Cass. crim., 27 octobre 1997, n° 96-83.698
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Défendeur :
UFC Que Choisir
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Culié
Rapporteur :
M. Schumacher
Avocat général :
M. Lucas
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, SCP Piwnica, Molinié, SCP Waquet, Farge, Hazan, Me Cossa.
Vu les mémoires ampliatifs, complémentaires et en défense produits;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la fin de l'année 1985 Alain C, maire de la ville de Grenoble depuis 1983, qui projetait de concéder le service des eaux de cette ville, a indiqué à Marc-Michel M1 que, s'il voulait que le groupe qu'il dirigeait fût retenu dans la compétition qui allait s'ouvrir, il devrait acheter et mettre à sa disposition un appartement à Paris; que, le 14 janvier 1986, le groupe M1 a acquis pour la somme de 5 000 000 francs, outre 1 000 000 francs de travaux et de mobilier, un appartement de 280 m2, sis <adresse>à Paris, qui, sous le couvert d'un bail consenti à l'association " Modernité Régionale ", a été occupé de 1986 à 1988 par Alain C, devenu ministre de l'Environnement, et par son chargé de mission et homme de confiance, Jean-Louis D, en laissant des loyers impayés d'un montant de 726 800 francs;
Qu'en septembre 1987, Alain C, qui venait de bénéficier, du 8 au 23 août 1987, d'une croisière en Méditerranée avec sa famille, à bord d'une goélette louée pour la circonstance par le groupe M1, au prix de 170 784 francs, a fait connaître à Marc-Michel M1 qu'en contrepartie de la concession du service des eaux de Grenoble au groupe M1 et à la société X, il désirait que la propriété de l'appartement du <adresse>lui fût transférée;
Que le projet de concession a été arrêté dans son principe entre les partenaires, au cours d'un déjeuner pris le 3 octobre 1987 au Conseil général de l'Isère, en présence notamment de Jean-Louis D et de Jean-Jacques P, directeur commercial et directeur de l'eau pour la France de la X, puis reporté après les élections municipales de mars 1989, la décision de délégation pour une durée de 25 ans à la société X5, filiale commune du groupe M1 et de la X, du service des eaux de la ville de Grenoble ayant été finalement signée par le maire de la ville le 3 novembre 1989;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, le 23 juin 1988, la société anonyme X1 a été constituée entre Jean-Louis D, des membres de sa famille et des proches d'Alain C; que cette " société écran ", dirigée en fait par Jean-Louis D, a acheté le 19 décembre 1988, pour la somme de 7 000 000 francs, l'appartement du 286, <adresse>à Paris; que, pour financer cette acquisition et prendre en charge les salaires des collaborateurs de l'équipe parisienne d'Alain C, la société X1 a facturé, de 1988 à 1993, des honoraires fictifs de 9 373 060 francs à des sociétés du groupe M1 et de 2 220 000 francs à la X; qu'en outre, le groupe M1 a, en 1987 et 1988, supporté 250 000 francs d'honoraires non causés du cabinet d'avocat de Jean-Louis D, ainsi que les frais d'un voyage en Australie d'un coût de 137 690 francs, effectué par ce dernier, avec un ami, du 23 décembre 1988 au 8 janvier 1989;
Que le groupe M1, pour s'attirer les faveurs d'Alain C, a pris en charge, dès 1984 et jusqu'au mois d'avril 1993, date à laquelle il est devenu ministre de la Communication, le coût de 122 voyages en avions-taxis de la compagnie Sinair, d'un montant de 2 200 000 francs;
Attendu qu'il ressort encore des énonciations de l'arrêt attaqué que, dans la perspective des élections municipales de mars 1989 et à l'initiative d'Alain C, ont été constituées, à partir du 4 juillet 1988, trois sociétés anonymes Y, Y1 et Y2 , afin de diffuser des publications quotidiennes ou périodiques favorables à la réélection du maire de Grenoble et de promouvoir son image; que, devant les déficits de ce groupe de presse, dirigé en fait par Alain C, et pour éviter un dépôt de bilan, Jean-Jacques P a accepté de faire racheter pour 0 franc la holding Y1 par la société X3, filiale de la société X4, elle-même filiale de la société X, associée de la société X5 et de faire régler par elle-même, entre janvier et septembre 1990, son passif s'élevant à 5 260 000 francs; qu'au total, les prélèvements opérés au profit de la holding Y1, sur instructions de Jean-Jacques P, par Louis B, directeur de la société X pour la région Rhône Alpes et président des sociétés X4 et X3, se sont élevés à 5 770 702 francs;
En cet état,
I. Sur le pourvoi de Frédéric M: Attendu qu'aucun moyen n'est produit;
II. Sur les pourvois des autres demandeurs: Sur le premier moyen de cassation proposé pour Jean-Louis D, pris de la violation des articles 162, 166, 174, 175, 179, 591 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs, manque de base légale:
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité tirée de l'irrégularité des deux rapports d'expertise déposés les 15 et 29 décembre 1994 établis avec la participation d'intervenants extérieurs sans désignation préalable du magistrat instructeur;
" aux motifs que les prévenus avaient connaissance, dès le dépôt des rapports d'expertise, que l'expert missionné avait fait appel à un correspondant bruxellois de son cabinet selon une mention figurant en page 56 du rapport coté D 693; qu'ils n'ont pas sollicité que soit prononcée la nullité de cette expertise in limine litis bien qu'ils aient eu connaissance des vices allégués lors de l'audience du tribunal et n'ont pas déposé de conclusions à cette audience et sont donc irrecevables à présenter une telle demande devant la cour; que, si l'expert doit accomplir personnellement la mission qui lui est confiée, cette exigence ne l'empêche pas d'utiliser le concours de personnes non désignées comme expert pour des interventions qui ne comportent aucune appréciation à formuler; qu'il ne peut être reproché à l'expert d'avoir eu recours à son collaborateur, dès lors où celui-ci n'a pas accompli des tâches relevant de la compétence de l'expert; qu'en tout état de cause, en vertu de l'article 179 du Code de procédure pénale, l'ordonnance de renvoi lorsqu'elle est devenue définitive, couvre, s'il en existe, les vices de la procédure; que l'article 174 du Code précité ne déroge pas à cette disposition;
" alors, qu'après avoir déclaré irrecevable comme tardive, l'exception de nullité dirigée contre le rapport d'expertise établi avec la participation d'un intervenant extérieur, non désigné par le magistrat instructeur, les juges d'appel ne pouvaient, sans se contredire, déclarer régulières les opérations d'expertise; que le collaborateur de l'expert n'avait accompli aucune des tâches relevant de la compétence de l'expert, celui-ci ayant attesté avoir personnellement conduit sa mission; que la décision est ainsi privée de toute base légale;
Attendu que, l'affaire ayant été renvoyée devant les juges par la juridiction d'instruction, l'exception tirée par Jean-Louis D, en cause d'appel, d'une prétendue nullité des expertises comptables ordonnées dans la procédure antérieure, était irrecevable en application des articles 179, alinéa 5, et 385, alinéa 1er, du Code de procédure pénale;
Que, si la cour d'appel, après avoir énoncé que l'exception était irrecevable, a cru devoir y répondre pour la rejeter, le moyen qui reprend cette exception est lui-même irrecevable;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Alain C, pris de la violation des articles 6-3 d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 509, 513 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale:
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande d'audition de Jérôme M8, présentée par Alain C;
" aux motifs que Jérôme M8 a été entendu, en qualité de témoin, au cours de l'information et devant le tribunal correctionnel à la requête, non d'Alain C, mais de Jean-Jacques P et de Louis B; qu'à la lecture des notes d'audience, il n'apparaît pas qu'Alain C ou ses conseils lui aient posé des questions; qu'une nouvelle audition de ce témoin n'apparaît pas utile à la manifestation de la vérité;
" alors qu'aux termes de l'article 6-3 d de la Convention européenne des droits de l'Homme, tout accusé a droit à obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à charge et à décharge; qu'en outre, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, la cour d'appel se trouve saisie de toute l'affaire jugée en première instance qu'elle doit examiner à nouveau complètement, notamment, en ordonnant l'audition de témoins pour établir la vérité; que, par conséquent, en l'espèce, la cour d'appel, appelée à juger à nouveau l'entier litige, ne pouvait refuser d'ordonner l'audition du témoin, Jérôme M8, nonobstant son audition devant les premier juges, dès lors qu'il résultait de l'information que s'il y avait eu pacte de corruption le 3 octobre 1987, celui-ci aurait été nécessairement conclu, notamment, par Jérôme M8 en sa qualité de président directeur général de la société X, et qu'il en aurait été nécessairement l'auteur ou le coauteur; que l'audition de Jérôme M8 était donc incontestablement indispensable à la manifestation de la vérité; qu'en décidant, néanmoins, le contraire, par des motifs totalement inopérants, l'arrêt attaqué a radicalement méconnu le sens et la portée des textes et principes susvisés ";
Attendu que, pour rejeter la demande d'Alain C tendant à l'audition, en qualité de témoin, de Jérôme M8, président de la société X, l'arrêt attaqué relève que le susnommé a déjà été entendu en cette qualité au cours de l'information et devant le tribunal correctionnel à la requête de Jean-Jacques P et de Louis B; qu'il n'apparaît pas qu'Alain C ou ses avocats lui aient posé de questions et qu'en conséquence, une nouvelle audition de ce témoin n'est pas utile à la manifestation de la vérité;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 6-3 d, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Alain C, pris de la violation des articles 460 et 177 du Code pénal abrogé, en vigueur au moment des faits, 321-1 et 432-11 du nouveau Code pénal, 437-3° de la loi du 24 juillet 1966, 7, 8 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale:
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception tirée de la prescription de certains faits qualifiés de recels d'abus de biens sociaux et des faits de corruption;
" aux motifs que, si la loi du 22 mai 1915 a érigé le recel en infraction distincte, celui-ci demeure attaché au délit d'origine par un lien très étroit, s'agissant d'une infraction de conséquence qui suppose à titre préalable, un délit fondamental; qu'en conséquence, le délai de prescription triennale en matière de recel d'abus de biens sociaux ne commence à courir, si les biens ne sont plus en possession du prévenu, qu'à compter de la date où ces abus de biens sociaux sont apparus et ont pu être constatés, c'est-à-dire en l'espèce dans le courant de l'année 1994; que les abus de biens sociaux ayant donné lieu à un réquisitoire supplétif, en date du 9 septembre 1994, leur prescription et celle des recels, ne peut plus être invoquée;
" et que l'article 177 du Code pénal ancien, devenu l'article 432-11 du nouveau Code pénal, attache équivalemment la qualification de corruption consommée à la sollicitation, l'acceptation et la réception de dons; que ces moments, qui peuvent être séparés dans le temps, caractérisent tous l'accomplissement de la corruption; qu'ainsi, à chaque manifestation de la volonté coupable, le délit se manifeste complètement; que la prévention vise des faits qui ont été commis de 1984 à mars 1993 par Alain C; qu'à chaque versement effectué en vertu du pacte de corruption, un délit a été commis et a fait courir un nouveau délai de prescription; que le dernier versement ayant eu lieu en mars 1993, la prescription n'était pas acquise lors de l'engagement des poursuites intervenues moins de trois ans après cette date;
" alors, d'une part, que le recel constituant un délit distinct de l'infraction originelle, la prescription qui le concerne et qui commence à courir au jour où il a pris fin, est indépendante de celle qui s'applique à l'infraction originelle, celle-ci fût-elle un abus de biens sociaux, qu'en l'espèce, la prescription triennale des délits de recels d'abus de biens sociaux reprochés à Alain C ayant été interrompue par le réquisitoire supplétif du 9 septembre 1994, les faits consommés plus de trois ans avant cette date se trouvent inévitablement prescrits; que tel est le cas de la mise à disposition gratuite de l'appartement sis 286, <adresse>qui a cessé par sa vente à la société X1 le 19 décembre 1988, de la croisière de l'été 1987, des vols en avions Sinair et des honoraires versés à la société X1 antérieurement au 9 septembre 1991;
