Livv
Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 30 juin 1997, n° 96-06646

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

UFC de Seine-Saint-Denis

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Petit

Avocat général :

M. Blanc

Conseillers :

MM. Guilbaud, Paris

Avocats :

Mes Baudelot, Coste Fleuret.

TGI Bobigny, 15e ch. corr., du 4 juill. …

4 juillet 1996

Rappel de la procédure:

La prévention:

L Oswald est poursuivi pour avoir, à Aubervilliers, le 25 septembre 1995, trompé, le contractant sur les qualités substantielles, l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation, les modes d'emploi ou précautions à prendre de fers à repasser à vapeur A type 5016-220V-1000W- repassage à sec et à vapeur spray dépourvus de certificat de conformité.

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a:

Sur l'action publique

Déclaré L Oswald coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis le 25 septembre 1995, à Aubervilliers,

Infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 du Code de la consommation

Et, en application de cet article,

L'a condamné à 5 mois d'emprisonnement et 30 000 F d'amende,

Dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable chaque condamné,

Vu l'article 473 du Code de procédure pénale,

Dit que la contrainte par corps s'exercerait, s'il y a lieu, à l'encontre de Oswald L, dans les conditions prévues par les articles 749 et suivants du Code de procédure pénale,

Sur l'action civile

Ordonné la publication du jugement par extrait aux frais du condamné dans un journal au choix de la concluante et sans que le coût de l'insertion n'excède la somme de 5 000 F,

Reçu l'Union fédérale des consommateurs de Seine-Saint-Denis - UFC - en sa constitution de partie civile

Condamné L Oswald à lui payer la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

M. le Procureur de la République, le 5 juillet 1996 contre Monsieur L Oswald

X (SA), le 5 juillet 1996;

Monsieur L Oswald, le 5 juillet 1996, sur les dispositions pénales et civiles;

Décision:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par le prévenu, la société X, civilement responsable, et le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention;

Par voie de conclusions Oswald L sollicite de la cour, par infirmation, son renvoi des fins de la poursuite et le débouté de l'Union fédérale des consommateurs de Seine-Saint-Denis - UFC - de ses demandes;

Il fait valoir que les produits que fabriquent les sociétés Y et Z ne sont mis sur le marché qu'après qu'un laboratoire agrée se soit assuré de leur conformité aux normes édictées par la Communauté européenne et que tel est le cas pour le fer à repasser A, ainsi qu'en atteste un certificat de conformité en date du 19 décembre 1996 dans lequel il est indiqué:

- que les fers à repasser A répondent aux exigences des directives européennes 89-336 et 73-23,

- que cela résulte des analyses de laboratoire

* la première en date du 16 octobre 1990: VDE - Funkschetz - Ausweis NR 64776 F?

* la deuxième TUV-GS, Genehmigung NR S 90 122 92,

Il souligne qu'il ressort des certificats et analyses produits par le fabriquant des fers à repasser A que ceux-ci sont conformes aux directives européennes et donc à la norme NF EN 60 335 2 3, à laquelle renvoie la directive 73-23 et que dans ces conditions, il ne peut lui être reproché d'avoir importé de Belgique en France des fers à repasser qui n'auraient pas fait l'objet d'essais et qui n'auraient pas eu de certificat de conformité;

Il affirme que le reproche qui lui est fait à cet égard est d'autant moins fondé que:

- la même directive du 22 juillet 1993, prévoit dans son article 9-10-6 que c'est au fabriquant et à lui seul de faire procéder aux analyses, aux fins de vérifications de conformité, aux normes européennes, des produits qu'il fabrique;

- les tests de conformité ont été faits par un laboratoire allemand qui est agrée par la Commission européenne au même titre que le LCIE;

Il expose que le marquage CE n'est obligatoire que depuis le 1er janvier 1997 alors que l'importation en France, par la société X, des fers à repasser A date des 6 février et 5 avril 1995;

Il soutient que l'examen du Laboratoire interrégional de la Répression des Fraudes de Paris Massy, qui est d'une extraordinaire brièveté ne peut servir de base à une condamnation;

La société X, représentée par son conseil, s'associe aux demandes formulées par Oswald L;

Monsieur l'Avocat général estime pour sa part que les justificatifs produits par le prévenu n'ont aucun caractère probant. Il requiert de la cour la confirmation du jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et la condamnation du prévenu à une amende qui ne saurait être inférieure à celle prononcée par les premiers juges. Il s'en remet à l'appréciation de la cour sur l'opportunité d'une peine d'emprisonnement;

Par voie de conclusions l'Union fédérale des consommateurs de la Seine-Saint-Denis sollicite de la cour la confirmation de la décision entreprise et la condamnation, in solidum, de Monsieur Oswald L et de la société X à lui verser la somme complémentaire de 8 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Sur l'action publique

Considérant que le 18 juillet 1995 des agents de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes, à Aubervilliers, au siège de la société X, dont le prévenu est le président directeur général, afin de contrôler la qualité et la sécurité des produits mis en vente par l'entreprise;

Qu'ils constataient l'exposition à la vente et la détention en stock de fers à repasser de marque A, enfermés dans des emballages sur lesquels étaient apposées les inscriptions suivantes:

" A - fer à repasser à vapeur repassage à sec - type 5016-220V-1000W - et à vapeur / Spray ";

Qu'ils observaient qu'aucun marquage de conformité n'était apposé "tant sur l'emballage que sur l'appareil lui-même";

Qu'ils prélevaient ce fer à repasser en trois échantillons identiques pris au hasard dans le stock;

Qu'il s'avérait des documents fournis par la société contrôlée que son fournisseur était la société belge, dont le responsable juridique était également Oswald L et que la société X avait acquis à deux reprises 60 fers à repasser de marque A, les 6 février et 5 avril 1995 au prix unitaire hors taxe de 70 F;

Qu'il résultait des analyses effectuées par le Laboratoire central des industries électriques (LCIE) que l'objet du prélèvement était "non conforme et dangereux" en raison du non-respect des deux points suivants de la norme NF EN 60 335 2 3, relative à la sécurité des fers à repasser électriques, en vigueur à partir d'avril 1993:

- le thermostat ne porte aucune indication permettant d'établir la preuve de la conformité aux règles le concernant;

- la borne de terre n'est pas protégée contre un desserrage accidentel, ceci faisant courir à l'utilisateur un risque de choc électrique;

Qu'au cours de l'enquête et lors de l'audience des premiers juges, Oswald L ne devait fournir aucun certificat de conformité ou la moindre preuve d'une quelconque diligence dans le but de s'assurer de la conformité des produits litigieux avant leur commercialisation;

Sur l'appel de la société X

Considérant que la cour constate que la société X n'était pas partie en première instance;

Que dès lors la cour déclarera irrecevable l'appel interjeté par la société X;

Sur les appels du prévenu et du Ministère public

Considérant que la cour ne saurait suivre le prévenu en son argumentation;

Qu'en effet la cour observe que les documents produits en cause d'appel par Oswald L ne présentent aucun caractère probant;

Que le premier document daté du 19 décembre 1996 - donc postérieur au prélèvement - et intitulé "déclaration de conformité" - et non "certificat de conformité" - mentionne une autorisation du 16 octobre 1990 concernant un fer à vapeur A;

Que le second document concerne un fer à repasser vapeur type 195 5 F qui serait identique au modèle A;

Qu'en définitive rien ne permet d'affirmer que ces documents qui n'ont été produits ni lors du contrôle de la Direction de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes ni en première instance, se rapportent précisément au modèle de fer à repasser A mis en vente et détenu par la société X courant 1995;

Considérant que le prévenu ne démontre aucunement que des tests de conformité ont été faits, pour les matériels concernés, par un laboratoire allemand agréé;

Considérant en revanche que les résultats d'analyses du LCIE,régulièrement notifiés le 11 septembre 1995 par l'intermédiaire du Laboratoire interrégional de la Répression des Fraudes de Paris Massy, qui établissent le caractère dangereux du matériel concerné, n'ont jamais été sérieusement contestés;

Considérant que vainement le prévenu fait valoir, en cause d'appel, "l'extraordinaire brièveté" de l'examen de ce laboratoire, puisque la seule mention qui y figure tient à l'énoncé de ce que "la borne de terre n'est pas protégée contre un desserrage accidentel";

Que la cour relève en effet que cette mention, bien que brève, est parfaitement suffisante pour caractériser l'anomalie constatée;

Considérant qu'il est établi que les fers à repasser mis en vente par X ne satisfaisaient pas aux prescriptions de la Norme NF EN 60 335 2 3;

Qu'ils s'avèrent ne pas avoir été construits selon les règles de l'art, sont dangereux pour l'utilisateur et ne sont donc pas conformes aux prescriptions de l'article 2 du décret n° 75-848 du 26 août 1975 qui dispose:

"Les matériels visés doivent être construits conformément aux règles de l'art, en sorte que, en cas d'installation et d'entretien non défectueux et d'utilisation conforme à leur destination, ils ne compromettent pas la sécurité des personnes et des animaux domestiques ni celles des biens";

Considérant que l'importation, la mise en vente et la vente de ces produits sont prohibées en vertu de l'article 5 du décret précité qui prévoit que:

"Il est interdit de fabriquer ou d'importer pour la mise à la consommation, d'exposer, de mettre à la vente ou de vendre des matériels non conformes aux prescriptions de l'article 2";

Considérant que le prévenu, responsable de l'introduction et de la mise en vente des produits litigieux en France, se devait de s'assurer personnellement de leur conformité;

Qu'en s'en abstenant il s'est rendu auteur des faits de tromperie visés à la prévention;

Considérant que la cour confirmera la décision critiquée sur la déclaration de culpabilité mais l'infirmera en répression, en ne prononçant, ainsi que précisé au dispositif, qu'une seule peine d'amende, pour mieux tenir compte de la relative gravité des agissements commis et de la personnalité du prévenu;

Sur l'action civile

Considérant que la cour ne trouve pas motif à modifier la décision critiquée qui a fait une équitable appréciation du préjudice subi par la partie civile et découlant directement de l'infraction;

Considérant que la cour confirmera le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Oswald L à verser à l'Union fédérale des consommateurs de Seine-Saint-Denis la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Que la cour ordonnera, à titre de dommages-intérêts complémentaires, la publication, par extrait, de l'arrêt à intervenir aux frais du condamné dans un journal au choix de la partie civile, et ce sans que le coût de l'insertion n'excède la somme de 5 000 F;

Que la cour, enfin, condamnera Oswald L à verser à l'Union fédérale des consommateurs de Seine-Saint-Denis la somme supplémentaire de 4 000 F pour frais irrépétibles en cause d'appel;

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement Déclare irrecevable l'appel de la société X, Rejette les conclusions de relaxe du prévenu, Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité, le montant des dommages-intérêts et la somme de 3 000 F allouée à la partie civile au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, L'infirme sur le montant de la peine d'amende, Condamne Oswald L à 60 000 F d'amende, Ordonne la publication par extrait du présent arrêt aux frais du condamné dans un journal, au choix de l'Union fédérale des consommateurs de Seine-Saint-Denis, sans que le coût de l'insertion n'excède la somme de 5 000 F, Condamne Oswald L à verser à la partie civile la somme supplémentaire de 4 000 F pour frais irrépétibles en cause d'appel, Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires, la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné.