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Décisions

CA Orléans, ch. com., 24 décembre 2003, n° 02-03145

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

KBC Lease France (SA)

Défendeur :

Dumery

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remery

Conseillers :

Mme Magdeleine, M. Garnier

Avoués :

SCP Laval-Lueger, Me Bordier

Avocats :

Mes Petit, Ritouret.

TI Pithiviers, du 30 sept. 2002

30 septembre 2002

Monsieur Dumery, exploitant d'un fonds de tabac-journaux, a souscrit le 23 décembre 1997 un contrat d'abonnement de télésurveillance avec la société STPL, concessionnaire CIPE, qui lui a fourni et installé le matériel de détection et de télétransmission, en même temps qu'un contrat de location financière avec la société Firent, mandataire de la société Socrea Location, dénommée aujourd'hui KBC Lease France. Invoquant la vente de son fonds de commerce, Monsieur Dumery a entendu résilier le contrat de location et a cessé de régler les loyers. La société KBC Lease France l'a alors assigné en paiement des loyers échus et à échoir.

Après que le Tribunal de commerce de Lyon se soit déclaré incompétent à son profit, le Tribunal d'instance de Pithiviers, par jugement du 30 septembre 2002, a prononcé la nullité des contrats conclus avec STPL-CIPE ou Firent et condamné KBC Lease à payer à Monsieur Dumery les sommes de 1 720,87 euros en remboursement des loyers versés, 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et 1 500 euros en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA KBC Lease France a relevé appel.

Par ses dernières conclusions signifiées le 4 novembre 2003, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, elle fait valoir que Monsieur Dumery a contracté pour les besoins de son activité professionnelle et s'est engagé, en cas de résiliation, à restituer immédiatement les matériels pris en location, et à verser aux bailleurs une somme égale au montant des loyers impayés et au total des loyers restant à courir majorée d'une clause pénale. Elle indique que le principe de l'effet relatif des contrats interdit au locataire de se prévaloir de l'acte de cession du fonds. Elle estime que le contrat litigieux, conclu pour les besoins professionnels du contractant, n'est pas soumis aux dispositions du Code de la consommation, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, et que, de ce fait, Monsieur Dumery ne peut bénéficier de la protection contre les clauses abusives. Elle considère qu'en toute hypothèse, le contrat de location est équilibré quant aux obligations de chacune des parties. Elle demande, en conséquence, de constater la résiliation de plein droit du contrat aux torts du locataire et de condamner celui-ci à lui payer la somme totale de 3 915,97 euros, outre celle de 1 500 euros à titre d'indemnité de procédure, et à restituer le matériel sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par ses écritures du 23 octobre 2003, Monsieur Dumery expose que la législation sur le démarchage à domicile s'applique dans la mesure où le contrat n'a pas de rapport direct avec son activité et sort du cadre de sa compétence professionnelle. Il en déduit que le contrat est nul en ce qu'il existe une grande confusion dans les actes qui ne permettent pas d'en connaître la finalité ni les modalités d'exécution, et qu'en outre, l'identité du co-contractant n'apparaît pas clairement, il ajoute que l'article L. 121-26 du Code de la consommation interdisant d'obtenir du client une contrepartie quelconque avant l'expiration du délai de réflexion de sept jours n'a pas été respecté. Subsidiairement, il relève de nombreuses irrégularités du contrat au regard de la législation sur les clauses abusives, dès lors que toutes les charges et les risques pèsent sur le locataire, lié de manière irrévocable pour une longue durée. Il affirme qu'il y a lieu de prendre acte de la résiliation du contrat au 1er janvier 1999. Il conclut à la confirmation du jugement et à l'allocation de la somme de 2 000 euros pour procédure abusive et d'une somme identique en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur quoi

Attendu que selon contrat conclu le 23 décembre 1997, Monsieur Dumery s'est engagé à prendre en location pendant 48 mois deux " caméras flash " et deux " compresseurs", moyennant un loyer mensuel de 639,18 F TTC; que ce matériel a été réceptionné sans réserve par le locataire le 8 janvier 1998;

Que la convention précise expressément qu'elle intervient entre le locataire et l'une des sociétés, dont Socrea Location représentées par la société Firent, et que le locataire reconnaît qu'il ne fait pas de la personne du bailleur une condition du contrat, la livraison du matériel valant notification d'acceptation par le bailleur;

Que selon l'article L. 121-22-4° du Code de la consommation, ne sont pas soumises aux dispositions sur le démarchage, les ventes, locations et locations-ventes de biens ou de prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession;

Qu'en outre, les dispositions de l'article L. 132-1 du même Code, selon lesquelles sont réputées non écrites parce qu'abusives les clauses des contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, ne s'appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant;

Qu'en l'espèce, et peu important les compétences techniques de l'intéressé, le contrat de location d'un matériel d'alarme et de télésurveillance est destiné à préserver l'activité professionnelle du commerçant, dès lors que les dommages provoqués par un vol des marchandises, des dégradations ou un sinistre seraient susceptibles d'interrompre cette activité, causant des pertes d'exploitation et des perturbations pour la clientèle;que le contrat litigieux qui permet de conserver les biens de l'entreprise est donc directement lié à la sauvegarde de l'activité professionnelle, de sorte que les dispositions invoquées du Code de la consommation ne sont pas applicables, et que par infirmation du jugement, Monsieur Dumery sera débouté de sa demande en nullité des contrats;

Attendu, par ailleurs, qu'en vertu de l'article 1165 du Code civil, les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et ne nuisent pas au tiers; que Monsieur Dumery est donc mal fondé à opposer au bailleur la circonstance de la vente de son fonds de commerce qui ne constitue pas, en l'état du dossier, un motif légitime de résiliation du contrat de location;

Qu'aux termes de l'article 13 " Résiliation du contrat ", le non-paiement d'un loyer entraîne, après mise en demeure, la résiliation du contrat qui impose au locataire, outre la restitution des matériels, le versement au bailleur d'une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée des indemnités (8 % du terme impayé) et intérêts de retard (1,5 % par mois), ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat majorée d'une clause pénale de 10 %; que par application de ces clauses, Monsieur Dumery sera déclaré redevable de la somme totale de 3 915,97 euros à l'égard de la SA KBC Lease France et sera également condamné, mais sans qu'il y ait lieu à astreinte, à restituer au bailleur le matériel objet du contrat;

Attendu que le sens du présent arrêt commande le rejet des demandes en restitution et en dommages-intérêts formulées par Monsieur Dumery;

Que Monsieur Dumery supportera les dépens de première instance et d'appel, sans être cependant tenu d'une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort; Infirme le jugement entrepris; Et statuant à nouveau; Condamne Monsieur Dumery à payer à la société KBC Lease France la somme de 3 915,97 euros, et à lui restituer le matériel objet du contrat; Déboute Monsieur Dumery de ses demandes en restitution des loyers déjà versés et en dommages-intérêts pour préjudice moral et procédure abusive; Condamne Monsieur Dumery aux dépens de première instance et d'appel; Rejette les demandes des parties tendant à l'allocation de sommes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Accorde à la SCP Laval-Lueger, titulaire d'un Office d'avoué, le droit reconnu par l'article 699 du même Code.