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Décisions

CA Angers, 1re ch. A, 21 février 1997, n° 9600162

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Allan garantie Europe (SA)

Défendeur :

Streliski

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panatard

Conseillers :

MM. Jutteau, Lemaire

Avoués :

SCP Chatteleyn, George, SCP Gontier-Langlois

Avocats :

Mes Ariaux, Barbier, Boizard.

TGI Angers, du 6 nov. 1995

6 novembre 1995

M. Streliski a acquis auprès du garage Angers Sud Loire Automobiles en juin 1992 un véhicule d'occasion BMW dont la première mise en circulation datait de 1990.

Concomitamment à cet achat il a souscrit un contrat dit "garantie concessionnaire" auprès de la société "Allan garantie France". Il a versé une prime de 4 000 F pour une garantie couvrant une période de 2 années. Ce contrat garantissait en particulier le moteur et les composantes du moteur (dont la culasse) et dans le circuit de refroidissement la pompe à eau.

Le 28 juin 1993 alors qu'il se trouvait sur l'autoroute entre Paris et Angers son véhicule est tombé en panne.

Il a avisé la société Allan garantie France de cet incident le 30 juin 1993.

Le 22 juillet 1993 la société Allan garantie France l'a informé de son refus de garantir son préjudice suite au rapport d'expertise du cabinet Olivier, au motif qu'il n'entrait pas dans le cadre de sa garantie mais sans préciser pourquoi, réponse confirmée sans plus de motifs le 9 août 1993.

Elle avait fait procéder le 30 juin 1993 à une expertise par le cabinet Olivier qui dans un rapport sommaire du 19 juillet 1993 concluait de la façon suivante:

" Constatations: culasse déposée,

culasse fondue sur 4 cylindres,

serrage moteur

Dommages nécessitant le remplacement du moteur.

"Origine de l'avarie: courroie pompe à eau cassée.

"Conclusions: usage abusif du véhicule malgré les indications qui apparaissent au tableau de bord (aiguille température, eau, voyant).

Ce n'est que sur intervention de l'avocat que M. Streliski avait constitué entre temps que Allan garantie France a communiqué ce rapport d'expertise le 17 novembre 1993, précisant alors pour la première fois les raisons de son refus: le contrat ne couvrait pas la courroie de la pompe à eau ni l'usage abusif du véhicule.

Contestant cette conclusion M. Streliski a assigné la société Allan garantie France devant le Tribunal de grande instance d'Angers pour réclamer la somme de 27 000 F pour les frais de réparation du moteur et 30 000 F au titre du préjudice moral du fait du refus d'intervention et de l'immobilisation du véhicule.

Par jugement du 6 novembre 1995 le tribunal a dit que la lecture du rapport d'expertise non contradictoire et particulièrement sommaire ne permettait pas de savoir comment l'expert était parvenu à sa conclusion alors qu'il n'est pas contesté que le véhicule était correctement entretenu. Que faute de rapporter la preuve d'un cas d'exclusion Allan garantie France devait verser 27 000 F avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation. Il a rejeté la demande de dommages-intérêts complémentaires et a condamné la défenderesse à payer 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La société Allan garantie France fait appel.

Elle conclut au débouté de la demande et à la condamnation de M. Streliski à lui payer 5 000 F et 8 000 F au titre des frais irrépétibles.

Elle expose que d'après les "Conditions générales" elle se réservait le droit de faire examiner le véhicule par un expert dont le rapport ferait foi et que par conséquent M. Streliski ne peut se plaindre du caractère non contradictoire de cette expertise ou contester les termes du rapport. Ce rapport met en évidence un cas d'exclusion de garantie puisqu'il était expressément prévu que toute utilisation anormale du véhicule pourrait notamment entraîner l'annulation de la prise en charge de la société. D'ailleurs M. Streliski n'a jamais justifié avoir normalement entretenu le véhicule ainsi qu'il était prévu au chapitre "périodicité de révision et de vidange".

La société Allan garantie Europe déclare ultérieurement intervenir aux lieu et place de la société Allan garantie France aux droits de laquelle elle vient.

Elle ajoute aux arguments précédents que l'avarie a pour origine la cassure de la courroie de la pompe à eau, et que si la pompe à eau était couverte par la garantie, la courroie ne l'était pas.

