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Décisions

CA Paris, 9e ch. B, 29 septembre 1993, n° 93-02497

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Delices

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chevallier

Avocat général :

Mme Hue

Conseillers :

MM. Collomb Clerc, Cailliau

Avocats :

Mes Rousseau, Belmond.

TGI Créteil, 11e ch. corr., du 11 juin 1…

11 juin 1992

Rappel de la procédure

Le tribunal a déclaré:

- D Lucien coupable d'escroquerie par emploi de manœuvres frauduleuses;

Délit commis à Nogent-sur-Marne (94) courant juin 1990;

Faits prévus et réprimés par les articles et 405 al. 2 et 3 du Code pénal;

- S Gina coupable de faux et usage de faux en écriture privée, de commerce ou de banque;

Délits commis à Nogent-sur-Marne courant juin 1990;

Faits prévus et réprimés par les articles 150 al. 1, 2, 151 al. 2, 147, 163 et 42 du Code pénal;

Le tribunal a condamné:

- D Lucien à 4 mois d'emprisonnement

- S Gina à 3 mois d'emprisonnement avec sursis;

Le tribunal a condamné les prévenus, chacun pour sa part, aux dépens de première instance liquidés à la somme de 588,73 F, droit de poste et droit fixe de procédure inclus;

Sur l'action civile:

Le tribunal a condamné solidairement D Lucien et S Gina à payer à M. Jacques Delices la somme de 10 263 F en principal, celle de 10 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice et celle de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Le tribunal a condamné en outre D et S Gina aux dépens de l'action civile.

B) Les appels

Appel a été interjeté par:

- Mme S épouse S Gina le 8 février 1993.

- M. D le 8 février 1993.

- Le Ministère public le 8 février 1993 contre D Lucien et dame S Gina.

Décision

LA COUR après en avoir délibéré,

En la forme

Se référant aux éléments qui précèdent et aux pièces de la procédure, la cour relève que Lucien D et Gina S, auxquels a été signifié le jugement précité le 8 février 1993, ont relevé appel de cette décision le jour même de sa signification;

Le Ministère public a également relevé appel incident de ce jugement le 8 février 1993;

La cour déclarera ces appels recevables, pour avoir été formés dans les délais légaux;

Au fond

Considérant que les prévenus appelants ont été condamnés respectivement:

- Lucien D à la peine de 4 mois d'emprisonnement pour escroquerie,

- Gina S à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis pour faux et usage de faux en écritures privées et tous deux solidairement à payer à la partie civile les sommes de 10 263 F en principal, 10 000 F à titre de dommages-intérêts, et 1 500 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Considérant qu'il résulte tant de la plainte initiale de Jacques Delices, que de l'enquête ordonnée à sa suite par le Parquet de Créteil, que D, exploitant le garage X à Nogent-sur-Marne, a cédé un véhicule BMW au plaignant le 21 septembre 1990 après avoir effectué sur cette automobile gravement accidentée des réparations qui lui ont paru suffisantes pour permettre sa remise en circulation;

Qu'il ressort du dossier de la procédure que D avait acquis ce véhicule " dans l'état et sans garantie" auprès de M. Léon Royer, casseur à Chelles, le 24 avril 1989,

Considérant que les pièces versées par le conseil des prévenus font apparaître que, contrairement aux indications de D lors de l'enquête, le véhicule en cause a été vendu par L. Royer à Gina S le 24 avril 1989;

Qu'il est néanmoins douteux que la facture relative à cette vente soit entièrement sincère dès lors que la signature du prétendu acheteur ne ressemble en rien à celle de Gina S, figurant en plusieurs exemplaires originaux dans la procédure;

Considérant que le plaignant, dernier acquéreur du véhicule, n'ayant jamais pu obtenir des services de la Préfecture la délivrance de la carte grise qui devait normalement faire suite à la réalisation de la vente, dénonçait dans sa plainte tant les agissements de D que ceux de S, estimant avoir été victime de manœuvres frauduleuses de la part de D qui lui avait caché l'origine et l'état véritables du véhicule, et laissé croire que Gina S en était le vendeur, alors que le certificat de cession du 21 septembre 1990 avait été signé abusivement par cette dernière pour attester la régularité de l'opération et faciliter les formalités administratives ultérieures en vue de l'obtention de la carte grise;

