Cass. crim., 24 juin 1997, n° 96-82.424
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
UFC Que choisir, Grimaldi (Consorts), Giorgi
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Blin
Avocat général :
M. Amiel
Avocats :
SCP Ancel, Couturier-Heller, SCP Boré, Xavier, SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Guiguet, Bachellier, de la Varde, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Vier, Barthélemy, SCP Waquet, Farge, Hazan, Mes Choucroy, Hennuyer, Odent, Roger, Spinosi.
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par : 1° P Luc, C Michel, L Michel, R Bernard, D Raymond, 2° la société X, civilement responsable, 3° l'association Union fédérale des consommateurs Que choisir ?, Grimaldi Karine, Grimaldi Jean-Marc, Reboulet Françoise, épouse Grimaldi, Giorgi Pierre, parties civiles, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Bastia, chambre correctionnelle, du 13 décembre 1995, qui, notamment, a condamné Luc P, Michel C, Bernard R, Raymond D, chacun à 20 mois d'emprisonnement avec sursis et 30 000 francs d'amende pour homicides et blessures involontaires, et Michel L à 10 mois d'emprisonnement avec sursis et 15 000 francs d'amende pour établissement d'une fausse attestation et usage, a déclaré l'Union fédérale des consommateurs Que choisir ? (UFC) irrecevable en sa constitution de partie civile et a prononcé sur les réparations civiles. Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation des 20 mai 1992 et 11 juin 1992 portant désignation de juridiction ; Vu les mémoires ampliatifs, additionnels et complémentaires et les mémoires en défense ;
Sur l'action publique concernant Michel C : - Attendu qu'il résulte d'un extrait des actes de l'état civil de la ville de Montreuil que Michel C est décédé le 20 septembre 1996 ; qu'il s'ensuit que, par application de l'article 6 du Code de procédure pénale, il y a lieu de déclarer l'action publique éteinte à l'égard de ce demandeur ; que cependant, la Cour de cassation demeurant compétente pour statuer, en ce qui le concerne, sur les intérêts civils, il convient de donner acte à ses héritiers, Nicole B, veuve C, Xavier C et Valéry C, de leur reprise de l'instance ;
Sur les faits et la procédure : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'informés le 23 avril 1992 que la rencontre devant opposer, en demi-finale de la Coupe de France de football, Y à l'Olympique de Marseille se disputerait le 5 mai 1992 au stade de Furiani, les dirigeants du Y ont décidé de confier à la société Z, dont le directeur était Jean-Marie B1, l'édification d'une tribune provisoire d'environ 9 000 places, après destruction de la tribune nord de 800 places, ce qui devait porter la capacité du stade de 6 800 à près de 18 000 spectateurs, compte tenu de l'installation récente d'une tribune ouest ;
Qu'il a été procédé aux travaux de démolition dans la nuit du 24 au 25 avril 1992 et que la construction de la nouvelle tribune, qui n'a fait l'objet d'aucune demande d'autorisation auprès du maire de Furiani, a commencé le 28 avril 1992, pour s'achever le jour même du match, après plusieurs interventions de Bernard R, directeur de l'agence locale de la société de contrôle technique X, et plusieurs réunions de la commission départementale de sécurité dont le président était Raymond D, directeur de cabinet du préfet de la Haute-Corse ;
Que cependant, le 5 mai 1992, quelques minutes avant le coup d'envoi de la rencontre, la partie supérieure de cette tribune, se désolidarisant sur toute sa longueur de la partie basse, s'est effondrée, précipitant dans le vide 3 500 personnes, dont 15 ont trouvé la mort et près de 2 000 ont été blessées ; que les expertises ordonnées ont établi que cet effondrement était inéluctable en raison d'erreurs de conception et de montage ainsi que des contraintes que l'ouvrage devait supporter ;
Attendu qu'ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour homicides et blessures involontaires, notamment, Jean-Marie B1, Bernard R et Raymond D, ainsi qu'Etienne G1 et Ange P1, respectivement secrétaire général et directeur administratif de la Ligue régionale de football de Corse, Michel C, directeur général de la Fédération française de football, Luc P, président de la commission centrale de la Coupe de France, et en outre, pour faux et usage de faux concernant un document intitulé " procès-verbal de la réunion de la commission de sécurité ", Michel L, vice-président du Y, et trois dirigeants de la Ligue régionale, Etienne G1, Ange P1 et Yves B2, son vice-président ; que le tribunal a relaxé Raymond D, retenu la culpabilité des autres prévenus et statué sur les intérêts civils ;
Que, sur les appels des prévenus condamnés hormis Jean-Marie B1, de celui du Procureur de la République à leur égard et à celui de Raymond D, ainsi que de ceux de diverses parties civiles et parties intervenantes, l'arrêt attaqué, après avoir requalifié les délits de faux et usage de faux en établissement d'une fausse attestation et usage, a confirmé le jugement sur les déclarations de culpabilité et l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'UFC, mais, l'infirmant en ce qui concerne Raymond D, a déclaré celui-ci coupable d'homicides et blessures involontaires, et a prononcé sur les intérêts civils ;
En cet état :
I. Sur le pourvoi de Pierre Giorgi : - Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II. Sur les pourvois de Michel L, Bernard R, Luc P, Raymond D et de la X ainsi que sur celui de Michel C en ce qui concerne, à son égard, les intérêts civils ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Michel L, pris de la violation des articles 161, alinéa 4, du Code pénal abrogé, 441-7 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel L coupable des délits d'établissement d'une fausse attestation et d'usage, et l'a condamné de ce chef ;
" aux motifs que Michel L a reconnu être l'auteur du document non daté écrit de sa main intitulé "procès-verbal de la réunion de la commission de sécurité concernant l'organisation de la rencontre Bastia OM du 5 mai 1992" et se terminant par la formule "en foi de quoi la commission de sécurité estime remplies les conditions pour un bon déroulement de la rencontre et donne son assentiment pour la tenue du match" ; qu'il est établi que ce document a été remis à la Ligue régionale corse ; que MM. G1, P1 et B2 ont participé à l'élaboration d'un document daté du 29 avril 1992 à l'en-tête de la Ligue corse, reprenant l'écrit rédigé par Michel L tant dans son intitulé que dans sa formule conclusive, et le complétant ; que ce document est un écrit contenant l'affirmation d'un fait formulé par des personnes qui en ont assumé la responsabilité et qui ont voulu lui donner une valeur probatoire à l'égard de la Fédération française de football ; que Michel L ne pouvait ignorer que son "brouillon" était destiné à l'affirmation que la commission de sécurité avait donné un avis favorable ;
