CA Nîmes, 2e ch. B, 24 octobre 2002, n° 99-3212
NÎMES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
ADT Sécuriville (SA)
Défendeur :
Raidi, Pharmacie du Palais (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Conseiller :
M. Bancal
Avoués :
SCP Tardieu, SCP Pomies Richaud Astraud, Me Everlange
Avocats :
SCP Rivière Coste, Me Barthelemy Allio Niquet Tournaire, SCP Albertini Alexandre Marchal.
Faits et prétentions des parties:
Le 19 janvier 1995, Mme Marie-Jeanne Lefebvre, épouse Raidi, exploitante d'une pharmacie à Avignon, à l'enseigne Pharmacie du Palais, a conclu avec la SA Sécuriville - ADT, un contrat d'abonnement de télésurveillance, d'une durée de 48 mois, pour son officine. Par lettre en date du 11 février 1995, la SA Finasur informait Mme Raidi de ce que la SA Sécuriville - ADT lui avait cédé l'ensemble de ses droits pour assurer la gestion financière de cet abonnement.
Ayant vendu sa pharmacie à la SNC Pharmacie du Palais, par acte en date du 14 février 1997, avec effet au 1er avril suivant, Mme Raidi informait la SA Finasur de cette cession et proposait de faire une offre de reprise du contrat de télésurveillance auprès de son successeur, mais sans réponse.
Après son entrée dans les lieux la SNC Pharmacie du Palais faisait l'acquisition d'un nouveau matériel de télé-surveillance et refusait de payer le coût de l'abonnement souscrit par Mme Raidi.
La SA Finasur, agissant en qualité de mandataire de la SA Sécuriville - ADT faisait alors délivrer une injonction de payer à l'encontre de Mme Raidi par le président du Tribunal de commerce d'Avignon, le 17 octobre 1997, à laquelle celle-ci formait opposition, par lettre en date du 19 novembre 1997. Mme Raidi a alors assigné en garantie des condamnations pouvant être prononcées à son égard la SNC Pharmacie du Palais, sur la base du contrat de cession et des engagements réciproques des parties dans cet acte.
Par jugement prononcé le 26 avril 1999, le Tribunal de commerce d'Avignon a:
- Reçu l'opposition de Mme Raidi à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer en date du 7 octobre 1997.
- Rejeté la demande en paiement de la somme de 13 068 F avec intérêts de retard formée par la SA Sécuriville et condamné celle-ci à payer à Mme Raidi une somme de 5 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- Débouté Mme Raidi de son appel en garantie envers la SNC Pharmacie du Palais et condamné Mme Raidi à lui payer une somme de 2 500 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- Dit que ce jugement se substituerait à l'injonction de payer,
- Rejeté toutes les autres demandes des parties,
- Condamné la SA Sécuriville aux dépens et Mme Raidi aux dépens de l'appel en garantie.
Le 7 juin 1999, la SA Sécuriville - ADT a relevé appel de la décision du Tribunal de commerce d'Avignon.
Dans ses dernières conclusions déposées au Greffe de la cour le 3 novembre 1999 et signifiées à ses adversaires les 14 octobre et 3 novembre 1999, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif des pièces communiquées, la SA Sécurité Service, division ADT Sécuriville, sollicite la condamnation de Mme Raidi à lui payer la somme de 13 045 F avec intérêts de retard depuis l'injonction de payer du 17 octobre 1997, au titre des 22 mensualités impayées du contrat d'abonnement ayant couru d'avril 1997 à février 1999.
Elle demande en outre le paiement de la somme de 10 000 F pour les frais de procédure prévus par l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées au Greffe de la cour le 17 novembre 1999 et signifiées à ses adversaires le 16 novembre précédent, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif des pièces communiquées, Mme Raidi demande la confirmation de la décision entreprise et, à titre subsidiaire la condamnation de la SNC Pharmacie du Palais à payer directement les sommes réclamées par la SA Sécuriville, ou à tout le moins à la relever et garantir de cette condamnation.
Mme Raidi sollicite également la condamnation de la partie qui succombera à lui payer une somme de 5 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées au Greffe de la cour le 13 mars 2000 et signifiées à ses adversaires le même jour, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif des pièces communiquées, la SNC Pharmacie du Palais demande la confirmation de la décision entreprise, sur le fondement des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et de la recommandation 97-01 de la Commission des clauses abusives, ainsi que le rejet de l'appel en garantie intenté contre elle.
