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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 2 février 1998, n° 97-03583

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

De Bourgoing, Fabre, Queru, Roger

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Avocat général :

M. Blanc

Conseillers :

Mme Petit, M. Paris

Avocat :

Me Canchel.

TGI Paris, 31e ch., du 27 févr. 1997

27 février 1997

Rappel de la procédure :

La prévention :

T Aldo est poursuivi pour avoir :

- à Paris, courant 1994 et 1995, trompé Monsieur Giard, Madame Queru Brigitte, Monsieur Deloison Christophe, Monsieur Fabre Pierre contractants, sur les qualités substantielles de la prestation de services de dépannages et réparations en employant des techniciens totalement incompétents pour des interventions effectuées chez les victimes et ce en état de récidive légale,

- à Paris, le 13 janvier 1995, trompé Monsieur De Bourgoing Jean-Marie, contractant sur les qualités substantielles de la prestation de services, en s'engageant à un "abonnement d'entretien" comprenant notamment une obligation d'entretien, réglage et échange de pièces aux prix fournisseur catalogue qu'il n'honore pas en réalité, et ce en état de récidive légale,

- à Paris, courant 1994 à courant 1995, fait souscrire à Madame Roger Odette un engagement par le moyen de visite à domicile, de transactions effectuées dans un lieu non destiné à commercialisation, de travaux conclus dans une situation d'urgence alors que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait, de déceler les ruses ou artifice employés pour la convaincre, a été soumise à la contrainte,

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire, a :

Déclaré T Aldo coupable :

- de récidive de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis courant 1994, courant 1995 et notamment le 13 janvier 1995, à Paris,

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 213-1 du Code de la consommation, articles 132-10 et 132-11 du Code pénal

- d'abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée : souscription d'un engagement, faits commis courant 1994 et 1995, à Paris,

Infraction prévue par l'article L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation

et, en application de ces articles,

Vu les articles 132-40, 132-41, 132-42, 132-43 et 132-44 du Code pénal,

L'a condamné à 8 mois d'emprisonnement dont 4 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans ainsi qu'à 25 000 F d'amende,

Vu l'article 132-45 5° du Code pénal,

Obligé Aldo T à justifier de l'acquittement des sommes dues à la victime,

Vu l'article 132-45 6° du Code pénal,

Obligé Aldo T à justifier de l'acquittement des sommes dues au Trésor Public,

Aussitôt le Président lui a donné l'avertissement prévu par l'article 132-40 du Code pénal.

Statuant sur l'action civile,

Reçu Jean-Marie De Bourgoing en sa constitution de partie civile

Condamné Aldo T à lui payer la somme de 8 000 F à titre de dommages-intérêts,

Reçu Pierre Fabre en sa constitution de partie civile

Condamné Aldo T à lui payer la somme de 800 F à titre de dommages-intérêts,

Reçu Brigitte Queru en sa constitution de partie civile

Condamné Aldo T à lui payer la somme de 2 000 F à titre de dommages-intérêts,

Reçu Odette Roger en sa constitution de partie civile

Condamné Aldo T à lui payer la somme de 12 000 F à titre de dommages-intérêts,

Dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure de 600F dont est redevable chaque condamné.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

Monsieur T Aldo, le 3 mars 1997, sur les dispositions pénales et civiles contre Madame Queru Brigitte, Madame Roger Odette, Monsieur De Bourgoing Jean-Marie, Monsieur Fabre Pierre

M. le Procureur de la République, le 3 mars 1997 contre Monsieur T Aldo;

Décision :

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention;

Par voie de conclusions, Aldo T sollicite, par infirmation, sa relaxe et le débouté des parties civiles ; à titre subsidiaire, il fait plaider l'indulgence de la cour;

Il conteste l'intégralité des faits qui lui sont reprochés et fait valoir essentiellement :

Sur la matérialité des faits

Concernant Monsieur Giard

Que Madame Jan, propriétaire, qui n'était pas présente lors de l'intervention, a reproduit des déclarations qui lui auraient été transmises par son locataire, Monsieur Giard;

Qu'aucun élément probant n'est fourni à l'appui de ces dires ;

Que les causes du dysfonctionnement, pour autant qu'il y ait un réel dysfonctionnement dont il n'est pas rapporté la preuve, peuvent être multiples sans nécessairement trouver leur origine dans l'intervention de la société X;

