CA Orléans, 2e ch. sect. 2, 25 février 2003, n° 2002-00324
ORLÉANS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Carlier
Avocat général :
M. Cayrol
Conseillers :
MM. Baudoux, Algier
Avocat :
Me Cebron de Lisle.
Rappel de la procédure:
Le jugement:
Le tribunal, par jugement contradictoire
Sur l'action publique:
- a requalifié les faits de: tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal
en:
Tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise
- a déclaré B Hervé Louis coupable de:
tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 15-05-1999, à Vendôme 41, NATINF 000149, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation
et, en application de ces articles, a condamné B Hervé Louis à:
- 2 000 F d'amende.
Les appels:
Appel a été interjeté par:
Monsieur B Hervé, le 26 novembre 2001
M. le procureur de la République, le 29 novembre 2001 contre Monsieur B Hervé
Décision:
LA COUR, après avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant:
Le rappel des faits et la procédure:
Le 22 mai 1999, Christophe Chery achetait au garage X, un véhicule Renault 19 Turbo Diesel Alizé. Le contrôle technique, effectué le 20 mai 1999 par Hervé B, contrôleur technique automobile agrée, mis à la disposition du Centre de contrôle Val-de-Loire à Vendôme, ne révélait aucun défaut. Cependant, durant les cinq mois suivant l'achat du véhicule, Monsieur Chery constatait divers désordres, tels que des bruits, grincements, sautillements. De nombreuses visites au garagiste vendeur n'apportaient aucune amélioration à l'état de la voiture. Le centre Midas de Paris 17e découvrait que le véhicule avait été accidenté avant sa revente, et que le longeron arrière-gauche était plié et fissuré, ce qu'une expertise réalisée le 19 novembre 1999 confirmait. Monsieur Chery saisissait alors la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes qui relevait à l'encontre de Monsieur Bacle, gérant du garage du même nom, et vendeur dudit véhicule, l'infraction de tromperie sur les qualités substantielles du véhicule vendu, pour ne pas avoir révélé à l'acheteur l'accident réparé en juillet 1995, et ne pas l'avoir détecté alors qu'il est un professionnel de l'automobile. Elle a relevé la même infraction à l'encontre d'Hervé B, contrôleur agréé, qui avait procédé au contrôle technique obligatoire de ce véhicule avant sa vente, pour ne pas avoir décelé le défaut affectant le longeron arrière-gauche.
Monsieur B se défendait d'abord devant la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes puis devant les policiers en affirmant que ce véhicule ne présentait aucun défaut lors du contrôle réalisé le 20 mai 1999 et que cette déformation du longeron pouvait être postérieure au contrôle.
Par ailleurs, il ne comprenait pas, si cette automobile avait subi un accident grave, qu'elle n'ait pas été placée en véhicule gravement accidenté.
Selon la Direction de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes, seule la police ou la gendarmerie pouvait prendre une telle décision, lesquelles n'intervenaient que sur des accidents corporels de la circulation, ce qui n'avait pas été le cas en l'espèce.
Selon Monsieur Violette, expert ayant examiné la voiture, si la fissure du longeron n'était pas décelable, sans retrait de l'insonorisant qui la masquait, Monsieur B aurait dû constater la déformation des flancs du longeron, visible sans démontage, sur un pont élévateur et avec un éclairage suffisant du dessous du véhicule.
Le Tribunal correctionnel de Blois, dans son jugement du 20 novembre 2001, requalifiait en tromperie sur les qualités substantielles de la chose vendue, l'infraction de tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal et condamnait Hervé B à une amende de 304,90 euros.
Le 26 novembre 2001, le prévenu interjetait appel de cette décision.
Le 29 novembre 2001, le Ministère public interjetait appel à son tour.
A l'audience de la cour, le 28 janvier 2003, le prévenu comparaissait, assisté de son conseil, la Direction de la Répression des Fraudes était représentée par l'un de ses membres.
Le prévenu expliquait qu'il était agréé en qualité de contrôleur par la Préfecture et qu'il était salarié d'un centre de contrôle technique qui le mettait à la disposition d'un autre. Il maintenait que le véhicule ne présentait aucun défaut lors du contrôle. Il estimait à une vingtaine par an le nombre de véhicule qu'il contrôlait pour le garage X. Il précisait que Monsieur B amenait lui-même les voitures à examiner et les reprenait ensuite.
Le représentant de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes déclarait que le contrôle des longerons était obligatoire, et qu'un examen visuel suffisait pour s'assurer de leur état. Il précisait que le contrôle technique était déterminant pour l'acheteur. Il estimait que le prévenu avait participé à la tromperie de l'acheteur, en donnant une fausse image du véhicule.
