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Décisions

CA Aix-en-Provence, 5e ch. corr., 8 octobre 1997, n° 97-577

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Syndicat national des fabricants de produits surgelés et congelés, Union fédérale des consommateurs 06, Union régionale des consommateurs Provence-Alpes Côte d'Azur

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lapereyre

Substitut :

général: M. Ceccaldi

Conseillers :

Mmes Delpon, Montelimard

Avocats :

Mes Montagard, de Foresta, Saint-Esteben.

TGI Grasse, ch. corr., du 28 janv. 1994

28 janvier 1994

Décision:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Galhi C a fait l'objet dune citation directe devant le Tribunal correctionnel de Grasse sous la prévention d'avoir:

- à Saint-Laurent-du-Var et sur le territoire français, en juin 1991 trompé ou tenté de tromper sa clientèle sur la nature, l'espèce et l'origine de produits de la mer mis sur le marché, en l'espèce du colin d'Alaska mis en vente sous l'appellation de cabillaud,

faits prévus et punis par l'article I de la loi du 1er août 1905, devenu l'article L. 213-1 du Code de la consommation.

Par ailleurs, Galhi C et la SA Y ont fait citer directement Jacobus K directeur de la société X à l'effet de:

- voir déclarer Jacobus K coupable du délit de tromperie sur les qualités substantielles de la chose vendue, en l'occurrence la nature, l'espèce d'une marchandise et la quantité des choses livrées et, en conséquence, voir condamner celui-ci au paiement des sommes suivantes:

au titre de la tromperie sur la nature et l'espèce de la marchandise:

1°) marge brute escomptée : la somme de 208 357,50 F outre les intérêts légaux à compter du 31 juillet 1991.

2°) frais d'enlèvement, conditionnement en palettes, stockage: la somme de 12 569,70 F outre les intérêts légaux depuis le 31 juillet 1991,

3°) pénalités: la somme de 74 000 F, outre les intérêts légaux depuis le 3 1 octobre 1991.

du chef de la tromperie sur le poids net réel du produit:

1°) la perte la somme de 17 096 F, outre les intérêts légaux à compter de la date de la demande,

2°) pénalités : la somme de 25 000 F, outre les intérêts au taux légal depuis le 31 août 1991,

- voir déclarer la société X civilement responsable.

- voir condamner K et la société X au paiement d'une somme de 40 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par jugement contradictoire en date du 28 janvier 1994, le tribunal a:

- ordonné la jonction des procédures CD 5380-92 ET CD 5058-93,

- relaxé Jacobus K,

- déclaré C Galhi coupable des faits qui lui sont reprochés,

- en répression, l'a condamné à 100 000 F d'amende,

- ordonné l'affichage du jugement sur la porte principale du siège social de la SA Y Zone Industrielle de Saint-Laurent-du-Var, secteur Z, <adresse>,

- ordonné la publication par extraits du jugement dans les quotidiens Le Monde et Le Figaro et dans la revue La Surgélation, le tout aux frais du condamné, le montant de chaque insertion ne pouvant excéder la somme de 20 000 F,

- condamné C Galhi à payer:

1°) au Syndicat national des fabricants des produits surgelés et congelés:

- la somme de 1 F à titre de dommages-intérêts,

- la somme de 2 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

2°) à l'association UFC 06:

- la somme de 3 000 F à titre de dommages-intérêts,

- la somme de 2 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

3°) à l'association URCOPACA:

- la somme de 3 000 F à titre de dommages-intérêts,

- la somme de 2 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- rejeté les réclamations de C Galhi et de la SA Y.

Par déclaration au greffe du tribunal en date du 3 février 1994, Galhi C et la SA Y ont interjeté appel de cette décision.

Le Ministère public a formé appel incident contre C le 8 février 1994.

Le prévenu Galhi C a comparu assisté de son avocat qui a déposé des conclusions tendant à la relaxe de son client.

M. Michel Arnaud, en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Y, intervenant volontairement en la cause, a comparu représenté par son avocat.

Jacobus K, prévenu régulièrement cité, n'a pas comparu.

Le Syndicat national des fabricants de produits surgelés et congelés, partie civile, a comparu, représenté par son avocat qui a déposé des conclusions tendant à la confirmation du jugement.

L'URCOPACA a comparu représentée par son conseil qui a déposé des conclusions tendant à la confirmation du jugement.

L'UFC 06, partie civile régulièrement citée, n'a pas comparu.

Motifs de la décision

Attendu que la cour se prononcera par arrêt contradictoire à l'égard du prévenu C, de M. Michel Arnaud ès qualités, du Syndicat national des fabricants de produits surgelés et congelés et de l'URCOPACA, parties comparantes et par défaut à l'égard du prévenu K et de la partie civile UFC;

Attendu que les appels sont recevables pour avoir été interjetés dans les formes et délais légaux;

Attendu qu'en ce qui concerne les faits délictueux reprochés au prévenu Galhi C, il est constant que ce dernier, alors PDG de la société Y a vendu aux Etablissements Euromarché des filets de poissons surgelés, conditionnés en sachet de 1 kg, sous la dénomination de filet de cabillaud de marque "les surgelissimes";

Qu'au cours du mois de juin 1991, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes a procédé à des contrôles sur la marchandise ainsi vendue;

Que l'analyse en laboratoire des prélèvements de filets de cabillaud congelés effectués lors de ces contrôles le 14 juin 1991 au magasin Euromarché à Istres et le 20 juin 1991 au magasin Euromarché à Paris a révélé que les filets vendus sous la dénomination de cabillaud par C Galhi étaient en réalité des filets de colin d'Alaska;

