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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 29 mai 2001, n° 00-04587

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Perrin; Blandeau; Pierson; Stevenin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Avocat général :

Mme Courcol

Conseillers :

Mme Marie, M. Nivose

Avocats :

Mes Schnerb, Bardet, Delesse, Caussin Zante.

TGI Paris, 31e ch., du 28 avr. 2000

28 avril 2000

Rappel de la procédure:

La prévention:

X Marie-Madeleine épouse A

Y Bernard

sont poursuivis pour avoir à Paris et sur le territoire national, en 1996 et en 1997, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la nature, les qualités substantielles, les propriétés des services qui font l'objet de la publicité, les conditions de leur utilisation, les résultats qui peuvent en être attendus, la portée des engagements, la qualité des prestations en indiquant sur les documents publicitaires diffusés dans la presse, dans des plaquettes, dans les annuaires téléphoniques et sur minitel:

- que l'établissement est agréé par le ministère de la Santé alors qu'aucun agrément n'existe pour ce type d'établissement;

- que de nombreuses structures d'information existent alors qu'elles dépendent toutes des associés de la clinique;

- que les résultats sont garantis alors que l'épilation annoncée comme définitive ne l'est pas;

- que l'élimination radicale des rondeurs rebelles ou l'élimination définitive de la cellulite laissent à désirer;

- que toutes les interventions sont de nature esthétique alors que certaines seraient susceptibles d'être prises en charge par la sécurité sociale,

- que la qualité des praticiens spécialisés est reconnue par tous alors qu'ils n'ont aucune spécialité médicale dans le domaine où ils exercent.

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire,

- a rejeté l'exception de nullité

- a rejeté la demande de sursis à statuer

- a déclaré

X Marie-Madeleine épouse A

Y Bernard

coupables de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis de 1996 à 1977, à Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation

Et par application de ces articles, a condamné

X Marie-Madeleine épouse A à une amende délictuelle de 50 000 F

Y Bernard à une amende délictuelle de 400 000 F

a ordonné aux frais de Mme X et de M. Y la publication du communiqué suivant dans les magazines Télé 7 jours et Santé magazine

"Par jugement du 28 avril 2000, X Marie-Madeleine épouse A, gérante de la SARL "Clinique Z" et Bernard Y, médecin exerçant dans cette clinique et chargé de la communication ont été condamnés pour avoir à Paris et sur le territoire national, en 1996 et en 1997, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la nature, les qualités substantielles, les propriétés des services qui font l'objet de la publicité, les conditions de leur utilisation, les résultats qui peuvent en être attendus, la portée des engagements, la qualité des prestations en indiquant sur les documents publicitaires diffusés dans la presse dans des plaquettes, dans les annuaires téléphoniques et sur le minitel que:

- l'établissement est agréé par le ministère de la Santé alors qu'aucun agrément n'existe pour ce type d'établissement

- que de nombreuses structures d'information existent alors qu'elles dépendent toutes des associés de la clinique

- que les résultats sont garantis alors que l'épilation annoncée comme définitive ne l'est pas, que l'élimination radicale des rondeurs rebelles ou l'élimination définitive de la cellulite laissent à désirer

- que la qualité des praticiens spécialisés est reconnue par tous alors qu'ils n'ont aucune spécialité médicale dans le domaine où ils exercent".

A débouté Claudine Perrin de ses demandes, fins et conclusions

A débouté Thierry Pierson de sa demande d'expertise

A condamné solidairement X Marie-Madeleine épouse A et Y Bernard à payer:

- à M. Thierry Pierson la somme de 15 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du CPP

- à Françoise Blandeau la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts

- à Maryvonne Stevenin la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts

a dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable chaque condamné.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

- M. le Procureur de la République, le 9 mai 2000 contre Monsieur Y Bernard, Madame X Marie-Madeleine

- Madame X Marie-Madeleine le 9 mai 2000 contre Madame Stevenin Maryvonne, Madame Blandeau Françoise, Monsieur Pierson Thierry

- Monsieur Y Bernard le 9 mai 2000 contre Madame Stevenin Maryvonne, Madame Blandeau Françoise, Monsieur Pierson Thierry

- Madame Perrin Claudine le 15 mai 2000 contre Monsieur Y Bernard, Madame X Marie-Madeleine.