" alors, d'autre part, que le délit de corruption, qui est une infraction instantanée, est consommé par la conclusion du pacte frauduleux entre le corrupteur et le corrompu; que, dès lors, c'est du jour où cette convention est intervenue que le délai de prescription commence à courir, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la date de perception des dons ou avantages qui en ont constitué l'exécution, en contrepartie d'un acte fautif unique; que la cour d'appel, qui fixait à la date du 3 octobre 1987 la conclusion du pacte de corruption, ne pouvait, sans violer les textes et principes susvisés, refuser de constater la prescription du délit poursuivi;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Jean-Louis D, pris de la violation des articles 321-1 du Code pénal, 437-3° de la loi du 24 juillet 1966, 7 et 8 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, violation de la loi:
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription de l'action publique concernant les faits de recel d'abus de biens sociaux reprochés à Jean-Louis D;
" aux motifs que, si la loi du 22 mai 1915 a érigé le recel en infraction distincte, celui-ci demeure rattaché au délit d'origine par un lien très étroit, s'agissant d'une infraction de conséquence ce qui suppose, à titre préalable, un délit fondamental; que le recel ne peut être découvert et poursuivi qu'à partir du moment où le délit d'abus de biens sociaux, infraction d'origine, est apparu et a été constaté; qu'antérieurement le recel ne pouvait pas être connu en raison de la clandestinité de l'infraction d'origine; qu'en conséquence, le délai de prescription triennale en matière de recel d'abus de biens sociaux ne commence à courir, si les biens ne sont plus en possession des prévenus, qu'à compter de la date où ces abus de biens sociaux sont apparus et ont pu être constatés;
" alors que le principe selon lequel la prescription de l'action publique du délit de recel de choses commence à courir le jour où la détention a pris fin, ne peut être écarté lorsque l'infraction primaire est demeurée clandestine; qu'en effet, si le délit suppose l'existence d'une infraction primaire caractéristique de la condition préalable, il demeure une infraction autonome qui se consomme uniquement par la commission de faits postérieurs, distincts de l'infraction d'origine; que le caractère continu du recel, présent pendant toute la durée de la détention, ne peut fictivement pas durer jusqu'au jour de la découverte de l'infraction primaire pour permettre de reporter, à cette date, le point de départ de la prescription de l'action publique; qu'en l'espèce, Jean-Louis D a cessé, le 19 décembre 1988, de bénéficier de l'appartement mis à sa disposition par une société du groupe M1; que le 8 janvier 1989, il a achevé un voyage en Australie réglé par la société SDEI; qu'en 1988, il a consommé le montant des honoraires facturés par le groupe M1 de juillet 1987 à juillet 1988, de sorte que la prescription de l'action publique du délit de recel d'abus de biens sociaux était acquise trois années après la fin des détentions litigieuses; qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a violé les textes susvisés "; les moyens étant réunis;
Attendu que, pour rejeter les exceptions de prescription de l'action publique présentées par les demandeurs, tant en ce qui concerne les délits de recels d'abus de biens sociaux que de corruption, l'arrêt attaqué se prononce par les motifs repris aux moyens;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes invoqués; qu'en effet, d'une part, les dispositions des articles 203 du Code de procédure pénale et 321-3 à 321-5 du Code pénal impliquent que le recel du produit d'un abus de biens sociaux ne saurait commencer à se prescrire avant que l'infraction dont il procède soit apparue et ait pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique;
Que, d'autre part, si le délit de corruption est une infraction instantanée, consommée dès la conclusion du pacte entre le corrupteur et le corrompu, il se renouvelle à chaque acte d'exécution dudit pacte; d'où il suit que les moyens doivent être écartés;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Jean-Jacques P, pris de la violation des articles 5, 177 et 460 de l'ancien Code pénal, 321-1 et 432-11 du nouveau Code pénal, 437-3° de la loi du 24 juillet 1966 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale:
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Jacques P coupable de corruption active et de complicité d'abus de biens sociaux;
" alors qu'en vertu de la règle non bis in idem, un même fait autrement qualifié ne saurait servir de base à une double déclaration de culpabilité, de telle sorte qu'en l'espèce, les faits retenus par l'arrêt attaqué comme constitutifs du délit de corruption au titre des contreparties de l'acte fautif ne pouvaient être également qualifiés de corruption active et de complicité d'abus de biens sociaux qu'au prix d'une violation des textes et des principes susvisés ";
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Alain C et pris de la violation des articles 5, 177 et 460 du Code pénal abrogé, en vigueur au moment des faits, 321-1 et 432-11 du nouveau Code pénal, 437 de la loi du 24 juillet 1966 et 593 du Code de procédure pénale, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale;
" en ce que Alain C a été déclaré coupable de délits de recel d'abus de biens sociaux et corruption passive;
" aux motifs que les éléments constitutifs des délits de recel d'abus de biens sociaux et de corruption sont différents et que les préventions retenues à l'égard des prévenus ne constituent pas un cumul idéal d'infractions;
" alors qu'en vertu de la règle non bis in idem, un même fait autrement qualifié ne saurait servir de base à une double déclaration de culpabilité de sorte qu'en l'espèce, les faits retenus par l'arrêt attaqué comme constitutifs du délit de corruption au titre des contreparties de l'acte fautif ne pouvaient être également qualifiés de recels d'abus de biens sociaux sans violer les textes et principes susvisés;
" alors que, cette double qualification ayant nécessairement joué un rôle dans la détermination de la peine, la constatation de ce cumul idéal d'infractions interdit à la chambre criminelle, en cas d'erreur sur la détermination de l'une ou l'autre de ces infractions, de recourir à la théorie dite " de la peine justifiée "; Les moyens étant réunis;
Attendu que les demandeurs sont sans intérêt à reprocher à la cour d'appel de les avoir déclarés coupables des mêmes faits sous plusieurs qualifications pénales comportant au demeurant des éléments constitutifs différents dès lors que, conformément aux articles 5 ancien et 132-3 nouveau du Code pénal, une seule peine a été prononcée; qu'ainsi, les moyens ne peuvent être admis;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Jean-Louis D et pris de la violation des articles 19 de la loi d'amnistie du 15 janvier 1990, 593 du Code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs, manque de base légale:
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré n'y avoir lieu à application de la loi du 15 janvier 1990 portant amnistie;
" aux motifs qu'aucun élément ne permet de dire que l'utilisation d'un appartement <adresse>et le versement d'honoraires à X1 par le groupe M1 et la société X sont en relation avec le financement direct ou indirect de campagnes électorales ou de partis ou de groupements politiques; que l'appartement du <adresse>a été utilisé par lui à titre de logement lorsqu'il se déplaçait à Paris; que les dépenses engagées n'ont servi qu'aux ambitions personnelles d'Alain C et de Jean-Louis D et non au financement direct ou indirect de campagnes électorales ou de partis et groupements politiques;
" alors que l'arrêt ne pouvait, sans se contredire, énoncer que la mise à la disposition gratuite de l'appartement du <adresse>à Alain C et le versement d'honoraires au profit de la société X1 par le groupe M1 et la société X, n'étaient pas en relation avec le financement direct ou indirect de campagnes électorales, ou de partis ou de groupements politiques et n'avaient servi qu'aux ambitions personnelles des prévenus et, néanmoins, constater que, d'après l'ensemble des déclarations des personnes ayant travaillé dans l'appartement susvisé, ledit appartement était le siège de l'activité politique de Alain C lorsqu'il séjournait dans la capitale à savoir courrier, prises de rendez-vous, relations avec la presse et cellule de travail et que l'ensemble de la facturation de X1 sur trois sociétés du groupe M1 est purement fictive et n'a eu pour but que de procurer à X1 une trésorerie suffisante pour assurer le remboursement de l'emprunt destiné à financer l'achat de l'appartement, sachant que la loi d'amnistie n'exige pas que l'ensemble du produit des infractions ait servi au financement des campagnes électorales ou des partis politiques; que la décision est ainsi privée de toute base légale ";
Attendu que, pour écarter les conclusions de Jean-Louis D sollicitant le bénéfice de l'amnistie prévue par l'article 19 de la loi du 15 janvier 1990, la cour d'appel énonce qu'aucun élément ne permet de dire que les avantages en cause concédés par le groupe M1 et la société X étaient en relation avec le financement direct ou indirect de campagnes électorales ou de partis ou de groupements politiques; qu'elle retient que les dépenses engagées n'ont servi qu'aux ambitions personnelles d'Alain C et de Jean-Louis D, de sorte qu'elles ne relèvent pas de la loi d'amnistie;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait soumis au débat contradictoire, la juridiction du second degré a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués; que, dès lors, le moyen ne peut être admis;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour Alain C et pris de la violation des articles 460 et 177 du Code pénal abrogé en vigueur au moment des faits, 321-1 et 432-11 du nouveau Code pénal, 437-3° de la loi du 24 juillet 1966 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale:
" en ce que Alain C a été déclaré coupable de plusieurs recels d'abus de biens sociaux;
" alors que le recel suppose une infraction d'origine, caractérisée et punissable; que l'infraction principale n'est pas caractérisée par l'arrêt attaqué;
" qu'en effet, d'une part, l'abus de biens sociaux n'est punissable que lorsque l'acte incriminé est contraire à l'intérêt social, c'est-à-dire de nature à compromettre l'intégrité de l'actif social; que la simple constatation qu'une opération serait étrangère à l'objet social ne suffit pas à caractériser l'abus de biens sociaux si cette opération correspond à l'intérêt de la société; que n'est pas nécessairement contraire à leur intérêt social l'opération d'achat par les sociétés du groupe M1 d'un appartement à Paris, investissement sur lequel elles ont réalisé une plus-value; que faute d'avoir caractérisé la contrariété avec l'intérêt social desdites sociétés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale;
" d'autre part, l'emploi des ressources sociales à des fins prétendument illicites ne suffit pas à caractériser la lésion de l'intérêt social, dès lors qu'il est constaté l'existence de compensations ou contreparties reçues dans les opérations litigieuses; qu'en l'espèce, la cour d'appel constate expressément que les dépenses incriminées engagées par les sociétés du groupe M1 (vols en avions-taxis Sinair, acquisition de l'appartement 286, <adresse>et mise à la disposition gratuite de Alain C, honoraires versés à la société X1, croisière) et par la société X (rachat du groupe Y1 et honoraires versés à la société X1) ont eu pour conséquence l'obtention d'un marché par ces sociétés et ont effectivement permis d'obtenir l'attribution de la concession du service des eaux de la ville de Grenoble à la société X5, constituée entre la SDEI (filiale du groupe M1) et la X4 (filiale de la X), c'est-à-dire dans l'intérêt exclusif des sociétés; que, dès lors, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision;
" de troisième part, en déclarant Alain C coupable de recel d'abus de biens sociaux au préjudice de la société X1 (utilisation, entre 1988 et 1993 des structures de la SA X1), bénéfice entre 1991 et 1993 de cours d'anglais dispensés par la société Berlitz et supportés par la société X1), la cour d'appel, qui a expressément constaté que cette société aurait constitué une " structure écran " financée par le groupe M1 et la société X, a, en réalité, caractérisé un recel d'abus de biens sociaux au préjudice desdites sociétés; que, dès lors, la déclaration de culpabilité de ce chef n'est pas légalement justifiée;