Elle demande aussi la condamnation de Mme Raidi à lui payer une somme de 10 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par arrêt rendu le 25 janvier 2001, l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 7 décembre 2000 a été renvoyée à. la demande des parties, en raison de la grève des avocats, au 9 janvier 2002, puis à nouveau renvoyée lors de cette audience, pour le même motif, à l'audience du 16 septembre 2002. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 décembre 2001.
Pour une plus ample relation des faits, de la procédure et des moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures déposées par les parties.
Sur ce:
Sur la procédure:
Attendu que la recevabilité de l'appel interjeté n'est ni contestée ni contestable; qu'il en est de même quant à la validité, incontestée, de la procédure d'opposition à injonction de payer devant le Tribunal de commerce d'Avignon;
Sur la demande principale:
Attendu que pour contester l'application de la clause résolutoire du contrat d'abonnement de télésurveillance souscrit par elle le 19 janvier 1995, faute de paiement des mensualités postérieures au 1er avril 1997, Mme Marie-Jeanne Raidi soutient que l'article L. 132-1 du Code de la consommation, disposition d'ordre public, doit recevoir application en l'espèce; qu'en effet elle considère qu'elle ne peut être assimilée à un professionnel, étant pharmacienne et non spécialiste des systèmes de télésurveillance ou des contrats d'abonnements à ces dispositifs;
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation que celui-ci est applicable aux contrats conclus entre professionnels, tels la SA Sécuriville, et non professionnels ou consommateurs;
Mais attendu que Mme Raidi a conclu le contrat d'abonnement au système de télésurveillance offert par la SA Sécuriville en sa qualité d'exploitante d'une pharmacie, afin de protéger ses locaux professionnels, et donc pour les besoins de son fonds de commerce;que ce contrat avait donc bien un rapport direct avec son activité professionnelle, ce qui lui interdit de se prévaloir des dispositions du Code de la consommation précitées, relatives aux éventuelles clauses abusives y figurant, qui sont réservées aux seuls non professionnels ou consommateurs, ce qui n'était pas son cas lors de la signature de cette convention, le 19 janvier 1995;
Qu'en effet l'état d'ignorance qui pouvait être le sien quant au contenu du contrat qu'elle signait ne constitue pas un motif légalement ou réglementairement prévu pour étendre l'application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation aux professionnels passant des conventions pour les besoins de leur fonds de commerce;
Attendu que les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation sont tout autant inapplicables, pour les mêmes motifs, à la SNC Pharmacie du Palais, acquéreur de la pharmacie de Mme Raidi à compter du 1er avril 1997, et contractuellement tenue de continuer l'exécution du contrat d'abonnement de télésurveillance;
Attendu qu'il s'ensuit que le contrat en date du 19 janvier 1995 doit recevoir application, conformément aux dispositions de l'article 1134 du Code civil; qu'il s'ensuit qu'en vertu de la lettre recommandée avec accusé de réception adressée à par la SA Finasur, mandataire de la SA Sécuriville à Mme Raidi le 21 juillet 1997, la résiliation du contrat en application de la clause résolutoire contractuelle est acquise, du fait du défaut de paiement, incontesté, des mensualités d'abonnement postérieures au 1er avril 1997;
Que conformément aux stipulations de l'article 7 des conditions générales du contrat, la SA Sécuriville est en droit de réclamer une indemnité compensatrice de son préjudice du fait de la rupture anticipée de la convention, égale au montant TTC des mensualités restant à courir jusqu'au terme du contrat de 48 mois, soit en l'espèce une somme, incontestée en son calcul, de 13 045 F (22 mensualités de 590,94 F + indemnité contractuelle de retard sur les 3 mensualités impayées, au taux de 2,50 %, soit 44,32 F), correspondant à 1 988,69 euros, avec intérêts de retard au taux légal depuis la première sommation de la payer, en l'espèce la signification de l'ordonnance d'injonction de payer en date du 17 octobre 1997, faite le 12 novembre suivant à la débitrice;
Attendu qu'aucune des parties ne sollicite la réduction de cette clause pénale comme étant jugée excessive ou dérisoire;
Attendu que contrairement à ce que soutient Mme Raidi, quelles que soient les conventions existantes entre elle-même et la SNC Pharmacie du Palais, qui a acquis son fonds de commerce à compter du 1er avril 1997, elles sont inopposables à la SA Sécuriville, tiers à ce contrat; que dès lors la SNC Pharmacie du Palais ne peut être déclarée directement débitrice de l'indemnité de résiliation contractuelle envers la SA Sécuriville, faute de transfert effectif du contrat au profit de l'acquéreur;