Décision:

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par les prévenus Madame Marie-Madeleine X épouse A, Bernard Y, le Ministère public et la partie civile Claudine Perrin auquel il est fait référence pour l'exposé des faits et de la prévention.

Par voie de conclusion conjointes, Madame Marie-Madeleine X et Bernard Y sollicitent, in limine litis, l'annulation de la procédure.

Ils font valoir que les opérations de contrôle effectuées au sein de la clinique Z les 11 décembre 1997, les 22 et 23 janvier 1998 par des médecins inspecteurs de la DASS et des agents de la DGCCRF l'ont été en violation de toutes les dispositions légales en la matière.

Ils soutiennent en effet que les enquêteurs après avoir pourtant constaté que la clinique Z est composée de locaux d'hospitalisation, de bureaux de consultations et de cabines, ont traité cet établissement de soins en oubliant sa spécificité et le secret professionnel qui s'y attache.

Ils exposent que l'Administration ne pouvait avoir accès à des dossiers médicaux, notes ou documents, même partiellement relatifs à des malades, sans agir sous l'autorité et en présence d'un magistrat de l'ordre judiciaire et sans avoir préalablement demandé au président du Conseil de l'Ordre des médecins, ou à son représentant, de se trouver sur place.

Ils soulignent que les dispositions légales résultant de l'article 56-1 et 76 du Code de procédure pénale ont été violées et que par ailleurs si l'article 47 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, qui réglemente certaines pratiques commerciales, prévoit effectivement que les enquêteurs peuvent accéder à tous les locaux et demander la communication de tous documents, l'article 48 de l'ordonnance précitée restreint ce pouvoir de perquisition.

Qu'en effet, aux termes de cet article, "les enquêteurs ne peuvent procéder aux visites en tous lieux, ainsi qu'à la saisie de documents que dans le cadre d'enquêtes demandées par le ministre chargé de l'Economie ou le Conseil de la concurrence et sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter, ou d'un juge délégué par lui";

Que le troisième alinéa précise: "la visite et la saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. Il désigne un ou plusieurs officiers de police judiciaires chargés d'assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement."

Que le 8e paragraphe vise expressément le Code de procédure pénale.

"les inventaires et mises sous scellés sont réalisés conformément aux dispositions de l'article 56 du Code de procédure pénale", ce qui indique que ce sont bien les dispositions du Code de procédure pénale relatives à la perquisition qui s'imposent.

Après en avoir délibéré, la cour, sur réquisitions conformes de Madame l'Avocat général, joint l'incident au fond et statuera, par un seul et même arrêt, sur l'incident et sur le fond.

Par voie de conclusions, Claudine Perrin demande à la cour de:

Confirmer le jugement du 28 avril 2000 en ce qu'il a déclaré Madame X épouse A et Monsieur Y coupables du délit de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur.

Sur les réquisitions de Monsieur l'Avocat général:

Faire application de la loi pénale.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable sa constitution de partie civile.

Infirmer ce jugement sur l'appréciation du préjudice.

Condamner in solidum Madame X épouse A et Monsieur Y à lui payer la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts.

La concluante bénéficiant de l'aide juridictionnelle partielle (15 %), condamner in solidum Madame X et Monsieur Y à lui payer la somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Claudine Perrin soutient en effet qu'elle a été déboutée à tort de ses demandes par le tribunal puisqu'elle s'est adressée à la clinique Z en raison de publicités qui se sont révélées mensongères.

Elle fait ressortir à cet égard les points suivants:

- les annonces présentaient la clinique Z comme travaillant avec une équipe de médecins et chirurgiens spécialistes en esthétique, ce qui s'est révélé inexact dans la mesure où le Docteur 1 qui l'a reçue pour la consultation initiale et le Docteur 2 qui a effectué la lipoaspiration, sont de simples généralistes.

- la teneur du texte publicitaire paru à la rubrique santé-chirurgie esthétique était de nature à tromper le lecteur sur les performances de la chirurgie esthétique en occultant les risques d'échec, la dangerosité potentielle de toute intervention dans le domaine médical, ainsi que les douleurs et les séquelles inévitables.

