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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 27 juin 2002, n° 01-05431

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Préfi (SA), ADT Télésurveillance (SA)

Défendeur :

Taugeron (ès qual.), Saint-Nicolas (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boivin

Conseillers :

Mme Nivelle, M. Bohuon

Avoués :

Mes Gautier, Bourges

Avocats :

Mes Nizou-Lesaffre, Plouton.

TI Nantes, du 10 juill. 2001

10 juillet 2001

Faits - procédure - moyens

Par contrat du 23 octobre 1998 le docteur Taugeron a conclu avec la société Cipe France un abonnement de télésurveillance avec option sécuritaire, en tant que gérant de la société civile Saint-Nicolas sous la forme de laquelle il exerçait avec le docteur Allereau. Etait également conclu un contrat de location de matériel de télésurveillance avec un co-contractant non déterminé représenté par la société Firent, non identifiée, représentée par la société Cipe France.

Ces deux contrats prévoyaient une durée fixe de 48 mois irrévocable, avec clause pénale égale au montant des loyers.

La société Saint-Nicolas a été dissoute le 15 janvier 1999. La société Cipe France en a été informée par lettre du 16 février 1999 ainsi que de la résiliation des contrats de télésurveillance, mais refusait la résiliation.

Par acte du 15 février 2001 la société Saint-Nicolas, prise en la personne du docteur Taugeron, son liquidateur, a demandé au Tribunal d'instance de Nantes, de dire et juger abusives les clauses des articles 11 et 13 des contrats relatives à la résiliation, subsidiairement de prononcer la nullité des contrats pour défaut de cause, et très subsidiairement de dire que la société Cipe France a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi, outre des dommages et intérêts.

Par jugement du 10 juillet 2001 le Tribunal d'instance de Nantes a déclaré les clauses abusives, dit que la société Cipe et la société Préfi ne pourraient réclamer aucune redevance ni aucun loyer postérieurement au 30 septembre 1999, date de la résiliation, et condamné solidairement la société Cipe et la société Préfi à payer à la société Saint-Nicolas 10 000 F de dommages et intérêts et 5 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La société Cipe et la société Préfi ont fait appel respectivement les 18 septembre et 20 août 2001, puis la procédure a été suivie par la société ADT Télésurveillance anciennement dénommée Cipe France, agissant tant en son nom personnel qu'aux droits de la société Préfi suite à une fusion.

La société ADT demande à la cour de dire et juger que l'installation était destinée à la protection de locaux professionnels, qu'en conséquence le droit de la consommation n'est pas applicable et les contrats parfaitement réguliers, à titre subsidiaire de dire et juger que la durée de 48 mois s'impose aux deux parties de façon identique, de même que la faculté de résiliation, et qu'il n'y a donc pas de déséquilibre entre elles, que c'est au contraire l'absence d'indemnité forfaitaire de résiliation égale au solde de la période contractuelle qui créerait un déséquilibre, à titre reconventionnel de prononcer la résiliation du contrat de télésurveillance aux torts exclusifs de la société Saint-Nicolas à compter du mois d'octobre 1999, date de l'arrêt du paiement des loyers, et de condamner la société Saint-Nicolas à 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Elle invoque la jurisprudence qui refuse d'appliquer le Code de la consommation aux contrats en rapport avec une activité professionnelle, et fait valoir que la notion de durée déterminée de l'engagement ne figure pas dans la liste indicative des clauses abusives, que la durée de 48 mois s'impose aux deux parties de façon identique, de même que la faculté de résiliation, que cette durée de 48 mois ne résulte d'ailleurs pas d'un choix commercial arbitraire mais d'une contrainte économique, et enfin qu'il était clairement stipulé au contrat qu'en cas de non paiement d'un loyer à l'échéance le contrat se trouverait résilié 8 jours après une mise en demeure restée sans effet.

La société Saint-Nicolas, prise en la personne de son liquidateur amiable, M. Taugeron, demande à la cour de débouter la société Préfi et la société ADT de toutes leurs demandes, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et de condamner in solidum la société Préfi et la société ADT à 1 525 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle fait valoir que l'implantation du système de télésurveillance était sans lien direct avec l'activité médicale professionnelle et visait à satisfaire un besoin de sécurité assez semblable à celui d'un particulier, qu'elle est d'ailleurs une société civile de moyens et non une société civile professionnelle, que le Code de la consommation est donc applicable, que les clauses relatives à la durée et à la résiliation étaient abusives car elles enfermaient l'abonné sur une durée fixe tout en permettant à l'autre contractant de mettre fin au contrat, que la Commission des clauses abusives a jugé telles ces types de clauses, que la société Saint-Nicolas ayant été dissoute le matériel de télésurveillance n'est plus en fonctionnement et la location ne se justifie plus, que les contrats n'ont pas été exécutés de bonne foi, le bailleur du matériel n'ayant jamais été connu et le paiement des loyers et redevances étant réclamé pour des prestations qui n'ont pas été exécutées, que la résiliation doit en conséquence être prononcée et la société Cipe déboutée de sa demande de paiement de loyers postérieurs à la résiliation et de l'indemnité de résiliation anticipée, et enfin que la déloyauté des sociétés Cipe et Préfi justifie les dommages et intérêts prononcés par le tribunal.

Motifs

Sur l'application du Code de la consommation

Les dispositions du Code de la consommation ne sont pas applicables aux contrats en rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le co-contractant, ce qui est le cas en l'espèce, les contrats ayant été conclus pour les besoins du cabinet dentaire, comme cela résulte de l'identité du contractant, et peu important sa forme sociale.

Dès lors il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation relatif aux clauses abusives.

Sur l'absence de cause

La disparition de la cause ne peut être invoquée par un contractant lorsqu'elle est de son fait, ce qui est le cas en l'espèce puisque la cessation des prestations de la société Cipe est due à la dissolution de la société Saint-Nicolas.

Il ne saurait donc y avoir de nullité des contrats du fait de la dissolution de la société Saint-Nicolas et de la libération des locaux qu'elle occupait.

Les contrats souscrits par la société Saint-Nicolas demeurent donc parfaitement réguliers.

Sur la bonne foi dans l'exécution du contrat

Aucune mauvaise foi ne saurait résulter de l'absence d'indication du bailleur du matériel dans la mesure où la société Saint-Nicolas traitait avec son mandataire, la société Firent, et pouvait s'adresser à celui-ci.

La mauvaise foi ne saurait résulter non plus du fait que la société Cipe et la société Firent font valoir la résiliation des contrats malgré leur connaissance de la dissolution de la société Saint-Nicolas, cette dissolution n'étant pas selon le contrat un motif de dispense de ses propres obligations.

Par suite il n'y a pas lieu d'accorder des dommages et intérêts à la société Saint-Nicolas.

Sur la résiliation du contrat de télésurveillance

Les loyers prévus au contrat, soit 832 F par mois, n'ayant plus été payés à compter du mois d'octobre 1999, il y a lieu de constater la résiliation à cette date du contrat de télésurveillance du 23 octobre 1998 aux torts de la société Saint-Nicolas, conformément à l'article 11 du contrat.

Sur les frais irrépétibles

Il est équitable de laisser à la charge des parties les frais engagés par elles et non compris dans les dépens.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Déclare les appels recevables; Infirme le jugement; Rejette toutes les demandes de la société Saint-Nicolas, prise en la personne du docteur Taugeron, son liquidateur; Constate la résiliation à compter du mois d'octobre 1999 du contrat de télésurveillance du 23 octobre 1998; Rejette les autres demandes, y compris au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la société Saint-Nicolas, prise en la personne du docteur Taugeron, son liquidateur aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux règles de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.