Que Madame Jan, en fait plaignante, et non pas Monsieur Giard comme il a été porté dans la citation ne justifie en aucune façon des prétendues malversations de Monsieur T et de la société X;

Que Monsieur Giard ne s'est jamais déplacé, ainsi qu'il est indiqué par le rapport de police, lorsqu'il a été convoqué pour être entendu sur ces faits;

Concernant Madame Queru

Que Madame Queru s'est plainte de la mauvaise qualité des travaux exécutés par la société X et du prix élevé de l'intervention ;

Que cette intervention a été réalisée par Monsieur D

Qu'il n'est pas sans intérêt de noter que Madame Queru n'est pas l'occupante des lieux ni la donneuse d'ordre ;

Qu'il s'agit du locataire, Madame ou Monsieur Goode, ainsi qu'il apparaît sur la facture, qui ne s'est jamais plaint de l'intervention de la société X alors même qu'il se trouvait sur place ;

Que ce dernier a fait l'objet d'une mesure de licenciement à la suite d'un certain nombre de plaintes qui ont été portées à la connaissance du gérant de la société X;

Qu'ainsi qu'il a été précédemment exposé, Monsieur Aldo T, ne peut avant qu'un client expose son mécontentement savoir s'il existe ou non un problème avec le salarié concerné ;

Que Madame Queru a été indemnisée par la société X ;

Que compte tenu de la liquidation judiciaire, et ainsi qu'il en est justifié, Monsieur Aldo T ne peut avoir accès aux pièces comptables en justifiant ;

Qu'il semble que ces éléments aient été remis à un service d'archivage;

Concernant Monsieur Deloison

Que Monsieur Deloison s'est plaint du mauvais fonctionnement de son chauffe-eau à la suite du passage de la société X et du coût élevé de l'opération ;

Qu'entendu par les services de Police, Monsieur Aldo T ne conteste pas la réalité des faits ;

Qu'il expose toutefois :

- que l'intervention a très certainement duré plus de 10 minutes et qu'en toutes hypothèses toute heure entamée est due ;

- qu'une nouvelle fois c'est Monsieur D qui est intervenu chez ce client ;

- que Monsieur Aldo T a laissé son salarié, comment pouvait-il faire autrement, apprécier la nécessité de changer telle ou telle pièce;

Que Monsieur Deloison n'a pas jugé bon de se déplacer auprès des services de Police pour confirmer les termes de sa plainte ni se constituer partie civile ;

Qu'il n'aurait pas été sans intérêt qu'il justifie de la réalité des faits qu'il invoque;

Concernant Monsieur Pierre Fabre

Que Monsieur Fabre, sans en rapporter la preuve et sans, semble t-il, avoir été entendu par les services de Police, expose que l'intervention du salarié de la société X a conduit à une détérioration du matériel à réparer ;

Qu'il n'en rapporte aucune preuve ;

Que le coût du devis de réparation qui lui a été remis ne peut servir de fondement à l'établissement d'une infraction alors que les prix sont libres et alors même que les travaux n'ont pas été réalisés par la société X;

Concernant Mademoiselle Marie-Louise Roger

Qu'aux termes de la citation il est reproché à Monsieur Aldo T d'avoir contraint Mademoiselle Marie-Louise Roger à souscrire un engagement par le moyen de visite à domicile, de transactions effectuées dans un lieu non destiné à la commercialisation, de travaux conclus dans une situation d'urgence alors que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait, de déceler les ruses ou artifices employés pour la convaincre ;

Que Mademoiselle Marie-Louise Roger ne peut en rien être concernée par cette procédure ;

Qu'elle n'a pas été personnellement victime des faits qui sont l'objet de la présente procédure ;

Qu'il s'agit de sa mère Madame Odette Roger qui a été directement concernée par les faits reprochés au prévenu ;

Qu'il est donc sollicité du tribunal qu'il prononce une relaxe à l'encontre de Monsieur Aldo T de ce chef de poursuite;

Qu'il est par ailleurs surprenant que l'auteur des faits n'ait fait l'objet d'aucune poursuite de la part du parquet ;

Que cela aurait été d'autant plus intéressant qu'il semble que le nom de "Pascal" porté sur le devis l'ait été à tort ;

Que Monsieur Pascal P semble totalement étranger à ces faits. L'écriture portée sur le devis ne correspond pas à la sienne ;

