Cass. crim., 23 janvier 2001, n° 00-82.000
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Roman
Rapporteur :
Mme Mazars
Avocat général :
M. Di Guardia
Avocats :
SCP Parmentier, Didier, SCP Vier, Barthélemy.
Rejet du pourvoi formé par G Alain, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 3 février 2000, qui, pour détention de vin falsifié et détention de produit propre à effectuer la falsification du vin, l'a condamné à 50 000 francs d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR: - Vu les mémoires produits, en demande et en défense; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation du règlement CEE n° 822-87 du 16 mars 1987, des articles L. 213-1, L. 213-4 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale:
" en ce que Alain G a été déclaré coupable des délits de détention de boisson falsifiée et de détention de produit propre à effectuer la falsification de boisson et a été condamné à une amende de 50 000 francs;
" aux motifs que toute falsification d'un produit implique le recours à une manipulation ou à un traitement illicite ou non conforme à la réglementation en vigueur, de nature à en altérer la constitution physique; le sucrage du vin est licite, mais à la condition de respecter certaines limites légales et réglementaires et d'avoir été précédé d'une déclaration dans laquelle le viticulteur annonce son intention à l'administration fiscale et décrit avec précision les moûts concernés, la quantité de sucre ajoutée et les jours et les heures des opérations projetées; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que Alain G a procédé, sans aucune autorisation préalable, à la chaptalisation de 250 hectolitres de moût à l'aide de 460 kilogrammes de sucre acquis sans qu'il ait déclaré cet achat; le produit ainsi obtenu n'est susceptible de recevoir ni l'appellation "AOC Gaillac Rouge", ni celle de "Vins de Pays", puisque le sucrage des vins de pays est interdit dans le Tarn; que, contrairement à ce que soutient le prévenu, le sucre est bien un produit pouvant servir à la falsification du vin, puisque son usage est strictement réglementé par les textes en vigueur en la matière; Alain G qui est un professionnel expérimenté, en était d'ailleurs parfaitement conscient, ainsi que le démontrent ses agissements illicites; il ne saurait alléguer sérieusement que les 145 sacs de sucre découverts par les agents verbalisateurs étaient destinés à sa consommation personnelle; la présence chez un viticulteur d'une telle quantité de ce produit, acquis sans facture, transporté à son exploitation sans titre de mouvement et n'ayant pas été mentionné dans la déclaration de stock, ne peut s'expliquer que par l'intention de procéder à des opérations de chaptalisation clandestines; le fait que la remise dans laquelle le sucre a été stocké ne dépende pas du domaine vinicole proprement dit, mais appartienne à la mère du prévenu est sans incidence en l'espèce, puisque ce local avait été laissé à la disposition de Alain G, qui pouvait y accéder librement;
" alors, d'une part, que le délit de falsification de boissons par chaptalisation suppose l'ajout de sucre dans des proportions interdites par la réglementation en vigueur; qu'en l'espèce, Alain G avait fait valoir que la chaptalisation qu'il avait effectuée était conforme au règlement CEE n° 822-87 du 16 mars 1987, au décret du 23 octobre 1970 relatif à l'appellation et à l'arrêté du 16 novembre 1998 relatif aux conditions de production de certains vins à appellation d'origine contrôlée de la récolte de 1998 et qu'il n'avait en rien altéré la nature du vin ou ses qualités substantielles; qu'en se bornant à retenir, pour considérer que le délit de détention de boisson falsifiée était constitué, que Alain G avait procédé sans autorisation à la chaptalisation de 250 hectolitres de moût à l'aide de 460 kilogrammes de sucre acquis sans qu'il ait déclaré cet achat, sans expliquer dans quelle mesure les ajouts reprochés à Alain G étaient contraires à la réglementation en vigueur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale;
" alors, d'autre part, que le sucre n'est pas, par nature, un produit propre à provoquer une falsification du vin, son emploi étant expressément autorisé; qu'en affirmant que le sucre est un produit pouvant servir à la falsification du vin, puisque son usage est strictement réglementé par les textes en vigueur en la matière sans rechercher en quoi concrètement en l'espèce le sucre avait servi à la falsification du vin, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale ";
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation du règlement CEE n° 822-87 du 16 mars 1987, des articles L. 213-1, L. 213-4 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale:
" en ce que Alain G a été déclaré coupable des délits de détention de boisson falsifiée et de détention de produit propre à effectuer la falsification de boisson et a été condamné à une amende de 50 000 francs;
" aux motifs que toute falsification d'un produit implique le recours à une manipulation ou à un traitement illicite ou non conforme à la réglementation en vigueur, de nature à en altérer la constitution physique; le sucrage du vin est licite, mais à la condition de respecter certaines limites légales et réglementaires et d'avoir été précédé d'une déclaration dans laquelle le viticulteur annonce son intention à l'administration fiscale et décrit avec précision les moûts concernés, la quantité de sucre ajoutée et les jours et les heures des opérations projetées; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que Alain G a procédé, sans aucune autorisation préalable, à la chaptalisation de 250 hectolitres de moût à l'aide de 460 kilogrammes de sucre acquis sans qu'il ait déclaré cet achat; le produit ainsi obtenu n'est susceptible de recevoir ni l'appellation "AOC Gaillac Rouge", ni