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Décisions

Cass. crim., 28 septembre 1999, n° 98-88.019

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

M. Blondet

Avocat général :

M. Lucas

Avocats :

SCP Guiguet, Bachellier, De La Varde.

TGI Toulon, ch. corr., du 26 mars 1996

26 mars 1996

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par F Nicole, épouse A, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 3 novembre 1998, qui, pour tromperie, l'a condamnée à 10 000 francs d'amende, et a ordonné la publication et l'affichage de la décision ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 592 du Code de procédure pénale et 41-12 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 tel que modifié par la loi organique n° 98-105 du 24 février 1998 ;

"en ce que l'arrêt attaqué mentionne que "M. Fomerand, candidat aux fonctions de conseiller en service extraordinaire, a siégé en surnombre et participé avec voix consultative au délibéré" sans préciser si, préalablement à l'accomplissement de son stage en juridiction, ce candidat avait prêté serment dans les conditions prévues à l'article 6 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ;

"alors que tout jugement ou arrêt doit établir la régularité de la composition de la juridiction qui l'a rendu" ;

Attendu qu'aucun texte n'exige que la prestation de serment du conseiller en service extraordinaire qui participe, pour sa formation, avec voix consultative, au délibéré de la cour d'appel, soit mentionnée dans l'arrêt ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 121-3, 132-2 du Code pénal, 121-1, 213-1 du Code de la consommation, 2-1 de la directive communautaire du 10 septembre 1984 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Nicole A coupable de tromperie et de publicité de nature à induire en erreur ;

"aux motifs que le tribunal a justement relevé que l'examen attentif des étiquettes utilisées par Nicole A pour commercialiser l'huile d'origine communautaire et la différencier de l'huile de sa propre production ne permettait pas au consommateur de distinguer clairement les deux produits ; que la différence ne pouvait apparaître aux yeux d'un acheteur peu averti puisqu'elle était seulement manifestée par une inscription fort peu lisible, imprimée en lettres noires sur un fond vert foncé, mentionnant seulement le sigle "CEE" suivi du Code "F004" ; que le tribunal a justement estimé que cette mention hermétique créait, à tout le moins, une équivoque sur l'origine de l'huile ainsi commercialisée, aucune mention n'indiquant clairement qu'il s'agissait d'huile produite dans d'autres pays de la CEE et qui n'était pas le fruit de la production "maison" de l'huilerie X ; qu'à cet égard, la mention "sélection des meilleurs productions méditerranéennes" n'était pas plus éclairante pour le consommateur alors que le Moulin X est situé dans une région méditerranéenne, que le panneau qui annonce sa présence au public "huilerie d'olives - moulin X - produits régionaux" ; qu'ainsi, et même en l'absence d'une réglementation précise, il apparaît que l'étiquetage ainsi utilisé était de nature à tromper ou induire en erreur les consommateurs sur la nature et les qualités substantielles du produit vendu, de sorte qu'il convient de retenir Nicole A dans les liens de la prévention ;

1)"alors qu'un même fait ne peut donner lieu à une double déclaration de culpabilité ; qu'en retenant que l'étiquetage utilisé par Nicole A pour commercialiser l'huile d'olive d'origine communautaire caractérisait à la fois le délit de tromperie et celui de publicité trompeuse en ce qu'il était, selon elle, de nature à tromper ou induire en erreur les consommateurs sur la nature et les qualités substantielles du produit vendu, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus énoncé ; 2 )"alors que, si l'étiquette d'un produit, destinée à l'identifier, peut servir de support publicitaire, elle ne constitue pas en soi une publicité ; qu'en affirmant, pour déclarer Nicole A coupable de publicité trompeuse, que l'étiquetage utilisé pour commercialiser l'huile d'olive d'origine communautaire n'indiquait pas de façon suffisamment lisible et explicite l'origine de ce produit, ce qui ne permettait pourtant pas d'assimiler cet étiquetage à une publicité, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ; 3 )"alors que, pour être punissable, la tromperie doit résulter d'une intention frauduleuse ; qu'en se fondant seulement, pour déclarer Nicole A coupable de tromperie, sur la circonstance que les étiquettes qu'elle apposait sur les bouteilles d'huile d'olive de provenance communautaire n'indiquaient pas de façon suffisamment lisible et explicite cette origine, ce dont il ne résultait pas qu'elle ait volontairement cherché à tromper les acheteurs sur la nature et les qualités substantielles de cette huile, la cour d'appel, qui constatait par ailleurs qu'il n'existait aucune réglementation précise en la matière, ce qui excluait que la prévenue ait délibérément méconnu une prescription légale ou réglementaire, n'a pas donné une base légale à sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 15 décembre 1993, des fonctionnaires du service de la répression des fraudes ont constaté que Nicole A, négociant moulinier à l'enseigne du "Moulin X, Huilerie d'olives, produits régionaux", à la Cadière d'Azur, commercialisait dans une boutique située au-dessus de son moulin, non seulement sa production artisanale, mais, en quantités plus importantes, des huiles provenant d'autres Etats de la Communauté européenne, qu'elle proposait à la vente sous un étiquetage comportant, d'une part, à l'intérieur du dessin stylisé d'un moulin, en caractères très apparents, les dénominations commerciales "Moulin X", et "A - Négociant Moulinier", ainsi que le blason d'un moulin et d'une branche d'olivier, d'autre part, à l'extérieur de ce dessin, en caractères peu apparents, l'indication selon laquelle "cette huile d'olive" était "une sélection des meilleures productions méditerranéennes", et la mention "CEE" ;

Attendu que, pour déclarer Nicole A coupable du seul délit de tromperie, les juges du second degré se prononcent par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, caractérisant l'élément moral de la tromperie, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;d'où il suit que le moyen, qui manque en fait en ses deux premières branches, ne saurait être accueilli ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, second alinéa, du Code pénal, L. 121-1, L. 121-4, L. 213-1 et L. 216-3 du Code de la consommation ;

"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré Nicole A coupable de publicité trompeuse et de tromperie, a, notamment, ordonné aux frais de celle-ci, l'affichage de la décision aux portes du magasin pendant 15 jours ;

"alors que la durée maximale de la peine complémentaire d'affichage, qui peut être prononcée pour tromperie, mais non pour publicité trompeuse, ne saurait excéder 7 jours" ;

Vu les articles 111-3 du Code pénal et L. 216-3 du Code de la consommation ;

Attendu que les juges ne sauraient prononcer une peine d'une durée supérieure à celle fixée par la loi ;

Attendu que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel, après avoir déclaré la prévenue coupable de tromperie, a, notamment, ordonné l'affichage de la décision aux portes du magasin pendant 15 jours ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le temps pendant lequel l'affichage doit être maintenu ne peut, aux termes de l'article L. 216-3 du Code de la consommation, excéder 7 jours, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;d'où il suit que la cassation est encourue ;qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs, Casse et annule, en ses seules dispositions relatives à la durée de l'affichage, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 3 novembre 1998 ; Fixe cette durée à 7 jours ; Dit n'y avoir lieu à renvoi ; Ordonne l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.