Sur l'appel en garantie:
Attendu qu'il résulte de l'acte de cession (page 13) de l'officine de pharmacie conclu le 14 février 1997 entre Mme Marie-Jeanne Raidi et la SNC Pharmacie du Palais, et enregistré à la Recette d'Avignon Est le 17 février suivant, que le cessionnaire s'engageait expressément à continuer 3 contrats existant lors de la vente, dont celui " d'abonnement de télésurveillance passé avec la société Sécuriville en date du 19 janvier 1995 pour une durée de 48 mois", dont un exemplaire était annexé à l'acte sous-seing privé;
Attendu qu'il est constant que la SNC Pharmacie du Palais, depuis sa prise de possession des lieux, le 1er avril 1997, a cessé de payer l'abonnement mensuel prévu dans le contrat de la SA Sécuriville et qu'il résulte de la lettre en date du 29 mai 1997 adressée par cette société à Mme Raidi, que le repreneur de la pharmacie l'avait informée de ce qu'il ne souhaitait pas poursuivre le contrat d'abonnement, ce qui n'est pas non plus contesté par la SNC Pharmacie du Palais;
Que cette volonté de rupture se manifestait également dans une lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 22 mai 1997 par la SNC Pharmacie du Palais à la SA Sécuriville, pour l'aviser de ce qu'elle n'entendait pas utiliser son matériel et lui demandait de venir le reprendre; que d'autre part il est constant qu'aucun avenant contractuel n'a été ultérieurement signé entre les parties;
Attendu que le fait que la cession de la pharmacie entre les parties ait fait l'objet de deux autres conventions, conclues les 11 décembre 1996 et 16 avril 1997, tenant notamment les obligations particulières inhérentes à l'exploitation d'une pharmacie, et le fait que ces conventions ne prévoyaient pas particulièrement la reprise du contrat d'abonnement de télésurveillance, constitue un moyen inopérant dès lors que les parties n'ont pas convenu que leurs accords dérogeaient à la convention du 14 février 1997, sur ce point notamment ou que la convention du 4 avril 1997, enregistrée le 16 avril suivant, annulait la précédente, en tout ou en partie;
Qu'au contraire ce dernier acte se référait expressément à la convention du 14 février 1997, qui contenait une condition suspensive et constatait la réalisation de celle-ci, réitérant les principaux engagements précédemment souscrits, sans reprendre l'intégralité des mentions du premier contrat;
Sur les frais de procédure et les dépens:
Attendu que le jugement entrepris doit aussi être réformé en ce qu'il avait condamné la SA Sécuriville à payer à Mme Raidi une somme de 5 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et Mme Raidi à payer, à ce titre, une somme de 2 500 F à la SNC Pharmacie du Palais;
Attendu qu'il y a lieu d'allouer à Mme Marie-Jeanne Raidi, la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile que devra lui payer la SNC Pharmacie du Palais;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable en l'espèce de laisser à la charge de SA Sécuriville - ADT comme de la SNC Pharmacie du Palais les frais de procédure qui ne sont pas compris dans les dépens;
Attendu qu'il convient de condamner Mme Marie-Jeanne Raidi, qui succombe à titre principal, aux entiers dépens de première instance et d'appel et de condamner la SNC Pharmacie du Palais à la relever et garantir intégralement de cette condamnation;
Par ces motifs: LA COUR, Statuant, publiquement et par arrêt contradictoire, Reçoit les appels en la forme, Vu l'article 1134 du Code civil, Réforme le jugement du Tribunal de commerce d'Avignon prononcé le 26 avril 1999, en toutes ses dispositions; hormis la déclaration de recevabilité de l'opposition à injonction de payer, Condamne Mme Marie-Jeanne Lefebvre épouse Raidi à payer à la SA Sécuriville la somme de 1 988,69 euros (13 045 F) à titre d'indemnité de résiliation contractuelle, avec intérêts de retard au taux légal à compter du 12 novembre 1997; Condamne la SNC Pharmacie du Palais à relever et garantir Mme Raidi de cette condamnation, intégralement, Condamne Madame Marie-Jeanne Raidi aux dépens de première instance et d'appel et dit que la SNC Pharmacie du Palais devra la relever et garantir de cette condamnation, Condamne la SNC Pharmacie du Palais à payer à Mme Marie-Jeanne Raidi la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs autres demandes, Autorise la SCP Tardieu, titulaire d'un office d'avoué, à recouvrer directement les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.