" alors, d'une part, que seul un écrit établi en faveur d'un tiers bénéficiaire peut être qualifié "d'attestation" au sens de l'article 161, alinéa 4, du Code pénal en vigueur au moment des faits ; qu'en retenant néanmoins la qualification de fausse attestation à propos du procès-verbal du 29 avril 1992, établi par des responsables de la ligue corse dans leur propre intérêt, et non délivré en faveur d'un tiers bénéficiaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que le délit d'établissement d'une fausse attestation suppose que l'auteur a participé à l'établissement de l'attestation, c'est-à-dire à sa rédaction matérielle ; qu'en constatant expressément que seuls MM. G1, P1 et B2 avaient participé, à l'issue de la réunion du 29 avril 1992, à l'élaboration du procès-verbal litigieux, et que ce document était signé de Michel G1, la cour d'appel n'a pas caractérisé, à l'encontre de Michel L, le délit d'établissement d'une fausse attestation ;
" alors, de troisième part, qu'à supposer que la participation purement intellectuelle à la réalisation de l'écrit puisse être constitutive du délit d'établissement d'une fausse attestation, il reste que dans cette hypothèse les juges doivent constater que le prévenu a sciemment, en connaissance de l'inexactitude du fait attesté, coopéré à la fabrication de l'écrit litigieux ; que Michel L, qui a rédigé le brouillon manuscrit avant la réunion de la commission de sécurité, à laquelle il n'a pas assisté, ne pouvait, à ce moment, avoir agi en connaissance de l'inexactitude du fait "attesté", l'éventuel avis de la commission de sécurité ne pouvant être connu qu'à l'issue de la réunion, c'est-à-dire au moment de la mise au point définitive du procès-verbal litigieux par MM. G1, P1 et B2 ; qu'en se déterminant par le motif que Michel L "ne pouvait ignorer" que son brouillon était destiné à l'affirmation que la commission de sécurité avait donné un avis favorable, sans caractériser une participation consciente, en connaissance de l'inexactitude du fait attesté, de Michel L à l'écrit incriminé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" alors, de quatrième part, que seul un écrit relatant des faits matériellement inexacts peut être qualifié de fausse attestation ; que le procès-verbal du 29 avril 1992, reprenant sur ce point le document de Michel L, comprend une formule selon laquelle la commission de sécurité, estimant remplies les conditions pour un bon déroulement de la rencontre, donnait son assentiment pour la tenue du match ; qu'en retenant néanmoins la qualification de fausse attestation concernant cette formule la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa déclaration de culpabilité à l'égard de Michel L ;
" alors, de cinquième part, que seul un écrit susceptible de préjudicier à autrui peut être qualifié de fausse attestation au sens de l'article 161, alinéa 4, du Code pénal en vigueur au moment des faits ; qu'en omettant de caractériser cet élément constitutif du délit, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;
" alors, enfin, qu'en retenant, à l'encontre de Michel L, le délit d'usage d'une fausse attestation, sans préciser en quoi l'intéressé aurait fait usage du procès-verbal litigieux à l'élaboration matérielle duquel il n'a pas participé, qu'il n'a jamais eu en main, et qui, selon les propres énonciations de la cour d'appel, a été communiqué à la Fédération française de football par MM. G1, P1 et B2, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Michel L a reconnu être l'auteur d'un manuscrit non daté intitulé " procès-verbal de la réunion de la commission de sécurité concernant l'organisation de la rencontre Bastia-OM du 5 mai 1992 " et se terminant par la formule " en foi de quoi la commission de sécurité estime remplies les conditions pour un bon déroulement de la rencontre et donne son assentiment pour la tenue du match " ; qu'il est établi qu'Etienne G1, Ange P1 et Yves B2 ont ensuite élaboré un document daté du 29 avril 1992, à l'en-tête de la Ligue corse, qui reprend l'écrit rédigé par Michel L, tant dans son intitulé que dans sa formule conclusive, en le complétant et qui contient l'affirmation d'un fait inexact auquel ses rédacteurs ont voulu donner une valeur probatoire à l'égard de la Fédération française de football ;
Attendu que Michel L ne saurait soutenir avoir ignoré l'usage qui serait fait de son " brouillon " dès lors, selon les constatations des juges, que, dès le 28 avril 1992, soit la veille de la rédaction du document qui en reprend les termes, les dirigeants du Y, dont il était le vice-président, avaient commandé à la Fédération française de football, par l'intermédiaire de la Ligue, le complément de billets correspondant à la nouvelle capacité de la tribune ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que Michel L a, en connaissance de cause, dans l'intérêt tant du Y que de la Ligue régionale, participé à l'élaboration du document certifiant mensongèrement l'accord officiel de la commission de sécurité sur les conditions de la tenue du match, afin d'obtenir, de la Fédération, la délivrance de billets complémentaires, la cour d'appel a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, à la charge du prévenu, les délits d'établissement et usage d'une attestation inexacte, au sens des articles 161, alinéa 4, ancien, et 441-7, nouveau, du Code pénal, dont l'application n'est pas subordonnée à l'existence d'un préjudice ; d'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé par Me Roger pour Bernard R et la société X, et pris de la violation des articles 319 et 320 du Code pénal ancien, des articles L. 111-23, R. 111-38 et R. 111-39 du Code de la construction et de l'habitation, des articles 1134, 1137, 1147, 1382 et 1383 du Code civil, du principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines, des articles 6, § 3-a, et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, des articles 593 et 595 du Code de procédure pénale, ensemble défaut et contradiction de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a retenu Bernard R dans les liens de la prévention d'homicide et blessures involontaires ;