Concernant Monsieur Jean-Marie De Bourgoing

Que, là encore, Monsieur D est intervenu chez ce client ;

Que Monsieur Aldo T ainsi qu'il a été exposé a procédé au licenciement de ce salarié dès que ces faits ont été portés à sa connaissance;

Que, toutefois, Monsieur De Bourgoing est d'une particulière mauvaise foi;

Que la société X est intervenue pour lui changer, ainsi qu'il apparaît à la lecture de la facture, un ballon réchauffeur qui est l'élément que l'on met à côté de la chaudière ;

Qu'aucun grief n'est formulé sur cette intervention ;

Que, postérieurement, Monsieur De Bourgoing, qui ne s'est jamais déplacé auprès des autorités de Police, a fait changer, aux termes du devis OPRIM, le corps de chauffe qui est un élément se trouvant dans la chaudière et sans aucun rapport avec le précédent ;

Qu'il ne peut donc arguer d'une mauvaise exécution des travaux effectués par X ni même comparer les coûts d'intervention puisque ces deux opérations n'ont rien à voir l'une avec l'autre ;

Que la parfaite mauvaise foi de Monsieur De Bourgoing s'illustre encore lorsqu'il réclame au titre de la prétendue indisposition de son argent un intérêt de 15 % ; que le concluant aimerait qu'il soit porté à sa connaissance les placements qui offrent aujourd'hui un tel rendement;

Sur la responsabilité de monsieur Aldo T

I - sur l'absence d'intervention personnelle du prévenu dans la commission de l'infraction

Que Monsieur Aldo T est le gérant de la SARL X, société de plomberie et de dépannage électroménager, qui emploie habituellement entre 5 et 7 salariés qui se rendent chez les clients;

Que l'entreprise a une dimension qui dépasse celle de l'entrepris artisanale ou unipersonnelle;

Que le délit de tromperie n'est pas une infraction de police commerciale régie par les règles propres aux contraventions ;

Qu'il serait alors constitué indépendamment de toute intention frauduleuse et pourrait être légalement imputé au chef d'entreprise ;

Que la loi n'édicte pas de présomption de faute à l'égard du chef d'entreprise;

Qu'il ne s'agit pas d'un système automatique d'imputation du délit sur la tête du commettant (cf J. Pradel Droit pénal général, Cujas 4ème Ed. 1984 n° 430);

Que par application des principes généraux et constants du droit pénal, "un prévenu ne peut être déclaré pénalement responsable d'une infraction s'il n'est pas intervenu personnellement dans sa commission";

Qu'il s'agit du principe bien établi selon lequel "nul n'est passible de peines qu'à raison de son fait personnel" ;

Qu'en effet, à défaut d'intervention personnelle, l'élément intentionnel constitutif du délit de tromperie ne peut être caractérisé, et la jurisprudence a déjà statué en ce sens aux termes d'un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 3 avril 1974, qui précise "qu'à défaut d'intervention personnelle, un prévenu ne peut être déclaré pénalement responsable d'une tromperie à laquelle il était demeuré étranger" ;

Que la chambre criminelle de a Cour de cassation dans 4 arrêts en date du 11 mars 1993 dispose :

"sauf si la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il apporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires" (crim. 11 mars 1993 n° 91 58, 92 80 958, 90 84 931, 92 80 773) ;

Que, dans notre espèce, le prévenu est resté étranger aux tromperies alléguées;

Qu'en effet, ce sont ses techniciens et non lui-même qui sont intervenus auprès des plaignants, techniciens qui bénéficiaient d'une délégation de pouvoirs tacite, résultant de la pratique de la profession de dépanneur qui s'exerce chez le client en toute indépendance ;

Qu'il est constant que le chef d'entreprise qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction peut s'exonérer de sa responsabilité pénale, s'il apporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ;

Que cette jurisprudence est constante et scellée dans quatre arrêts rendus par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 11 mars 1993, qui précise que la délégation de pouvoirs n'est soumise à aucune forme particulière ;

Que Monsieur Aldo T indiquait d'ailleurs cela au cours de son audition par les services de Police judiciaire en date du 6 juillet 1995;

Qu'il déclarait alors : "je ne donne absolument aucune instruction aux techniciens leur demandant de changer abusivement des pièces qui sont en état de marche. Les techniciens évaluent les pannes en toute indépendance". Qu'il ajoutait : "Le comportement des techniciens chez les clients est un problème qui ne dépend que d'eux-mêmes. Concernant la mauvaise qualité des travaux, j'invoque la mauvaise qualification de mes techniciens. Il est difficile de trouver des bons ouvriers dans le dépannage" ;

Qu'il est important de porter à la connaissance du tribunal que suite aux incidents à l'origine de la poursuite du prévenu, ce dernier en chef d'entreprise diligent, a procédé au licenciement de ses techniciens qui ne travaillaient pas correctement.

