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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. com. A, 26 mars 2003, n° 99-21121

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

De Lage Landen Leasing DLL (SA)

Défendeur :

Technifrance (Sté), Techni Azur (Sté), Taddei (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schmitt

Conseillers :

Mmes Blin, Auge

Avoués :

SCP Sider, SCP Martelly-Maynard-Simoni, SCP Blanc-Amsellem-Mimran

Avocats :

Mes Pigot, Marchio.

T. com. Nice, des 29 sept. 1999 ; 4 août…

29 septembre 1999

Procédure et prétentions des parties:

Par une ordonnance en date du 29 septembre 1999, le juge commissaire du Tribunal de commerce de Nice a rejeté la créance de la société De Lage Landen Leasing sur le redressement judiciaire de la société Techni Azur portant sur la somme de 466 618,37 F à titre chirographaire.

La société De Lage Landen Leasing a fait appel de cette décision par une déclaration en date du 21 octobre 1999.

Par une nouvelle ordonnance du 4 août 2000, le juge commissaire du Tribunal de commerce de Nice a à nouveau rejeté cette créance au vu d'un rapport d'expertise établi par Monsieur Sendra, désigné par une ordonnance du tribunal du 11 décembre 1997, sur le redressement judiciaire des sociétés Techni France et Techni Azur.

La société De Lage Landen Leasing a fait appel de cette ordonnance par une déclaration du 14 août 2000.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction de ces deux instances par une ordonnance du 18 décembre 2000.

Dans ses écritures récapitulatives du 20 janvier 2003, la société De Lage Landen Leasing expose qu'elle a repus un contrat de location de matériel informatique signé entre la société Econom Location et la société Techni France en vertu d'un acte de cession signé notamment par le locataire le 30 novembre 1995, que le contrat a été résilié le 12 mai 1997 en raison du non-paiement des loyers et qu'elle a régulièrement déclaré su créance au redressement judiciaire de cette société et de la société Techni Azur du 17 juillet 1997.

Elle précise que Me Ezavin acceptait dans un premier temps de restituer le matériel en sollicitant un délai, au motif que la comptabilité était contenue dans ce matériel, ce qui était accepté par l'appelante qui sollicitait une indemnité d'utilisation, puis que la société Techni France invoquait un vice du consentement en soutenant que le matériel n'avait jamais fonctionné normalement et sollicitait la désignation d'un expert.

L'appelante soutient:

- que l'ordonnance du 29 septembre 1999 est nulle en l'absence de toute motivation

- que les dispositions du Code de la consommation sont inapplicables car les sociétés Techni France et Techni Azur ont conclu le contrat pour les besoins de leur activité professionnelle

- que l'expert désigné à la demande des sociétés intimées s'est livré à une analyse juridique des relations contractuelles entre les parties qui ne lui incombaient pas

- qu'elle n'est ni le maître d'œuvre, ni le fournisseur de l'objet loué, mais le loueur, établissement financier, qui est contractuellement déchargé de toute responsabilité en cas de mauvais fonctionnement

- qu'il n'est pas démontré que la clause pénale ait un caractère manifestement excessif.

et elle reprend l'intégralité de sa demande, soit 71 135,51 euros, outre 3 048,98 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les frais d'expertise.

Par des conclusions récapitulatives du 15 janvier 2003, les sociétés Techni France et Techni Azur concluent à la confirmation de la décision déférée et sollicitent l'octroi d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en soutenant que la société Techni France a la qualité de consommateur et qu'il résulte du rapport de l'expert que l'appelante n'a pas respecté son obligation de délivrance.

A titre subsidiaire, elles soutiennent que la clause permettant au loueur d'exiger le paiement d'une indemnité égale aux loyers restant à courir est abusive et est dénuée de toute portée juridique et qu'en tout état de cause, il s'agit d'une clause pénale manifestement excessive qui doit être réduite.

La procédure a été clôturée en cet état par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 20 janvier 2003.

Le 6 février 2003 les sociétés Techni France et Techni Azur ont sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture afin de pouvoir communiquer un jugement du 27 novembre 1997.

Le 13 février 2003, Me Taddei, qui avait constitué avoué, a conclu postérieurement à la clôture.

Motifs de la décision:

Sur la recevabilité des conclusions et des nièces postérieures à l'ordonnance de clôture:

Attendu que les conclusions signifiées par Me Taddei en sa qualité de représentant des créanciers des sociétés Techni France et Techni Azur postérieurement à l'ordonnance de clôture, dont la révocation n'est d'ailleurs pas sollicitée, seront déclarées irrecevables en application des dispositions de l'article 783 du nouveau Code de procédure civile;

Attendu que d'autre part, il est sans intérêt de révoquer l'ordonnance de clôture dès lors que le jugement du 27 novembre 1997 concerne la confusion des masses actives et passives des sociétés Techni France et Techni Azur, fait juridique qui est acquis aux débats et qui n'est contesté par aucune des parties;

Sur la nullité de l'ordonnance du 29 juillet 1999:

Attendu qu'à peine de nullité, un jugement doit être motivé;

Attendu que l'ordonnance du juge commissaire du Tribunal de commerce de Nice du 29 septembre 1999, qui constitue une décision de justice rendue à la suite d'un débat contradictoire, doit être annulée en l'absence de toute motivation alors qu'elle comporte seulement un ensemble de rubriques préétablies qui n'ont pas été cochées par le juge;

Attendu qu'il est sans intérêt d'évoquer dès lors que le juge commissaire a statué dans le cadre d'une ordonnance postérieure sur la même créance, que cette ordonnance a fait l'objet d'un appel et que l'instance a été jointe par le conseiller de la mise en état à l'appel diligenté à l'encontre de l'ordonnance annulée;