Que la remise d'attestations de transfert de carte grise par le garage X ne permettait pas davantage à Jacques Delices de régulariser la situation administrative de son véhicule, ce dernier, considéré comme détruit par la Préfecture depuis le 23 février 1990 à la suite du grave accident qu'il avait subi en 1989, n'ayant pas été remis en état ni présenté à l'inspection des services des Mines dans les délais réglementaires;

Considérant que pour s exonérer de leur responsabilité pénale et solliciter leur relaxe les prévenus font valoir au soutien de leur argumentation que Jacques Delices connaissait l'état et l'origine du véhicule dès lors que le certificat de non-gage délivré à lui-même le 14 septembre 1990 faisait clairement apparaître qu'il était considéré comme détruit depuis le 23 février 1990, et que par conséquent il ne pouvait ignorer que la délivrance d'une nouvelle carte grise dépendait du service des Mines, seul habilité à juger de la conformité dudit véhicule avec les normes en vigueur pour sa remise en circulation;

Qu'en ce qui concerne Gina S, celle-ci étant la seule propriétaire du véhicule depuis son acquisition auprès de M. Léon Royer, ainsi que cela résulte de la facture établie par ce dernier le 22 avril 1989, aucun délit de faux et d'usage de faux en écriture privée ne peut lui être reproché, dans la mesure où elle pouvait établir sans fraude le certificat de cession d'un véhicule dont elle était apparemment propriétaire le 21 septembre 1990;

Considérant que la partie civile intimée, sollicite verbalement une augmentation des dommages-intérêts accordés par les premiers juges, alors que sa qualité d'intimée ne lui permet de demander que la confirmation des dispositions du jugement relatives à ses intérêts civils;

Considérant que les faits reprochés à D sous la qualification d'escroquerie, qui consistent à avoir vendu un véhicule automobile sans en posséder le certificat de vente ni la carte grise, constituent en réalité le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise, dès lors qu'il est constant que le prévenu a ainsi cherché délibérément à cacher à Jacques Delices l'origine, l'état et la véritable situation juridique dudit véhicule, alors qu'en sa qualité de professionnel de l'automobile il lui appartenait d'appeler l'attention de l'acheteur éventuel de ce véhicule sur l'aléa susceptible d'affecter la vente en raison de sa destruction administrative faisant suite à l'accident grave dont il avait été l'objet, et de sa non-remise en conformité dans les délais réglementaires;

Considérant que les agissements frauduleux commis par Lucien D sont particulièrement répréhensibles dès lors qu'ils sont le fait d'un professionnel de l'automobile;

Que la cour le sanctionnera en conséquence en lui infligeant une sévère peine d'amende;

Considérant que Gina S, nonobstant ses déclarations lors de l'enquête, apparaît sur le certificat de cession de véhicule du 21 septembre 1990 comme le véritable propriétaire, situation apparemment conforme à la réalité si l'on se réfère à la facture établie par M. Léon Royer le 22 avril 1989;

Que dans ces conditions, et en l'absence d'éléments établissant la mauvaise foi de l'intéressée, la cour renverra Gina S des fins de la poursuite la concernant des chefs de faux et usage de faux en écriture privée;

Considérant qu'en ce qui concerne l'action civile, la cour réformera le jugement dont appel du fait de la mise hors de cause de Gina S, et le confirmera en ses dispositions applicables à Lucien D, les premiers juges ayant à son égard exactement apprécié le préjudice direct et actuel résultant, pour la partie civile intimée, de ses agissements;

Par ces motifs Statuant publiquement contradictoirement et en second ressort, En la forme - Reçoit les appels de Lucien D, de Gina S, et du Ministère public; Au fond Sur l'action publique -Réformant le jugement dont appel. - Renvoie Gina S des fins de la poursuite des chefs de faux et usage de faux en écriture privée; - Requalifiant la prévention en ce qui concerne Lucien D, le déclare coupable du délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise, en répression le condamne à la peine de 20 000 F d'amende et à la confiscation du véhicule à lui restitué par la partie civile; Sur l'action civile - Confirmant et réformant pour partie le jugement dont appel; - Déboute la partie civile de ses demandes dirigées contre Gina S - Condamne Lucien D à payer à Jacques Delices, partie civile, la somme de 20 263 F a titre de dommages-intérêts et 1 500 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Le tout en application des articles 1 et 6 de la loi du 1er août 1905, 473, 749 et suivants du Code de procédure pénale.