" enfin, en l'absence d'affectation des dépenses litigieuses à un objet étranger à l'intérêt des sociétés concernées soit intérêt personnel des mandataires sociaux, soit intérêt d'une société tierce aucun abus de biens sociaux ne peut être reproché aux prévenus ";
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour Jean-Louis D et pris de la violation des articles 437-3° de la loi du 24 juillet 1966, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale:
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Louis D coupable d'abus de biens sociaux pour avoir mis à la disposition d'Alain C, de 1988 à 1993, les locaux du <adresse>et le personnel pris en charge par la société SA X1;
" alors que, dans ses conclusions régulièrement déposées, Jean-Louis D avait indiqué avoir de 1988 à 1994, date de la vente de l'appartement, payé un loyer mensuel de 5 000 francs pour occuper privativement une partie du local acquis par la SA X1 pour laquelle avaient été prévus un branchement EDF particulier et une ligne téléphonique personnelle; que la cour d'appel, en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ";
Sur le cinquième moyen de cassation proposé pour Jean-Louis D et pris de la violation de l'ancien article 460 du Code pénal, des articles 321-1 du Code pénal, 437-3° de la loi du 24 juillet 1966, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions et défaut de motifs, manque de base légale:
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Louis D coupable de recel d'abus de biens sociaux concernant les honoraires facturés par la SA X1 aux sociétés du groupe M1 et à la société X et l'a condamné de ce chef;
" aux motifs que l'ensemble de la facturation de X1 adressée aux sociétés du groupe M1 et à la société X ne correspondait à aucune activité réelle et n'a eu pour but que de procurer à la société X1 une trésorerie suffisante pour assurer le remboursement de l'emprunt destiné à financer l'achat de l'appartement du <adresse>destiné à Alain C, cet appartement étant la contrepartie du pacte de corruption du maire de Grenoble ayant permis l'attribution de la concession du service des eaux de cette ville aux sociétés du groupe M1 et à la société X; que Jean-Louis D est à l'origine de la société X1 qu'il a dirigée en fait et qui lui a permis de bénéficier des avantages financiers procurés par le groupe M1 et la société X et qu'en agissant ainsi, il s'est rendu coupable de recels d'abus de biens sociaux: " 1° alors que le recel de choses suppose l'existence d'une infraction préalable punissable qualifiée de crime ou délit; que l'abus de biens sociaux n'est punissable que si les fonds sociaux versés par un dirigeant social n'ont pas été utilisés dans le seul intérêt de la société qu'il dirige; qu'il s'ensuit que le prélèvement de fonds sociaux passé en comptabilité au titre de paiement d'honoraires, mais effectué en contrepartie de l'attribution à la société de la concession du service des eaux décidée par l'élu bénéficiaire des fonds, ne peut être qualifié d'abus de biens sociaux, l'obtention du marché étant faite dans le seul intérêt de la société; que, dès lors, faute d'avoir caractérisé le délit principal d'abus de biens sociaux, la cour d'appel ne pouvait déclarer Jean-Louis D coupable du recel d'abus de biens sociaux; " 2° alors que, dans ses conclusions régulièrement déposées, le prévenu invoquait les dispositions plus douces de l'article 321-12 du nouveau Code pénal, applicables aux faits, permettant de retenir la seule responsabilité pénale de la personne morale receleuse des sommes prétendument frauduleuses en relevant qu'il n'avait jamais encaissé ou détenu les fonds provenant des abus de biens sociaux reprochés aux dirigeants des sociétés du groupe M1 et de la société X, ce qui excluait alors la responsabilité pénale du dirigeant et mettait à néant la thèse de l'accusation; qu'aucune réponse n'a été donnée à ce chef péremptoire des conclusions de sorte que la décision est privée de motifs ";
Sur le neuvième moyen de cassation proposé pour Jean-Louis D et pris de la violation des articles 437-3° de la loi du 24 juillet 1966, 460 ancien du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale:
" en ce que Jean-Louis D a été déclaré coupable de plusieurs recels d'abus de biens sociaux commis au préjudice des sociétés du Groupe M1 et de la société X et l'a condamné de ces chefs;
" alors que le délit de recel de choses suppose l'existence d'une infraction préalable punissable qualifiée crime ou délit; que le délit d'abus de biens sociaux n'est pas caractérisé lorsque le dirigeant, eût-il commis un acte illicite, n'a pas agi dans son intérêt propre ou dans l'intérêt d'une entreprise le concernant, mais a utilisé les fonds sociaux dans l'intérêt de la société qu'il représente; que, dès lors, le versement d'honoraires, la mise à la disposition gratuite d'un appartement ou la prise en charge d'un voyage à l'étranger, censés être la contrepartie de l'attribution de la concession des eaux de la ville de Grenoble reprochée à Alain C, ne pouvaient être déclarés constitutifs d'abus de biens sociaux, faits pour lesquels Jean-Louis D a été déclaré coupable de recel; que faute d'avoir caractérisé la contrariété avec l'intérêt social des sociétés concernées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ";
Sur le second moyen de cassation proposé pour Jean-Jacques P et pris de la violation des articles 437-3° de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, 4, 59 et 60 de l'ancien Code pénal, 121-1, 121-3, 121-4, 121-6 et 121-7 du nouveau Code pénal, 1842 du Code civil, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut et contradiction de motifs:
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Jacques P coupable de complicité d'abus de biens sociaux au préjudice des sociétés X4 et X3 par prélèvement d'une somme de 5 770 702 francs, au bénéfice de la société Y;
" aux motifs que le groupe Y1 était composé de trois sociétés dirigées par Frédéric M: la société Y, la société Y1 ayant pour objet la fondation, la publication et l'exploitation de tous journaux quotidiens ou périodiques et ayant édité du mois d'octobre 1988 au mois de juin 1989, le magazine Y1, vendu en kiosque 15 puis 18 francs, et la société Y2, ayant pour objet la publication de journaux et ayant édité les bi-hebdomadaires gratuits News Mardi et News Vendredi qui ont été distribués dans les boîtes aux lettres de l'agglomération grenobloise à 150 000 exemplaires de février à fin avril 1989 (cf. arrêt, p. 50); qu'il est reproché à Jean-Jacques P d'avoir donné des instructions à Louis B, président-directeur général des sociétés X4 et X3 afin que la société Y et Frédéric M bénéficient de versements à hauteur de 6 129 400 francs qui constituaient une contrepartie à l'attribution de la concession du service des eaux de la ville de Grenoble à la société X (cf. arrêt, p. 52); que le groupe Y1 a, dès le début de son activité, rencontré des difficultés de trésorerie qui ne feront que s'aggraver pour aboutir à des pertes importantes malgré les appuis financiers conséquents des groupes M1, Z1, Z2 et de Z3; qu'à la fin de l'été 1989, Frédéric M a, par l'intermédiaire de Jean-Louis D, rencontré Jean-Jacques P, directeur commercial à la société X, à qui il a exposé ses projets de création d'une nouvelle société MCM ayant pour objet l'élaboration de journaux de ville; que Jean-Jacques P a été séduit par cette idée qui allait permettre à sa société de se faire connaître des collectivités territoriales; que, pour éviter un dépôt de bilan et afin que le concept MCM puisse débuter dans les meilleurs délais, Jean-Jacques P a accepté de régler le passif de Y1; que, dans un premier temps, Louis B, président-directeur général de la société X4, a prêté à la société Y, 3 700 000 francs qui ont été remboursés le 29 décembre 1989; que, dans un deuxième temps, a été constituée une société X3, détenue à 99 % par la société X4, présidée par Louis B et ayant pour objet social l'exercice de toutes activités de communication et d'expression; que la société X3 a racheté le capital de la société Y pour 0 franc et a effectué, entre les 9 janvier et 17 septembre 1990, un apport en compte courant de 5 260 000 francs à son profit; que cet apport d'argent a permis à cette société de régler ses créanciers et d'éviter un dépôt de bilan; que la société X4 a alors constaté la perte des titres de la société X3 en provisionnant leur valeur dans les bilans de 1989 et de 1990; que, pour justifier cette opération, Jean-Jacques P a expliqué qu'il avait agit dans le cadre de la diversification des activités du groupe qui souhaitait être présent dans le domaine de la communication comme le prouvait le projet de rachat de la société Z; qu'il a affirmé avoir été séduit par Frédéric M et par la finalité du concept MCM qui allait permettre à la société X de se rapprocher des collectivités territoriales, et avoir ignoré l'implication du maire de Grenoble dans ces publications; mais que le projet de rachat de Z ne présentait pas de paramètre commun avec celui de Y1; qu'en effet, cette entreprise était une agence de communication qui réalisait un chiffre d'affaires de 20 millions de francs et avait obtenu un oscar de la croissance; que malgré cette situation, le projet avait été abandonné en raison de la taille de la société; que dans ces conditions, il convient de s'interroger sur l'intérêt que la reprise de Y1 pouvait constituer pour la société X, sachant que le groupe venait de licencier son personnel, n'avait plus d'activité et que sa seule spécificité avait été de générer des pertes de 16 millions de francs en neuf mois d'activité; qu'il sera relevé que la procédure habituelle suivie par la société X en matière de prises de participation n'a pas été appliquée, cette opération n'ayant pas été soumise à l'autorisation du comité d'investissement, Jean-Jacques P en prenant seul, selon ses déclarations, la responsabilité sans même en informer son supérieur hiérarchique direct, Bernard C5, directeur général de l'eau, qui a déclaré que la reprise de Y1 n'avait rien à voir avec la communication auprès des élus et que le secteur média-presse n'avait jamais présenté un intérêt particulier pour le groupe; que Jean-Jacques P ne peut soutenir avoir ignoré l'implication d'Alain C dans ce groupe de presse, alors qu'en 1987 et en 1989, il était en négociation avec celui-ci et avec Jean-Louis D sur le contrat de concession de l'eau; qu'il ne pouvait pas ne pas avoir eu connaissance, directement ou indirectement, de deux articles parus dans Le Canard Enchaîné, les 1er et 8 février 1989, et repris par d'autres organes de presse, qui faisaient état du financement du groupe Y1 et des liens existant entre ce groupe et Alain C; que la connaissance que Jean-Jacques P avait de cette situation ressort des déclarations de Marc-Michel M1 qui a affirmé que l'intéressé lui avait fait part de son intention d'acheter un journal qui était favorable au maire de Grenoble et avait sollicité son aide; que ces éléments démontrent que la prise de participation de la société X dans la société MCM, qui s'est concrétisée par la souscription de 5 % du capital de cette société, n'était destinée qu'à justifier le paiement des créanciers, en majorité grenoblois, de la société Y; que le désintéressement de ces créanciers évitait un dépôt de bilan qui n'aurait pas manqué de rejaillir sur la réputation du maire de Grenoble compte tenu de son implication connue dans ce groupe de presse (cf. arrêt, p. 54 et 55);
" alors, de première part, que le caractère abusif de l'usage des biens sociaux ne saurait se déduire de la seule illicéité du but dans lequel cet usage est fait; qu'en l'espèce, en considérant, pour déclarer Louis B coupable d'abus de biens sociaux et Jean-Jacques P complice, que les opérations litigieuses étaient la contrepartie convenue en faveur de Alain C dans le pacte de corruption qui avait permis à la société X d'obtenir une concession pour la société X5, filiale de sa propre filiale la société X4, laquelle concession était conforme aux intérêts sociaux de cette dernière et donc de son autre filiale la société X3, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des textes susvisés;
" alors, de deuxième part, que, en toute hypothèse, l'illicéité du but poursuivi par le présumé complice d'un abus de biens sociaux ne peut caractériser l'usage abusif reproché au présumé auteur principal, au seul regard duquel doivent être appréciés les éléments constitutifs de l'infraction; qu'en l'espèce, en déduisant la finalité illicite des opérations réalisées par les sociétés X4 et X3 avec le groupe de presse Y1 d'un ensemble de considérations établissant tout au plus que ces opérations auraient été orchestrées par Jean-Jacques P, poursuivi en qualité de simple complice d'abus de biens sociaux, en vue de procéder, en contrepartie de l'attribution de la concession, au renflouement dudit groupe de presse, sans autrement constater que telle avait également été la finalité poursuivie par Louis B, recherché en qualité d'auteur principal, ni même fait apparaître que celui-ci, à tout le moins, avait connaissance de ce but frauduleux, la cour d'appel n'a pas légalement caractérisé l'élément matériel de l'infraction, privant ainsi de tout fondement légal, au regard des textes susvisés, tant la déclaration de culpabilité de Louis B comme auteur principal que celle de Jean-Jacques P comme complice;