Qu'il a ainsi licencié Monsieur D et Monsieur B

Que, de la sorte, Monsieur Aldo T a rempli ses obligations de contrôle et de vérification lui incombant et mis fin aux incidents à l'origine des plaintes ;

Qu'aussi, la cour ne pourra qu'écarter la responsabilité de Monsieur Aldo T dans la réalisation de l'infraction;

2 - Sur les éléments constitutifs du délit de tromperie sur les qualités substantielles de services

Que le délit de tromperie sur les qualités substantielles est étendu aux prestations de services ;

Qu'ainsi, les contrats relatifs à des prestations de services sont également visés dans la mesure où les dispositions législatives en matière de fraude sur les marchandises leur sont transposables ;

Qu'en conséquence, il ne fait pas de doute que le délit de tromperie n'est pas constitué si le prévenu n'a pas été animé par l'intention coupable ;

Que la cour constatera que l'intention coupable ou la mauvaise foi font totalement défaut et que, bien au contraire, le prévenu fait preuve d'une totale bonne foi ;

Qu'en ce qui concerne la plainte relative à la qualité des services fournis par la société X, le prévenu s'est engagé à rembourser Madame Queru dès que possible concernant sa plainte relative à un purgeur qui aurait été facturé abusivement;

Qu'il a également procédé immédiatement au licenciement de Monsieur D technicien intervenu chez la plaignante, tirant ainsi les conséquences d'un tel incident;

Que, pour les autres plaintes, force est de constater qu'elles sont d'une part peu nombreuses et que, d'autre part, elles ont trait à une prétendue facturation excessive des prestations ;

Que, de plus, il est important de noter que seuls Monsieur et Madame Lebranchi, qui se sont plaints de comportement incorrect des dépanneurs dans leur appartement, ont été entendus dans le cadre de l'enquête;

Que, sur ce point, la jurisprudence admet que la désobéissance d'un préposé, si elle est isolée et n'a pas été encouragée par le relâchement de la surveillance, est une cause d'exonération de l'employeur;

Que la cour constatera à la lecture du rapport de l'Inspecteur de Police, Gérald Saenger du 17 juillet 1995, que les autres plaignants n'ont soit pas déféré aux convocations, soit n'ont pas été convoqués au service ou n'ont pu être convoqués;

Que c'est le cas de Monsieur Connard des Closets qui demeure aux Etats-Unis;

Qu'ainsi, Monsieur Aldo T déplore qu'un seul témoignage ait été recueilli dans le cadre de l'enquête diligentée à son encontre, et en conséquence demande à la cour qu'elle constate que les charges sont tout à fait insuffisantes ;

Que, s'agissant des plaintes relatives aux tarifs pratiqués soit disant excessifs, Monsieur Aldo T expose qu'il ne viole pas les dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 aux termes de laquelle les prix de la production, de la distribution et des services sont libres et déterminés librement par le jeu de la concurrence ;

Qu'il était donc tout à fait loisible à la clientèle de se détourner de la société X, dont elle n'était pas satisfaite et de lui infliger de la sorte une sanction commerciale, qui ne peut être que la seule sanction envisageable ;

Qu'au surplus, la jurisprudence affirme que " la tromperie sur la valeur commerciale ne peut être assimilée à une qualité substantielle de la chose vendue " (Cour d'appel de Caen 20 juillet 1990 S 1911 2 page 105 ; Cour d'appel de Colmar 16 janvier 1981 Gazette du Palais Juridique page 279);

Que, pour la Cour de cassation, la vente de marchandises à un prix supérieur à sa valeur réelle n'est pas en elle-même constitutive de tromperie;

Qu'il ressort de l'ensemble des plaintes recensées dans le rapport sus mentionné que toutes mentionnent un coût excessif des travaux effectués par la société X ; que concernant la plainte de Monsieur Merlin, au sujet du coût excessif des travaux effectués sur sa chaudière, étant précisé qu'il a accepté le devis de la société, l'Inspecteur de Police, dans son rapport, a déclaré "Monsieur Merlin n'a pas été convoqué au service, les prix étant libres" ;

Qu'en conséquence, la cour considérera que l'exagération des prix n'est pas constitutive du chef de prévention de tromperie sur les qualités substantielles des services, par application des articles L. 213 et suivants du Code de la consommation;

3 - Sur l'élément intentionnel du délit de tromperie

Que la cour ne pourra le caractériser, Monsieur Aldo T n'étant pas intervenu personnellement dans la réalisation de l'infraction, comme il a été démontré plus haut, son intention frauduleuse fait ainsi défaut;

Que la jurisprudence caractérise l'intention frauduleuse par "la défaillance volontaire du prestataire ayant provoqué l'erreur dont sont victimes les bénéficiaires" ;

Qu'une tromperie suppose donc une action, une allégation ou une présentation du service susceptible de masquer la réalité ;

Que force est de constater que dans l'espèce soumise à l'appréciation de la cour il n'y a eu donc ni tromperie ni tentative de tromperie, et que l'élément moral de l'infraction fait défaut ;

Que Monsieur Aldo T a agi en chef d'entreprise diligent et tiré des conséquences immédiates, suite aux manquements de ses techniciens;

Qu'il n'est pas démontré par le Ministère public que le gérant de la société X a participé personnellement à la tromperie ou manqué aux obligations de contrôle lui incombant, compte tenu notamment des dimensions de l'entreprise et de ses conditions d'exploitation ;

Monsieur l'Avocat général requiert la confirmation du jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité ; il relève, qu'au regard du nombre de plaintes déposées, plusieurs devis successifs ont, nécessairement, été proposés par le patron à la clientèle intéressée ; que ce dernier était donc parfaitement au courant des pratiques de ses employés ; que Brigitte Queru et Odette Roger ont d'ailleurs déclaré qu'elles l'avaient vu sur place ; concernant la peine à infliger, Monsieur l'Avocat général requiert la confirmation de la sanction prononcée, dans la mesure où l'amende à laquelle le prévenu a été antérieurement condamné, dans une procédure distincte, n'a pas été payée ; dans le cas contraire, il fait valoir que la récidive légale ne peut plus être invoquée;

Jean-Marie De Bourgoing et Brigitte Queru, parties civiles intimées, sollicitent la confirmation du jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité; ils demandent, en outre, la condamnation d'Aldo T à lui verser la somme supplémentaire de 2 000 F pour Jean-Marie Bourgoing, et de 1 000 F pour Brigitte Queru, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel ;

Bien que régulièrement cités, Pierre Fabre et Odette Roger, parties civiles intimées, sont absents : il sera statué à leur égard par défaut;

A - Sur l'action publique :

Considérant qu'il convient de rappeler que, depuis 1986, Aldo T était gérant-associé de la SARL X dont le siège social est situé <adresse>à Paris (15e) ;

Qu'il s'agissait d'une entreprise de dépannage, spécialisée en matière d'électricité, de plomberie, de chauffage et d'électroménager; que la société employait de 5 à 7 personnes, et se faisait connaître dans les pages jaunes de l'annuaire téléphonique ; que l'entreprise a été déclarée en liquidation judiciaire le 6 août 1996 ;

Considérant que plusieurs clients se sont plaints des pratiques commerciales de la société ;

I Sur les faits qualifiés de tromperie :

a) concernant M. Giard, Mme Brigitte Queru, M. Christophe Deloison et M. Pierre Fabre :

Considérant qu'il est reproché au prévenu d'avoir employé des techniciens "totalement incompétents" ;

Considérant que la cour constate qu'Aldo T ne conteste nullement la médiocrité professionnelle des salariés de la société, puisqu'il reconnaît lui-même avoir licencié, pour faute lourde d'ordre technique, MM. Jean François D, Joseph B, Laurent G et James A ; que la cour relève, à cet égard, qu'il n'oppose aucune contestation sérieuse, dans le domaine technique, aux plaintes circonstanciées des parties civiles ; qu'ainsi, le locataire Giard, qui avait contacté la société pour une panne de chauffe-eau, a dû s'acquitter d'un total de 1 446 F, alors que l'appareil ne fonctionnait toujours pas après intervention; que, de même, Brigitte Queru, qui avait contacté en urgence la société, le 31 décembre 1994, pour une panne de chaudière à gaz, et avait accepté un devis de 4 481,88 F, s'est vue présenter deux jours plus tard une facture de 5 275,60 F, car une pièce supplémentaire lui avait été comptée ; que, nonobstant la fuite continuait après le passage du technicien, fuite que X ne voulait pas réparer sans un règlement supplémentaire, et ce alors que, pour les mêmes travaux, une société concurrente prenait 2 420 F, tout en constatant que seules les durites de l'appareil nécessitaient un resserrement ;

Considérant que, pour Christophe Deloison, locataire de M. Lavergne, il était fait un devis de 4 365 F pour changer tout le système électrique à la suite d'une panne de chauffe-eau; qu'il refusait ce devis, bien que devant s'acquitter de la somme de 784 F, alors qu'une autre société appelée par ses soins constatait qu'il y avait seulement une pièce à changer;

Considérant enfin que, pour sa part, la fille de Pierre Fabre faisait appel à X pour réparer une panne de sani-broyeur ; que l'employeur lui-même abîmait le bas de l'appareil et le tuyau d'évacuation, décrétant qu'il était irréparable, et réclamait néanmoins la somme de 868,32 F ;

Considérant que, vainement, Aldo T soutient qu'il ignorait, jusqu'à l'enquête, les multiples désagréments subis par la clientèle ;

Considérant, en effet, que la cour constate, qu'à son audience, le prévenu a admis qu'il recrutait lui-même les ouvriers de la société ;

Qu'il s'ensuit qu'il était à même d'évaluer leurs aptitudes professionnelles ; qu'il s'avère, par ailleurs, qu'aucune délégation expresse de pouvoir n'est justifiée en l'état, ce qui interdit à Aldo T de soutenir que ses techniciens agissaient en toute indépendance ;

Considérant, dès lors, que la cour est convaincue de ce que, en embauchant sciemment des ouvriers incompétents, le prévenu s'est rendu coupable de tromperie sur les qualités substantielles des prestations de services offertes ;

Considérant toutefois qu'Aldo T s'est acquitté du montant de l'amende qui lui avait été infligée dans une procédure antérieure par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 25 juin 1993 ;

Considérant que la cour modifiant la prévention initiale, déclarera le prévenu coupable du délit de tromperie, sans retenir l'état de récidive légale, par application de la loi du 3 août 1995 portant amnistie ;

b) concernant Jean-Marie De Bourgoing :

Considérant que la partie civile avait souscrit auprès de la SARL un contrat d'entretien pour sa chaudière, et payé de ce chef un abonnement de 1 031,92 F, le 13 janvier 1995 ; que, suite à une fuite du ballon, le 18 avril 1995, l'entreprise refusait d'honorer le contrat, et proposait un échange de pièces pour un total de 11 081,59 F;

Considérant toutefois que la cour constate que la convention litigieuse prévoyait, à la charge de la société une obligation d'entretien, avec réglage et échange de pièces au prix fournisseur catalogue;

Qu'à l'audience de la cour, Aldo T a tenté de faire valoir que le contrat invoqué présentait un vice de forme, caractérisé par une erreur matérielle d'impression, et que l'engagement apparemment souscrit par X était, en fait, impossible à honorer ;

Considérant, néanmoins, que la cour estime que les clauses du contrat d'entretien étaient claires et précises, et, qu'en refusant de satisfaire aux obligations conventionnelles, Aldo T a trompé le co-contractant sur les qualités substantielles de la prestation de services ;

Considérant, toutefois, que l'état de récidive légale n'existe plus pour les motifs sus-évoqués; qu'en conséquence, la cour déclarera le prévenu coupable des faits qui lui sont reprochés, mais sans circonstances aggravantes;

2 - sur les faits qualifiés d'abus de faiblesse

Considérant que la personne visée dans la citation est bien Odette Roger, et non sa fille Marie-Louise Roger, comme indiqué à tort dans les conclusions du prévenu ;

Considérant qu'il convient de rappeler qu'Odette Roger, alors âgée de 70 ans, avait constaté une panne d'électricité dans son appartement; que le 3 mai 1995, elle avait contacté la SARL X, qui lui dépêchait un technicien ; qu'elle acceptait alors un devis de 2 962 F, et versait un acompte de 1 000 F ;