" I. Par ces motifs, d'une part, que R, directeur de l'agence X à Bastia, s'est rendu le 27 avril 1992 sur le stade de Furiani à la suite d'un message téléphonique laissé par le Y à sa secrétaire ; que, sur place, il a rencontré B1 de la société Z, D, directeur du cabinet du préfet de Haute Corse, ainsi que Filippi, président du Y et Negroni, président de la Ligue Corse de Football (arrêt p. 62, § 5) ; [...] que s'il est vrai que R n'a émis le 28 avril 1992 qu'un avis favorable sur la tribune nord; quant à la compatibilité du sol d'assise avec les charges apportées par l'ouvrage", sa mission n'était pas néanmoins clairement définie par un contrat écrit ; [...] qu'il est établi que R s'est rendu à quatre reprises sur place et qu'il est monté sur la tribune le 2 mai vers 10 heures et qu'à l'issue de cette visite et après un entretien avec B1, des diagonales ont été rajoutées sur l'arrière de la tribune (arrêt p. 62, § 7 à 9) ; [...] que les recherches effectuées au niveau national sur les relations entre Z et X ont permis de révéler que sur vingt-huit missions, une seule n'avait porté que sur l'examen du sol, les vingt-sept autres missions ayant porté sur la structure ; qu'ainsi que l'a déclaré M. M3, directeur de l'agence X à Nice, sollicitée une dizaine de fois par an par Z, les missions portaient généralement sur la solidité de l'ouvrage, l'ingénieur ne procédant aux vérifications qu'une fois l'ouvrage achevé et en principe dans les vingt-quatre heures précédant le passage de la commission de sécurité ; attendu que l'ensemble de ces éléments tendent à démontrer que R a bien exécuté une mission globale (arrêt p. 6, § 3) ; " 1° alors, d'une part, qu'en se bornant à dire que l'ensemble de ces éléments "tendent à démontrer que R a bien exécuté une mission globale" (de contrôle technique), la cour s'est déterminée par des motifs purement hypothétiques en violation de l'article 593 du Code de procédure pénale ; " 2° que la cour ne pouvait, sans se contredire, énoncer d'une part que R avait accompli une mission globale de contrôle technique et retenir d'autre part les prévenus L, G3, P1 et B2 du chef de fausse attestation et usage de fausse attestation pour avoir "affirmé que la X avait donné un avis favorable sur la réalisation de la tribune alors que le seul avis émis par R ne portait que sur la compatibilité du sol" (arrêt p. 67, 1er paragraphe) ; " 3° que la cour ne pouvait, sans se contredire à nouveau, énoncer d'une part que R avait accompli une mission globale de contrôle technique et retenir d'autre part le prévenu D dans les liens de la prévention d'homicides et blessures involontaires pour ne pas notamment s'être assuré des "vérifications prétendument effectuées par la X" (arrêt p. 74, § 4) et n'avoir pas interrogé R sur "la nature et la portée de sa mission, la connaissance qu'il avait eue de l'avis limité de celui-ci mettant en évidence l'absence de contrôle technique" (arrêt p. 74, § 7) ; II. Et par ces motifs, d'autre part, "qu'il résulte des motifs ci-dessus exposés que la tribune relevait de la réglementation sur les établissements recevant du public et qu'à ce titre elle était soumise obligatoirement au contrôle technique prévu par les articles R. 111-38 et R. 111-39 du Code de la construction et de l'habitation" (arrêt p. 62, § 3) ; [...] qu'à supposer que R n'ait reçu et exécuté qu'une mission sur le sol, celle-ci serait contraire aux dispositions de l'article R. 111-39 du Code de la construction et de l'habitation qui rend obligatoire le contrôle technique sur la solidité des ouvrages ainsi que sur les conditions de sécurité des personnes" (arrêt p. 63, § 4) ; que R a laissé planer la plus grande ambiguïté sur le sens et la portée de sa mission alors qu'il ne pouvait ignorer notamment par ses contacts avec l'agence de Nice les pratiques habituelles de X en la matière ; " qu'il était en mesure d'évaluer les risques résultant de l'impréparation totale du dossier par B1 et de la durée anormalement courte du montage qui a constitué une des causes essentielles de l'effondrement de la tribune ; que, si le contrôle technique n'implique pas un devoir de conseil contrairement à ce qu'ont affirmé les premiers juges, son objectif consiste à prévenir les risques ; qu'à ce titre il appartenait à R de donner tous éléments d'information sur sa compétence personnelle, limitée au sol et surtout de rappeler que le contrôle technique était obligatoire pour la stabilité et la solidité de la tribune ; [...] que les négligences, imprudences, inobservations des règlements sont ainsi caractérisées et qu'il convient dès lors de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité (arrêt p. 63, § 8 à 10). " 1° alors, d'autre part, que la tribune, provisoire et démontable élevée sur la partie nord du stade Armand-Cesari à Furiani ne constituait ni une construction ni un établissement recevant du public soumis au contrôle technique obligatoire prévu par les articles R. 111-38 et R. 111-39 du Code de la construction et de l'habitation que la cour a violé par fausse application ; " 2° qu'aux termes de l'article L. 111-23 du Code de la construction et de l'habitation, la convention de contrôle technique confiant au contrôleur technique une mission de prévention des risques ne peut être conclue qu'avec le seul maître de l'ouvrage ; qu'en s'abstenant de préciser si la mission avait bien été confiée par le maître de l'ouvrage lui-même, la cour n'a pu caractériser l'existence d'une mission de contrôle technique au sens de la loi et les obligations qui accompagnent une telle mission ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; " 3° qu'en s'abstenant d'énoncer en quoi R avait manqué à l'obligation de prudence qui s'impose à un professionnel avisé dans le cadre de la seule mission de vérification qui lui avait été confiée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 319 et 320 du Code pénal et 1134, 1137, 1147, 1382 et 1383 du Code civil ; " 4° qu'enfin, en mettant à la charge du prévenu une obligation générale de "prévention des risques" hors de toute base juridique légale, réglementaire ou contractuelle la cour a donné à l'incrimination un contenu indéterminé en violation du principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines également sanctionné par les articles 6, § 3-a, et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales " ;
Attendu que les constatations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la nouvelle tribune nord du stade de Furiani, édifiée dans les circonstances et les conditions que les juges précisent, constituait l'élément majeur d'un établissement recevant du public, au sens des articles R. 123-2 et R. 123-18 à R. 123-20 du Code de la construction et de l'habitation, et que son édification était soumise au contrôle technique obligatoire, portant sur la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes, qu'imposent les articles L. 111-23, R. 111-38 et R. 111-39 de ce Code ; qu'il est, par ailleurs, établi que Bernard R, directeur de l'agence locale de la X, à la suite d'un message du Y, s'est rendu le 27 avril 1992 sur le stade de Furiani où il a rencontré Jean-Marie B1, directeur de la société W, Raymond D, directeur de cabinet du préfet de la Haute-Corse, ainsi que le président du Y et celui de la Ligue corse de football ; qu'il n'est pas non plus contesté que, si aucun contrat écrit n'a défini l'étendue de sa mission, Bernard R, après avoir délivré le 28 avril un avis favorable sur la compatibilité du sol d'assise avec les charges apportées par l'ouvrage, est intervenu à diverses reprises sur le chantier jusqu'au 2 mai 1992, sa dernière intervention ayant été suivie, après un entretien avec Jean-Marie B1, de la pose de diagonales sur l'arrière de la tribune ;