Elle insiste sur le fait qu'elle n'est pas une compagnie d'assurance (sans préciser ce qu'elle est) et que la jurisprudence relative aux contrats d'assurance ne peut donc s'appliquer en l'espèce.

M. Streliski conclut à la confirmation du jugement en son principe mais reprend sa demande de la somme de 30 000 F pour résistance abusive et réparation du préjudice lié à l'immobilisation du véhicule. Il demande la capitalisation des intérêts. Il demande 12 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Il expose que les dispositions contractuelles telles qu'interprétées par l'appelante constitueraient des clauses abusives devant être réputées non écrites en application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation.

D'ailleurs la clause concernant l'expertise est équivoque et ne dit pas comme le voudrait l'appelante que l'expert est désigné par elle et procède à ses investigations de manière unilatérale.

Il estime aussi que l'expert s'est borné à des affirmations sans que l'on puisse vérifier le caractère sérieux de ses investigations.

Il répète qu'il ne peut lui être reproché de ne pas s'être arrêté en dépit des indications apparues au tableau de bord, alors que de telles indications ne sont pas apparues. D'autre part le véhicule était correctement entretenu. Subsidiairement il demande une expertise.

Sur ce LA COUR

Il est mentionné au contrat: "pour tout incident pour lequel vous faites appel à nos services, Allan garantie France se réserve le droit de faire examiner le véhicule par un expert automobile dont le rapport fera foi. Toute utilisation anormale du véhicule pourrait alors entraîner une diminution ou l'annulation de notre prise en charge".

Bien que vague cette clause laisse bien entendre que c'est Allan garantie France qui choisit l'expert à sa discrétion sans même avoir à prévenir l'adversaire et que le rapport ainsi provoqué s'impose sans avoir besoin ni d'être contradictoire ni d'être motivé. C'est bien ainsi que la société a appliqué cette clause.

Il s'agit manifestement d'une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation qui dispose: "Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateurs un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat".

Cette clause aboutit d'ailleurs à laisser entièrement à la société Allan garantie service la liberté d'exécuter ou non son obligation grâce au choix arbitraire qu'elle peut faire d'un expert. Elle tombe donc sous le coup de l'article 1174 du Code civil.

Elle est au surplus noyée dans un texte qui ne l'annonce pas et qui est complètement distinct du feuillet sur lequel figure la signature. Quant à la mention selon laquelle le signataire dit avoir pris connaissance des conditions générales, elle est écrite en lettres microscopiques.

Pour toutes ces raisons la clause en question doit être considérée comme nulle.

L'expertise, réalisée avec une motivation indigente et sans avoir recueilli les explications du conducteur sur sa prétendue conduite abusive, ne peut faire preuve, si ce n'est contre la partie qui l'a fait diligenter.

On peut donc retenir de cette expertise que le moteur devait être remplacé. Le moteur, ses organes et la pompe à eau entrent dans la garantie et aucune cause d'exclusion n'est prouvée.

D'autre part M. Streliski produit des factures prouvant l'entretien régulier de son véhicule.

Le jugement sera donc confirmé dans son principe.

M. Streliski ne prouve pas que l'attitude de la société a provoqué un allongement de l'immobilisation du véhicule; il apparaît d'après la facture produite que la réparation a été faite dans le mois par le garage vendeur de la voiture.

Cette attitude lui a toutefois causé des tracas et soucis parfaitement injustifiés, et dès avant l'instance puisque la SA a été jusqu'à refuser de lui donner les motifs de sa décision, n'a communiqué l'expertise qu'après l'intervention d'un avocat et s'en est tenue jusqu'au bout de manière rigide à l'application d'une clause dont elle ne pouvait ignorer le caractère contestable en tant que professionnel. Elle sera condamnée pour résistance abusive à une indemnité de 3 000 F.

Les conditions de la capitalisation des intérêts sont remplies.

Il sera alloué à l'intimé une indemnité pour les frais irrépétibles.

Par ces motifs Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement. Prononce la capitalisation des intérêts échus au 22 novembre 1996. Condamne la société Allan garantie France à payer à M. Streliski la somme de 3 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 F pour les frais irrépétibles d'appel. La condamne aux dépens d'appel. Autorise la SCP Chatteleyn et George à recouvrer ses dépens conformément à l'article 699 du NCPC.