Sur l'admission de la créance:

Attendu que par un acte sous seing privé du 6 novembre 1995 la société Econom a consenti à la société Techni Azur et à la société Techni France un contrat de location concernant un matériel informatique pour une durée de soixante mois moyennant le paiement d'un loyer de 8 998 HT, matériel livré et installé par la société Syslog;

Attendu que ce contrat a fait l'objet d'une cession tripartite entre la société Econom, les sociétés Techni Azur et Techni France et la société De Lage Landen Leasing par un contrat du 30 novembre 1995;

Attendu qu'en raison d'impayés, le contrat a été résilié le 12 mai 1997 à la suite d'un mise en demeure du 2 mai 1997, que la société De Lage Landen Leasing a déclaré sa créance au passif de la procédure collective des sociétés Techni Azur et Techni France pour la somme globale de 466 618,37 F ou 71 135,51 euros représentant le montant d'une échéance impayée, d'une clause pénale de 10 % de cette échéance, et d'une indemnité de résiliation égale aux 42 loyers mensuels exigibles à compter du 1er juin 1997;

Attendu que le représentant des créanciers avisait le créancier le 2 février 1998 de ce que les débitrices reconnaissaient devoir les loyers échus pour la somme de 11 936,74 F et contestait l'indemnité de résiliation au motif que la société De Lage Landen Leasing avait été autorisée à reprendre le matériel;

Attendu que postérieurement à cette date, les sociétés Techni Azur et Techni France invoquaient les dysfonctionnements du système en ajoutant qu'elles avaient agi en qualité de consommateur et ne pouvaient se voir opposer des clauses abusives;

Attendu que les dispositions du Code de la consommation et notamment celles de l'article L. 132-1 relatives aux clauses abusives ne sont pas applicables aux contrats conclus par un professionnel pour les besoins de sa profession qui ont un rapport direct avec son activité professionnelle;

Attendu qu'en l'espèce, l'installation et la location d'un système informatique destiné à gérer la société et notamment les fichiers clients, fournisseurs et articles et la comptabilité constitue un contrat de fourniture de biens et de services en relation directe avec l'activité des sociétés intimées qui vendait des machines destinées à l'industrie de la boulangerie;

Attendu que c'est à tort que le juge commissaire a dit dans son ordonnance du 4 août 2000 que les sociétés intimées avaient le caractère de véritable consommateur; que celles-ci ne peuvent invoquer en conséquence le caractère abusif de la clause prévoyant une indemnité de résiliation;

Attendu que les sociétés Techni Azur et Techni France font valoir que l'expertise démontre l'existence de dysfonctionnement et que la société De Lage Landen Leasing, venant aux droits de la société Econom, n'a pas respecté son obligation de délivrance;

Mais attendu que si l'expertise met en évidence l'inadéquation entre les matériels et le logiciel chargé de les mettre en œuvre, ce qui s'apparente à l'existence d'un vice caché, il convient de remarquer que la société De Lage Landen Leasing n'est que le bailleur et non le fournisseur du matériel, lequel a été choisi par le locataire, qu'elle n'en assure ni l'entretien, ni la maintenance et qu'en outre le locataire a signé un procès-verbal de réception dans émettre des réserves;

Attendu qu'au surplus, les intimés ne justifient pas avoir contesté la fiabilité du matériel livré en novembre 1995 avant l'année 1997 alors que le bail était résilié et que les loyers leur étaient réclamés;

Attendu qu'enfin, les sociétés Techni Azur et Techni France invoquent le caractère excessif de l'indemnité de résiliation, qui constitue une clause pénale et en demande la réduction au minimum;

Mais attendu que la clause n'est pas manifestement abusive dès lors que le bailleur a du financer le matériel loué, que la perception des loyers devaient lui permettre d'assurer ce financement et que la seule restitution du matériel, plusieurs années après sa fourniture ne lui permet pas de compenser ses pertes, compte tenu du caractère rapidement obsolète de tout matériel informatique;

Attendu qu'il convient en conséquence de réformer l'ordonnance entreprise et d'admettre la créance de la société De Lage Landen Leasing à titre chirographaire à hauteur de la somme de 71 135,51 euros comprenant un loyer impayé avec intérêts au taux contractuel du 1er mars 1997 au 17 juillet 1997 et la clause pénale sur ce loyer conformément aux termes de l'article 3 du contrat et l'indemnité de résiliation;

Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société De Lage Landen Leasing le montant des frais irrépétibles qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance;

Attendu que les sociétés Techni Azur et Techni France, qui succombent, doivent être condamnées aux dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, y compris les frais d'expertise et déboutées de leurs demandes en paiement d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement par un arrêt contradictoire, Rejette les conclusions de Me Taddei en sa qualité de représentant des créanciers du 13 février 2003, postérieures à la clôture, et dit qu'il est sans intérêt de révoquer l'ordonnance de clôture en vue de communiquer le jugement du 27 novembre 1997. Prononce la nullité de l'ordonnance du 29 septembre 1999. Infirme l'ordonnance du 4 août 2000. Statuant à nouveau, admet la créance de la société De Lage Landen Leasing au passif des sociétés Techni Azur et Techni France pour la somme 71 135,51 euros à titre chirographaire. Déboute les parties de toutes leurs autres demandes. Condamne les sociétés Techni Azur et Techni France aux dépens d'appel, y compris les frais d'expertise acquittés auprès de l'expert Monsieur Sendra, et autorise la SCP Sider, avoués associés, à en recouvrer le montant aux formes et conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.