Ministre de l’Économie, 19 novembre 2003, n° ECOC0400150Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseil de la société Pinguely
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maître,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 16 octobre 2003, vous avez notifié l'acquisition par le groupe Pinguely-Haulotte (ci-après " Pinguely "), auprès de la société Locamion, de la totalité du capital et des droits de vote de la société Lev SA (ci-après " Lev "). Cette acquisition a été formalisée par un contrat de cession d'actions en date du 17 septembre 2003.
I. - Les entreprises concernées et l'opération
Pinguely fabrique et vend des engins élévateurs et du matériel de terrassement. Pinguely est active principalement dans la fabrication et la vente de plates-formes et nacelles élévatrices ([85-95] % de son chiffre d'affaires) et exporte plus des trois quarts de sa production par l'intermédiaire de filiales de distribution. Pinguely a réalisé en 2002 un chiffre d'affaires mondial consolidé de 200,6 millions d'euros, dont 48,8 millions réalisés en France et 140,1 millions dans le reste de l'Union européenne.
Lev est une société anonyme qui loue des engins élévateurs à des professionnels. Lev possède 28 agences de location et de maintenance. Lev a réalisé en 2002 un chiffre d'affaires mondial de 22,9 millions d'euros, intégralement dans l'Union européenne, dont 22,8 millions en France.
Cette opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Elle ne revêt pas une dimension communautaire telle que définie dans le règlement (CE) n° 4064-89 du 21 décembre 1989. Compte tenu des chiffres d'affaires précités, elle est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce, relatives à la concentration économique.
II. - La définition des marchés
Marchés de produits
L'opération concerne d'une part l'activité de fabrication et de vente d'engins élévateurs et d'autre part la location de ces mêmes engins.
S'agissant de la production et de la commercialisation d'engins élévateurs, le ministre a pu distinguer, dans une décision précédente, d'une part le marché des nacelles et plates-formes élévatrices automotrices et d'autre part le marché des nacelles et plates-formes élévatrices tractées (1).
Les parties souscrivent à cette distinction mais considèrent que les chariots télescopiques automoteurs peuvent être rapprochés des nacelles automotrices et font partie du marché des engins élévateurs automoteurs. Outre le fait que ces deux types de matériels sont dotés d'une capacité de déplacement, et bien que l'un soit plutôt destiné à l'élévation de charges (chariot) alors que l'autre est plutôt utilisé pour l'élévation de personnel (nacelle), une certaine substituabilité tant du côté de l'offre (remplacement des fourches par un panier) que de la demande (hauteurs atteintes, clients, prix et travaux comparables) peut être observée pour accréditer ce point de vue. Le test de marché a toutefois fait état d'une possible distinction fondée sur la polyvalence du chariot télescopique par rapport à la nacelle. Cette question peut toutefois être laissée ouverte dans la mesure où, quel que soit le marché retenu, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
L'activité de location consiste à mettre en relation des professionnels qui, d'un côté, proposent une gamme de produits et de services associés (assistance réparation, éventuellement mise à disposition de personnel qualifié) et, de l'autre, louent ces engins généralement pour de courtes périodes (utilisateur final de type entreprise de bâtiment par exemple).
D'après les parties, il n'y a pas lieu de distinguer au sein du marché de la location entre les différents types d'engins offerts à la location puisque, d'une part, un client demande une fonction et non pas un engin en particulier et que, d'autre part, les sociétés de location proposent tous types d'engins. Cette question peut également être laissée ouverte car, quelle que soit la segmentation retenue, l'appréciation concurrentielle ne sera pas modifiée.
Marchés géographiques
Dans sa décision précitée, concernant les nacelles et plates-formes élévatrices automotrices et tractées, le ministre a considéré un marché correspondant au moins à l'Espace économique européen avec une tendance vers la mondialisation. La question de la dimension géographique du marché de la production et de la commercialisation d'engins élévateurs peut être laissée ouverte puisque, en tout état de cause, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
L'activité de location d'engins élévateurs présente quant à elle des caractéristiques qui ne permettent pas d'envisager une dimension géographique pertinente supranationale dans la mesure où l'essentiel des opérateurs est constitué par des groupes nationaux disposant d'un maillage d'agences couvrant le territoire français.
III. - L'appréciation concurrentielle
Concernant l'activité de production et de commercialisation des engins élévateurs automoteurs, la part des ventes en volume de Pinguely s'élève d'après la partie notifiante à [0-10] % au niveau mondial et à environ [20-30] % pour les seules nacelles élévatrices. Les principaux concurrents sont Terex/Genie, JLG, Manitou ou Manitowoc, qui sont présents sur la même activité que Pinguely de manière comparable voire supérieure en termes de part des ventes selon les dimensions géographiques retenues.
S'agissant de la location d'engins élévateurs, les ventes en volume de Lev s'élèvent d'après la partie notifiante à [0-10] % au niveau français, qui peut être scindée en [0-10] % du parc locatif d'engins automoteurs et en [10-20] % du parc locatif des nacelles tractées (*). Ses principaux concurrents sont Kiloutou, Loxam, Access, Nas'l Salti, Etup'Loc, Euro'Lev ou Zoom avec des parts de vente supérieures ou équivalentes selon les hypothèses.
D'un point de vue horizontal, l'opération ne crée pas de chevauchement, chacune des parties étant présente sur un marché différent de l'autre partie. Dans l'absolu, il ressort des données ci-dessus qu'aucune des parties ne bénéficie d'une quelconque position dominante sur le marché sur lequel elle est présente.
D'un point de vue vertical, l'opération aboutit à une intégration d'une activité amont (la fabrication) avec une activité aval (la location). Cette intégration n'est toutefois pas de nature à porter atteinte à la concurrence, et ce pour plusieurs motifs confirmés par le test de marché.
Il faut tout d'abord constater la taille modeste de Lev sur le secteur de la location, qui est très atomisé. En outre, les sociétés de location représentent [60-70] % de la demande d'engins élévateurs qui s'adresse à Pinguely ; dès lors, ce dernier n'aura aucun intérêt particulier à favoriser sa seule filiale pour écouler sa production. Par ailleurs, il faut noter que Pinguely ne possède pas d'avantage particulier par rapport aux autres fabricants et qu'il est en concurrence avec eux pour l'ensemble des produits. Enfin, il a été confirmé lors du test de marché qu'il est dans l'intérêt des loueurs (2) de s'approvisionner auprès de plusieurs fabricants.
Les loueurs sont ainsi en mesure, et seront en mesure après l'opération, de faire jouer la concurrence entre leurs fournisseurs. Quant aux fabricants concurrents de Pinguely, ils auront toujours à disposition d'autres sociétés de location auxquelles proposer leur production.
En conclusion, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de ma considération distinguée.
(*) Erreur matérielle : lire : " des nacelles sur camions " au lieu de : " des nacelles tractées ".
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.
Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
(1) Opération Terex Corporation-Genie Holding Inc. autorisée par lettre du ministre du 18 septembre 2002 publié au BOCCRF n° 2 du 27 février 2003.
(2) Les loueurs ne sont d'ailleurs pas liés avec les fabricants par des contrats d'exclusivité ou des contrats de longue durée.