Attendu que les juges, après avoir en outre relevé que, pour leur quasi-totalité, les missions de la X, dans ses rapports habituels avec W au niveau national, portaient également sur la structure et la solidité des ouvrages, déduisent de l'ensemble de ces éléments que Bernard R a exécuté, en l'espèce, une " mission globale ", telle que la prévoit l'article R. 111-39 du Code de la construction et de l'habitation, et qu'il était en mesure d'évaluer " les risques résultant de l'impréparation totale du dossier par B1 ", de même que " la durée anormalement courte du montage qui a constitué une des causes essentielles de l'effondrement de la tribune " ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, exempts de tout caractère hypothétique, et d'où il résulte que Bernard R a méconnu les obligations que lui imposait la charge du contrôle technique obligatoire qui lui avait été confiée par les dirigeants du Y et qu'il avait accepté d'assumer sans réserves, la cour d'appel a fait l'exacte application tant des textes invoqués par le demandeur que des articles 221-6, 221-19 et 112-1 du Code pénal, ainsi que de son article 121-3, alinéa 3, dans sa rédaction issue de la loi du 13 mai 1996 ; que le moyen doit, dès lors, être écarté ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez pour les consorts Michel C et Luc P, et pris de la violation des articles 319 et 320 du Code pénal ancien, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel C et Luc P coupables d'homicides et blessures par imprudence ;
" aux motifs que les billets supplémentaires (10 000) ont été remis au Y en échange d'un engagement de la Ligue régionale de ne pas vendre les billets tant que la commission de sécurité n'avait pas donné son accord ; que Michel C et Luc P ont donné leur aval pour cette procédure alors qu'ils n'ignoraient pas que la tribune ouest n'avait pas fait l'objet d'un avis de la commission de sécurité et que l'édification de la tribune nord était au stade des prémices ; que la remise des billets au club par anticipation à toute mesure de contrôle constitue à elle seule une imprudence majeure ; que cette imprudence a été aggravée par le blanc seing donné à la Ligue à la réception du faux procès-verbal établi par cette dernière alors que Luc P et Michel C ont admis avoir eu connaissance que l'avis de la X sur la tribune nord ne portait que sur la compatibilité du sol et non sur la solidité de la tribune ; que, si pour leur défense les intéressés ont fait valoir qu'ils avaient demandé à la Ligue la diffusion du document en date du 29 avril, aux différents participants à la réunion de la commission de sécurité, il demeure que la Fédération française de football avait exigé que l'avis sur le contrôle par la X figurât au procès-verbal ; qu'ils savaient qu'à la date du 29 avril la commission de sécurité n'avait pu émettre un avis favorable définitif puisque, par lettre du 30 avril signée par Michel C, ils informaient le Y que M. S4, représentant la commission centrale des terrains et équipements, visiterait les installations du stade et contrôlerait l'exécution des travaux en même temps que le contrôle de la commission de sécurité fixé au 4 mai à 10 heures ; que dans son rapport du 4 mai, M. S4 précisait que les travaux étaient encore en cours d'achèvement et qu'une nouvelle visite de la commission de sécurité serait effectuée le lendemain ; qu'il convient de relever que la rencontre devait se disputer sur un terrain homologué en catégorie A et qu'à l'évidence la démolition de la tribune Claude Papi puis l' édification d'une tribune de 10 000 places entraînaient une modification substantielle du stade et qu'à ce titre celui-ci devait être soumis à une nouvelle homologation ; que Luc P et Michel C ont commis des négligences et imprudences dans la mesure où ils n'ont pas réagi effectivement et usé de leurs pouvoirs propres à la réception d'un procès-verbal manifestement irrégulier dans sa forme et dans son contenu ; qu'ils ont laissé dans la plus totale impéritie la délivrance et la vente des billets, sachant que la commission de sécurité visiterait le stade le 4 mai et subodorant que les prix des billets étaient multipliés par deux ;
" alors que, d'une part, le directeur général de la Fédération française de football comme le président de la commission centrale de la Coupe de France ayant constamment fait valoir n'avoir été avisés d'aucun dysfonctionnement dans l'organisation de la rencontre du 5 mai 1992 et plus particulièrement dans la mise en place d'installations supplémentaires destinées à accroître la capacité d'accueil du stade de Furiani, la cour qui, sans relever le moindre élément venant contredire cette affirmation et tout en constatant par ailleurs que Michel C et Luc P s'étaient tenus constamment informés du déroulement des opérations auprès du chef de service à la Fédération française de football chargé de la gestion administrative des rencontres, leur fait grief de ne pas avoir usé de leurs pouvoirs propres et d'avoir laissé dans une totale impéritie la délivrance et la vente des billets, n'a pas, en l'état de ce défaut de réponse, caractérisé la carence dont ils auraient fait preuve et de nature à constituer la faute au sens des articles 319 et 320 du Code pénal ancien, leur rôle en matière de sécurité consistant uniquement à s'assurer que les équipements satisfont aux normes définies par la commission de sécurité, laquelle en l'espèce se trouvait bel et bien saisie et a effectué sa mission sans incident dont auraient été informés Michel C et Luc P ;
" que, d'autre part, la cour, qui, dans ce contexte, a ainsi affirmé, sans davantage s'en expliquer, que le fait pour le directeur général de la Fédération française de football et le président de la commission centrale de la Coupe de France d'avoir donné leur aval pour la remise au Y de 10 000 billets supplémentaires en échange de l'engagement de la Ligue régionale de ne pas mettre en vente ces billets tant que la commission de sécurité n'avait pas donné son accord constituait une imprudence majeure, a, en l'état de ce défaut de motifs, privé sa décision de toute base légale ;
" qu'enfin, la cour, qui fait ainsi grief à Michel C et Luc P d'une absence de réaction à la réception d'un procès-verbal qualifié de "manifestement irrégulier dans sa forme et dans son contenu", sans là encore s'expliquer sur les éléments de fait faisant apparaître cette irrégularité et tout en constatant par ailleurs que le directeur général de la Fédération française de football et le président de la commission centrale de la Coupe de France, à réception de ce document, ont demandé qu'il soit adressé à tous les membres indiqués comme ayant participé à cette réunion, ce qui fut fait sans attirer la moindre réaction de la part de ces personnes ainsi que le faisaient valoir Michel C et Luc P dans leurs conclusions, n'a pas, là encore, justifié du défaut d'attention ou de vigilance retenu à l'encontre de Michel C et de Luc P pour considérer que leur responsabilité pénale était engagée " ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour les consorts Michel C et Luc P, et pris de la violation des articles 319 et 320 du Code pénal ancien, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel C et Luc P coupables d'homicides et blessures involontaires ;
