difficiles à lire, M. Belhaj ne pouvait, cependant prétendre ignorer cette disposition, en raison de la mention en lettres rouges majuscules apparentes portée sur le contrat au-dessus de la signature du locataire et de celle en majuscules figurant sur le constat de mise à disposition à côté de la signature du locataire ; le tribunal a condamné M. Belhaj à 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, débouté la société Valem Aucar de sa demande de dommages-intérêts et ordonné l'exécution provisoire sur le principal seulement.
M'Hammed Belhaj a interjeté appel.
Il conclut à l'infirmation du jugement, en soutenant que sa responsabilité ne saurait être engagée et en demandant de constater qu'il n'avait pu prendre connaissance des conditions générales du contrat de location et, notamment, de l'article 7, figurant au verso dudit contrat, signé au recto, cette clause étant peu apparente et de surcroît illisible, qu'au surplus, il ne peut être considéré comme un "professionnel" à l'égard de la société Valem Aucar, étant un professionnel d'une autre spécialité.
Subsidiairement, il fait valoir, s'il était fait application de l'article 7, que les conditions permettant d'engager sa responsabilité ne sont pas remplies, compte tenu du fait qu'il ne reconnaît pas avoir laissé les documents visés par l'article 7 dans le véhicule, à l'exception d'une copie de carte grise et n'avoir jamais été en possession de l'attestation d'assurance, de l'original de la carte grise et du talon de vignette.
Il demande, dans tous les cas, de débouter la société Valem, de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer 12 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Valem Aucar conclut à la confirmation du jugement et au mal fondé des demandes de M. Belhaj, exerçant sous l'enseigne "Sonia".
Dans ses dernières écritures, M. Belhaj indique que la société Valem a fait procéder à une réimpression en bleue des conditions générales de location, plus lisible mais dont le chapitre ayant trait au vol du véhicule "n'apparaît pas de manière immédiate au consommateur et que les simples photocopies certifiées conformes remises par la société Valem à M. Belhaj, lors de la location, ne sont pas en accord avec la législation routière, qui fait obligation au conducteur de présenter des documents en original, sous peine de sanction pénale.
Cela exposé, LA COUR
Considérant que le 30/05/1989, M'Hammed Belhaj commerçant, sous l'enseigne "Etablissements Sonia", a souscrit auprès de la société Valem Aucar un contrat de location d'une camionnette type Mercedes, immatriculée 9331 LX 93 ;
Considérant que, le 02/06/1989, M. Belhaj portait plainte au commissariat de police de Franconville (95) pour vol de ce véhicule, commis dans la nuit précédente dans un parking privé, rue des Morillons à Franconville ;
Qu'il ressort de la facture délivrée à M. Belhaj par la société Valem Aucar que la clé lui a été remise par le client, le 02/06/1989 à 12 H 30, sans les papiers et que les papiers ont été laissés à l'intérieur du véhicule ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande de paiement de la valeur du véhicule, la société Valem invoque les conditions générales du contrat et, en particulier, l'article 7, figurant au verso du contrat de location signé par M. Belhaj mettant, notamment, à la charge du loueur, le vol du véhicule, si le loueur ne restitue pas les clés et les titres de circulation ainsi que le contrat de mise à disposition du véhicule, également signé par M. Belhaj ;
Que M. Belhaj oppose, notamment, le caractère illisible de ces conditions et le fait que l'article 7 est "noyé" dans le contrat ;
Considérant que si la lecture des conditions générales du contrat, imprimées en caractères gris, apparaît peu aisée, elle n'est, toutefois, pas impossible, comme le prétend l'appelant ;
Que les mots :
- Article 7 Assurances"
- " A l'égard des tiers "...
- " Le véhicule loué "
sont écrits en caractères majuscules, gras et plus grands que le reste de l'article 7 ;
Que la société Valem a attiré, par deux fois, l'attention de M. Belhaj sur l'importance des conditions de location :
- dans le contrat lui-même, au recto des conditions générales où il est porté en lettres rouges majuscules apparentes : " Je reconnais avoir pris connaissance des conditions de location figurant au verso et les avoir acceptées dans leur intégralité " ;
Qu'il appartenait à M. Belhaj, comme l'indique justement le tribunal, d'en prendre connaissance et, s'il ne pouvait les lire, de demander des explications ou de se les faire lire ;
- dans un constat de mise à disposition du véhicule, il est mentionné en caractères noirs majuscules, à côté, de la signature du locataire : "Ne laisser ni clés, ni documents à l'intérieur du véhicule votre responsabilité est engagée en cas de vol " ;
Que M. Belhaj ne peut prétendre ne pas avoir lu ces dispositions apparentes et en gros caractères, qui ont nécessairement du attirer son attention ;
Qu'il ne saurait valablement opposer que la clause de l'article 7 est "abusive", le contrat étant souscrit entre deux commerçants, deux professionnels et M. Belhaj reconnaissant être un loueur habituel de la société Valem Aucar,que la jurisprudence relative au "professionnel d'une autre spécialité" en matière de protection du consommateur, dans le cadre de la loi du 10/01/1978 et du décret du 24/03/1978, n'est donc pas applicable en l'espèce ;
Considérant qu'il importe peu, d'une part, que M. Belhaj ait laissé ou non les documents dans le véhicule, dès lors qu'il n'a pas été en mesure de les restituer à la société Valem, comme lui en faisait obligation l'article 7 et, d'autre part, que les documents, qui lui ont été remis par ladite société, aient été de simples photocopies certifiées conformes, dès lors qu'il résulte de l'article 1er de l'arrêté du 31/12/1987 du ministère de l'Intérieur, qu' " est autorisé la présentation, à toute réquisition des agents de l'autorité compétente, de la photocopie certifiée conforme des cartes grises des véhicules de location " ;
Considérant que c'est, donc, à bon droit que le tribunal a estimé que la responsabilité de M'Hammed Belhaj était engagée ;
Considérant qu'il résulte des documents produits par la société Valem Aucar et non contestés par M. Belhaj, que le préjudice de cette société s'établit de la manière suivante :
- valeur du véhicule loué et accessoires 144 690,58 F
- facture de location 2 098,31 F
soit au total 146 788,89 F
somme à laquelle il y a lieu de condamner M. Belhaj, avec intérêts légaux à compter du 22/08/1990, date de l'assignation;
Qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à M. Belhaj.
Par ces motifs, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Déboute les parties de leurs autres demandes ; Condamne M'Hammed Belhaj aux dépens d'appel ; Admet la SCP Fisselier Chiloux Boulay, avoué au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.