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Décisions

CA Aix-en-Provence, 17e ch. soc. et civ., 30 mars 1999, n° 98-16229

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bouchet

Défendeur :

France Acheminement (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zavaro

Conseillers :

M. Bourgeois, Mme Montélimard

Avocats :

Me Thevenin, SCP Mathieu Mariez.

Cons. prud'h. Marseille, sect. comm., du…

4 mai 1998

Sébastien Bouchet a régulièrement formé contredit au jugement rendu par le Conseil des prud'hommes de Marseille le 4 mai 1998 qui s'est déclaré incompétent pour statuer sur ses demandes tendant, par requalification du contrat de franchise en contrat de travail en restitution du droit d'entrée, en paiement d'un rappel de salaire, en remboursement de frais professionnels, en paiement d'une indemnité de congés payés et d'une indemnité au titre de l'article 700 du NCPC, et a renvoyé les parties à se mieux pourvoir devant le Tribunal de commerce de Toulouse.

Il conclut:

- à l'infirmation du jugement,

- à la requalification du contrat de franchise en contrat de travail,

- à la restitution des sommes suivantes:

* 71 000 F correspondant au droit d'entrée par lui versé à cette société,

* 294 984 F correspondant aux frais professionnels et aux apports qu'il a dû effectuer,

- à la condamnation de France Acheminement au paiement des sommes suivantes:

* 148 709 F correspondant à un complément de salaire

* 21 000 F au titre des indemnités compensatrices de congés payés,

* 100 000 F à titre de dommages-intérêts, la rupture étant imputable à la société France Acheminement,

* 100 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral

* 15 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Il soutient essentiellement l'application, en l'espèce, des dispositions de l'article 781-1 du Code du travail, l'existence d'un lien de subordination permanent caractérisé par l'intégration dans un service organisé et le fait qu'il se trouvait placé sous la direction et le contrôle de la société France Acheminement qui sanctionne les manquements de ses subordonnés.

Il conteste la validité du contrat de franchise dans la mesure où il ne disposait pas de la liberté nécessaire dans l'exploitation de son commerce ni de la liberté nécessaire dans la détermination des prix.

La SARL France Acheminement conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de Monsieur Bouchet au paiement de la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Elle fait valoir la parfaite validité du contrat de franchise, l'absence de toute contestation antérieure à la rupture par le franchisé du contrat, l'inexactitude des affirmations du franchisé relatives au contrôle des horaires de travail, à la fixation des prix et à l'absence de liberté. Elle souligne que les difficultés prétendument enregistrées entre Monsieur Bouchet et Monsieur Leydet constituent en réalité un problème entre franchisés relatif au respect de l'exclusivité des secteurs et que rien n'établit que la violation de l'exclusivité résulterait d'une volonté du franchiseur et serait le signe d'un pouvoir de direction.

Motifs de la décision

La SARL France Acheminement et Monsieur Bouchet ont conclu le 11 mars 1996 un contrat de franchise aux termes duquel la société France Acheminement fait état de son savoir-faire dans le domaine de la distribution de tous plis ou colis postaux, la collecte et le ramassage sur un secteur et des moyens dont elle dispose pour exploiter ce savoir-faire.

En application de ce contrat, Monsieur Bouchet a procédé à son inscription au registre du commerce, a versé un droit d'entrée et s'est engagé au paiement de royalties proportionnelles du chiffre d'affaires.

En contrepartie, il obtenait le droit d'exercer la profession de transport de proximité, d'utiliser la marque France Acheminement dans le cadre d'un secteur déterminé pour lequel l'exclusivité lui était consentie.

Le contrat précise les obligations du franchisé qui "ont pour but de lui permettre de développer son activité dans les meilleures conditions. Son activité s'inscrit dans le cadre du réseau et toutes les obligations qui lui incombent sont la conséquence de cette appartenance au réseau de franchisés qui agit de ce fait dans l'unité, la cohésion et la standardisation des méthodes de travail envers les clients."

C'est bien dans ce cadre nécessaire de réseau (qui correspond à la définition même du contrat de franchise définie par la norme AFNOR Z 20-000 d'août 1987) et donc d'un service organisé qui, à lui seul, ne peut permettre une requalification du contrat en contrat de travail, que l'on doit examiner la validité du contrat souscrit au regard de la liberté nécessaire dans l'exploitation du commerce et dans la détermination des prix et au regard de l'existence ou de l'absence d'un lien de subordination permanent caractérisant le contrat de travail.

Dans la mesure où une clientèle est, lors de la signature du contrat, apportée par le franchiseur qui avait préalablement défini avec ses clients les prix et les conditions, lesquels nécessairement s'imposent au franchisé, mais où le franchisé a toute liberté de développer une clientèle et donc de fixer pour ses nouveaux clients, les expéditeurs, les tarifs, sauf à les communiquer au franchiseur, dans la mesure où le franchisé a un contact direct avec la clientèle qu'il développe (les contrats versés aux débats par Monsieur Bouchet sont certes conclus directement entre l'expéditeur et France Acheminement mais ces contrats sont datés de 1994 soit très antérieurement à la signature du contrat de franchise litigieux et Monsieur Bouchet ne verse aux débats aucun des contrats souscrits au cours de la période d'exploitation), dans la mesure où la facturation est établie directement par le franchisé à son client et seulement centralisée dans le but de permettre au franchiseur le calcul des royalties et la perception des droits lui revenant, Monsieur Bouchet ne justifie pas de l'absence de liberté dans la détermination du prix des prestations et de l'absence de liberté dans l'exercice de son activité commerciale.

Si le contrat de franchise impose des conditions qui s'inscrivent dans la logique commerciale, notamment au plan de la détermination des tarifs dans un alignement sur les prix de la concurrence, Monsieur Bouchet concède que cette logique n'est pas à critiquer.

Vainement Monsieur Bouchet prétend tirer argument de difficultés qu'il aurait rencontrées dans ses rapports avec un autre franchisé qui n'aurait pas respecté la clause d'exclusivité prévue au contrat mais cette violation éventuelle de l'obligation de garantie du franchiseur ne saurait caractériser l'absence de liberté dans l'exploitation du commerce.

A l'affirmation d'un contrôle journalier et permanent de l'activité du franchisé de la part du franchiseur, Monsieur Bouchet n'apporte aucune contribution ne versant aucun élément objectif permettant de l'établir tels des attestations ou des notes de service relatives au contrôle de l'activité.

Le choix de partager avec d'autres franchisés un local loué au nom du franchiseur constitue une faculté et non une obligation imposée par le contrat de franchise et Monsieur Bouchet est propriétaire du véhicule de transport.

Les modalités d'enlèvement et de distribution des colis procèdent du savoir-faire transmis par le franchiseur et sont de l'essence du contrat de franchise. Elles justifient les demandes de renseignement du franchiseur indépendantes du contrôle des horaires de travail.

Enfin le contrôle du strict respect de l'obligation d'exclusivité sur un secteur géographique comme de l'obligation de non-concurrence ne caractérise pas le lien de subordination juridique déduit du pouvoir de direction et de contrôle de l'employeur mais justifie la volonté des parties d'exécuter loyalement le contrat souscrit et la mise en œuvre de pénalités contractuelles procède du même esprit.

Les conditions de la requalification du contrat de franchise en contrat de gérance libre conformément aux dispositions de l'article L. 781-1 du Code du travail soumis aux dispositions du Code du travail ne sont pas en l'espèce réunies.

Monsieur Bouchet succombant dans ses prétentions devra verser à la société France Acheminement au titre de l'article 700 du NCPC la somme de 3 000 F.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en matière prud'homale, Confirme le jugement d'incompétence ratione materiae rendu par le Conseil des prud'hommes de Marseille le 4 mai 1998, Y ajoutant, condamne Monsieur Bouchet à verser à la SARL France Acheminement la somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, Le condamne aux dépens du contredit.