" alors, de troisième part, que, dans ses conclusions d'appel, Jean-Jacques P avait qualifié la constitution de la société X3 par la société X4 puis l'apport en compte courant effectué par celle-ci à la société Y, de " projet économique cohérent ", et avait soutenu que cet investissement ne constituait pas une diversification des activités du groupe de la X; qu'en déclarant, au contraire, que, pour justifier cette opération, Jean-Jacques P expliquait avoir agi dans le cadre de la diversification des activités du groupe qui souhaitait être présent dans le domaine de la communication, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions et entaché sa décision d'une contradiction de motifs;
" alors, de quatrième part, que l'usage fait par un dirigeant social des biens du crédit de la société n'est contraire aux intérêts de celle-ci au sens de l'article 437-3° de la loi du 24 juillet 1966 que s'il expose, sans contrepartie, l'actif de la société à un risque de perte; qu'en l'espèce, selon les propres énonciations de l'arrêt, la société X3, qui avait racheté la société Y et lui avait fait un apport en compte courant, n'avait été constituée par la société X4, laquelle était également actionnaire de la société à qui avait été concédé le service de l'eau de la ville de Grenoble, qu'après la signature du contrat de concession avec le maire de cette ville; que, dès lors, en considérant, pour déclarer Louis B coupable d'abus de biens sociaux et Jean-Jacques P complice, que la prise en charge du passif de la société Y par les sociétés X4 et X3 était dépourvue de contrepartie, après avoir relevé que, selon elle, le paiement du passif du groupe de presse était intervenu en remerciement de la concession attribuée à une société du même groupe, ce qui suffisait à établir la poursuite d'un intérêt social, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des textes susvisés;
" alors, de cinquième part, que, après avoir constaté que la société X5 à qui avait été attribuée la concession et la société X3 qui avait pris le contrôle de la société Y, puis lui avait apporté une somme en compte courant, étaient des filiales de la société X4 que dirigeait Louis B, la cour d'appel devait rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le concours financier apporté par la société X4 à la société de presse était dicté par un intérêt économique, social ou financier commun, qu'elle devait apprécier au regard d'une politique élaborée au sein du groupe, et si cet intérêt du groupe se trouvait ou non en contradiction avec les intérêts particuliers des sociétés liées; qu'en déclarant, sans procéder à cette recherche, Louis B coupable d'abus de bien social et Jean-Jacques P complice, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ";
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Louis B et pris de la violation des articles 437-3° de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, 4 de l'ancien Code pénal, 121-1, 121-3, 121-4, 121-6 et 121-7 du nouveau Code pénal, 1842 du Code civil, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut et contradiction de motifs:
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Louis B coupable d'abus de biens sociaux au préjudice des sociétés X4 et X3 par prélèvement d'une somme de 5 770 702 francs, au bénéfice de la société Y;
" aux motifs que le groupe Y1 était composé de trois sociétés dirigées par Frédéric M: la société Y, la société Y1 ayant pour objet la fondation, la publication et l'exploitation de tous journaux quotidiens ou périodiques et ayant édité du mois d'octobre 1988 au mois de juin 1989, le magazine Y1, vendu en kiosque 15 puis 18 francs, et la société News gratuit, ayant pour objet la publication de journaux et ayant édité les bi-hebdomadaires gratuits News mardi et News vendredi qui ont été distribués dans les boîtes aux lettres de l'agglomération grenobloise à 150 000 exemplaires de février à fin avril 1989 (cf. arrêt, p. 50); qu'il est reproché à Jean-Jacques P d'avoir donné des instructions à Louis B, président-directeur général des sociétés X4 et X3 afin que la société Y et Frédéric M bénéficient de versements à hauteur de 6 129 400 francs qui constituaient une contrepartie à l'attribution de la concession du service des eaux de la ville de Grenoble à la société X (cf. arrêt, p. 52); que le groupe Y1 a, dès le début de son activité, rencontré des difficultés de trésorerie qui ne feront que s'aggraver pour aboutir à des pertes importantes malgré les appuis financiers conséquents des groupes M1, Z1, Z2 et de Z3; qu'à la fin de l'été 1989, Frédéric M a, par l'intermédiaire de Jean-Louis D, rencontré Jean-Jacques P, directeur commercial à la société X, à qui il a exposé ses projets de création d'une nouvelle société MCM ayant pour objet l'élaboration de journaux de ville; que Jean-Jacques P a été séduit par cette idée qui allait permettre à sa société de se faire connaître des collectivités territoriales; que, pour éviter un dépôt de bilan et afin que le concept MCM puisse débuter dans les meilleurs délais, Jean-Jacques P a accepté de régler le passif de Y1; que, dans un premier temps, Louis B, président-directeur général de la société X4 a prêté à la société Y 3 700 000 francs qui ont été remboursés le 29 décembre 1989; que dans un deuxième temps, a été constituée une société X3, détenue à 99 % par la société X4, présidée par Louis B et ayant pour objet social l'exercice de toutes activités de communication et d'expression; que la société X3 a racheté le capital de la société Y pour 0 franc et a effectué, entre les 9 janvier et 17 septembre 1990, un apport en compte courant de 5 260 000 francs à son profit; que cet apport d'argent a permis à cette société de régler ses créanciers et d'éviter un dépôt de bilan; que la société X4 a alors constaté la perte des titres de la société X3 en provisionnant leur valeur dans les bilans de 1989 et de 1990; que, pour justifier cette opération, Jean-Jacques P a expliqué qu'il avait agi dans le cadre de la diversification des activités du groupe qui souhaitait être présent dans le domaine de la communication comme le prouvait le projet de rachat de la société Z; qu'il a affirmé avoir été séduit par Frédéric M et par la finalité du concept MCM qui allait permettre à la société X de se rapprocher des collectivités territoriales, et avoir ignoré l'implication du maire de Grenoble dans ces publications; mais que le projet de rachat de Z ne présentait pas de paramètre commun avec celui de Y1; qu'en effet, cette entreprise était une agence de communication qui réalisait un chiffre d'affaires de 20 millions de francs et avait obtenu un oscar de la croissance; que malgré cette situation, le projet avait été abandonné en raison de la taille de la société; que dans ces conditions, il convient de s'interroger sur l'intérêt que la reprise de Y1 pouvait constituer pour la société X, sachant que le groupe venait de licencier son personnel, n'avait plus d'activité et que sa seule spécificité avait été de générer des pertes de 16 millions de francs en neuf mois d'activité; qu'il sera relevé que la procédure habituelle suivie par la société X en matière de prises de participation n'a pas été appliquée, cette opération n'ayant pas été soumise à l'autorisation du comité d'investissement, Jean-Jacques P en prenant seul, selon ses déclarations, la responsabilité sans même en informer son supérieur hiérarchique direct, Bernard C5, directeur général de l'eau, qui a déclaré que la reprise de Y1 n'avait rien à voir avec la communication auprès des élus et que le secteur média-presse n'avait jamais présenté un intérêt particulier pour le groupe; que Jean-Jacques P ne peut soutenir avoir ignoré l'implication d'Alain C dans ce groupe de presse, alors qu'en 1987 et en 1989, il était en négociation avec celui-ci et avec Jean-Louis D sur le contrat de concession de l'eau; qu'il ne pouvait pas ne pas avoir eu connaissance, directement ou indirectement, de deux articles parus dans le Canard Enchaîné, les 1er et 8 février 1989, et repris par d'autres organes de presse, qui faisaient état du financement du groupe Y1 et des liens existant entre ce groupe et Alain C; que la connaissance que Jean-Jacques P avait de cette situation ressort des déclarations de Marc-Michel M1 qui a affirmé que l'intéressé lui avait fait part de son intention d'acheter un journal qui était favorable au maire de Grenoble et avait sollicité son aide; que ces éléments démontrent que la prise de participation de la société X dans la société MCM, qui s'est concrétisée par la souscription de 5 % du capital de cette société, n'était destinée qu'à justifier le paiement des créanciers, en majorité grenoblois, de la société Y; que le désintéressement de ces créanciers évitait un dépôt de bilan qui n'aurait pas manqué de rejaillir sur la réputation du maire de Grenoble compte tenu de son implication connue dans ce groupe de presse (cf. arrêt, p. 54 et 55);
" alors, de première part, que le caractère abusif de l'usage des biens sociaux ne saurait se déduire de la seule illicéité du but dans lequel cet usage est fait; qu'en l'espèce, en considérant, pour déclarer Louis B coupable d'abus de biens sociaux, que les opérations litigieuses étaient la contrepartie convenue en faveur d'Alain C dans le pacte de corruption qui avait permis à la société X d'obtenir une concession pour la société X5, filiale de sa propre filiale, la société X4, laquelle concession était conforme aux intérêts sociaux de cette dernière et donc de son autre filiale, la société X3, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des textes susvisés;
" alors, de deuxième part, que, en toute hypothèse, l'illicéité du but poursuivi par le présumé complice d'un abus de biens sociaux ne peut caractériser l'usage abusif reproché au présumé auteur principal, au seul regard duquel doivent être appréciés les éléments constitutifs de l'infraction; qu'en, l'espèce, en déduisant la finalité illicite des opérations réalisée par les sociétés X4 et X3 avec le groupe de presse Y1 d'un ensemble de considérations établissant tout au plus que ces opérations auraient été orchestrées par Jean-Jacques P, poursuivi en qualité de simple complice d'abus de biens sociaux, en vue de procéder, en contrepartie de l'attribution de la concession, au renflouement dudit groupe de presse, sans autrement constater que telle avait également été la finalité poursuivie par Louis B, recherché en qualité d'auteur principal, ni même fait apparaître que celui-ci, à tout le moins, avait connaissance de ce but frauduleux, la cour d'appel n'a pas légalement caractérisé l'élément matériel de l'infraction, privant ainsi de tout fondement légal au regard des textes susvisés la déclaration de culpabilité de Louis B;
" alors, de troisième part, que dans ses conclusions d'appel, Jean-Jacques P avait qualifié la constitution de la société X3 par la société X4 puis l'apport en compte courant effectué par celle-ci à la société Y, de " projet économique cohérent ", et avait soutenu que cet investissement ne constituait pas une diversification des activités du groupe de la X; qu'en déclarant, au contraire, que, pour justifier cette opération, Jean-Jacques P expliquait avoir agi dans le cadre de la diversification des activités du groupe qui souhaitait être présent dans le domaine de la communication, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions et entaché sa décision d'une contradiction de motifs;
" alors, de quatrième part, que l'usage fait par un dirigeant social des biens du crédit de la société n'est contraire aux intérêts de celle-ci au sens de l'article 437-3° de la loi du 24 juillet 1966 que s'il expose, sans contrepartie, l'actif de la société à un risque de perte; qu'en l'espèce, selon les propres énonciations de l'arrêt, la société X3, qui avait racheté la société Y et lui avait fait un apport en compte courant, n'avait été constituée par la société X4, laquelle était également actionnaire de la société à qui avait été concédé le service de l'eau de la ville de Grenoble, qu'après la signature du contrat de concession avec le maire de cette ville; que, dès lors, en considérant, pour déclarer Louis B coupable d'abus de biens sociaux, que la prise en charge du passif de la société Y par les sociétés X4 et X3 était dépourvue de contrepartie, après avoir relevé que, selon elle, le paiement du passif du groupe de presse était intervenu en remerciement de la concession attribuée à une société du même groupe ce qui suffisait à établir la poursuite d'un intérêt social, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des textes susvisés;