" aux motifs qu'ils ont commis des négligences et imprudences dans la mesure où ils n'ont pas réagi effectivement et usé de leurs pouvoirs propres à la réception d'un procès-verbal manifestement irrégulier dans sa forme et dans son contenu ; qu'ils ont laissé dans la plus totale impéritie la délivrance et la vente des billets sachant que la commission de sécurité visiterait le stade le 4 mai et subodorant que les prix des billets étaient multipliés par deux ;
" alors que la responsabilité pénale du chef d'homicide ou blessures involontaires ne peut être retenu qu'à la condition que soit établie de manière certaine l'existence d'un lien de causalité entre la faute constatée et la réalisation du dommage, ce qui n'est aucunement caractérisé en l'état des énonciations de la cour, dont il ressort que l'accident est dû à des malfaçons dans la conception et la construction de la tribune, malfaçons qui n'ont pas empêché son ouverture au public à raison de l'avis favorable émis par la commission de sécurité ; que, dès lors, les fautes retenues à l'encontre de Michel C et de Luc P, à savoir une absence de réaction à la réception d'un procès-verbal contenant une allégation inexacte et le fait d'avoir autorisé la vente des billets antérieurement à la visite du stade par la commission de sécurité, ne sauraient présenter de lien direct avec l'accident, lequel se serait nécessairement produit, abstraction faite des agissements aujourd'hui reprochés à Michel C et à Luc P " ;
Et sur le moyen additionnel proposé pour les consorts Michel C et Luc P, pris de la violation des articles 112-1 du Code pénal, 121-3 du même Code dans sa rédaction issue de la loi du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits d'imprudence ou de négligence ; violation du principe de la rétroactivité in mitius ; manque de base légale :
" en ce que la responsabilité pénale et civile de Michel C et de Luc P se trouve retenue sans qu'il ait pu être recherché si, de fait, ils avaient accompli les diligences normales compte tenu de la nature de leur mission et de leurs fonctions, de leurs compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont ils disposaient et ce, ainsi que l'exige dorénavant l'article 121-3 du Code pénal dans sa rédaction issue de la loi du 13 mai 1996 postérieure à l'arrêt attaqué et relative à la responsabilité pénale pour des faits d'imprudence ou de négligence et qui, en restreignant ainsi l'élément constitutif de ces infractions, constitue une loi pénale plus douce applicable aux poursuites en cours, de sorte qu'en tout état de cause la déclaration de culpabilité ne se trouve plus légalement justifiée " ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu que, pour déclarer Michel C et Luc P coupables d'homicides et blessures involontaires, la juridiction du second degré relève en premier lieu que l'organisation et l'administration de la Coupe de France incombaient à la Fédération française de football et à la commission de la Coupe de France dont ces deux prévenus étaient respectivement directeur général et président ; que, spécialement, si les installations ne répondaient pas aux normes réglementaires de sécurité, la commission avait la faculté, soit de déplacer le lieu des rencontres, soit de décaler leurs dates ; que, pour les " matchs à risques ", la Fédération avait prévu, quatre jours au moins avant la rencontre, une inspection du stade et des installations avec les services concernés afin de vérifier la conformité des équipements aux normes définies par la commission de sécurité ; qu'en l'espèce cette inspection n'a eu lieu que la veille ;
Que les juges retiennent ensuite qu'en autorisant la délivrance anticipée de billets supplémentaires, en échange d'un engagement de la Ligue à ne pas les vendre avant l'accord de la commission de sécurité, au vu du document, " manifestement irrégulier dans sa forme et son contenu ", établi le 29 avril par les dirigeants de la Ligue, Michel C et Luc P, qui n'ignoraient pas que la X n'avait émis qu'un avis limité à la résistance du sol et que l'édification de la tribune n'en était alors qu'aux prémices, ont commis " une imprudence majeure " ;
Qu'ils observent, enfin, que la modification substantielle du stade nécessitait une nouvelle homologation dans la catégorie A, imposée pour ce type de rencontre, et que, si ces prévenus avaient effectivement exercé les pouvoirs qu'ils tenaient de leurs attributions, ils auraient exigé les contrôles et avis réglementaires avant l'ouverture du stade ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui établissent que les demandeurs n'ont pas accompli les diligences normales qui leur incombaient, compte tenu de la nature de leurs missions ou de leurs fonctions, de leur compétence ainsi que des pouvoirs et des moyens dont ils disposaient, la cour d'appel, qui a caractérisé sans insuffisance l'existence d'un lien de causalité entre ces manquements et les dommages corporels subis, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; d'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par Me Choucroy pour Raymond D, pris de la violation des articles 319 et 320 de l'ancien Code pénal, 121-3, 221-6, 222-19 du nouveau Code pénal, L. 111-23, R. 111-29, R. 111-38, R. 111-39, R. 123-24 et suivants du Code de la construction et de l'habitation, de l'article L. 131-1 du Code des communes, de l'article 11 bis A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 issu de la loi du 13 mai 1996, de l'article 4 du décret n° 95-260 du 8 mars 1995, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, défaut de réponse aux conclusions, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Raymond D coupable d'homicides et de blessures involontaires ;
