CA Bordeaux, 3e ch. corr., 18 février 1997, n° 96000579
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Castagnede
Substitut :
général: M. Dauffy
Conseillers :
Mlle Courbin, Mme Robert
Avocat :
Me Guibert.
Faits
Par actes en date du 23 et 24 novembre 1995 reçus au secrétariat-greffe du Tribunal de grande instance de Périgueux, L Carmelo, M Jean Paul Ernest et le Ministère public contre les deux prévenus ont relevé appel d'un jugement contradictoire rendu par ledit tribunal le 22 novembre 1995 à l'encontre de:
1°) L Carmelo poursuivi comme prévenu:
- d'avoir à Trelissac (24) et en tout cas sur le territoire national, entre la période de mai à septembre 1994, trompé ou tenté de tromper les consommateurs, sur les qualités substantielles, l'aptitude à l'emploi et les risques inhérents à l'utilisation de 4 200 lampadaires halogènes importés de Chine ;
Infraction prévue et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation.
2°) M Jean Paul Ernest poursuivi comme prévenu:
- d'avoir dans les départements de l'Indre-et-Loire, de la Sarthe, du Cher et de la Vienne, courant septembre 1994, en tout cas depuis temps non prescrit, trompé ou tenté de tromper les consommateurs sur les qualités substantielles, l'aptitude à l'emploi et les risques inhérents à l'utilisation de lampadaires halogènes importés de Chine;
Infraction prévue et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation.
LE TRIBUNAL :
A déclaré L Carmelo coupable des faits qui lui sont reprochés
L'a condamné à la peine d'amende de 30 000 F.
A déclaré M Jean Paul Ernest coupable des faits qui lui sont reprochés ;
L'a condamné à la peine d'amende de 10 000 F.
A ordonné la destruction du matériel saisi non conforme.
Sur quoi,
LA COUR a mis l'affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l'audience du 4 février 1997 ;
A ladite audience, la cour a prorogé son délibéré à l'audience du 18 février 1997,
Et, à l'audience de ce jour, Monsieur le Président a donné lecture de la décision suivante,
Les appels successivement interjetés les 23 et 24 novembre 1995 par Carmelo L, Jean Paul M et le Ministère public à l'encontre d'un jugement rendu contradictoirement le 22 novembre 1995 par le Tribunal de grande instance de Périgueux sont recevables pour avoir été déclarés dans les forme et délai de la loi.
Les prévenus, assistés de leur conseil, sollicitent leur relaxe.
S'ils ne contestent pas la non-conformité des marchandises vendues aux normes Afnor, ils soutiennent que celles-ci ne sont que facultatives et qu'en conséquence, il convient de se référer aux normes du pays fabricant, en l'espèce la Chine, laquelle leur a délivré un certificat de conformité aux normes européennes auquel l'importateur doit pouvoir se fier selon une jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.
Ils soutiennent d'autre part que l'élément intentionnel de l'infraction n'est pas caractérisé dans la mesure où ils ont eu recours à un importateur compétent, la société A, qui devait s'assurer de la conformité des produits importés.
Le Ministère public, requiert la confirmation du jugement déféré.
Motivation
Il résulte des éléments du dossier que, suite à une annonce dans un journal local concernant des luminaires proposés à des prix très modiques, les services de la Direction de la Concurrence, de la consommation et de la Répression des Fraudes ont procédé à un contrôle dans le magasin X sis à Angers, exploité par la société SARL B, dont le gérant est Jean Paul M, société filiale de la SA Z dont le président du Conseil d'administration est également Jean Paul M.
Lors de ce contrôle il a été procédé au prélèvement de lampadaires halogènes dont l'expertise, réalisée par le laboratoire interrégional de la Répression des Fraudes de Paris-Massy, a mis en évidence le caractère "non conforme et dangereux" en raison du non-respect des normes NF EN 60 598-1 et NF EN 60 598-4 ainsi que le risque de choc électrique qu'ils font encourir aux utilisateurs.
Ces luminaires avaient été fournis à la société B par la société C, centrale d'achats de tous les magasins X, dont le PDG est Carmelo L et dont le siège social est à Trelissac (24), laquelle avait importé ces appareils de Chine par l'intermédiaire de la société A.
Contrairement à ce que soutiennent les prévenus:
- Les normes visées par le Service de la Répression des Fraudes, si elles ne sont pas d'application obligatoire, servent de référence pour se prononcer sur la conformité d'un produit qui doit être construit conformément aux règles définies par l'article 2 du Décret du 26.08.75, lequel dispose que "les matériels visés (matériels électriques) doivent être construits conformément aux règles de l'art, en sorte que, en cas d'installation et d'entretien non défectueux et d'utilisation conforme à leur destination, ils ne compromettent pas la sécurité des personnes et des animaux domestiques ni celle des biens",l'article 5 de ce même Décret disposant qu'"il est interdit d'importer pour la mise à la consommation, d'exposer, de mettre en vente des matériels électriques non conformes aux prescriptions de l'article 2".
- L'expertise des appareils litigieux a démontré que ceux-ci étaient non seulement non conformes aux normes françaises homologuées mais aussi dangereux pour la sécurité des personnes et des biens.
- L'importateur ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en se retranchant derrière le certificat de "conformité" délivré par le pays fabricant, la jurisprudence invoquée de la Cour de justice des Communautés européennes ne concernant que les certificats délivrés par les autorités des Etats membres, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
- la faute éventuelle de la société A n'est pas exclusive de celle des prévenus, étant observé que cette société a agi "pour le compte" de la société C (avenant d'assurance du 12.08.1994), laquelle a été en réalité le véritable importateur et que c'est Monsieur G, directeur général et administrateur de la société C qui a participé directement à la transaction commerciale des lampes halogènes défectueuses en se rendant lui-même en Chine et en établissant un certificat d'acceptation de la "qualité" des marchandises importées le 19.07.1994.
Il apparaît ainsi que les prévenus, spécialistes en matière de commercialisation des luminaires, se sont rendus coupables du délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, en offrant à la vente des appareils non conformes et dangereux pour la sécurité des personnes et des biens, étant précisé qu'en cette matière, l'absence ou l'insuffisance de contrôle suffit à caractériser l'élément intentionnel du délit.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur la qualification des faits et sur la culpabilité.
Quant aux peines d'amende prononcées par le tribunal, elles ne sont nullement excessives mais tiennent compte au contraire à la fois de la gravité des faits commis et de la personnalité des prévenus et elles seront également confirmées de même que la mesure de destruction du matériel saisi non conforme, aux frais des condamnés, par application de l'article L. 216-2 3e alinéa du Code de la consommation.
Par ces motifs: LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par arrêt contradictoire; Déclare recevables les appels des prévenus et du Ministère public; Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré sous réserve de préciser qu'en application de l'article L. 216-2 3ème alinéa du Code de la consommation, la destruction du matériel saisi non conforme se fera aux frais des condamnés; Dit que la contrainte par corps s'appliquera dans les conditions prévues aux articles 749 et 750 du Code de procédure pénale; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné en application de l'article 1018 A du CGI.