Que, le courant n'ayant été que partiellement rétabli, elle avait dû faire appel à trois reprises aux dépanneurs, pour qu'ils viennent achever le travail ;

Que la plaignante soutient, qu'au premier rappel, ils avaient présenté un nouveau devis de 9 420 F, au second rappel un nouveau devis de 6 000 F, et, qu'au troisième rappel devant leur menace de détruire le travail, elle avait du régler 4 000 F en espèces, qu'elle était allée retirer à la Poste en leur compagnie ; que, le lendemain, ils avaient exigé 2 000 F supplémentaires qu'elle avait refusés ;

Qu'elle n'avait jamais pu obtenir de facture, que le travail restait inachevé, et que le prévenu, en personne, s'était déplacé pour donner raison à ses ouvriers;

Considérant que la cour constate que cette relation des faits n'est pas véritablement discutée par le prévenu, qui se borne à invoquer le fait qu'il n'a jamais donné d'instructions à ses techniciens pour qu'ils se comportent d'une façon aussi éhontée ;

Qu'il ajoute qu'il n'a, personnellement, commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité;

Considérant toutefois que la cour relève que les ouvriers de la société n'étaient pas rémunérés à la commission, mais disposaient d'un salaire fixe ; qu'ils n'avaient donc aucun intérêt financier à majorer le montant des factures ; que leur attitude ne s 'explique que par des instructions données au plus haut niveau de X ; qu'en l'espèce la cour estime qu'Odette Roger, seule, âgée, et sans compétence technique, s'est retrouvée en situation de vulnérabilité sous la dépendance complète du dépanneur, lequel en a profité pour lui faire souscrire des engagements au comptant dont elle ne pouvait déceler les ruses ;

Que soumise à une véritable contrainte morale et physique, Odette Roger a fini par accepter de payer des travaux inutiles et coûteux, et ce en urgence ;

Considérant, dès lors, que la cour, comme le tribunal, est convaincue de ce que Aldo T, en instituant une politique commerciale agressive, s'est bien rendu coupable des faits tels que visés à la prévention ; qu'en conséquence, le jugement dont appel sera confirmé sur la déclaration de culpabilité;

Considérant qu'au regard des éléments de la cause, la cour, par infirmation, prononcera à l'encontre d'Aldo T une peine de 15 mois d'emprisonnement avec sursis, la circonstance aggravante de récidive légale ayant disparu;

13 - Sur l'action civile

Considérant que la cour ne trouve pas motif à modifier la décision critiquée qui a fait une équitable appréciation du préjudice subi par les parties civiles et découlant directement des faits visés à la prévention ; que la cour confirmera le jugement dont appel sur les dispositions civiles; qu'elle condamnera, en outre, Aldo T à verser à Jean-Marie De Bourgoing la somme supplémentaire de 2 000 F, et à Brigitte Queru celle de 1 000 F, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'encontre d'Aldo T, prévenu, à l'égard de Jean-Marie De Bourgoing et de Brigitte Queru, parties civiles, et par défaut à l'égard de Pierre Fabre et d'Odette Roger, parties civiles, Accueillant pour partie, rejetant pour partie les conclusions d'Aldo T, Sur l'action publique Modifiant les préventions de tromperie sur les qualités substantielles de la prestation de services, Déclare Aldo T coupable : - d'avoir à Paris, courant 1994 et 1995, trompé Monsieur Giard, Madame Brigitte Queru, Monsieur Christophe Deloison et Monsieur Pierre Fabre contractants, sur les qualités substantielles de la prestation de services de dépannages et réparations en employant des techniciens totalement incompétents pour des interventions effectuées chez les victimes, - d'avoir à Paris, le 13 janvier 1995, trompé Monsieur Jean-Marie De Bourgoing, contractant sur les qualités substantielles de la prestation de services, en s'engageant à un abonnement d'entretien comprenant notamment une obligation d'entretien, réglage et échange de pièces aux prix fournisseur catalogue qu'il n'honore pas en réalité, Confirme le jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité correspondant au délit d'abus de faiblesse, L'infirme en répression, Condamne Aldo T à la peine de 15 mois d'emprisonnement avec sursis, Sur l'action civile Confirme le jugement dont appel sur les dispositions civiles, Y ajoutant, Condamne Aldo T à verser à Jean-Marie De Bourgoing la somme supplémentaire de 2 000 F, et à Brigitte Queru celle de 1 000 F, sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné.