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Décisions

CA Riom, ch. com., 25 avril 2001, n° 99-01750

RIOM

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

ABCG Participation (SA)

Défendeur :

Auchan France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bardel

Conseillers :

Mme Jean, M. Despierre

Avoués :

Mes Lecocq, Rahon

Avocats :

Me Bazy, SCP Raffin

T. com. Clermont-Ferrand, du 29 avr. 199…

29 avril 1999

Débats:

Vu le jugement rendu le 29 avril 1999 par le Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand ayant débouté la société Geaix de sa demande d'indemnité, de remboursement des frais de licenciement économique et de sa demande au titre des frais de liquidation et ayant ordonné une expertise confiée à M. Geneix.

Vu la déclaration d'appel de la SA Geaix et les écritures de la société civile ABCG Participation, déclarant venir aux droits de ladite société, du 7 mars 2001, demandant à la cour de:

- condamner la société Auchan à lui payer la somme de 1 714 402 F au titre du préavis.

- condamner ladite société à lui payer les sommes de 758 460 F, 119 257,46 F et 1 000 000 F.

- condamner ladite société à lui payer 3 730 000 F et 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- subsidiairement ordonner une expertise sur les conditions d'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et sur l'évaluation des préjudices.

Vu les conclusions déposées le 13 mars 2001 (signification du 12 mars) reprenant les conclusions déposées le 28 février 2001, par la société des Hypermarchés du Centre, aux droits de laquelle vient la société Auchan France tendant à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a ordonné une expertise, au débouté de la société ABCG de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation à lui payer 100 000 F pour appel et procédure abusifs et 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Attendu qu'in limine litis le président a fait observer que deux magistrats composant la chambre avaient été amenés à connaître d'une procédure de référé opposant les parties dans le cadre du litige considéré; que les conseils des parties ont fait connaître qu'ils n'entendaient soulever aucun moyen de ce chef et que l'affaire pouvait ainsi être plaidée immédiatement;

Attendu que le 1er février 1994 la société Geaix et la société Docks de France ont signé un contrat d'approvisionnement des magasins Docks de France Centre, produits surgelés, crèmes glacées, boulangerie pâtisserie; que la société Geaix était chargée d'assurer le flux physique des marchandises et des emballages de manutention et d'assurer un certain nombre d'opérations informatisées liées à la gestion de ce flux; que le contrat était établi pour une durée indéterminée prenant effet le 10 janvier 1994, la rupture étant possible à tout moment à l'initiative de l'une ou l'autre des parties moyennant un préavis de 6 mois;

Attendu que par lettre recommandée avec AR du 22 août 1997 la société Docks de France a déclaré mettre fin au contrat à compter du 22 février 1998 préavis de six mois compris;

Sur le retrait de certains magasins:

Attendu que la société ABCG Participation fait grief à la société Auchan d'avoir, pendant la période de préavis, retiré unilatéralement l'approvisionnement de plusieurs hypermarchés et magasins;

Attendu que la société Auchan ne conteste pas avoir modifié le contrat en retirant l'approvisionnement de certains établissements; qu'elle soutient que cette modification a été négociée, préjudice pouvant en résulter étant compensé par l'application d'un nouveau tarif particulièrement avantageux; qu'elle invoque un échange de courriers des 3 août et 14 août 1997 qui caractériserait selon elle l'accord concernant sept hypermarchés;

Attendu que par le fax du 3 août 1997 la société Geaix manifeste son étonnement ensuite de la reprise précipitée des hypermarchés; qu'elle déclare envisager momentanément trois solutions; qu'elle fait notamment état d'une facturation sur la base de divers prix au kg, précisant qu'elle perdra 616 337 F en six mois, ce qu'elle ne peut accepter; qu'il y aurait lieu de compenser cette perte sèche par la reprise de quatre préparateurs et l'économie d'un camion; que la société Geaix fonde l'espoir de trouver une solution et de pouvoir étudier dans un temps moins court toute proposition;