celle de "Vins de Pays", puisque le sucrage des vins de pays est interdit dans le Tarn; que, contrairement à ce que soutient le prévenu, le sucre est bien un produit pouvant servir à la falsification du vin, puisque son usage est strictement réglementé par les textes en vigueur en la matière; Alain G qui est un professionnel expérimenté, en était d'ailleurs parfaitement conscient, ainsi que le démontrent ses agissements illicites; il ne saurait alléguer sérieusement que les 145 sacs de sucre découverts par les agents verbalisateurs étaient destinés à sa consommation personnelle; la présence chez un viticulteur d'une telle quantité de ce produit, acquis sans facture, transporté à son exploitation sans titre de mouvement et n'ayant pas été mentionné dans la déclaration de stock, ne peut s'expliquer que par l'intention de procéder à des opérations de chaptalisation clandestines;
" alors que, d'une part, l'article L. 213-4 du Code de la consommation réprime notamment la détention de boisson falsifiée et de produit propre à effectuer la falsification; que toute falsification implique le recours à une manipulation ou à un traitement illicite ou non conforme à la réglementation en vigueur de nature à en altérer la constitution physique; que les juges du fond ont déduit que Alain G détenait une boisson falsifiée de la seule circonstance qu'il avait procédé sans autorisation à la chaptalisation de 250 hectolitres de moût à l'aide de sucre acquis sans avoir déclaré cet achat; et qu'il détenait un produit propre à effectuer la falsification de la seule détention de sucre non déclaré; qu'en se déterminant de la sorte sans relever aucune manipulation illicite sur les vins incriminés et en déduisant la falsification du seul défaut d'autorisation, laquelle n'est de surcroît pas requise, et de déclaration d'achat, infraction réprimée par les articles 1791, 1794-4 et 1804 du Code général des impôts, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de condamner Alain G pour l'infraction prévue et sanctionnée par l'article L. 213-4 du Code de la consommation;
" alors que, d'autre part, si l'enrichissement du vin est soumis par les articles 23-2 du règlement CEE n° 822-87 du 16 mars 1987 et 2 du règlement CEE n° 2240-89 à une déclaration préalable, aucune autorisation préalable n'est acquise; qu'en condamnant Alain G au motif qu'il avait procédé sans autorisation à la chaptalisation de 250 hectolitres de moût et en déduisant qu'il détenait de la sorte une boisson falsifiée, la cour d'appel s'est fondée sur un motif inopérant et a violé les textes susvisés, dont, par fausse application, l'article 213-4 du Code de la consommation "; les moyens étant réunis;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'un contrôle effectué, en septembre 1998, par la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes et les agents des Douanes, Alain G, gérant d'une société exploitant un domaine viticole, est poursuivi pour détention de vin falsifié et de produit propre à effectuer la falsification du vin;
Attendu que, pour le déclarer coupable des délits, les juges, après avoir constaté que le prévenu avait acheté clandestinement 3 360 kg de sucre, a été trouvé détenteur de 2 900 kg de cette substance et a reconnu en avoir utilisé 460 kg pour obtenir 180 hectolitres de vin devant être commercialisé sous l'appellation d'origine contrôlée Gaillac rouge, relèvent que l'intéressé n'a effectué, pour l'année concernée, ni déclaration d'entrée de sucre, ni déclaration préalable de chaptalisation et n'a porté aucune mention sur le registre de détention et de manipulation des produits enrichissants;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a caractérisé en tous leurs éléments les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable; qu'en effet la falsification d'un produit est constituée par le recours à un traitement illicite et non conforme à la réglementation en vigueur de nature à en altérer la substance; que tel est le cas de l'adjonction de sucre au moût de raisin considérée frauduleuse, par application des articles 3 et 4 du décret du 21 novembre 1972, lorsqu'elle est effectuée en dehors des conditions prévues par les articles 19 à 23 du règlement 822-87 CEE du 16 mars 1987, et notamment sans déclaration préalable à l'autorité compétente; d'où il suit que les moyens ne sauraient être admis;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 4, 591 et 593 du Code de procédure pénale:
" en ce que l'arrêt a condamné Alain G à verser à l'INAO la somme de 53 856 francs de dommages-intérêts;
" aux motifs que le prévenu est à la tête d'un des domaines viticoles les plus importants du Gaillacois; la falsification à laquelle il s'est livrée est de nature à jeter la suspicion sur la qualité des vins de Gaillac AOC et de causer ainsi une atteinte importante au bon renom de ces produits;
" alors que l'action civile en réparation du préjudice découlant d'une infraction n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction poursuivie; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a, à aucun moment, retenu que Alain G avait effectué une chaptalisation dans des proportions interdites par la réglementation en vigueur; qu'en affirmant de manière abstraite qu'il avait jeté la suspicion sur la qualité des vins de Gaillac AOC et avait causé une atteinte au renom de ces produits sans expliquer concrètement en quoi une suspicion avait été jetée sur la qualité des vins et sur leur renom, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ";
Attendu que, pour allouer des dommages-intérêts à l'Institut national des appellations d'origine, constitué partie civile, la juridiction du second degré prononce par les motifs repris au moyen;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision; que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Rejette le pourvoi.