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Décisions

CA Caen, ch. corr., 8 octobre 1997, n° 97-00434

CAEN

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Section régionale de la conchyliculture Normandie mer du Nord

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Deroyer

Avocat général :

M. Triaulaire

Conseillers :

Mme Bliecq, M. Reynaud

Avocats :

Mes Levacher, Robin.

TGI Cherbourg, ch. corr., du 20 mai 1997

20 mai 1997

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Saisi de poursuites dirigées contre M. A Didier d'avoir à Lestre, le 11 janvier 1996, trompé le contractant, sur l'origine des moules qu'il commercialisait;

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation;

Le Tribunal correctionnel de Cherbourg, par jugement en date du 20 mai 1997, a relaxé le prévenu des fins de la poursuite et a déclaré la constitution de partie civile de la section régionale de la conchyliculture Normandie mer du Nord irrecevable.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

M. le Procureur de la République, le 27 mai 1997

Section régionale de la conchyliculture Normandie mer du Nord prise en la personne de son représentant légal, le 30 mai 1997

Motifs:

Le 11 janvier 1996 les contrôleurs des services extérieurs de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes dressaient contre M. Didier A un procès-verbal de délit pour tromperie ou tentative de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise.

Il lui était reproché la commercialisation de moules de pêche d'Irlande sous la dénomination " Moules de Bouchot - origine Irlande ".

M. Didier A ne reconnaissait pas l'infraction soutenant que les moules commercialisées sous cette appellation lui avaient été vendues comme telles par son fournisseur irlandais, et admettait qu'il n'était pas allé en Irlande pour constater qu'il importait bien des moules de Bouchot, au motif que son entreprise étant de création récente, il avait beaucoup trop d'autres choses à faire que se rendre dans ce pays;

Poursuivi pour ces faits devant le Tribunal correctionnel de Cherbourg, M. Didier A était relaxé par jugement du 20 mai 1997 qui déclarait également irrecevable la constitution de partie civile de la Section régionale de la conchyliculture Normandie mer du Nord.

Le Ministère public, puis la Section régionale de la conchyliculture Normandie mer du Nord ont régulièrement interjeté appel de cette décision.

Le Ministère public requiert la réformation du jugement, la condamnation du prévenu à une amende et la publication de l'arrêt.

La Section régionale de la conchyliculture Normandie mer du Nord allègue au soutien de son appel que selon les usages habituels de la profession et selon les avis convergents de tous les organismes officiels ou professionnels compétents en la matière, l'appellation "Moule de Bouchot" est réservée à celles élevées sur des pieux verticaux plantés de manière ordonnée sur l'estran sur des concessions concédées sur le domaine public maritime, et de ce fait ayant vécu sans contact avec le sol.

Elle relève que l'application "Fresh Bouchot Mussels" ne figure que pour une part infime des livraisons, qu'en tout état de cause M. Didier A en tant que professionnel aurait dû, rien qu'à leur aspect se rendre compte que les caractéristiques essentielles de ce produit faisaient défaut.

Elle rappelle, enfin, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 212-1 du Code de la consommation il avait l'obligation de vérifier, avant sa commercialisation, que le produit était conforme aux prescriptions en vigueur.

Elle sollicite 1 F à titre de dommages et intérêts, 8 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et la publication de l'arrêt dans divers journaux et revues professionnelles.

M. Didier A arguant de sa bonne foi conclut quant à lui à la confirmation du jugement soutenant qu'il existe bien en Irlande des Moules de Bouchot, que c'est bien ce que lui a livré son fournisseur, et ce qu'il a commercialisé.

Discussion

Sur l'action publique

Attendu qu'il est certain, au vu des décisions du Comité national de la conchyliculture, que tant pour les professionnels que pour les consommateurs, une moule d'élevage se distingue d'une moule de pêche en considération des traitements qui lui ont été réservés;que s'agissant de la "moule de Bouchot" ce traitement doit principalement tendre à la faire croître dans la période la plus longue possible avant sa consommation, sans contact avec le fond de la mer;

Qu'il résulte des constatations effectuées chez M. Didier A, que les moules étaient détachées les unes des autres ou en grappe de quelques moules, sans lien prolongé par le byssus, et que de nombreux crabes verts, des débris de coquillages, des cailloux, des algues vertes et de la vase y étaient mélangés;

