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Décisions

CA Lyon, 7e ch. corr., 11 mars 1998, n° 173

LYON

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dulin

Substitut :

général: M. Bazelaire

Conseillers :

Mme Vilvert, M. Gouverneur

Avocat :

Me Benneteau.

TGI Bourg, ch. corr., du 16 oct. 1996

16 octobre 1996

Par jugement en date du 16 octobre 1996 le Tribunal de grande instance de Bourg en Bresse a relaxé T des fins de la poursuite du chef d'avoir, à Parcieux (01), le 21 novembre 1995:

- trompé les clients, contractants, sur les qualités substantielles et les risques inhérents à l'utilisation et à la commercialisation de jouets non-conformes et dangereux, (articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation).

Attendu que le Ministère public a relevé appel dans les formes et délais légaux;

Attendu qu'il résulte de la procédure et des débats les faits suivants:

Le 21 novembre 1995, des fonctionnaires de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de l'Ain procédaient à la saisie de trois échantillons d'une poussette canne vendue au prix de 46,90 F l'unité par le magasin à l'enseigne "Y" exploité à Parcieux (01) par la société à responsabilité limitée X, gérée par Joseph T.

Ce jouet, acquis auprès de la société Belge W, mais importé de Chine, comportait une étiquette avec les mentions "CE" et "Ne convient pas aux enfants de moins de trois ans - Petits éléments détachables - Informations à conserver".

Une autre étiquette auto-collée précisait "Ne pas s'asseoir - Les parents doivent veiller à la mise en place du ou des dispositifs de blocage - Attention aux risques de pincements lors des opérations de pliage et de dépliage".

Les essais effectués par le Laboratoire Interrégional de la Répression des Fraudes de Marseille concluaient au caractère dangereux de ce produit et à sa non-conformité à la norme NF EN 71-1 d'avril 1989, en raison des risques inacceptables de coincement ou d'écrasement des doigts, et de suffocation présentés par le sachet d'emballage en plastique.

L'Administration procédait alors à la saisie des quatorze poussettes cannes de même type encore en vente.

Dans un procès-verbal, elle affirmait que le rapport d'analyse du 11 mai 1994 du laboratoire d'essais ACTS, transmis au prévenu par la société W postérieurement au contrôle, révélait déjà une non-conformité en raison des risques d'avalement de deux embouts de tubes en plastique par des enfants de moins de trois ans, et elle reprochait au prévenu de n'avoir procédé à aucun auto-contrôle sur la conformité de ces jouets. Elle ajoutait que ceux-ci présentaient en outre des risques d'affaissement soudain ou imprévu en cas de charge supérieure à 10 kilogrammes, pour être démunis d'une butée de sécurité ou d'un dispositif de verrouillage, en violation des exigences de la norme NF EN 71-1.

Lors de son audition, Joseph T déclarait qu'il n'achetait ses marchandises que sur catalogues, et que l'infraction relevée, dont il ne contestait pas la matérialité, incombait à son fournisseur, la société belge W.

Discussion et motifs de la décision:

Attendu que lors des débats le prévenu fait plaider, verbalement, la confirmation du jugement l'ayant renvoyé des fins de la poursuite, en soutenant qu'il ne lui appartenait pas de vérifier la conformité d'un produit estampillé "CE"; qu'à titre subsidiaire, il sollicite l'indulgence de la cour;

Attendu toutefois qu'il admet n'avoir procédé à aucune vérification du produit litigieux et avoir ignoré non seulement la teneur de la norme NF EN 71-1, mais encore l'existence même de celle-ci;

Mais attendu que la norme NF EN 71-1, définissant les jouets, stipule qu'elle concerne tout produit ou matériel conçu ou manifestement destiné à être utilisé à des fins de jeu par des enfants d'un âge inférieur à 14 ans;

Attendu en l'espèce qu'il n'est pas contesté par l'intéressé, au vu des essais réalisés, que la poussette canne litigieuse pouvait être utilisée par des enfants d'un poids supérieur à 10 kilogrammes, avec des risques de pliage ou d'affaissement soudain, procurant à ce produit un caractère dangereux, dans l'hypothèse non négligeable et même prévisible où un enfant de ce poids s'assiérait dedans;qu'elle présentait encore des risques de coincement des doigts, et de suffocation en cas d'utilisation par un enfant du sac en plastique lui servant d'emballage;

Attendu sur l'imputabilité de l'infraction,seul élément contesté, qu'il est établi, et reconnu, que T, qui ignorait l'existence de cette norme, n'a nullement procédé à la moindre démarche pour s'assurer de la conformité de ce jouet aux normes en vigueur en matière de sécurité, ne sollicitant de son fournisseur que postérieurement au contrôle, un rapport d'essais concluant au demeurant que l'échantillon n'était pas conforme;

Attendu encore qu'il importe peu que ce produit ait comporté le sigle "CE" ou diverses étiquettes relatives aux dangers que son usage présentait pour des enfants d'un âge inférieur à 36 mois, dans la mesure où il lui appartenait personnellement, en qualité d'importateur et d'auteur de la première mise sur le marché national, de veiller à la conformité de cette marchandise aux prescriptions en vigueur, fût-ce au moyen d'un contrôle par sondage;

Attendu ainsi qu'en garantissant aux clients, par cet étiquetage, le respect de la réglementation dans le domaine capital de la sécurité, alors qu'il s'était abstenu de toute vérification et que le jouet vendu présentait des risques de danger lors de son utilisation, il ne saurait se prévaloir de la bonne foi qu'il allègue et sera en conséquence déclaré coupable, par infirmation du jugement, du délit de tromperie poursuivi;

Attendu en répression qu'une amende de 30 000 F sanctionnera équitablement cette infraction;

Attendu qu'il convient en outre, en application de l'article L. 216-3 du Code de la consommation, d'ordonner la publication de la présente décision, par extraits;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, Reçoit l'appel du Ministère public, Infirme le jugement déféré et déclare Joseph T coupable du délit de fraude poursuivi à son encontre, En répression, le condamne à une amende de 30 000 F, Ordonne la publication du présent arrêt, par extraits, dans le journal Le Progrès, éditions de Pain et du Rhône, au coût maximal, aux frais du condamné, de 8 000 F par insertion; Dit qu'il sera tenu au droit fixe de procédure, Fixe en tant que de besoin la contrainte par corps conformément à la loi, Le tout par application des articles L. 213-1 et suivants et L. 216-3 du Code de la consommation, 473, 485, 509, 512, 513, 514, 515, 749 et 750 du Code de procédure pénale.