- en téléphonant à la Cime, elle pensait légitimement s'adresser à un organisme indépendant et obtenir des informations objectives alors qu'en réalité elle s'adressait déjà à la clinique Z et qu'un rendez-vous lui était aussitôt proposé.

Elle fait valoir qu'elle a payé la somme de 42 114,75 F à la clinique pour des prestations dont le résultat s'est avéré catastrophique.

Elle affirme que les conditions de réalisation de ces interventions, l'absence de résultat ainsi que les graves difficultés financières qui en ont été la conséquence ont aggravé un état dépressif préexistant.

Par voie de conclusions Thierry Pierson demande à la cour de réformer la décision entreprise sur le montant des réparations civiles, de condamner solidairement Madame X et Monsieur Y à lui verser la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 15 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel.

Il fait valoir que séduit par une publicité tapageuse, il s'est adressé à la clinique Z, qu'il a accepté de payer la somme totale de 43 250 F pour des interventions dont les résultats escomptés n'ont pas été satisfaisants et qui lui ont laissé divers séquelles et effets secondaires tels qu'énumérés dans ses écritures.

Par voie de conclusions Françoise Blandeau sollicite la cour de:

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Madame X et Monsieur Y coupables des faits qui leur sont reprochés et en ce qu'il a déclaré recevable sa constitution de partie civile,

- l'infirmant sur le quantum des dommages et intérêts alloués,

- condamner solidairement Madame X et Monsieur Y à lui verser la somme de 25 000 F en réparation de son préjudice matériel outre celle de 12 000 F en réparation de son préjudice moral,

- y ajoutant, condamner les prévenus appelants à lui payer la somme de 8 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Les condamner aux entiers dépens.

Elle relate que son attention a été attirée par une publicité tapageuse dans un magazine sur la clinique Z, clinique bénéficiant de "l'agrément du ministère de la Santé", concernant l'épilation définitive et qu'elle a réglé à cet établissement la somme totale de 25 000 F pour une absence totale de résultat.

Maryvonne Stevenin, présente à l'appel des causes, est absente lors des débats. Il sera statué à son égard contradictoirement.

Madame l'Avocat général requiert la cour de confirmer le jugement déféré sur les déclarations de culpabilité ainsi que sur la peine d'amende prononcée à l'encontre de Marie-Madeleine X.

Elle suggère en outre d'ordonner la publication de la décision à intervenir dans quatre journaux ou revues.

Par voie de conclusions conjointes, au fond, Marie-Madeleine X et Bernard Y sollicitent de la cour, par infirmation, leur renvoi des fins de la poursuite.

Ils font valoir que le tribunal a retenu les trois premiers et le dernier griefs des cinq griefs énoncés dans le procès-verbal de délit pour juger constituée l'infraction de publicité mensongère alors qu'un examen plus approfondi des termes et des formulations employés démontre qu'aucun caractère de publicité trompeuse ne peut être retenu.

A. Mention "agréée par le ministère de la Santé"

Ils indiquent que la clinique Z est un établissement de soins autorisé par le ministère de la Santé alors que tant une autorisation qu'un agrément consistent en une approbation émanant d'une autorité et que les deux termes sont synonymes, l'emploi de l'un plutôt que l'autre n'octroyant pas d'avantage particulier, ni de droit supplémentaire.

B. Les structures d'information

Ils exposent les points suivants:

- aucune équivoque n'est possible quant aux qualités de l'annonceur: il s'agit de la clinique Z,

- la centralisation par la clinique, qui est d'ailleurs intervenue bien postérieurement à la création de certaines de ces associations, n'implique pas que l'information soit inexacte, voire mensongère,

- il est manifeste que l'ensemble de la page ou les encarts sont réalisés à l'initiative de la clinique et constituent intégralement des publicités,

- dans leurs déclarations, les médecins associés de la clinique n'ont d'ailleurs pas caché les liens qu'ils entretenaient avec ces structures d'information.

C. Garanties des résultats

Ils avancent les arguments suivants:

- il est aujourd'hui avéré par la littérature scientifique médicale que la suppression des cellules graisseuses ou cellulitiques, par la lipoaspiration ou quelque autre méthode que ce soit, est définitive.

- concernant le traitement de l'épilation, la clinique propose une épilation au laser qui, selon les termes de sa publicité, "détruit directement et définitivement la racine du poil", qui est effectivement définitive puisqu'en aucun cas des poils au laser ne font l'objet d'une repousse.

- si la clinique dans certaines publicités évoque une suppression durable, c'est qu'une deuxième génération de poils peut repousser et nécessiter un nouveau traitement qui supprimera alors ces nouveaux poils.

D. La qualité des praticiens spécialisés

Ils soutiennent que les praticiens de la clinique ont une compétence reconnue qui résulte soit de leurs diplômes, soit de leur expérience consacrée expressément par le Conseil de l'Ordre.

Ils affirment que les autorités chargées de l'enquête se sont appuyées sur l'arrêté du 6 janvier 1994 qui exige la qualité de médecin pour effectuer les actes d'épilation alors que cet arrêté a été modifié par le décret du 4 février 1994 qui autorise l'exercice de certains actes par des étudiants en médecine sous réserve de certaines compétences acquises, ce qui est le cas pour le Docteur 1 qui a obtenu sa thèse de doctorat en médecine en décembre 1997 et Mademoiselle 4, étudiante qui terminait ses études médicales, et ce d'autant que l'épilation au laser est un acte qui peut aujourd'hui être accompli par un technicien sous la responsabilité d'un médecin.

Oralement, et à titre subsidiaire, l'avocat des prévenus appelants sollicite de la cour par infirmation la plus grande indulgence.

Il souligne que cette affaire ancienne concerne des prévenus qui n'ont jamais été condamnés et que 8 plaintes seulement ont été déposées sur 50 000 interventions.

Il propose à la cour d'ordonner, en cas de condamnation, la publication de la décision à titre de peine principale et avec sursis.

Sur ce, LA COUR

Rappel des faits

Le tribunal a complètement et exactement rappelé les circonstances de la cause dans un exposé auquel la cour se réfère expressément.

Il suffit de rappeler que courant décembre 1997 et janvier 1998, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Paris (DGCCRF) effectuait un contrôle au sein de la clinique Z, sise <adresse>à Paris.

Cette opération avait notamment pour objectifs:

* de répondre à une demande d'intervention de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales de Paris qui avait constaté divers dysfonctionnements au sein de l'établissement,

* d'enquêter sur une dizaine de plaintes de clients portant notamment sur le caractère mensonger de la publicité.

A l'issue de ce contrôle, la DGCCRF clôturait et transmettait au Parquet un "procès-verbal de délit" relevant en particulier des publicités de nature à induire en erreur, en violation des dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation.

Les cinq griefs retenus dans ce procès-verbal de délit étaient les suivants:

- "L'indication que l'établissement est agréé par le ministère de la Santé, alors qu'aucun agrément n'existe pour ce type d'établissement;

- de nombreuses structures d'information sont citées dans les publicités alors qu'elles dépendent toutes des associés de la clinique;

- les résultats sont garantis alors que l'épilation annoncée comme définitive ne l'est pas, que l'élimination radicale des rondeurs rebelles ou l'élimination définitive de la cellulite laissent à désirer;

- toutes les interventions sont de nature esthétique alors que certaines seraient susceptibles d'être prises en charge par la sécurité sociale;

- la qualité des praticiens spécialisés est reconnue par tous, alors qu'ils n'ont aucune spécialité médicale dans le domaine où ils exercent".

Il ressortait par ailleurs d'une enquête de police que la clinique Z avait été créée sous la forme à responsabilité limitée par la famille X.

La gérance était assurée, au plan administratif par Marie-Madeleine X épouse A.

Monsieur Bernard Y, associé porteur de parts, avait, avec l'accord des autres associés, mis en place la politique publicitaire de l'entreprise et plus précisément choisi le contenu des argumentaires et les supports sollicités.

De nombreux supports avaient été utilisés: presse magazine, internet, minitel, annuaires téléphoniques. En 1996, son coût global était de plus de 4,8 MF et de près de 10,6 MF en 1997.

