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Décisions

CA Paris, 15e ch. B, 15 juin 2001, n° 1998-23074

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Eng (Epoux)

Défendeur :

Union de Crédit pour le Bâtiment

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Salzmann

Conseillers :

M. Binoche, Mme Le Gars

Avoués :

SCP Monin, SCP Verdun-Seveno

Avocat :

Me Leopold-Couturier.

TGI Paris, 9-1e ch., du 13 janv. 1998

13 janvier 1998

Par jugement du 13 janvier 1998 le Tribunal de grande instance de Paris (9e chambre, 1re section) saisi par l'UCB d'une demande tendant à ce que soit constaté qu'elle était créancière de Monsieur Yeng Eng et de son épouse Hou Chanthon ceci en vertu d'un acte notarié du 29 novembre 1984 d'une somme de 77 170,34 F outre intérêts au taux de 15,50 % sur 45 702,40 F du 1er juillet 1995 à parfait paiement, a fait droit à cette prétention de la banque et ordonné l'exécution provisoire de la décision de ce chef.

Suivant déclaration du 31 août 1998, Monsieur Veng Eng et Madame Hou Chanthon épouse Eng ont interjeté appel de la décision dont s'agit à laquelle il sera référé pour exposé.

Ils ont conclu le 31 décembre 1998, à l'infirmation du jugement dont s'agit, demandant à la cour de statuer à nouveau et de:

- déclarer valable une garantie d'assurance-chômage,

- de dire non écrite une clause du contrat prévoyant le report d'échéances en cas de chômage et limitant la garantie à 18 mois,

- dire que l'UCB pourra demander paiement des échéances échues à la compagnie d'assurance,

- condamner l'UCB à leur payer 3 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Les époux Eng font valoir que déjà assignés par l'UCB devant le Tribunal d'instance du 14e arrondissement de Paris pour avoir paiement d'un prêt du 30 juillet 1985, le tribunal a débouté la banque de ses demandes en se référant à l'assurance chômage figurant dans le contrat.

L'UCB a conclu récapitulativement le 26 mai 1999, à l'irrecevabilité et au mal-fondé de l'appel, ainsi qu'à la confirmation du jugement et à la condamnation des appelants à lui payer une somme de 10 000 F. L'UCB expose que le jugement du tribunal d'instance du 26 juillet 1994 ne peut avoir une quelconque autorité de chose jugée dans le cadre de la présente instance.

Cela étant exposé:

Considérant que les époux Eng n'ont pas fait plaider leur litige s'étant bornés à faire déposer un dossier de pièces et de procédure;

Considérant que la demande formulée par l'UCB à l'encontre des époux Eng est faite en vertu d'un acte notarié valant titre du 29 novembre 1984;

Qu'aux termes de cet acte, les époux Eng souscrivaient auprès de la CFEC un contrat de crédit différé prenant effet le 1er décembre 1985 et s'éteignant le 1er novembre 2004, portant sur un capital de 40 000 F destiné à être investi dans une opération immobilière; que ce crédit devant être attribué le 1er décembre 1997, les époux Eng ont obtenu de l'UCB un crédit d'anticipation du même montant;

Considérant que l'échéance du 1er avril 1993 n'ayant pas été honorée, l'UCB a prononcé l'exigibilité anticipée du crédit;

Qu'en cause d'appel (observation étant faite de ce que les époux Eng étaient non comparants en première instance et n'avaient donc soulevés aucun moyen) les intéressés demandent que soit déclarée non écrite une clause relative au fonctionnement de l'assurance, ceci en parallèle avec une décision du tribunal d'instance du 14e arrondissement qui a adopté cette position au vu du même contrat-type d'assurance;

Considérant qu'en formulant cette demande les époux Eng se placent sous les dispositions du Code de la consommation, le prêt du 29 novembre 1984 étant régi par l'article L. 312-2 de ce Code comme l'ont rappelé les premiers juges, dans la décision entreprise;

Considérant que les dispositions relatives à l'assurance chômage (dont Monsieur Eng estime devoir bénéficier ayant fait l'objet en 1991 d'un licenciement économique) figurent en page 9 de l'acte notarié;

Qu'elles stipulent:

- que Monsieur Eng est assuré à ce titre à hauteur de 40 000 F et que,

- "les prestations des assureurs, payables directement aux prêteurs, consistent à compter du 91e jour suivant la date de départ des prestations ASSEDIC, au report en fin de prêt des mensualités venant à échéance pendant la période de chômage dans la limite de 18 mois;

Considérant que force est de constater le caractère abscons de cette clause pour un lecteur profane, et la difficulté pour le même lecteur-consommateur de mesurer de façon claire et non équivoque la portée qui est la sienne, laquelle est au demeurant sans avantage pour l'assuré;qu'en effet, elle consiste à simplement reporter en fin de prêt les mensualités venant à échéance pendant la période de chômage à compter du 91e jour suivant le début du service des prestations ASSEDIC, et ce, dans la limite de 18 mois par période de chômage, et ceci alors même qu'à la lecture du paragraphe "personne assurée" la garantie parait totale;

Considérant que la clause dont s'agit crée donc un déséquilibre significatif entre les obligations du professionnel rédacteur du contrat et celles de l'assuré destinataire dudit contrat par l'intermédiaire du prêteur mandataire de l'assureur;

Que c'est à juste titre qu'en l'espèce les époux Eng demandent qu'elle soit réputée non écrite;

Qu'il sera fait droit à cette prétention, l'UCB étant quant à elle invitée à saisir la compagnie d'assurance qu'elle a représentée au moment de la signature du contrat;

Considérant que l'équité justifie que l'UCB soit condamnée à verser aux époux Eng une indemnité de 3 000 F au titre de l'article 700 du NCPC;

Par ces motifs, Contradictoirement, Infirme le jugement déféré, Déclare non écrite la clause de la page 9 du contrat du 29 novembre 1984 prévoyant en cas de chômage le report des échéances en fin de prêt et limitant la garantie à 18 mois; Déboute l'UCB de ses demandes à l'encontre des époux Eng, et invite la même à se retourner contre son mandant la compagnie d'assurance pour obtenir paiement des sommes qu'elle estime lui être dues; Condamne l'UCB à payer aux époux Eng la somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du NCPC; Condamne l'UCB aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés directement par l'avoué conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.