Le Ministère public considérait que l'expertise, même non réalisée contradictoirement, devait seulement pouvoir être discutée par les parties. Il estimait que le contrôleur qui avait procédé à l'examen technique du véhicule engageait sa responsabilité, même s'il n'était pas le responsable du centre de contrôle. Il affirmait qu'en omettant de signaler le défaut du longeron, le prévenu avait commis le délit et requérait une amende de 400 à 500 euros.
Le conseil du prévenu soutenait qu'il ne pouvait être poursuivi n'étant pas le représentant de la société et ne bénéficiant pas d'une délégation de pouvoir. Il faisait observer que la tromperie devait être antérieure ou concomitante à l'acte litigieux, or en l'espèce le contrôle technique était postérieur à la concrétisation de la vente, parfaite dès le 15 mai 1999. Il en concluait que le contrôle technique n'avait pas influencé la décision de l'acheteur. Il plaidait la relaxe. Il déposait des conclusions et des pièces au bureau de la cour.
Sur ce, LA COUR
Attendu que les appels interjetés dans les formes et les délais légaux, sont recevables.
Sur l'irrecevabilité de la poursuite
Attendu qu'une poursuite engagée par le Ministère public ne peut être irrecevable, puisqu'en application de l'article 31 du Code de procédure pénale, le Ministère public exerce l'action publique; qu'une poursuite initiée par le Parquet peut seulement être mal dirigée;
Attendu qu'il est établi, et non contesté, qu'Hervé B a procédé à l'examen du véhicule litigieux, en tant que contrôleur technique agréé par la Préfecture; qu'en raison de sa qualité et de son emploi, il engage sa responsabilité personnelle; qu'il importe peu qu'il ne soit pas le représentant du centre de contrôle; que la poursuite et donc bien dirigée;
Sur l'absence de fondement de la poursuite engagée:
Attendu que le prévenu soutient que les dispositions de l'article L. 213-1 du Code de la consommation ne peuvent lui être appliquées; qu'en effet, ce texte exige, pour que la tromperie soit punissable, qu'elle ait été commise au moment du contrat, ou lors de son exécution; qu'en l'espèce, le contrôle technique a été réalisé postérieurement à la vente, intervenue le 15 mai 1999; qu'il en déduit que le contrôle technique n'a pas participé à la tromperie reprochée à Monsieur B;
Attendu qu'il résulte des pièces jointes à la procédure, qu'à la date du 15 mai 1999, le bon de commande du véhicule a été signé, qu'à cette date, la vente ne pouvait être conclue;qu'en effet, l'article 5 bis du décret du 4 octobre 1978, exige la remise par le vendeur d'un véhicule automobile soumis à visite technique, à l'acheteur non professionnel, du procès-verbal de la visite technique établi depuis moins de six mois;que la vente ne pouvait donc être réalisée qu'après le contrôle technique effectué le 20 mai 1999;qu'en conséquence, la poursuite engagée est bien fondée;que d'ailleurs les pièces jointes à la procédure établissent que la vente a été conclue le 22 mai 1999;
Attendu que le prévenu affirme également que l'expertise du véhicule réalisée le 19 novembre 1999 ne lui est pas opposable, au motif qu'il n'a pas été convoqué aux opérations d'expertise; mais attendu qu'il suffit pour que le principe du contradictoire soit respecté que les parties aient eu connaissance du rapport d'expertise et aient été mises en mesure de les discuter, que tel a été le cas de Monsieur B en l'espèce;
Qu'il est établi par les éléments du dossier que les défauts affectant le longeron arrière-gauche résultent d'un accident survenu en 1995, et donc bien antérieur au contrôle technique du 20 mai 1999;qu'il résulte des différents textes réglementant le contrôle technique des véhicules, que l'examen des longerons fait partie des éléments à vérifier;que si ce contrôle doit être effectué sans démontage, ce qui a mis Monsieur B dans l'impossibilité de déceler la fissure du longeron, masquée par un insonorisant d'origine, il a nécessairement constaté la déformation du même longeron, laquelle était visible, en éclairant le dessous du véhicule, placé sur un pont élévateur;qu'en omettant de mentionner ce défaut dans le procès-verbal de contrôle technique qu'il a signé, il a délibérément trompé l'acheteur du véhicule sur l'état de celui-ci;qu'en effet, le rapport de visite technique est un instrument essentiel d'information de l'acheteur sur l'état des organes de sécurité du véhicule, et un élément décisif lors de l'acquisition d'un véhicule d'occasion par un acheteur non professionnel;que l'infraction est donc constituée en tous ses éléments et établie à l'encontre du prévenu;
Que le tribunal a très justement requalifié les faits qui lui étaient soumis, et prononcé une peine adaptée aux faits de la cause, et à la personnalité de prévenu, jamais condamné; que sa décision mérite d'être confirmée en toutes ses dispositions.
Par ces motifs LA COUR Après avoir délibéré, jugeant publiquement et contradictoirement Reçoit les appels, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de cent vingt (120) euros dont est redevable chaque condamné.