Cette politique avait été profitable à la société et entraîné un bénéfice d'exploitation représentant 33 % du chiffre d'affaires en 1996 et de 32 % du chiffre d'affaires en 1997.

Sur l'exception de nullité de la procédure:

Considérant que l'enquête diligentée par la DGCCRF trouve ses origines dans les plaintes de consommateurs faisant état de publicités de la clinique les ayant incités à consulter dans l'établissement;

Que la journée du 15 décembre 1997 a permis de recueillir l'essentiel des publicités critiquées;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-2 du Code de la consommation "Les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes sont habilités à constater, au moyen de procès-verbaux, les infractions aux dispositions de l'article L. 121-1. Ils peuvent exiger de l'annonceur la mise à leur disposition de tous les éléments propres à justifier les allégations, indications ou présentations publicitaires. Ils peuvent également exiger de l'annonceur, de l'agence de publicité ou du responsable du support leur mise à la disposition des messages publicitaires diffusés".

Qu'en l'espèce, et s'agissant des investigations portant sur la publicité, il y a eu, ainsi que souligné à juste titre par les premiers juges, mise à disposition des agents de l'Administration par des représentants de la clinique des éléments propres à justifier les allégations publicitaires conformément aux dispositions de l'article L. 121-2 du Code de la consommation et non perquisition;

Que les opération liées à la publicité n'ont à aucun moment nécessité un quelconque accès aux dossiers médicaux des clients ou à des documents couverts par le secret médical;

Considérant que les investigations ont été régulièrement conduites sans violation des dispositions légales par les fonctionnaires de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes qui ont agi selon leurs pouvoirs propres en matière de publicité trompeuse;

Considérant que par ces motifs, et ceux pertinents du tribunal qu'elle a fait siens, la cour rejettera l'exception de nullité soulevée et statuera sur le fond;

Au fond

Sur l'action publique

Considérant que la cour ne saurait suivre les prévenus en leur argumentation;

MENTION "AGREEE PAR LE MINISTERE DE LA SANTE"

Considérant en effet que la mention d'agrément par le ministère de la Santé a été systématiquement utilisée jusqu'à la fin de l'année 1997, y compris sur les cartes de visite, le répondeur téléphonique, en français et en anglais, puis remplacé par "autorisé";

Qu'il y a lieu cependant d'observer que la clinique était simplement "autorisée" pour quatre lits d'hospitalisation en chirurgie et qu'elle ne l'était pas à donner des soins aux assurés sociaux;

Considérant que ce qui est autorisé est simplement permis alors que ce qui est agréé est approuvé, c'est-à-dire estimé comme bon, louable;

Considérant qu'en mentionnant que la clinique Z était agréée par le ministère de la Santé la publicité critiquée adoptait une présentation visant manifestement à emporter la confiance de clients potentiels, "agrément" signifiant pour le sens commun la reconnaissance officielle de quelque chose par une autorité publique, distincte d'une simple autorisation de fonctionnement qui n'engage pas l'Administration de la même manière;

Que cette autorisation d'agrément était fallacieuse puisque tout établissement de santé a besoin pour exercer d'une autorisation qui n'est nullement une garantie de qualité;

LES STRUCTURES D'INFORMATION

Considérant que certaines publicités et notamment trois encarts de 16 pages diffusés en 1997, laissaient croire que des informations objectives pouvaient être obtenues auprès de nombreuses structures d'information telles que la "B", le "C", la "D", de la "société E", ou encore des centres: "centre F, centre G, centre H, centre I";

Considérant que souvent la clinique Z n'était pas évoquée avant la douzième ou la quatorzième page;

Considérant cependant que les clients potentiels, cherchant à se renseigner, étaient systématiquement renvoyés vers la clinique;

Qu'il s'avère en effet que l'ensemble des structures évoquées n'avait aucune existence juridique distincte de la clinique ou de ses médecins dirigeants;

Que lors de l'enquête Bernard Y a d'ailleurs reconnu que les centres étaient des "départements" de la clinique donc dotés de lignes téléphoniques dont les abonnements étaient souscrits par la X.

Considérant qu'au vu des éléments soumis à son appréciation la cour est convaincue, en dépit des dénégations des prévenus, que ces associations, créées ou ressuscitées pour l'occasion, étaient bien destinées à rabattre les consommateurs éventuels vers la X, comme l'évoquent d'ailleurs certains plaignants;

Que leur mise en avant accréditait pour le client l'idée de s'adresser à des interlocuteurs variés susceptibles de lui donner une information objective;

Qu'en effet cette multiplicité apparente de sources d'information comportant toutes des numéros de téléphone différents suggérait l'idée d'une information diversifiée voire objective ou à tout le moins n'émanant pas d'une seule et même origine, alors qu'il ne s'agissait que d'associations fantômes pilotées par les dirigeants de la clinique ou du centre correspondants directement au service de cet établissement;

Que l'affirmation de l'existence de ces structures "d'information" était donc purement spécieuse;

LES GARANTIES DE RESULTATS

Considérant que la publicité attaquée fait état d'une épilation qualifiée de "définitive" et de l'élimination "radicale" des rondeurs rebelles;

Considérant que l'utilisation de ces termes évoque une garantie de résultat qui est de nature à tromper le consommateur sur les performances réelles de la chirurgie esthétique;

Qu'en effet, de l'aveu même des praticiens, aucune technique médicale n'est infaillible, ce qui est notamment le cas de "l'épilation au laser";

Que dans leurs écritures les prévenus évoquent d'ailleurs l'existence d'une "deuxième génération de poils dont la repousse peut nécessiter un nouveau traitement", ce qui confirme bien le caractère illusoire d'une épilation qualifiée de définitive;

LA NATURE ESTHETIQUE DE LA TOTALITE DES INTERVENTIONS

Considérant que la X présente dans ses publicités toutes les interventions pratiquées comme de nature esthétique donc non prises en charge par la sécurité sociale alors que certaines sont susceptibles d'être prises en charge au titre de la chirurgie correctrice ou réparatrice (nez, hyperthrophie mammaire);

Considérant toutefois que la clinique qui n'est ni conventionnée ni agréée n'a pas fait état dans ses annonces de la possibilité d'intervention prises en charge par l'assurance maladie qu'elle ne pouvait, du fait de son statut, assurer;

Que dès lors la cour, comme le tribunal, ne retiendra pas sur ce point le caractère trompeur de la publicité;

LA QUALITE DES PRATICIENS SPECIALISES

Considérant que la clinique vante la "qualité des praticiens spécialisés et reconnus par tous pour leur professionnalisme" et indique "venez rencontrer des spécialistes";

Considérant que cette notion, valorisante, de spécialiste, apparaît dans toutes les publicités et fait l'objet de développement dithyrambiques dans des encarts de 16 pages;

"Nous n'ouvrons nos portes qu'aux plus grands spécialistes reconnus. Vous profiterez de l'expérience et du sérieux des meilleurs praticiens, médecins et chirurgiens esthétiques" ... "Qui sont les praticiens de la clinique? Des spécialistes reconnus" . "La clinique vous oriente toujours vers le meilleur spécialiste ... Le meilleur praticien dans le domaine de la lipoaspiration. Seins sculptés par un as de la chirurgie mammaire";

Considérant cependantque la réalité est bien éloignée de ces énonciations flatteuses ainsi qu'il ressort des éléments suivants:

- "l'as de la lipoaspiration" est un généraliste sans spécialisation (docteur de 1) et le docteur 2 pratique des interventions mammaires étrangères à sa spécialité (ORL),

- les docteurs 3, 4, Y qui réalisent des interventions esthétiques, en particulier des lipoaspirations, sont de simples généralistes sans qualification en esthétique alors que l'Académie de médecine estime qu'il s'agit d'une technique chirurgicale,

- le docteur 5 qui est salariée de la clinique effectue des interventions esthétiques, telles que réfection des paupières, peeling, injection de botox, alors qu'elle est généraliste sans qualification ou compétence en esthétique,

- un des anesthésistes intervenant, le docteur 6, qui réalise seul des anesthésies, est lui aussi un généraliste non titulaire de la qualification ou de la compétence d'anesthésie,