" alors, de cinquième part, que, après avoir constaté que la société X5 à qui avait été attribuée la concession et la société X3 qui avait pris le contrôle de la société Y, puis lui avait apporté une somme en compte courant, étaient des filiales de la société X4 que dirigeait Louis B, la cour d'appel devait rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le concours financier apporté par la société X4 à la société de presse était dicté par un intérêt économique, social ou financier commun, qu'elle devait apprécier au regard d'une politique élaborée au sein du groupe, et si cet intérêt du groupe se trouvait ou non en contradiction avec les intérêts particuliers des sociétés liées; qu'en déclarant Louis B coupable d'abus de biens sociaux, sans procéder à cette recherche, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés "; Les moyens étant réunis;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour Alain C, pris en ses troisième et quatrième branches et le quatrième moyen proposé pour Jean-Louis D: Attendu que, pour déclarer Jean-Louis D coupable d'abus de biens sociaux et Alain C de recel d'abus de biens sociaux au préjudice de la société X1, l'arrêt attaqué retient que cette société, gérée par Jean-Louis D, conseiller puis chargé de mission auprès d'Alain C, a pris en charge les cours d'anglais de ce dernier et a mis gratuitement à sa disposition l'appartement qu'elle avait acquis à Paris;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que la circonstance que la société X1 était alimentée par les versements d'autres sociétés est sans incidence sur l'atteinte aux intérêts propres de cette personne morale, résultant des agissements des prévenus, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes de Jean-Louis D, a justifié sa décision;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour Alain C, pris en ses deux premières branches, les cinquième et neuvième moyens proposés pour Jean-Louis D et les moyens des autres demandeurs:
Attendu que les demandeurs contestent que les dépenses engagées par le groupe M1, pour l'appartement du <adresse>à Paris et les voyages d'Alain C, et par le groupe X pour des honoraires fictifs et la reprise de la société Y1, aient été contraires à l'intérêt des sociétés et à l'intérêt du groupe, dès lors qu'elles ont eu pour contrepartie l'attribution de la concession du service des eaux de la ville de Grenoble à la société X5;
Attendu que, pour écarter cette argumentation, les juges soulignent que le coût des avantages consentis par les sociétés M1 d'un montant total de près de 19 millions de francs s'inscrit dans une " spirale folle de l'argent " et que leur montant " considérable " a permis d'obtenir " au prix fort " l'attribution de la concession; qu'ils relèvent que Marc-Michel M1 qui ne s'est pas pourvu contre sa condamnation des chefs d'abus de biens sociaux et de corruption active a reconnu avoir agi dans son intérêt personnel, en vue de conserver de bonnes relations avec le maire de Grenoble et a admis que les diverses libéralités consenties par les sociétés de son groupe à Alain C et Jean-Louis D, dont les sollicitations ont, selon lui, " frisé l'extorsion de fonds ", étaient contraires à l'intérêt social;
Qu'après avoir rappelé l'importance des dépenses engagées par le groupe de la X d'un montant de près de 12 millions de francs les juges retiennent encore, pour établir l'abus de biens sociaux, que le rachat de la société Y1 a été opéré sous la seule responsabilité de Jean-Jacques P, qui n'a pas soumis cette décision à l'autorisation du comité d'investissement de la X, ni informé son supérieur hiérarchique direct; que ce dernier a désavoué Jean-Jacques P, en précisant que le secteur média-presse n'avait jamais présenté d'intérêt particulier pour le groupe et que l'intervention de la filiale X3 pour une telle prise de participation n'était pas conforme à la logique économique du groupe; qu'ils ajoutent que Louis B, président de cette dernière société, en suivant les instructions de Jean-Jacques P, a agi de mauvaise foi, contrairement à l'intérêt des sociétés du groupe et à des fins personnelles, pour consolider sa situation au sein de la X et donner satisfaction à des personnes influentes;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a caractérisé le délit d'abus de biens sociaux en tous ses éléments, notamment l'atteinte à l'intérêt social;
Qu'en effet, quel que soit l'avantage à court terme qu'elle peut procurer, l'utilisation des fonds sociaux ayant pour seul objet de commettre un délit tel que la corruption est contraire à l'intérêt social en ce qu'elle expose la personne morale au risque anormal de sanctions pénales ou fiscales contre elle-même et ses dirigeants et porte atteinte à son crédit et à sa réputation; Que, dès lors, les moyens doivent être écartés;
Sur le cinquième moyen de cassation proposé pour Alain C et pris de la violation des articles 460 du Code pénal abrogé en vigueur au moment des faits, 321-1 du nouveau Code pénal, 437-3° de la loi du 24 juillet 1966 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale:
" en ce que Alain C a été déclaré coupable de recel d'abus de biens sociaux pour avoir, en tant que dirigeant de fait des sociétés Y et Y1 et en tant que principal bénéficiaire des versements, sciemment recelé la somme de 5 360 000 francs provenant d'usage abusif des biens et du crédit des sociétés X3 et X4;
" alors, d'une part, qu'est receleur celui qui a personnellement et directement profité de l'infraction principale achevée; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que les versements constitutifs d'abus de biens sociaux en date des 9 janvier et 17 septembre 1990 ont bénéficié aux sociétés anonymes Y et Y1, de sorte qu'elle ne pouvait, sans violer les textes susvisés, déclarer Alain C coupable de recel d'abus de biens sociaux dès lors que n'étant ni dirigeant de droit, ni actionnaire des sociétés bénéficiaires, il n'a pas personnellement et directement profité des versements incriminés;
" alors, d'autre part, et à titre subsidiaire, que la direction de fait s'entend exclusivement de l'exercice, direct ou indirect, de la direction, l'administration ou la gestion de la société aux lieu et place de ses représentants légaux; qu'en se bornant à relever l'implication d'Alain C dans le fonctionnement du groupe Y1 par le biais de conseils ou suggestions, sans constater aucun acte positif de direction ou de gestion, la cour d'appel n'a pas caractérisé la qualité de dirigeant de fait du prévenu;
" alors, enfin, que le recel constitue une infraction de conséquence qui suppose, à titre préalable, un crime ou un délit fondamental; qu'en l'espèce, la cour d'appel constate que les versements litigieux ont été réalisés postérieurement à la cession des sociétés du groupe Y1 à la société X, d'où il résulte qu'à cette date, Alain C ne pouvait plus en être le bénéficiaire, puisque par le fait de cette cession, il n'était plus dirigeant de fait des sociétés bénéficiaires; qu'en retenant, néanmoins, la culpabilité du prévenu du chef de recel d'abus de biens sociaux, l'arrêt attaqué a violé les textes susvisés et doit être annulé ";
Attendu que, pour déclarer Alain C coupable de recel des abus de biens sociaux commis par Louis B au préjudice des sociétés X3 et X4, la cour d'appel retient que les apports en compte courant réalisés par ces deux sociétés, à hauteur de 5 000 000 francs, afin de combler le passif du groupe Y1, ont bénéficié à Alain C, qui en a assuré en fait, de façon constante, la direction ainsi que le financement et a organisé le comblement reproché; qu'elle ajoute que le désintéressement des créanciers évitait une déclaration de cessation des paiements qui n'eût pas manqué de rejaillir sur la réputation du maire de Grenoble, compte tenu de son implication notoire dans ce groupe de presse;
Attendu qu'en se déterminant de la sorte, l'arrêt attaqué n'a violé aucun des textes visés au moyen;
Qu'en effet, d'une part, les articles 460 ancien et 321-1 nouveau du Code pénal, conçus en termes généraux, atteignent tous ceux qui, en connaissance de cause, ont, par un moyen quelconque, bénéficié du produit d'un crime ou d'un délit; que, d'autre part, ces textes n'exigent pas que le prévenu ait tiré un profit personnel des choses recelées;
Que, dès lors, le moyen ne saurait être admis;
Sur le sixième moyen de cassation proposé pour Alain C et pris de la violation des articles 177 du Code pénal abrogé, en vigueur au moment des faits, 432-11 du nouveau Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale:
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alain C coupable du délit de corruption passive pour avoir, entre les années 1984 et 1993, bénéficié des dons, présents et avantages consentis par les sociétés du groupe M1, représentées par Marc-Michel M1 et la société X, représentée par Jean-Jacques P, pour l'accomplissement d'un acte de sa fonction, en l'espèce, la délégation du service des eaux et assainissement de la ville de Grenoble à la société X5 dont les actionnaires majoritaires sont les sociétés SDEI (groupe M1) et X4 (X);
" alors, d'une part, que l'agrément d'avantages, par une personne dépositaire de l'autorité publique, n'est punissable qu'autant qu'il intervient à titre de contrepartie d'un acte de sa fonction en exécution d'un accord de volontés entre le corrupteur et le corrompu; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué, qui se borne à constater l'intérêt très vif de Marc-Michel M1 pour le projet de concession du service des eaux de Grenoble et les avantages dont il aurait fait bénéficier Alain C pendant plusieurs années pour être " présent dans la compétition " et obtenir le contrat de concession, n'a pas caractérisé un pacte de corruption, mais une forme de surenchère qui n'entre pas dans les prévisions de l'article 432-11 du Code pénal;
" alors, d'autre part, que la cour d'appel énonce que le 3 octobre 1987, le choix du groupe M1 et de la société X a été officialisé entre les différents partenaires (p. 28); que, toujours selon la cour d'appel, le rôle de Jean-Jacques P dans les négociations du contrat de concession qui ont suivi, les relations qu'il a eues avec Alain C à ce sujet, la nature et l'importance des avantages dont celui-ci a bénéficié à compter du début de l'année 1989 démontrent qu'il aurait été convenu entre Jean-Jacques P et Alain C antérieurement au contrat de concession que les versements seraient effectués au bénéfice du maire de Grenoble par la société X en contrepartie de l'attribution de cette concession (p. 64);
" qu'il résulte de ces constatations, qu'au 3 octobre 1987, date à laquelle la décision sur la concession du service de l'eau a été prise, aucun pacte de corruption n'a été conclu entre Alain C et Jean-Jacques P; que l'existence d'un accord de volontés entre le corrupteur et le corrompu, qui est un élément essentiel du délit de corruption, ne peut être déduite de prétendus avantages postérieurs à l'acte litigieux, en l'occurrence l'attribution de la concession du service des eaux, les avantages consentis en remerciement de l'acte de sa fonction n'étant pas constitutif du délit de corruption; que la cour d'appel, qui caractérise la participation de Jean-Jacques P à la négociation de la concession du service de l'eau, ne caractérise pas sa participation à une négociation sur les avantages qu'en aurait tirés Alain C, c'est-à-dire sa participation au pacte corruptif; que, dès lors, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé les éléments constitutifs du délit de corruption, a privé sa décision de tout motif;
" alors, enfin, que, pour caractériser la corruption, les juges du fond doivent constater l'antériorité des avantages sollicités ou reçus par rapport à l'action fautive sollicitée; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la majeure partie des avantages perçus était postérieure à l'attribution de la concession du service des eaux, de sorte que le délit de corruption, qui exige que les avantages aient déterminé le corrompu, n'est pas caractérisé ";