" aux motifs : " A) dans le cadre de la police administrative : " que l'édification d'une tribune de 9 000 places dans la plus grande hâte au mépris des règles élémentaires aurait dû ainsi que l'a relevé la commission d'enquête administrative poser une réelle interrogation à l'autorité préfectorale et aux services de l'Etat en général, alors au surplus que l'attention des préfets avait été attirée par le ministre de l'Intérieur suivant plusieurs télex sur la prévention des accidents de gradins et tribunes ; qu'une expertise technique auprès des services centraux ou une simple consultation aurait permis de révéler l'impréparation du projet et l'extrême précarité de l'ouvrage ; que la Direction départementale de l'équipement, qui dispose d'ingénieurs et de techniciens et qui avait offert ses services, était en mesure, par un simple calcul permettant un résultat quasi instantané, de faire apparaître qu'il n'existait pas de sécurité réglementaire et que l'énormité du sous-dimensionnement de la tribune était telle que la probabilité de ruine était de l'ordre de 100 % ; que l'examen attentif de la situation se révélait d'autant plus nécessaire que le maire de Furiani, à qui incombaient les autorisations d'aménagement et d'ouverture de l'établissement, est apparu comme dépassé par les événements, ignorant les procédures applicables et mis, selon sa propre expression, "devant le fait accompli" ; que si l'on doit s'interroger sur le pouvoir de substitution que pouvait exercer l'autorité préfectorale, il demeure qu'au titre de la sécurité générale Raymond D a commis des négligences qui ont contribué à la réalisation de la catastrophe ; B) dans le cadre des commissions de sécurité : " que nier tout pouvoir à la commission de sécurité conduirait à vider de tout sens les objectifs poursuivis par le Code de la construction et de l'habitation qui dans son article R. 123-35 précise que la commission consultative départementale de la protection civile est l'organe d'étude, de contrôle et d'information du représentant de l'Etat dans le département et du maire et qu'elle assiste ces derniers dans l'application des mesures de police et de surveillance en vue d'assurer la protection contre l'incendie et la panique ; que, s'agissant d'un établissement recevant du public, l'installateur et l'exploitant étaient tenus de s'assurer d'un contrôle technique par un organisme ou une personne agréée (art. R. 123-43 CCH) ; que ledit contrôle devait s'opérer non seulement sur la sécurité incendie mais aussi sur la solidité de l'ouvrage (article R. 111-39 CCH), la commission de sécurité devant s'assurer que les vérifications prévues à l'article R. 123-48 CCH avaient bien été effectuées (article R. 123-43 CCH) ; qu'en sa qualité de président de la commission de sécurité et de la sous-commission départementale de sécurité ERP-IGH il appartenait à Raymond D de vérifier la régularité des opérations et de veiller au bon fonctionnement de la commission ; que la commission départementale a tenu plusieurs réunions portant sur le stade de Furiani sans qu'ait été convoqué le directeur départemental de l'équipement ; que Raymond D s'est fait représenter sans délégation aux réunions des 30 avril, 4 et 5 mai 1992 ; que la commission aurait dû vérifier l'existence d'une autorisation d'aménagement et l'existence d'un rapport attestant la stabilité de la tribune et l'existence d'un arrêté du maire autorisant l'ouverture ; qu'un procès-verbal irrégulier a été rédigé le 29 avril 1992 aux termes duquel il était attesté que la commission de sécurité estimait remplies les conditions pour un bon déroulement de la rencontre après avis favorable de la X sur la réalisation de la tribune nord ; que ce document irrégulier tant dans sa forme que dans son contenu n'a pas éveillé les soupçons de Raymond D ; que, lors de la réunion du 30 avril ayant donné lieu à un procès-verbal signé par Raymond D, avait été émis un avis défavorable suite à une visite effectuée avant le match Bastia- Marseille, avis qui devenait un "avis favorable provisoire" pour la commission sans que soient précisées les prescriptions à réaliser ; que lors de deux réunions des 4 et 5 mai les préventionnistes constataient la non-réalisation des prescriptions ; que le procès-verbal du 5 mai non signé par son président ne comportait aucun avis définitif et qu'aucune inspection de la tribune n'était réalisée ; que Raymond D ne s'est pas assuré des vérifications prétendument effectuées par la X alors que le seul avis de cet organisme ne portait que sur la compatibilité du sol d'assise avec les charges ; qu'au regard des articles R. 123-43 et R. 123-48 du Code de la construction et de l'habitation la commission devait s'assurer que les vérifications avaient bien été effectuées ; que l'article R. 123-42 permettait à la commission de désigner toute personne qualifiée ; qu'il appartenait à tout le moins à Raymond D d'interroger Bernard R sur la nature et la portée de sa mission, la connaissance qu'il avait eue de l'avis limité de celui-ci mettant en évidence l'absence de contrôle technique ;
" alors que, d'une part, en l'état de la constatation de la cour selon laquelle c'était au maire de Furiani auquel il incombait de délivrer les autorisations d'aménagement et d'ouverture de la tribune litigieuse, du non-lieu dont cet élu a bénéficié et de l'interrogation de l'arrêt sur le pouvoir de substitution de l'autorité préfectorale auquel la cour s'est bien gardée de répondre, les juges du fond ont privé leur décision de motifs au regard de l'article 121-3 du nouveau Code pénal en imputant à Raymond D des négligences qu'il aurait commises dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative ;
" alors que, d'autre part, la cour a laissé sans réponse le chef des conclusions de l'exposant dans lequel ce dernier expliquait, d'une part, qu'il n'avait pas eu personnellement connaissance des télex envoyés en 1988, 1990 et 1991 aux préfets, ces télex ayant été adressés avant qu'il ne soit en poste, et, d'autre part, que ceux-ci ne pouvaient concerner que les établissements recevant du public de la 4e et de la 5e catégories et non la tribune litigieuse classée en 1re catégorie ;
" qu'en outre il résulte des articles R. 123-35 et suivants du Code de la construction et de l'habitation que les commissions consultatives départementales de sécurité ne sont compétentes qu'en matière de risque d'incendie et de panique puisque ces textes figurent dans le chapitre III, titre II du Livre I dudit Code intitulé "Protection contre les risques d'incendie et de panique dans les immeubles recevant du public" ; que dès lors, en prétendant que ces commissions sont compétentes pour vérifier la solidité des constructions d'établissements recevant du public qui, en vertu des articles R. 111-38 et suivants dudit Code, doivent faire l'objet d'un contrôle technique, obligatoire, incombant au maître de l'ouvrage ou à son mandataire et portant sur la solidité de la construction, la cour a violé les textes susvisés dont elle a prétendu faire application pour déclarer le demandeur coupable d'homicides et de blessures involontaires ;
" et qu'enfin, après avoir souverainement affirmé que la personne chargée d'effectuer le contrôle technique imposé au maître de l'ouvrage par le Code de la construction et de l'habitation avait laissé croire aux différentes personnes présentes sur le chantier, parmi lesquelles figurait l'exposant, que sa mission portait tant sur la solidité de la tribune que sur la stabilité du sol sur lequel elle était édifiée et qu'après sa visite des diagonales avaient été ajoutées, la Cour, qui, pour cette raison, a déclaré ce co-prévenu coupable d'homicides et de blessures par imprudence, s'est mise en contradiction avec ses propres constatations en reprochant à Raymond D d'avoir su que le contrôle effectué par ce co-prévenu ne portait pas sur la solidité afin d'entrer en voie de condamnation à son encontre " ;