Que ce produit proposé par Euromarché au consommateur au prix de 49,90 F hors promotion et de 28,90 F en cours de promotion, avait dans les deux cas été acquis les 4 et 7 juin 1991 à la société Y au prix de 27,90 HT;

Que Galhi C a justifié pour sa part avoir acquis ce produit auprès de la société hollandaise X au prix d'environ 23 F le kg selon facture du 5 juin 1991 mentionnant "filets de cabillaud congelés";

Attendu que pour critiquer le jugement déféré et soutenir sa demande de relaxe, C fait valoir qu'il a été lui-même victime d'une tromperie de la part du producteur hollandais dont les prix pratiqués n'étaient pas de nature à éveiller la suspicion de la société Y, laquelle n'était pas tenue de procéder à des vérifications de la nature du produit, en l'état du certificat vétérinaire fourni par le producteur mentionnant l'indication de l'espèce;

Que, cependant, aux termes de l'article L. 212-1 du Code de la consommation, "dès la première mise sur le marché, les produits doivent répondre aux prescriptions en vigueur, relatives à la sécurité et à la santé des personnes, à la loyauté des transactions commerciales et à la protection des consommateurs. Le responsable de la première mise sur le marché d'un produit est donc tenu de vérifier si celui-ci est conforme aux prescriptions en vigueur."

Qu'il résulte de ce texte que C Galhi, en tant qu'importateur du produit en cause, avait l'obligation personnelle de veiller à la conformité du produit qu'il introduisait sur le marché national, sans pouvoir se retrancher derrière l'étiquetage du produit ou les indications du fournisseur, sa mauvaise foi résultant ipso facto de cette absence de vérification;

Attendu que Galhi C affirme qu'il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas procédé à des vérifications sur la nature et l'espèce des produits qu'il vendait, compte tenu de l'existence d'un certificat vétérinaire hollandais visant la dénomination "cabillaud" ; que, pour fonder sa prétention, il invoque un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 11 mai 1989, qui énonce qu "en l'état actuel du droit communautaire, une disposition imposant au responsable e la première mise sur le marché national d'un produit de vérifier, sous peine d'engager sa responsabilité pénale, la conformité de ce produit aux prescriptions en vigueur sur ledit marché et relatives à la sécurité et à la santé des personnes, à la loyauté des transactions commerciales et à la protection des consommateurs est compatible avec les articles 30 et 36 du traité CEE, à la condition que son application aux produits fabriqués dans un autre Etat membre ne soit pas assortie d'exigences qui dépassent ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif visé, compte tenu, d'une part de l'importance de l'intérêt général en cause, d'autre part des moyens de preuve normalement disponibles pour un importateur, s'agissant, en particulier, de la vérification des informations sur la composition d'un produit, fournies aux consommateurs lors de la mise en vente de ce produit, l'importateur doit pouvoir se fier aux certificats délivrés par les autorités de l'Etat membre de production ou par un laboratoire reconnu à cet effet par ces autorités ou si la législation de cet Etat n'impose pas la production de tels certificats, à d'autres attestations présentant un degré de garantie analogue";

Attendu qu'en l'espèce, le certificat vétérinaire produit ne constitue qu'une attestation sanitaire certifiant que la denrée exportée a été reconnue propre à la consommation humaine, mais ne constitue en aucune manière une garantie de la nature et de l'espèce du produit exporté, dont le nom déclaré par l'exportateur est repris sans qu'il ait été procédé à un quelconque contrôle de son authenticité;

Qu'un tel document n'autorisait donc pas Galhi C à se soustraire à son obligation légale de vérification de la conformité du produit;

Que, d'ailleurs, la fausse dénomination du produit ne pouvait échapper à un professionnel confirmé en l'état du prix anormalement bas demandé par le fournisseur hollandais en juin 1991(et non en février 1991 comme l'affirme l'appelant) pour des filets de poisson prétendu cabillaud dont le cours officiel, compte tenu de sa rareté, était à cette époque d'environ 45 F le kg;

Qu'à cet égard, les documents fournis par le prévenu comme émanant d'un autre fournisseur n'apparaissent pas probants dans la mesure où ils ne se rapportent pas de manière certaine à l'époque considérée et où l'authenticité des produits offerts n'est pas certifiée;

Attendu que c'est donc à bon droit que les premiers juges, relevant la mauvaise foi du prévenu et constatant qu'il ne rapportait pas la preuve d'avoir été lui-même trompé par son co-contractant, l'ont déclaré coupable du délit de tromperie poursuivi et l'ont débouté de son action dirigée contre K, dont la relaxe sera confirmée;

Attendu que le jugement sera également confirmé sur la peine principale prononcée qui tient compte de l'importance de la fraude et de la personnalité du prévenu sans qu'il y ait lieu de maintenir les peines complémentaires d'affichage et de publication, compte tenu de l'ancienneté des faits et de la situation de liquidation judiciaire de la société Y;

Attendu que les premiers juges ayant fait une juste appréciation du préjudice résultant de l'infraction pour les parties civiles, le jugement sera également confirmé en ses dispositions civiles;

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard du prévenu Galhi C, de Michel Arnaud ès qualités, du Syndicat national des fabricants de produits surgelés et congelés et de l'URCOPACA, par défaut à l'égard du prévenu K et de la partie civile UFC, en matière correctionnelle; Déclare les appels recevables en la forme; Au fond, Confirme le jugement déféré sauf sur les peines complémentaires de publication et d'affichage prononcées; Le tout conformément aux articles visés au jugement, au présent arrêt, et aux articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.