Que M. Didier A qui est un professionnel et qui commercialise par ailleurs de la moule de pêche, d'origine française ou non, ne pouvait au simple aspect ignorer que ce qu'il vendait sous le nom de " Moule de Bouchot - origine Irlande " présentait toutes les caractéristiques des moules de pêche et non de celles d'élevage puisqu'à l'évidence elles avaient été en contact permanent avec le fond de la mer;

Qu'il ne saurait se retrancher derrière les dénominations "Fresh Bouchot Mussels" ou "Fresh Bouchet Mussels" porté par son fournisseur pour arguer de sa bonne foi, ce d'autant que pour une même livraison, les dénominations ne sont pas identiques suivant les documents considérés, lettre de voiture internationale, factures ou document de transport variant de "Mussels" à Fresh Mussels", "Fresh purified Mussels" à " Fresh Bouchet Mussel ";

Qu'il n'est pas contesté, par M. Didier A, qu'il n'a pas respecté l'obligation qui lui était faite en vertu des dispositions de l'article L. 212-1 du Code de la consommation de vérifier que le produit mis sur le marché était conforme aux prescriptions en vigueur, obligation qui s'imposait tout spécialement en l'espèce;

Attendu que la mauvaise foi de M. Didier A se déduit donc de ce défaut de vérification du produit, dont l'aspect ci-dessus rappelé, aurait dû l'alerter, et que les seuls documents, d'ailleurs contradictoires dans leur appellation, en provenance du fournisseur ne sauraient lui servir de fait justificatif;

Attendu dans ces conditions, que le délit reproché au prévenu est parfaitement constitué;qu'il convient de réformer le jugement déféré et de sanctionner le prévenu par une amende de 20 000 F dont 12 000 F avec sursis;

Sur l'action civile

Attendu que la Section régionale de la conchyliculture Normandie mer du Nord s'est régulièrement constituée partie civile, qu'il convient en réparation de son préjudice de lui allouer la somme de 1 F, les agissements de M. Didier A ayant porté atteinte aux intérêts qu'elle représente;

Qu'il convient en outre, dans un intérêt de protection des consommateurs, d'ordonner la publication du présent arrêt dans le journal "Pleine Mer", sans que toutefois le coût de celle-ci ne puisse dépasser 3 000 F;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la Section régionale de la conchyliculture Normandie mer du Nord les frais exposés non compris dans les dépens; qu'il y a lieu de lui allouer une indemnité de 4 000 F en vertu de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire; Reçoit le Ministère public et la Section régionale de la conchyliculture Normandie mer du Nord en leurs appels; Sur l'action publique Vu les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation; Réforme le jugement; Déclare Didier A coupable du délit de tromperie visé à la prévention; Condamne Didier A à la peine de 20 000 F d'amende dont 12 000 F avec sursis; Le Président a averti le condamné que si dans les 5 années à compter du présent arrêt, il commettait une nouvelle infraction et était à nouveau condamné à une nouvelle peine d'amende, cette condamnation serait susceptible d'entraîner l'exécution de la peine prononcée ce jour avec le bénéfice du sursis, sans confusion possible avec la seconde, et qu'il encourrait alors les peines de la récidive dans les tenues des articles 132-8 à 132-11 du Code pénal. Prononce la contrainte par corps; Sur l'action civile Reçoit la Section régionale de la conchyliculture Normandie mer du Nord en sa constitution de partie civile; Condamne Didier A à payer à la Section régionale de la conchyliculture Normandie mer du Nord la somme de 1 F à titre de dommages et intérêts et elle de 4 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Ordonne aux frais du prévenu la publication du présent arrêt par extrait, dans le Journal Pleine Mer; Fixe à 3 000 F le coût maximum de cette publication; Dit que l'extrait à publier sera ainsi rédigé "Par arrêt définitif du 8 octobre 1997, la Cour d'appel de Caen a déclaré M. Didier A coupable du délit de tromperie sur l'origine des moules qu'il commercialisait en les présentant comme moules de Bouchot alors qu'elles n'en étaient pas, faits commis à Lestre le 11 janvier 1996 et en répression l'a condamné à 20 000 F d'amende dont 12 000 F avec sursis ainsi qu'à verser des dommages et intérêts à la partie civile; Condamne Didier A aux dépens de l'action civile; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné.