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Décisions

CA Paris, 25e ch. B, 7 novembre 2003, n° 2002-15757

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sonesta (SARL)

Défendeur :

Edery, Kerszner

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

Mmes Collot, Delmas-Goyon

Avoués :

Me Huyghe, SCP Mira-Bettan

Avocats :

Mes Abitan, Khayat.

TGI Bobigny, 7e ch., 1re sect., du 13 ju…

13 juin 2002

LA COUR est saisie de l'appel, déclaré le 05/08/2002, d'un jugement rendu, le 13/06/2002 par le Tribunal de grande instance de Bobigny.

L'objet du litige porte principalement sur la demande de Gad Edery et Julie Kerszner, en remboursement de l'acompte versé, le 14/06/2000 à la Sonesta pour les prestations de traiteur de leur mariage prévues pour les 14 et 17/06/2001, à la suite de l'annulation de leur mariage qu'ils avaient notifiée à cette société le 27/11/2000.

Le tribunal a statué ainsi qu'il suit:

- rejette la demande de nullité du contrat, dit que la clause prévoyant en cas de résiliation la perte de l'acompte fixé à 30 % du prix revêt un caractère abusif,

- la déclare non écrite,

- condamne la société Sonesta à rembourser à Melle Kerszner et M. Edery la somme de 9 909,19 euros,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamne la société Sonesta à payer à Melle Kerszner et M. Edery la somme de 920 euros au titre de l'article 700 du NCPC,

- la condamne aux dépens.

Au soutien de sa décision, le tribunal a notamment retenu, d'une part, que le moyen tiré de l'absence de cause n'était pas fondé, l'existence de la cause, en l'espèce le mariage, s'appréciant au moment de la conclusion du contrat, d'autre part, que la clause prévoyant en cas de résiliation par le client, quelqu'en soit la cause, la perte de l'acompte, (30 % du prix), à titre d'indemnité forfaitaire et irréductible, définitive et irrévocable était abusive, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et des recommandations de la Commission des clauses abusives, dès lors que la clause litigieuse autorisait le professionnel à conserver une indemnité de l'ordre de 40 % du prix sans que le quantum en soit modulé suivant le délai dans lequel intervient l'annulation procure un avantage excessif à ce co-contractant.

La SA Sonesta, appelante, demande à la cour de:

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel.

Vu les articles 1131, 1134 et 1108 du NCPC,

Vu le contrat signé,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- dire et juger que la clause incriminée est parfaitement claire et compréhensible et n'a pas pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat,

- constater la validité du contrat conclu le 14 juin 2000 entre la société Sonesta et Melle Julie Kerszner et M. Gad Edery et l'absence de clauses abusives,

- dire et juger que la somme de 65 000 F soit 909,18 euros versée par Melle Julie Kerszner et M. Gad Edery à la société Sonesta doit restée acquise à la société Sonesta en vertu du contrat signé prévoyant expressément que "toute résiliation par le client d'une commande ou d'une réservation acceptée, qu'elle qu'en soit la cause, entraîne pour celui-ci la perte de l'acompte versé à titre d'indemnité forfaitaire définitive et irréductible",

- débouter Melle Julie Kerszner et M. Gad Edery de toutes leurs demandes fins et conclusions à l'encontre de la société Sonesta,

- condamner Melle Julie Kerszner et M. Gad Edery au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC,

- condamner Melle Julie Kerszner et M. Gad Edery aux entiers dépens.

Gad Edery et Julie Kerszner, intimés, demandent à la cour de:

Vu l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978,

Vu l'article 1131 du Code civil,

Il est respectueusement demandé à la Cour d'appel de Paris,

A titre principal,

- dire et juger abusive la clause selon laquelle "toute résiliation par le client d'une commande ou d'une réservation acceptée, qu'elle qu'en soit la cause, entraîne pour celui-ci la perte de l'acompte versé à titre d'indemnité forfaitaire définitive, et,

En conséquence,

- prononcer la nullité du contrat,

- condamner la société Sonesta à verser à Melle Julie Kerszner et M. Gad Edery la somme de 9 909,19 euros à titre de remboursement des sommes versées,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que le contrat signé par Melle Julie Kerszner et par M. Gad Edery est dépourvu de cause,

En conséquence,

- prononcer la nullité du contrat,

- condamner la société Sonesta à verser à Melle Julie Kerszner et M. Gad Edery la somme de 9 909,19 euros à titre de remboursement des sommes versées,

- prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- condamner la société Sonesta à verser à Mlle Julie Kerszner et M. Gad Edery la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du NCPC,

- la condamner aux entiers dépens de l'instance.

La cour, en ce qui concerne les faits, la procédure, les moyens et prétentions des parties, se réfère au jugement et aux conclusions d'appel.