- Les interventions d'épilation au laser sont réalisées par une aide-soignante et par un étudiant en médecine alors que la publicité affirme que ce type d'intervention est réalisé uniquement par des médecins,

- "la clinique n'ouvre sa porte qu'aux plus grands médecins, reconnus dans le monde médical" alors que l'établissement accueille tous les praticiens diplômés sans exiger de qualification particulière;

Considérant que quatre des cinq allégations analysées sont trompeuses au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 121-5 du Code de la consommation l'infraction poursuivie est imputable à Marie-Madeleine X, gérante statuaire de la X ainsi qu'à Bernard Y qui a mis en place la politique publicitaire de la société et supervisait les choix en matière de communication;

Que la cour confirmera le jugement attaqué sur les déclarations de culpabilité ainsi que sur les peines d'amende prononcées qui constituent une application modérée de la loi pénale étant rappelé que le coût de la publicité constituant le délit a été supérieur à 4,8 MF en 1996 et de près de 10,6 MF en 1997;

Que modifiant pour le surplus le jugement querellé la cour, par application de l'article L. 121-4 du Code de la consommation, ordonnera la publication, par extrait, de l'arrêt à intervenir, aux frais des condamnés dans Télé 7 jours, Santé magazine et le quotidien Le figaro;

Sur l'action civile

Claudine Perrin

Considérant qu'il résulte de la procédure et des débats que Claudine Perrin s'est adressée à la clinique Z en raison de la publicité critiquée qui s'est avérée mensongère;

Considérant dès lors que la cour, qui dispose des éléments nécessaires et suffisants pour apprécier le préjudice certain subi par Claudine Perrin et résultant directement des faits visés à la prévention, condamnera solidairement les prévenus à verser à Claudine Perrin la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts;

Que la cour, par ailleurs, condamnera Marie-Madeleine X et Bernard Y à verser chacun la somme de 4 000 F à Claudine Perrin sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Thierry Pierson, Françoise Blandeau et Maryvonne Stevenin

Considérant que la cour ne trouve pas motif à modifier la décision déférée qui a fait une exacte appréciation du préjudice subi par Thierry Pierson, Françoise Blandeau et Maryvonne Stevenin (parties civiles intimées non appelantes) et découlant directement de l'infraction;

Considérant que le jugement sera confirmé sur les intérêts civils en ce qui concerne Thierry Pierson, Françoise Blandeau et Maryvonne Stevenin;

Qu'y ajoutant, la cour condamnera Thierry Pierson, Françoise Blandeau et Maryvonne Stevenin à verser chacun la somme supplémentaire de 4 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel à 1°) Françoise Blandeau et à 2°) Thierry Pierson;

Que par ailleurs les parties civiles seront déboutées du surplus de leurs demandes;

Par ces motifs LA COUR Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard de Marie-Madeleine X, Bernard Y, Maryvonne Stevenin, Claudine Perrin, Françoise Blandeau et Thierry Pierson, Joint l'incident au fond, Rejette l'exception de nullité proposée, Sur l'action publique Confirme le jugement dont appel sur les déclarations de culpabilité et les peines d'amende, Le modifiant pour le surplus, Ordonne la publication du présent arrêt, par extrait, au frais des condamnés dans Télé 7 jours, Santé magazine et Le figaro, Sur l'action civile Claudine Perrin Réforme le jugement entrepris, Condamne solidairement Marie-Madeleine X et Bernard Y à verser à Claudine Perrin la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts, Condamne Marie-Madeleine X et Bernard Y à verser chacun à Claudine Perrin la somme de 4 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Thierry Pierson, Françoise Blandeau et Maryvonne Stevenin Confirme la décision critiquée sur les intérêts civils en ce qui concerne Thierry Pierson, Françoise Blandeau et Maryvonne Stevenin, Y ajoutant Condamne Marie-Madeleine X et Bernard Y à verser chacun la somme supplémentaire de 4 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale à: - 1°) Françoise Blandeau - 2°) Thierry Pierson Déboute les parties civiles du surplus de leurs demandes, Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable chaque condamné.