Sur le sixième moyen de cassation " complémentaire " proposé pour Alain C et pris de la violation des articles 177 du Code pénal abrogé en vigueur au moment des faits, 432-11 du nouveau Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alain C coupable du délit de corruption passive pour avoir, entre les années 1984 et 1993, bénéficié des dons, présents et avantages consentis par les sociétés du groupe M1, représentées par Marc-Michel M1, et la société X, représentée par Jean-Jacques P, pour l'accomplissement d'un acte de sa fonction, en l'espèce, la délégation du service des eaux et assainissement de la ville de Grenoble à la société X5 dont les actionnaires majoritaires sont les sociétés Sedi (groupe M1) et X4 (Lyonnaise des eaux);
" alors que le "pacte de corruption" ne se présume pas, les juges du fond devant établir que le corrompu allégué a sollicité ou agréé, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, dons, présents ou avantages quelconques pour accomplir un acte de sa fonction ou de son mandat; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que le choix du groupe M1 et de la société X avait été officialisé entre les différents partenaires le 3 octobre 1987, que les contrats de lobbying conclus par la société la X et le groupe M1 auprès de la société X1 apparaissaient lésionnaires, et que les opérations réalisées par la société X au sein du groupe de presse Y1 étaient inopportunes, pour conclure qu'ayant indirectement profité à Alain C, les versements effectués dans le cadre de ces deux séries d'opérations critiquables constituaient nécessairement, dans leur contexte, une contrepartie convenue pour l'obtention de la concession; qu'il en était de même pour l'acquisition de l'appartement du <adresse>par le groupe M1; qu'en tenant ainsi pour acquise, hors toute preuve directe d'un accord, d'une promesse ou d'une offre quelconque, l'existence d'un pacte de corruption à raison du caractère selon elle " anormal " des séries d'opérations en cause, caractère anormal qu'elle n'a précisément déduit que de la supposition d'un pacte corruptif préalable, la cour d'appel n'a rien fait d'autre que présumer l'élément matériel de l'infraction, qu'elle n'a ainsi pas légalement caractérisée au regard des textes susvisés ";
Sur le sixième moyen de cassation proposé pour Jean-Louis D et pris de la violation des articles 121-6, 121-7, 432-11 du Code pénal, 388 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, du principe du contradictoire, de l'interprétation stricte de la loi pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, manque de base légale:
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Louis D coupable de complicité de corruption passive et l'a condamné de ce chef;
" aux motifs que le prévenu, un des plus proches conseillers d'Alain C, a participé de manière très active au contrat de concession de service public de la ville de Grenoble; qu'il était présent au déjeuner du 3 octobre 1987 et qu'il a pris part aux négociations qui ont suivi; qu'il a représenté Alain C aux nouvelles négociations de 1989; qu'il a bénéficié de l'appartement du <adresse>entre 1986 et 1988 et qu'il est à l'origine de la création de X1 qu'il a dirigée de 1988 à 1993; qu'il savait que les avantages dont bénéficiait cette société étaient une contrepartie à l'attribution de la concession du service des eaux de la ville de Grenoble à leur profit; qu'il est ainsi établi que Jean-Louis D a aidé et assisté, en connaissance de cause, Alain C dans l'accomplissement d'un acte relevant de sa fonction de maire, en l'espèce, la concession du service public des eaux de la ville de Grenoble à la société X5 en contrepartie du versement de dons, présents et avantages consentis par Marc-Michel M1 et Jean-Jacques P; qu'il s'est ainsi rendu complice du délit de corruption reproché à Alain C;
" 1° alors que les juridictions correctionnelles ne peuvent statuer légalement que sur les faits relevés par l'ordonnance qui les a saisies; que l'ordonnance qui a renvoyé Jean-Louis D devant la juridiction correctionnelle du chef de complicité de corruption, visait uniquement le fait, pour ce dernier, d'avoir apporté son aide et assistance dans l'accomplissement d'un acte relevant de la fonction du maire de Grenoble, en l'occurrence la concession du service public des eaux et assainissement de la ville de Grenoble en contrepartie de dons consentis par Marc-Michel M1 et Jean-Jacques P; que les premiers juges ont admis que seules l'aide et l'assistance à l'accomplissement d'un acte de l'élu étaient reprochées à Jean-Louis D; qu'il ne résulte pas de l'arrêt que le prévenu ait accepté d'être jugé sur la perception des contreparties à l'acte de corruption matérialisées par l'utilisation de l'appartement parisien et les avantages consentis à la société X1, perception représentant un nouvel acte de complicité distinct en ses éléments constitutifs de celui visé à la prévention; que la cour d'appel a ajouté aux faits de la poursuite et a ainsi excédé ses pouvoirs et méconnu le principe du contradictoire; " 2° alors que le délit de corruption est une infraction formelle qui se consomme indépendamment du résultat; que, dès lors, l'accomplissement d'un acte de la fonction par l'élu en contrepartie des offres prévues par le pacte de corruption n'est pas un élément constitutif de l'infraction; qu'en conséquence, le seul fait d'avoir participé à la signature du contrat de concession du service public des eaux n'est pas un acte de complicité punissable selon les termes de l'article 121-7 du Code pénal; qu'en décidant le contraire, les juges d'appel ont faussement appliqué la loi pénale et violé les textes susvisés ";
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Jean-Jacques P et pris de la violation de la présomption d'innocence posée par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 reprise dans le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, des articles 433-1 et suivants du nouveau Code pénal et 177 et suivants de l'ancien Code pénal, 1134 du Code civil, 388 et 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir, manque de base légale, défaut et contradiction de motifs;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Jacques P coupable de corruption active et l'a condamné à la peine de 3 années d'emprisonnement dont 2 années avec sursis et de 400 000 francs d'amende à raison, d'une part, de versements effectués au titre d'un contrat de lobbying conclu entre la société X et la société X1 et, d'autre part, du comblement du passif du groupe de presse Y1;
" aux motifs qu'Alain C a pris la décision de concéder le service des eaux de la ville de Grenoble à la fin de l'année 1985; que le 3 octobre 1987, le choix du groupe M1 et de la société X a été officialisé entre les différents partenaires; que des négociations approfondies ont alors eu lieu entre les parties, mais n'ont pas eu de suite immédiate en raison de la volonté d'Alain C de ne pas engager un tel processus avant une échéance électorale; que les discussions ont repris en avril 1989 avec les mêmes partenaires et sur des bases identiques à celles envisagées antérieurement et ont abouti à la concession du service des eaux à la X5 intervenue par un contrat du 3 novembre 1989 (cf. arrêt, p. 26 à 28); que le rôle de Jean-Jacques P dans les négociations du contrat de concession, les relations qu'il a eues avec Alain C à ce sujet, la nature et l'importance des avantages dont a bénéficié celui-ci à compter du début de l'année 1989, alors même que les dépenses engagées n'étaient d'aucune utilité pour la société X, démontrent qu'il avait été convenu entre Jean-Jacques P et Alain C, antérieurement au contrat de concession, que des versements seraient effectués au maire de Grenoble, par la société X, en contrepartie de l'attribution de cette concession; que c'est en exécution de cet accord que Jean-Jacques P a signé le contrat de prestation de services avec la société X1, le 4 janvier 1989, et qu'il a ensuite accepté, à la fin de l'été 1989, de combler le passif de la société Y1 qu' Alain C dirigerait en fait; que, certes, des versements sont intervenus après la signature du contrat de concession, mais qu'ils ont été effectués en exécution d'un accord antérieur dont la finalité était l'attribution de la concession (cf. arrêt, p. 64);
" qu'il est reproché à Jean-Jacques P, au titre du délit de corruption, d'avoir en contrepartie de l'attribution du service des eaux de la ville de Grenoble, fait supporter par la trésorerie de la société X des versements d'honoraires à la société X1 pour un montant de 2 200 000 francs (cf. arrêt, p. 43); que par contrat du 4 janvier 1989, la société X, sous la signature de Jean-Jacques P, directeur commercial de la société X et de l'eau pour la France, s'est engagée à verser à la société X1 des honoraires d'un montant de 120 000 francs en contrepartie d'un forfait de 150 heures de prestations semestrielles, pour assurer sa représentation auprès de toutes personnes et entités françaises ou internationales, dans le but de favoriser le développement de ses activités; que ce contrat a été conclu pour une durée de six mois, renouvelable à l'expiration de la période, pour un an, par tacite reconduction; que des avenants de 1989, 1991 et 1992 ont étendu la mission de la société X1 et augmenté le montant de la rémunération; qu'en exécution de ce contrat, la société X1 a, entre 1988 (sic) et 1993, facturé les honoraires suivants à la société X: exercice 1989: 420 000 francs, exercice 1990: 150 000 francs, exercice 1991: 550 000 francs, exercice 1992: 600 000 francs, exercice 1993: 500 000 francs, soit au total 2 220 000 francs; qu'il est constant que la société X1 a adressé à la société X un certain nombre de documents se rapportant à la réglementation européenne; que s'il n'est pas possible de dire que l'ensemble de cette documentation est sans valeur, il n'est toutefois pas établi qu'elle ait présenté un intérêt direct pour cette société malgré les déclarations unanimes de ses responsables qui n'ont, cependant, pas pu préciser en quoi cet apport d'informations présentait un intérêt pour eux, ni quel bénéfice ils avaient pu en tirer pour leur entreprise; que, de plus, la cour ne peut que s'étonner qu'une société de l'importance de la société X ait attendu cette date pour s'aviser de l'importance de la réglementation européenne dans la vie des affaires; qu'il sera également relevé que l'objet principal du contrat consistait en actions de lobbying et non en la fourniture d'une documentation sur la réglementation européenne qui ne sera prévue que dans un avenant du 5 mai 1989; que, s'agissant des actions de lobbying, cette activité n'a été que très réduite, qu'elle a consisté en quelques démarches auprès de fonctionnaires européens, démarches qui n'ont abouti à aucun résultat concret; que de plus aucune trace matérielle de cette activité de lobbying n'a pu être produite par la société X et que les rapports mensuels contractuellement prévus n'ont pas été retrouvés; que sur l'activité réelle de la société X1, il a déjà été conclu (à propos du groupe M1) à une absence de production de l'antenne parisienne, à un travail à Bruxelles dont a principalement bénéficié le cabinet d'avocats de Jean-Louis D et à un arrêt des services rendus par la responsable de ce bureau à compter de juin 1991; qu'en novembre 1990, la société X a confié au cabinet d'expertise comptable Mazars une mission d'étude sur les sociétés du groupe M1; que, dans son rapport, ce cabinet a relevé que, parmi les frais de deux filiales, figuraient des versements d'honoraires à la société X1 qui lui sont apparus élevés au regard des services procurés; que cette mention ne pouvait qu'attirer l'attention de la société X qui depuis 2 ans versait aussi des honoraires à la société X1 que, malgré cette situation, après le rachat de ces deux filiales par la société X, celle-ci a continué à honorer les factures de la société X1, n'ignorant pas que deux autres sociétés du groupe étaient facturées pour des prestations identiques; que s'il s'était agi d'une facturation normale, la société X n'aurait pu que s'inquiéter de la valeur des prestations fournies et n'aurait certainement pas continué à payer trois fois la charge d'un même service; qu'il résulte de ces éléments que les honoraires réglés par la société X ne correspondaient à aucune activité réelle et étaient destinés, comme ceux supportés par le groupe M1, à lui assurer de la trésorerie afin de régler les échéances de l'emprunt contracté pour l'achat de l'appartement du <adresse>destiné à l'usage d'Alain C (cf. arrêt, p. 47 et 48); qu'il a été démontré que les honoraires versés par la société X à la société X1 étaient fictifs; que ces dépenses n'avaient aucune utilité; que même si Jean-Jacques P a quitté la direction de l'eau à la fin de l'année 1989, il est resté dans l'entreprise et n'a pu que continuer à s'occuper de l'exécution des engagements pris, compte tenu de leur nature (cf. arrêt, p. 64);
" que le groupe Y1 était composé de 3 sociétés dirigées par Frédéric M: la société Y, la société Y1 ayant pour objet la fondation, la publication et l'exploitation de tous journaux quotidiens ou périodiques et ayant édité du mois d'octobre 1988 au mois de juin 1989, le magazine Y1, vendu en kiosque 15 puis 18 francs, et la société News gratuit, ayant pour objet la publication de journaux et ayant édité les bi-hebdomadaires gratuits News mardi et News vendredi qui ont été distribués dans les boîtes aux lettres de l'agglomération grenobloise à 150 000 exemplaires de février à fin avril 1989 (cf. arrêt, p. 50); qu'il est reproché à Jean-Jacques P d'avoir donné des instructions à Louis B, président-directeur général des sociétés X4 et X3, afin que la société Y et Frédéric M bénéficient de versements à hauteur de 6 129 400 francs qui constituaient une contrepartie à l'attribution de la concession du service des eaux de la ville de Grenoble à la société X (arrêt, p. 52); que le groupe Y1 a, dès le début de son activité, rencontré des difficultés de trésorerie qui ne feront que s'aggraver pour aboutir à des pertes importantes malgré les appuis financiers conséquents des groupes M1, Z1, Z2 et de Z3; qu'à la fin de l'été 1989, Frédéric M a, par l'intermédiaire de Jean-Louis D, rencontré Jean-Jacques P, directeur commercial à la société X, à qui il a exposé ses projets de création d'une nouvelle société MCM ayant pour objet l'élaboration de journaux de ville; que Jean-Jacques P a été séduit par cette idée qui allait permettre à sa société de se faire connaître des collectivités territoriales; que, pour éviter un dépôt de bilan et afin que le concept MCM puisse débuter dans les meilleurs délais, Jean-Jacques P a accepté de régler le passif de Y1; que, dans un premier temps, Louis B président-directeur général de la société X4 a prêté à la société Y 3 700 000 francs qui ont été remboursés le 29 décembre 1989; que, dans un deuxième temps, a été constituée une société X3, détenue à 99 % par la société X4, présidée par Louis B et ayant pour objet social l'exercice de toutes activités de communication et d'expression; que la société X3 a racheté le capital de la société Y pour 0 franc et a effectué, entre les 9 janvier et 17 septembre 1990, un apport en compte courant de 5 260 000 francs à son profit; que cet apport d'argent a permis à cette société de régler ses créanciers et d'éviter un dépôt de bilan; que la société X4 a alors constaté la perte des titres de la société X3 en provisionnant leur valeur dans les bilans de 1989 et de 1990; que, pour justifier cette opération, Jean-Jacques P a expliqué qu'il avait agi dans le cadre de la diversification des activités du groupe qui souhaitait être présent dans le domaine de la communication comme le prouvait le projet de rachat de la société Z; qu'il a affirmé avoir été séduit par Frédéric M et par la finalité du concept MCM qui allait permettre à la société X de se rapprocher des collectivités territoriales, et avoir ignoré l'implication du maire de Grenoble dans ces publications;
mais que le projet de rachat de Z ne présentait pas de paramètre commun avec celui de Y1; qu'en effet, cette entreprise était une agence de communication qui réalisait un chiffre d'affaires de 20 millions de francs et avait obtenu un oscar de la croissance; que malgré cette situation, le projet avait été abandonné en raison de la taille de la société; que dans ces conditions, il convient de s'interroger sur l'intérêt que la reprise de Y1 pouvait constituer pour la société X, sachant que le groupe venait de licencier son personnel, n'avait plus d'activité et que sa seule spécificité avait été de générer des pertes de 16 millions de francs en neuf mois d'activité; qu'il sera relevé que la procédure habituelle suivie par la société X en matière de prises de participation n'a pas été appliquée, cette opération n'ayant pas été soumise à l'autorisation du comité d'investissement, Jean-Jacques P en prenant seul, selon ses déclarations, la responsabilité sans même en informer son supérieur hiérarchique direct, Bernard C5, directeur général de l'eau, qui a déclaré que la reprise de Y1 n'avait rien à voir avec la communication auprès des élus et que le secteur média-presse n'avait jamais présenté un intérêt particulier pour le groupe; que Jean-Jacques P ne peut soutenir avoir ignoré l'implication d'Alain C dans ce groupe de presse, alors qu'en 1987 et en 1989, il était en négociation avec celui-ci et avec Jean-Louis D sur le contrat de concession de l'eau; qu'il ne pouvait pas ne pas avoir eu connaissance, directement ou indirectement, de deux articles parus dans le Canard Enchaîné, les 1er et 8 février 1989, et repris par d'autres organes de presse, qui faisaient état du financement du groupe Y1 et des liens existant entre ce groupe et Alain C; que la connaissance que Jean-Jacques P avait de cette situation ressort des déclarations de Marc-Michel M1 qui a affirmé que l'intéressé lui avait fait part de son intention d'acheter un journal qui était favorable au maire de Grenoble et avait sollicité son aide; que ces éléments démontrent que la prise de participation de la société X dans la société MCM, qui s'est concrétisée par la souscription de 5 % du capital de cette société, n'était destinée qu'à justifier le paiement des créanciers, en majorité grenoblois, de la société Y; que le désintéressement de ces créanciers évitait un dépôt de bilan qui n'aurait pas manqué de rejaillir sur la réputation du maire de Grenoble compte tenu de son implication connue dans ce groupe de presse (cf. arrêt, p. 54 et 55);
" alors, de première part, que le "pacte de corruption" ne se présume pas, les juges du fond devant établir que le corrupteur allégué a proposé, sans droit, des offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques, en vue d'obtenir du corrompu supposé qu'il accomplisse un acte de sa fonction ou de son mandat; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que le choix du groupe M1 et de la société X avait été officialisé entre les différents partenaires le 3 octobre 1987, que les contrats de lobbying conclu par la société X auprès de la société X1 apparaissaient lésionnaires et que les opérations réalisées par la société X au sein du groupe de presse Y1 étaient inopportunes, pour conclure qu'ayant indirectement profité à Alain C, les versements effectués dans le cadre de ces deux séries d'opérations critiquables constituaient nécessairement, dans leur contexte, une contrepartie convenue pour l'obtention de la concession; qu'en tenant ainsi pour acquise, hors toute preuve directe d'un accord, d'une promesse ou d'une offre quelconque, l'existence d'un pacte de corruption à raison du caractère, selon elle " anormal " des deux séries d'opérations en cause, caractère anormal qu'elle n'a précisément déduit que de la supposition d'un pacte corruptif préalable, la cour d'appel n'a rien fait d'autre que présumer l'élément matériel de l'infraction qu'elle n'a ainsi pas légalement caractérisée au regard des textes susvisés;
" alors, de deuxième part, que le délit de corruption n'est constitué que si le pacte passé entre le corrupteur et le corrompu a précédé l'acte ou l'abstention qu'il avait pour objet de rémunérer; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt que "la décision de concéder le service des eaux de la ville de Grenoble à la société X et au groupe M1 "aurait été" officialisée à l'occasion du déjeuner du 3 octobre 1987, au cours duquel a également été décidée la participation de chacun des deux groupes dans cette opération, puis que ce serait en exécution de cet accord, que Jean-Jacques P avait signé un contrat de prestation de services avec la société X1, le 4 janvier 1989, et avait donné l'ordre de combler le passif des sociétés Y et Y1, à la fin de l'année 1989; qu'après avoir constaté que la concession aussi bien que ses modalités d'exécution étaient acquises dès 1987, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître la portée légale de ses constatations, considérer que les versements intervenus à partir de 1989 au profit de sociétés constituées postérieurement au prétendu pacte, avaient pu déterminer des décisions antérieures officialisées par celui-ci; qu'en déclarant Jean-Jacques P coupable de corruption active, la cour d'appel a violé les textes susvisés;
" alors, de troisième part, que, subsidiairement, les juridictions correctionnelles ne peuvent statuer légalement que sur les faits relevés par l'ordonnance qui les a saisies; qu'aux termes de l'ordonnance de renvoi, il était seulement reproché à Jean-Jacques P d'avoir été à l'origine de versements opérés " courant 1990 " et " entre 1989 et 1993 "; que, dans l'hypothèse qui a été celle de la cour d'appel, à savoir que les versements déterminant le contrat de concession du 3 novembre 1989 ont été effectués, à partir du mois de janvier 1989, en exécution du seul pacte de corruption qui aurait été conclu, selon les propres énonciations de l'arrêt, le 3 octobre 1987, la condamnation se trouve fondée sur des faits non relevés dans l'ordonnance de renvoi; qu'en déclarant de la sorte Jean-Jacques P coupable de corruption active, la cour d'appel a méconnu l'étendue de la saisine, excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés;
" alors, de quatrième part, qu'après avoir constaté que, conformément aux stipulations contractuelles par lesquelles la société X avait chargé la société X1, le 4 janvier 1989, d'une mission de représentation auprès de toute institution française ou internationale et, le 5 mai 1989, aux termes d'un avenant conclu et signé par Bernard C5, directeur général de la société X et supérieur hiérarchique de Jean-Jacques P, d'une mission de collecte d'informations sur la réglementation européenne, ladite société X1, qui disposait depuis le 1er janvier 1989 d'un bureau à Bruxelles où travaillaient deux salariés et une consultante, avait fourni un ensemble de documents se rapportant à la réglementation européenne et avait effectué des démarches auprès de fonctionnaires européens, la cour d'appel ne pouvait, pour déclarer Jean-Jacques P coupable de corruption, affirmer que les honoraires versés ne correspondaient pas à une activité réelle, sans méconnaître la portée légale de ses propres constatations; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les textes susvisés;
" alors, de cinquième part, que la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs; qu'en déclarant, d'une part, que la société X1 avait fourni à la société X un ensemble de documents se rapportant à la réglementation européenne et avait effectué des démarches auprès de fonctionnaires européens et, d'autre part, qu'aucune trace matérielle de l'activité de lobbying n'avait pu être produite par la société X, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs;
" alors, de sixième part, que c'est au Ministère public et aux parties civiles, demandeurs au procès pénal, qu'il incombe de prouver la culpabilité du prévenu; que, pour déclarer Jean-Jacques P coupable de corruption, la cour d'appel lui a reproché de ne pas avoir établi que la documentation sur la réglementation communautaire fournie par la société X1, avait présenté un intérêt direct pour la société X; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et fait peser une présomption de responsabilité que la loi n'édicte pas;
" alors, de septième part, qu'après avoir constaté que la société X1 avait adressé à la société X un certain nombre de documents se rapportant à la réglementation européenne et " qu'il n'est pas possible de dire que l'ensemble de cette documentation (...) est sans valeur " (arrêt, p. 47), et alors même que trois témoins cités en première instance (MM. Gaudin, Vincent et d'Ouince) avaient précisé sous serment tout à la fois l'utilité, l'intérêt et l'efficacité des prestations de la société X1 (jugement, p. 99), et alors encore que M. Bruyas, expert judiciaire, avait déclaré à l'audience devant le tribunal que " 120 000 francs peut correspondre au prix des prestations fournies à la X " (cf. notes d'audience), somme correspondant aux seuls paiements dont Jean-Jacques P avait eu la responsabilité dans le cadre de ses fonctions, la cour d'appel a, néanmoins, considéré, pour déclarer ce dernier coupable de corruption, qu'il n'aurait " pas été établi que la documentation fournie ait présenté un intérêt direct pour la société " (arrêt, p. 48) et que ces dépenses " n'étaient d'aucune utilité pour la société X " (arrêt p. 64); qu'en déclarant, dans ces conditions, Jean-Jacques P coupable de corruption active, sans s'expliquer ni sur l'absence d'intérêt direct, ni sur l'absence d'utilité de cette documentation, ni davantage sur une disproportion entre le service rendu et les honoraires facturés, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la prétendue fictivité des honoraires, a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés;
" alors, de huitième part, que, dans ses conclusions d'appel (p. 41), Jean-Jacques P avait fait valoir que le coût du service de lobbying n'avait pas été excessif, en offrant en preuve le coût d'une étude analogue effectuée par un autre prestataire de service; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés;
" alors, de neuvième part, qu'en justifiant du caractère prétendument fictif des honoraires versés à la société X1 par référence à des éléments de preuve issus du rapport de l'expert, M. Bruyas, sans répondre aux conclusions de Jean-Jacques P (p. 37 et 38) critiquant ce rapport, dont les conclusions avaient été établies, ainsi que ledit expert en avait témoigné à l'audience en première instance, sans examen préalable des scellés effectués auprès de la société X, et après avoir sous-traité une partie de sa mission, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs;
" alors, de dixième part, que dans ses conclusions d'appel Jean-Jacques P avait qualifié l'investissement de la société X4 de projet économique cohérent et soutenu que celui-ci ne constituait pas une diversification des activités du groupe de la X; qu'en déclarant, au contraire, que pour justifier cette opération, Jean-Jacques P expliquait avoir agi dans le cadre de la diversification des activités du groupe qui souhaitait être présent dans le domaine de la communication, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de ces conclusions et entaché sa décision d'une contradiction de motifs; Les moyens étant réunis;
Attendu que, pour déclarer Alain C coupable de corruption passive, Jean-Louis D coupable de complicité de ce délit et Jean-Jacques P coupable de corruption active, les juges énoncent qu'entre les années 1984 et 1993, Alain C a bénéficié, directement ou indirectement, en toute connaissance de cause, avec l'aide et l'assistance de Jean-Louis D, pour la période de 1986 à 1993, des dons, présents ou avantages susrappelés de la part de Marc-Michel M1, en vue de la concession à son groupe du service des eaux de la ville de Grenoble et en exécution d'un pacte de corruption conclu à la fin de l'année 1985; qu'ils retiennent encore qu'Alain C a bénéficié en 1990, pour l'accomplissement du même acte de sa fonction en faveur de la société X5, d'avantages consentis par des filiales de la X au groupe Y1 qu'il dirigeait en fait, grâce à la complicité de Jean-Louis D qui a pris une part active tant à l'accord de principe du 3 octobre 1987 qu'à la conclusion du contrat de concession du 3 novembre 1989;
Attendu que, si la juridiction du second degré admet que certains versements sont intervenus après la signature du contrat de concession, elle souligne qu'ils ont été effectués en exécution d'un accord antérieur dont la finalité était l'attribution de cette concession;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, déduites de son appréciation souveraine des circonstances de la cause et des éléments de preuve soumis au débat contradictoire, la cour d'appel, qui a statué dans les limites de la prévention et répondu comme elle le devait aux conclusions des parties, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs les délits dont elle a déclaré les demandeurs coupables;
Qu'en effet, il n'importe que des dons, présents ou avantages aient été acceptés par une personne investie d'un mandat électif public postérieurement à l'accomplissement de l'acte de la fonction, le délit de corruption, consommé dès la conclusion du pacte entre le corrupteur et le corrompu, se renouvelant à chaque acte d'exécution dudit pacte; d'où il suit que les moyens doivent être écartés;
Sur le septième moyen de cassation proposé pour Alain C et pris de la violation des articles 434-15 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale:
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alain C coupable du délit de subornation de témoin sur M. Thull;
" aux motifs que quelques jours après le 1er juillet 1994, date de son audition par le magistrat instructeur, M. Thull avait reçu un appel téléphonique d'Alain C, alors ministre de la Communication, qui lui avait reproché ses déclarations qui risquaient d'entraîner sa mise en examen et l'avait informé que Jean-Louis D, président de la W, allait prendre contact avec lui afin d'élaborer une nouvelle version des faits; que Jean-Louis D et Alain C ont effectué de pressantes démarches auprès de ce témoin afin qu'il modifie ses déclarations; que de telles sollicitations, émanant de membres influents de l'Etat, faites à une personne hiérarchiquement placée sous l'autorité d'un ministre appartenant au même gouvernement qu'Alain C a créé une contrainte dans l'esprit de ce témoin, contrainte qui l'a amené à modifier ses déclarations dans le sens souhaité;
" alors, d'une part, qu'en se bornant à relater successivement les déclarations contradictoires de M. Thull et d'Alain C, la cour d'appel a omis de préciser quelles " pressantes démarches " directes ou indirectes étaient imputées au demandeur, s'agissant notamment de la prétendue intervention de M. Longuet; qu'ainsi, l'arrêt attaqué se trouve privé de base légale;
" alors, d'autre part, que les "sollicitations" constatées par la cour d'appel ne sauraient constituer les pressions prévues par la loi, lesquelles doivent être suffisamment insistantes et convaincantes pour déterminer le suborné à procéder aux déclarations attendues; qu'en constatant que les interlocuteurs de M. Thull lui avaient " demandé de modifier sa déposition ", l'arrêt attaqué n'a relevé que de simples recommandations non punissables ";
Sur le septième moyen de cassation proposé pour Jean-Louis D et pris de la violation des articles 434-15 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale:
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Louis D coupable d'avoir, courant 1994, exercé des pressions sur deux témoins et un prévenu pour qu'ils modifient leurs dépositions et déclarations et l'a condamné de ce chef;
" alors que dans ses conclusions d'appel régulièrement déposées, Jean-Louis D faisait valoir que les témoins, MM. Thull et Bouffard, soit à la barre du tribunal, soit à l'instruction, ont clairement affirmé n'avoir, selon eux, subi aucune pression de la part du prévenu; que les juges d'appel ne pouvaient dès lors déclarer la subornation de témoins caractérisée sans avoir répondu à son argumentation ne faisant état d'aucune pression, sachant que cet élément s'apprécie subjectivement, qu'en s'abstenant d'y répondre, les juges ont violé les textes susvisés ";
Sur le huitième moyen de cassation proposé pour Jean-Louis D et pris de la violation des articles 434-15 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale:
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Louis D coupable d'avoir courant 1994 exercé des pressions de manière directe et indirecte sur Marc-Michel M1 pour qu'il modifie ses déclarations et l'a condamné de ce chef;
" aux motifs que Marc-Michel M1 a fait des déclarations précises relatant les pressions directes dont il avait été l'objet de la part de Jean-Louis D, et indirectes par l'intermédiaire de Me Philippe Gumery qui l'aurait notamment incité à modifier ses déclarations initiales en venant le voir tous les dix jours à son domicile et en lui remettant un courrier destiné à être recopié et envoyé au juge d'instruction au terme duquel il revenait sur sa déposition, courrier ayant servi de modèle à la lettre adressée, le 12 juillet 1994, au magistrat instructeur, à une époque où le témoin déjà mis en examen était fatigué psychologiquement et physiquement du fait de cette enquête;
" alors que, dans ses conclusions d'appel régulièrement déposées, Jean-Louis D faisait valoir que Marc-Michel M1 ne pouvait affirmer avoir subi des pressions de Me Gumery, prétendument sur ordre de Jean-Louis D et notamment d'avoir adressé le 12 juillet 1994 une lettre au juge d'instruction au terme de laquelle il revenait sur ses déclarations mettant en cause Alain C, courrier qui aurait été rédigé sur demande expresse de Me Gumery, sachant que Marc-Michel M1 était à l'époque assisté de deux conseils pénalistes et que le 19 juillet 1994, Mes Chaîne et Gumery présentaient conjointement une requête auprès du président de la chambre d'accusation dénonçant les conditions de garde à vue et indiquant que leur client reviendrait sur sa déposition faite devant la police eu égard au harcèlement dont il avait été l'objet; que, dès lors, les juges d'appel ne pouvaient déclarer la subornation de témoins caractérisée sans avoir répondu à son argumentation faisant état de la volonté expresse de Marc-Michel M1 de revenir sur ses déclarations initiales sachant que cette volonté s'était manifestée par la requête susvisée rédigée par son autre conseil, Me Chaîne, et ce, alors qu'il pouvait toujours envoyer une lettre auprès du juge d'instruction pour dessaisir Me Gumery; qu'en s'abstenant d'y répondre, les juges d'appel ont violé les textes susvisés "; Les moyens étant réunis;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit de subornation de témoins dont elle a déclaré les prévenus coupables; d'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis;
Mais sur le moyen unique de cassation proposé pour l'Union fédérale des consommateurs et pris de la violation de l'article L. 421-1 du Code de la consommation, des articles 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté l'Union fédérale des consommateurs "Que Choisir", organisation demanderesse, de sa demande en réparation du préjudice matériel porté à l'intérêt collectif des consommateurs par les faits constituant les délits de corruption active et passive retenus en l'espèce;
" aux motifs que les délits de corruption active et passive ne sont pas de nature à porter atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs;
" alors qu'aucune infraction ayant porté un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs n'est exclue des prévisions de l'article 1er de la loi du 5 janvier 1988, devenu l'article L. 421-1 du Code de la consommation, qui permet aux associations agréées de consommateurs d'exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant préjudice à l'intérêt collectif des consommateurs; qu'en procédant à une telle exclusion, la cour d'appel a méconnu les dispositions applicables;
" alors, en outre, que, par suite de cette affirmation erronée, la cour d'appel n'a pas répondu au chef des conclusions de la partie civile demanderesse soulignant que c'était le consommateur qui avait " fait les frais " de l'ensemble des opérations incriminées, les charges financières en résultant étant nécessairement répercutées sur les prix des services vendus, de sorte que c'était le consommateur d'eau qui avait dû supporter ces financements occultes; que cela était d'autant plus évident que les prix de l'eau sur la ville de Grenoble avaient considérablement augmenté depuis la privatisation ainsi opérée; qu'il résultait encore des délits ainsi commis un préjudice découlant de l'atteinte aux réglementations économiques et aux textes nécessités par la sécurité, l'infériorité économique et la désinformation du consommateur; que faute d'avoir répondu à ces chefs précis des conclusions de la demanderesse dont résultait le préjudice porté à l'intérêt collectif des consommateurs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision; Vu lesdits articles;
Attendu qu'aucune infraction ayant porté un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs n'est exclue des prévisions de l'alinéa 1er de l'article L. 421-1 du Code de la consommation;
Attendu que, pour écarter la demande de l'Union fédérale des consommateurs "Que Choisir", association agréée, qui s'était constituée partie civile dans les poursuites exercées du chef de corruption contre Alain C, Marc-Michel M1 et Jean-Jacques P, la juridiction du second degré énonce " que les délits de corruption active et passive ne sont pas de nature à porter atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs ";
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé;
Par ces motifs, I - Sur les pourvois d'Alain C, Jean-Louis D, Jean-Jacques P, Louis B et Frédéric M: Les rejette; II - Sur le pourvoi de l'Union fédérale des consommateurs " Que Choisir ": Casse et annule l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Lyon, en date du 9 juillet 1996, en ses seules dispositions relatives à l'action civile de l'Union fédérale des consommateurs " Que Choisir ", toutes autres dispositions étant expressément maintenues; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Chambéry.