Sur ce

Considérant qu'il n'y a lieu de rejeter les écritures prises le 02/09/2003, par les intimés, dès lors, d'une part, que la clôture alors prévue le 04/09/2003 a été reportée au 18/09/2003, d'autre part, qu'il s'évince de cette nouvelle date que la SA Sonesta a eu un délai suffisant pour discuter ces écritures et éventuellement y répliquer;

Considérant que, pour critiquer le jugement sur la condamnation prononcée contre elle, la SA Sonesta, après avoir rappelé que le contrat n'était pas dépourvu de cause, prétend que le contrat n'était pas nul à raison d'une clause abusive en faisant valoir, que les intimés ne peuvent utilement invoquer le caractère abusif d'une clause d'un contrat qui serait nul, que ces derniers avaient exprimé leur consentement à cette clause parfaitement claire et compréhensible, de façon claire et avisée, tandis que l'organisation et l'acceptation des contrats de cette nature se fait généralement un an à l'avance, qu'il est constant qu'elle n'a pu proposer un contrat aux dates indiquées à un autre client, l'attestation produite n'étant pas pertinente, en sorte que l'abus prétendu n'a pas été caractérisé;

Considérant que les intimés, après avoir maintenu que la clause était abusive, et s'être prévalu de l'attestation produite, pour alléguer l'enrichissement injuste d'un prestataire de service qui aurait perçu un double versement par la signature d'un contrat avec un autre client, prétend, à titre subsidiaire que le contrat serait nul pour absence de cause;

Considérant, au vu des pièces produites que:

- le contrat litigieux se rapportait à une réception les 14 et 17/06/2000 pour un mariage, au Hilton Roissy et Holiday In à raison de 700 F par personne pour 220 invités,

- ce contrat stipulait, entre autres dispositions, d'une part, un règlement de 30 % à la signature, de 50 % huit jours avant la réception, le solde, le jour de la réception et d'autre part, que "toute résiliation par le client d'une commande ou d'une réservation acceptée, quelle qu'en soit la cause, entraîne pour celui-ci, la perte de l'acompte à titre d'indemnité forfaitaire et définitive et irréductible",

- par lettre du 27/11/2000, Madame Kerszner, a sollicité la restitution de l'acompte de 65 000 F versé, lors de la signature du contrat, en se prévalant de l'annulation du mariage de sa fille,

- dans une attestation du 18/06/2001, Layani Sandy, indique que la Sonesta lui aurait indiqué que les dates des 14 et 17/06/2001 n'étaient pas disponibles.

Considérant que, selon l'article L. 132-1 du Code de la consommation stipule notamment que:

Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.

Des décrets en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission instituée à l'article L. 132-2 peuvent déterminer des types de clauses qui doivent être regardées comme abusives au sens du premier alinéa.

Une annexe au présent Code comprend une liste indicative et non exhaustive des clauses qui peuvent être regardées comme abusives si elles satisfont aux conditions posées au premier alinéa. En cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le demandeur n'est pas dispensé d'apporter la preuve du caractère abusif de cette clause.

Ces dispositions sont applicables quelque soit la forme ou le support du contrat (...).

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du Code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, et toutes les circonstances qui entourent sa conclusion de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert.

Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.

Les dispositions du présent article sont d'ordre public.

Considérant que l'annexe visée au texte précité indique comme clauses visées au troisième alinéa de l'article L. 132-1, les clauses ayant pour objet ou pour effet:

d) de permettre au professionnel de retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d'un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c'est celui-ci qui renonce,

e) d'imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant disproportionnellement élevé,

Considérant que, par application de l'article L. 132-4 du Code de la consommation la Commission des clauses abusives, par une recommandation de synthèse n° 91-2 a recommandé que, dans les contrats proposés par les professionnels aux non-professionnels ou consommateurs, soient présumées abusives, sous réserve de ce que, dans un modèle de contrat particulier, il ne soit pas établi qu'elles ne résultent pas d'un abus de puissance économique et n'entraînent pas un avantage excessif pour leur rédacteur, les clauses ou combinaisons de clauses qui ont pour objet ou pour effet de:

13) obliger le non professionnel ou consommateur, sans motif valable, à payer une part excessive du prix, avant tout commencement d'exécution du contrat,

17) autoriser le professionnel à conserver des sommes versées par le non professionnel ou consommateur, lorsque celui-ci renonce à conclure ou exécuter le contrat, sans prévoir que lesdites sommes sont restituées au double si le professionnel fait de même,

Considérant que, sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation que c'est par d'exacts motifs que le tribunal s'est prononcé;

Qu'il suffit d'ajouter que:

- la clause litigieuse peut être regardée abusive tant au regard des dispositions précitées de l'annexe (articles d et e) que de la recommandation sus-indiquée (articles 13 et 17),

- la clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au préjudice du consommateur, d'une part, parce que des dispositions similaires ne sont pas prévues lorsque c'est le professionnel qui renonce à l'exécution du contrat, d'autre part, en raison du montant de l'indemnité;

- la Sonesta n'a, en tout état de cause, justifié par aucun élément précis des contraintes lui imposant de s'organiser plus de huit mois à l'avance et de ce qu'elle n'a pu organiser une autre réception aux mêmes dates et à des conditions identiques, ce qu'il lui était aisé de faire, si tel avait été le cas,

- au regard de ce qui précède est dénuée d'intérêt l'argumentation tirée de la pertinence de l'attestation produite et de sa valeur probatoire;

- par application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation la clause est réputée non écrite, puisqu'elle a été déclarée abusive;

Considérant que l'équité commande de condamner la SA Sonesta à payer la somme de 1 500 euros à Gad Edery et Julie Kerszner, pris ensemble, au titre de l'article 700 du NCPC, le jugement étant confirmé sur cet article;

Considérant que la SA Sonesta est condamnée aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens;

Par ces motifs, Confirme le jugement; Y ajoutant; Condamne la SA Sonesta à payer la somme de 1 500 euros à Gad Edery et Julie Kerszner, pris ensemble, au titre de l'article 700 du NCPC; Condamne la SA Sonesta aux dépens d'appel; Admet la SCP Mira-Bettan au bénéfice de l'article 699 du NCPC.