Attendu que la juridiction du second degré, après avoir exactement défini, dans les motifs repris au moyen, la nature et l'étendue des contrôles que doivent assurer les commissions de sécurité prévues par le Code de la construction et de l'habitation notamment à l'occasion de l'édification, comme en l'espèce, d'un établissement destiné à recevoir du public au sens des articles R. 123-19 et R. 123-20 de ce Code, relève différents manquements constatés à la charge de Raymond D, président de la commission consultative départementale de la protection civile, en sa qualité de directeur de cabinet du préfet de Haute-Corse, et à qui ce dernier avait donné mission " de consacrer l'essentiel de son temps à la rencontre OM-Bastia qui présentait une importance majeure " ;
Que, notamment, selon l'arrêt, Raymond D n'a assisté qu'à une seule des réunions de la commission portant sur le stade de Furiani, celle du 29 avril qui n'a donné lieu à aucun procès-verbal officiel, et il s'est fait représenter, sans délégation, aux trois autres, dont celle du 4 mai, veille de la rencontre, et celle du 5 mai, tenue peu avant l'arrivée du public, alors qu'aucune inspection de la tribune n'était réalisée et que des ouvriers y travaillaient encore ;
Que les juges observent en outre que la commission s'est abstenue de vérifier, comme elle le devait, l'existence d'une autorisation d'aménagement, d'un rapport attestant la stabilité de la tribune et d'un arrêté du maire autorisant l'ouverture de l'établissement ; qu'en réalité, précise l'arrêt, la commission de sécurité n'a expressément formulé aucun avis définitif, alors que les vérifications qui devaient être effectuées et dont elle avait le contrôle en application des articles R. 123-43 et R. 123-48 du Code de la construction et de l'habitation, auraient dû conduire à un avis défavorable ;
Attendu, en cet état, que Raymond D ne saurait invoquer, comme il le fait, ni son ignorance des dispositions légales ou réglementaires applicables, et qui relevaient de ses attributions, ni l'absence de substitution du préfet, dont il était délégataire, au maire de Furiani défaillant, cette substitution étant prévue, de plein droit, par l'article R. 123-28 du Code précité ;
Que, dès lors, Raymond D n'ayant pas accompli les diligences normales qui lui incombaient, compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait, ainsi que des difficultés propres à la mission que la loi lui confiait, la cour d'appel, en le retenant dans les liens de la prévention, a justifié sa décision au regard, notamment, de l'article 11 bis A de la loi du 13 juillet 1983, modifiée par celle du 13 mai 1996 et portant droits et obligations des fonctionnaires ; qu'ainsi le moyen, qui n'est fondé en aucune de ses branches, ne peut être retenu ;
III. Sur les pourvois des consorts Grimaldi et de l'UFC, parties civiles : Sur le premier moyen de cassation, proposé par Me Spinosi pour les consorts Grimaldi et pris de la violation des articles R. 625-2 du nouveau Code pénal, 427, 475-1, 485, 509, 512, 515, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a limité la condamnation de Jean-Marie B1, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, au profit de Karine Grimaldi et de Jean-Marc Grimaldi, à la somme de 5 000 francs, toutes instances confondues ;
" aux motifs qu'en appel les parties civiles qui maintiennent leurs constitutions de parties civiles, réclament également le paiement des indemnités de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, au titre de l'instance d'appel ; qu'en cause d'appel il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur le principe de la recevabilité des demandes ; qu'en ce qui concerne le montant de l'indemnité allouée par l'application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, il convient d'en arbitrer le montant individuel à 5 000 francs, toutes instances confondues (arrêt, page 133) ; alors que la réformation de la décision de première instance au détriment de la partie civile appelante ne peut intervenir en l'absence d'appel du prévenu ; qu'en l'espèce il résulte des propres mentions de l'arrêt attaqué que si les demandeurs, parties civiles, ont interjeté appel du jugement, et sollicité la condamnation des prévenus au paiement d'une somme de 20 000 francs au titre des frais irrépétibles exposés en appel, Jean-Marie B1, prévenu, n'a pas interjeté appel dudit jugement l'ayant notamment condamné à régler à Karine Grimaldi une somme de 10 000 francs sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; qu'ainsi, en limitant, sur le fondement de ce texte, la condamnation de Jean-Marie B1 envers les demandeurs exposants à la somme de 5 000 francs, "toutes instances confondues", la cour d'appel a violé les articles 509 et 515 du Code de procédure pénale " ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour les consorts Grimaldi, pris de la violation des articles R. 625-2 du nouveau Code pénal, 427, 475-1, 485, 509, 512, 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a limité la condamnation de L, R, P1, G1, B2, P et C, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, au profit de Karine Grimaldi et de Jean-Marc Grimaldi, à la somme de 5 000 francs, toutes instances confondues ;
" aux motifs qu'en appel les parties civiles, qui maintiennent leurs constitutions de parties civiles, réclament également le paiement des indemnités de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, au titre de l'instance d'appel ; qu'en cause d'appel il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur le principe de la recevabilité des demandes ; qu'en ce qui concerne le montant de l'indemnité allouée par l'application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, il convient d'en arbitrer le montant individuel à 5 000 francs, toutes instances confondues (arrêt, page 133) ; " 1° alors que le juge répressif, statuant sur l'action civile, ne peut sans commettre un excès de pouvoir méconnaître les termes du litige, fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce il s'évince des conclusions des exposants que ceux-ci ont sollicité, en appel, la confirmation du jugement sur la condamnation des prévenus à leur régler une somme de 10 000 francs au titre des frais irrépétibles de première instance, tandis qu'il ne résulte d'aucune mention de l'arrêt attaqué que les prévenus appelants aient sollicité, sur ce point, la réformation du jugement ; que, dès lors, en décidant de limiter la condamnation des prévenus, au titre des frais irrépétibles, à la somme de 5 000 francs, toutes instances confondues, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 593 du Code de procédure