Livv
Décisions

CA Montpellier, 1re ch. D, 28 février 2003, n° 01-03191

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cofinoga (SA)

Défendeur :

Cibischino (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Paris

Conseillers :

MM. Armingaud, Torregrosa

Avoué :

SCP Salvignol-Guilhem

Avocats :

Mes Castany, Halimi.

TI Céret, du 30 mars 2001

30 mars 2001

La SA Cofinoga a régulièrement relevé appel d'un jugement réputé contradictoire prononcé le 30 mars 2001 par le Tribunal d'instance de Céret qui a:

- condamné solidairement M. et Mme Cibischino à payer à la société Cofinoga la somme de 19 160 F outre intérêts au taux légal à compter du 15-12-2000, en remboursement du crédit permanent souscrit le 14-10-1996, renouvelé annuellement, dénommé "Compte Confiance";

- ordonné l'exécution provisoire du jugement;

- condamné solidairement M. et Mme Cibischino à payer à la société Cofinoga la somme de 3 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- condamné solidairement les défendeurs aux dépens.

La société Cofinoga soutient que c'est à tort que le tribunal a soulevé d'office et l'a invitée à conclure sur de prétendues irrégularités formelles du contrat d'ouverture de crédit par découvert en compte auxquelles les époux Cibischino, l'épouse née Bonalini, ont adhéré le 14-10-1996, alors en outre que le délai de forclusion biennale qui avait couru à compter de la formation du contrat pour former cette contestation était expiré.

Subsidiairement, elle prétend que son contrat ne contient aucune clause purement potestative qui lui réserverait la faculté de revenir unilatéralement sur les éléments principaux de la convention et qu'en tout état de cause, le moyen allégué n'est pas au nombre des hypothèses visées à l'article L. 311-33 du Code de la consommation susceptibles d'entraîner la déchéance du droit aux intérêts.

Elle demande, en conséquence, de réformer le jugement entrepris et de dire n'y avoir lieu à aucune déchéance du droit aux intérêts et de condamner solidairement les époux Cibischino à payer à la société Cofinoga la somme de 48 800,23 F augmentée des intérêts au taux contractuel (15,36 % l'an) sur la somme de 45 298,76 F, et ce du 13-02-2000 jusqu'au jour du règlement à intervenir, outre le paiement d'une somme de 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Auguste Cibischino, assigné à personne le 02-10-2001 et Mme Cibischino, assignée à domicile le 02-10-2001 puis réassignée à nouveau à domicile le 07-01-2002, n'ont pas comparu. En application de l'article 474 du nouveau Code de procédure civile, il sera statué par arrêt réputé contradictoire.

Sur ce:

I.- Sur le moyen soulevé par Cofinoga tiré d'un moyen soulevé d'office par le juge et après expiration du délai de forclusion:

Par arrêt du 21-11-2002, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la directive 93-13-CEE du Conseil du 05-04-93, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national, à l'expiration d'un délai de forclusion, de relever d'office, ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat.

Il s'ensuit que la société Cofinoga n'est pas fondée à prétendre que le tribunal a excédé ses pouvoirs en relevant d'office et nonobstant les dispositions de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, le caractère abusif des dispositions des articles 8, 9 et 10 des conditions générales du contrat.

II.- Sur le caractère abusif des articles précités et la déchéance du droit aux intérêts:

L'annexe visée à l'article 3 de la directive CEE 93-13, applicable à tous les contrats conclus depuis le 31-12-1994 et reprise par l'annexe à l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dispose, à titre indicatif et non exhaustif, que peuvent être déclarées abusives les clauses qui ont, notamment, pour objet ou pour effet:

§ j) d'autoriser le professionnel à modifier unilatéralement les termes du contrat sans raison valable et spécifiée dans le contrat";

§ k) d'autoriser les professionnels à modifier unilatéralement sans raison valable les caractéristiques du produit à livrer ou du service à fournir".

En l'espèce, l'article 8 du contrat énonce que:

"Les mensualités, les tranches d'encours correspondantes et le TEG sont révisables par Cofinoga. Les clauses de la présente offre ne seront pas modifiées sans l'accord de l'emprunteur. Cofinoga informera l'emprunteur avec un préavis d'un mois, de toutes modifications desdites clauses, par l'intermédiaire du relevé mensuel sus-évoqué. L'emprunteur aura la faculté de refuser ladite modification par LR avec AR... Le refus est irrévocable et entraîne la clôture immédiate de l'ouverture de crédit... ".

L'article 9 (in fine) que:

"Cofinoga se réserve le droit de supprimer à tout moment l'utilisation de la présente ouverture de crédit si elle estime que la situation de l'emprunteur l'exige pour sa propre protection. Cofinoga vous informera, le cas échéant, de cette décision par LR".

Et l'article 10, que:

"Pour utiliser son découvert autorisé, le titulaire du compte peut utiliser sa carte bancaire... ou... en indiquant le montant du financement désiré qui ne pourra être inférieur à 2 000 F (montant en vigueur à la date de l'impression du contrat, révisable par Cofinoga)... ".

Les dispositions qui précèdent confèrent à la société Cofinoga la faculté de modifier unilatéralement et sans aucun motif les modalités du crédit qu'elle a consenti, ainsi que celle de mettre fin à la convention à tout moment pour un motif qui échappe à tout contrôle objectif et laissé à sa seule appréciation.

De telles dispositions, qui ont pour effet, directement et indirectement, de permettre au prêteur de ne pas respecter ses engagements, ou de s'y soustraire pendant la durée déterminée à laquelle il s'était engagé, sont purement arbitraires ou ne reposent, au sens de la directive susvisée, sur aucune raison valable.

D'autre part, la "faculté" réservée à l'emprunteur de refuser toute modification n'est pas de nature à ôter aux dispositions précitées leur caractère abusif dès lors que son exercice n'a pas pour conséquence de rétablir le contrat dans les dispositions qui faisaient la loi des parties, mais d'entraîner la suppression immédiate du crédit; qu'elle est, ainsi et en fait, imposée unilatéralement aux emprunteurs qui, s'opposant légitimement aux modifications injustifiées de leur contrat, se trouvent au surplus sanctionnés abusivement.

Enfin, c'est à bon droit et par des motifs que la cour adopte, que, après avoir retenu que les dispositions critiquées ajoutent illégalement au modèle type n° 4 fixé par le comité de réglementation bancaire après consultation du Conseil national des consommateurs, et que, compte tenu du pouvoir de modification unilatérale que se réserve la société Cofinoga, elles ne satisfaisaient pas aux conditions fixées par l'article L. 312-10 du Code de la consommation, le tribunal a fait application de l'article L. 311-33 dudit Code et déchu le prêteur du droit aux intérêts.

Le jugement entrepris sera donc confirmé.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort, En la forme, Reçoit l'appel de la SA Cofinoga; Le déclare mal fondé; En conséquence, Confirme le jugement entrepris, sauf à convertir en euros le montant des condamnations prononcées en francs; Dit que la SA Cofinoga supportera ses dépens d'appel.