Attendu que le 14 août 1997 la société Auchan confirme la nouvelle organisation à compter du 2 septembre 1997 concernant, les 7 hypers, précisant "conditions: celles énoncées dans votre fax du 3 août 1997 avec rectification négociée le 7 août 1997 BOUL/PAT magasins extérieurs 0,66 F/kg au lieu de 0,76 F/kg personnel: prendre contact avec Jacques Argaud (directeur du site de Couirnon)";

Attendu que l'échange de courriers dont s'agit ne caractérise nullement un accord sur les conséquences financières et les modalités de réparation du retrait anticipé manifestement imposé par la société Auchan avant même la notification de la rupture, et sans que la possibilité soit donnée à la société Geaix de trouver une solution alternative;

Attendu que la société Geaix précise qu'elle ne peut accepter une perte sèche de 616 337 F en six mois; que la solution envisagée est momentanée; qu'elle exige une compensation sur laquelle la lettre du 14 août 1997 de la société Auchan ne s'explique pas; que ladite société ne croit notamment pas devoir s'expliquer sur l'exigence d'embauche de quatre préparateurs alors qu'elle admet n'en avoir repris que deux;

Attendu que la lettre de la société Geaix du 23 octobre 1997 aux termes de laquelle il est indiqué "pour vous être agréable, et alors que rien ne nous y obligeait, nous avons accepté que pendant cette période de préavis vous repreniez la logistique de l'hypermarché de Valence et les préparations des 6 autres Mammouths à Lyon à compter du 3 septembre 1997" ne contient nulle renonciation à solliciter une indemnisation; qu'au contraire elle invoque une perte entraînée par la décision de reprise, perte qu'elle invoquait déjà le 3 août 1997;

Attendu que la lettre dont s'agit ne fait nullement état d'un accord sur une compensation financière indemnisant le retrait prématuré;

Attendu que l'accord allégué par Auchan n'étant pas établi, la société Geaix est fondée à solliciter l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi ensuite de la décision concernant les 7 hypermarchés concernés;qu'une expertise s'impose en vue de sa détermination;

Attendu s'agissant des autres magasins qui auraient été retirés avant le terme du préavis qu'il y aura lieu de missionner l'expert de ce chef;

Sur la durée du préavis:

Attendu que les parties ont contractuellement fixé cette durée;qu'il n'appartient pas au juge de modifier les conventions des parties et d'y substituer des clauses en considération du temps et des circonstances;

Attendu en l'espèce que le préavis fixé, qui n'apparaît de surcroît pas insuffisant dès lors que la société Geaix n'était pas contractuellement liée à titre exclusif à la société Auchan, ne saurait être porté à douze mois ainsi que sollicité;que si la société Geaix, qui connaissait sa situation lorsqu'elle a contracté, considérait que le préavis contractuellement fixé était insuffisant, il lui appartenait de discuter la clause le déterminant;qu'il n'est pas inutile de rappeler qu'un contrat de prestation avait antérieurement lié les parties depuis le 24 mars 1989

Sur le mandat d'intérêt commun:

Attendu que le contrat est intitulé "contrat d'approvisionnement";que la société Geaix est qualifiée de "prestataire";que son rôle essentiel consiste à assurer le flux physique des marchandises et des emballages et d'assurer des opérations informatisées liées à la gestion de ce flux (réception des commandes, saisies des entrées en litige, suivi des litiges de livraison);

Attendu qu'il est imposé au prestataire de se garantir contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qui peut lui incomber du fait de son activité;que la prestation est facturée sur la base d'un volume de palettes;

Attendu que la convention ne s'analyse pas en un mandat d'intérêt commun;que son objet n'est pas l'essor de l'entreprise par création et développement de la clientèle;que la société Geaix n'était pas chargée de vendre la marchandise et n'était pas rémunérée par une commission sur ces ventes;

Attendu que les prétentions fondées sur le mandat d'intérêt commun ne peuvent qu'être rejetées;

Sur les factures de palettes:

Attendu que la société ABCG réclame 119.257,46 F au titre de factures de stockage de palettes;

Attendu que par avenant au contrat du 6 décembre 1996 il a été convenu qu'un état quotidien des places sera communiqué par Geaix (par fax) à DFC base de volume 800 palettes, palettes supplémentaires au-delà de 3,50 F jour/palette, effet au 1er janvier 1997;

Attendu que la société ABCG produit régulièrement cet avenant et les factures et documents afférents à sa réclamation; que la société Auchan a pu prendre connaissance de ces pièces, le contenu de la sous côte 71 étant constitué de l'avenant susvisé, des factures, des tableaux de stockage de palettes et d'occupation;

Or attendu que la société Auchan né se livre à aucune analyse de ces pièces; qu'il apparaît opportun de charger l'expert de procéder à l'examen desdits documents qui visent à la fois une occupation journalière de chambre froide (en quoi cela concerne-t-il des palettes) et un stockage de palettes, ce qui mérite quelques éclaircissements;

Attendu qu'il est prématuré de se prononcer sur le bien ou le mal fondé des divers postes invoqués au titre du préjudice consécutif au retrait de l'approvisionnement des hypermarchés et magasins évalué par l'appelante à 1 714 402 F et sur le lien qui pourrait exister entre ce retrait et la liquidation de la société; qu'il sera sursis à statuer jusqu'après expertise;

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Rejette les demandes de la société ABCG Participation fondées sur un mandat d'intérêt commun, sur l'insuffisance du délai de préavis contractuellement prévu et le complément réclamé à ce titre. Dit que seul peut être indemnisé le préjudice consécutif au retrait de l'approvisionnement de sept hypermarchés et de l'approvisionnement de magasins antérieurement à l'expiration du préavis contractuel. Avant dire droit sur les demandes de réparation émises à ce titre: Ordonne une expertise et commet pour y procéder: - M. Roussilhe Michel 16 rue Valentin Hauy 63000 Clermont-Ferrand ou à défaut: - M. Eyraud Pierre 23 avenue des Thermes BP 19 63402 Chamalières cedex; Dit qu'en cas de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance du Conseiller de la mise en état. Avec pour mission de: - prendre connaissance des éléments du dossier et de toutes pièces utiles à sa mission détenues par les parties ou par des tiers. - procéder à toutes investigations permettant de déterminer parmi les magasins et établissements dont la société Geaix avait contractuellement la charge, lesquels ont été retirés à l'initiative de la société Auchan avant l'expiration du délai de préavis (précision étant donnée que ce chef de la mission ne concerne pas les hypermarchés Mammouth visés dans la lettre du 23 octobre 1997) - préciser les coûts que la société Geaix a dû supporter du fait de ces retraits et de celui des sept hypermarchés. - donner les éléments d'appréciation du préjudice directement occasionné à la société Geaix du fait de ces retraits (magasins et hypermarchés) en tenant compte, s'il y a lieu, de la contrepartie ayant consisté en des augmentations du tarif des prestations, des réductions des coûts de personnels et des économies réalisées consécutivement à la réduction du nombre d'établissements à approvisionner. - examiner les pièces et documents comptables relatifs au stockage des palettes. Fournir tous éléments permettant d'évaluer la somme qui pourrait être due à ce titre. Dit que l'expert commis saisi par le greffe de la chambre civile et commerciale, devra accomplir sa mission en présence des parties ou elles dûment convoquées, les entendre en leurs observations et déposer rapport de ses opérations avant le 30 novembre 2001, délai de rigueur, sauf prorogation des opérations dûment autorisée par le Conseiller de la mise en état de la chambre chargé de son contrôle, sur demande de l'expert. Dit que la société ABCG Participation fera l'avance des frais d'expertise et devra consigner auprès de Mme le Régisseur des Avances et Recettes de la Cour d'appel de Riom, une provision de 10 000 F (dix mille francs) avant le 31 mai 2001 à défaut de quoi il sera passé outre à l'expertise. Surseoit à statuer sur le surplus des prétentions jusqu'au dépôt du rapport. Réserve les dépens.