pénale ; " 2° alors que, si les juges du fond apprécient souverainement le montant des sommes allouées à la partie civile au titre des frais irrépétibles, ils doivent motiver leur décision en tenant compte, outre du montant des frais exposés, de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; qu'ainsi, en se déterminant par la seule circonstance qu'il convient d'arbitrer le montant individuel des frais irrépétibles à la somme de 5 000 francs, toutes instances confondues, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 475-1 et 593 du Code de procédure pénale " ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'en cause d'appel les consorts Grimaldi ont sollicité la confirmation du jugement en ce qu'il a notamment alloué à Karine Grimaldi la somme de 10 000 francs, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, et ont réclamé, en outre, une indemnité complémentaire au titre de leurs frais exposés en appel ; qu'ils reprochent à l'arrêt attaqué de ne leur avoir alloué de ces chefs, comme aux autres parties civiles, que la somme de 5 000 francs " toutes instances confondues " ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la cour d'appel n'a pas encouru les griefs allégués ; que les prévenus Luc P, Michel C et Bernard R étant appelants de l'ensemble des dispositions du jugement, l'article 515, alinéa 2, du Code de procédure pénale ne faisait pas obstacle à une aggravation du sort des parties civiles par les juges du second degré ;
Qu'il en est de même en ce qui concerne Jean-Marie B1, à raison de l'appel de son assureur qui produisait effet à son égard par application de l'article 509, alinéa 2, du même Code ;
Que, par ailleurs, Michel L et Yves B2 ont été mis hors de cause, quant aux réparations civiles allouées aux victimes des délits d'homicides et blessures involontaires, et que cette décision n'est pas contestée par les demandeurs ;
Que, dès lors, l'application de l'article 475-1 relevant du pouvoir souverain des juges, les moyens ne peuvent être accueillis ;
Mais sur le moyen unique de cassation, proposé par la société civile professionnelle Vier et Barthélémy pour l'Union fédérale des consommateurs Que Choisir ? et pris de la violation des articles L. 421-1 et L. 221-1 du Code de la consommation, des articles 319 et 320 du Code pénal ancien, de l'article 221-6 du nouveau Code pénal, des articles 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'Union fédérale des consommateurs Que Choisir ?
" aux motifs que si l'Union fédérale des consommateurs justifie bien à la fois de sa qualité à agir comme étant une association agréée et de l'existence d'une infraction pénale sous-tendant sa demande, cependant elle est irrecevable dans son intérêt à agir dans la mesure où les infractions n'ont pas été commises à raison de considérations économiques en relation avec le droit de la consommation ; que l'intérêt collectif des citoyens dans leur sécurité générale ne se distingue pas des préjudices directs ou indirects qu'ont pu subir individuellement les victimes de la catastrophe ; que l'intérêt collectif de l'association ne se distingue pas non plus du préjudice social né de l'ampleur de l'accident dont la réparation est assurée par l'exercice de l'action publique ; qu'il y a lieu dès lors de confirmer la décision entreprise et de rejeter la demande fondée sur l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
" alors, d'une part, que l'article L. 421-1 du Code de la consommation n'exclut aucune infraction ayant porté un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs et que le fait qu'un texte a été édicté dans un intérêt général ne saurait faire échec à l'application de l'article L. 421-1 autorisant les associations régulièrement déclarées et agréées, ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts de consommateurs, d'exercer devant toutes les juridictions l'action civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect aux consommateurs ; que les articles 319, 320 du Code pénal ancien et l'article 221-6 du nouveau Code pénal comportent au nombre de leurs éléments constitutifs un manquement à une obligation de sécurité qui est de nature à porter atteinte non seulement à l'intérêt général mais aussi à l'intérêt collectif des consommateurs ; qu'en affirmant que l'intérêt collectif de l'association ne se distinguait pas du préjudice social né de l'ampleur de l'accident dont la réparation est assurée par l'exercice de l'action publique, la cour d'appel a méconnu les principes ci-dessus rappelés ;
" alors, d'autre part, qu'en se bornant à considérer que l'intérêt collectif des citoyens dans leur sécurité générale ne se distingue pas des préjudices directs ou indirects qu'ont pu subir individuellement les victimes de la catastrophe sans même examiner, comme elle y était invitée, en quoi consistait le préjudice dont l'UFC Que Choisir poursuivait la réparation et sans rechercher s'il n'était pas lié à la spécificité de sa mission, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Vu lesdits articles ; - Attendu qu'aucune infraction ayant porté un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs n'est exclue des prévisions de l'alinéa 1er de l'article L. 421-1 du Code de la consommation ;
Attendu que, pour déclarer l'Union fédérale des consommateurs - Que choisir ?, association agréée, irrecevable en sa constitution de partie civile, dans les poursuites exercées du chef d'homicides et blessures involontaires à la suite de l'effondrement d'une tribune du stade de Furiani, la juridiction du second degré retient que les infractions précitées " n'ont pas été commises à raison de considérations économiques en relation avec le droit de la consommation ", que " l'intérêt collectif des citoyens dans leur sécurité générale ne se distingue pas des préjudices directs ou indirects qu'ont pu subir individuellement les victimes de la catastrophe " et que " l'intérêt collectif de l'association ne se distingue pas non plus du préjudice social né de l'ampleur de l'accident dont la réparation est assurée par l'exercice de l'action publique " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, et alors que, selon l'article L. 221-1 du Code de la consommation, les services doivent, dans des conditions normales d'utilisation, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;d'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs : Déclare l'action publique éteinte à l'égard de Michel C ; I. Sur les pourvois de Pierre Giorgi, Michel L, Bernard R, Luc P, Raymond D et de la X, ainsi que sur celui de Michel C et des consorts Grimaldi ; Les rejette ; II. Sur le pourvoi de l'UFC Que Choisir ? : Casse et annule l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Bastia du 13 décembre 1995, mais en ses seules dispositions relatives à l'action civile de l'UFC, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée : Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris.