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Décisions

Ministre de l’Économie, 29 décembre 2003, n° ECOC0400204Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société Famar

Ministre de l’Économie n° ECOC0400204Y

29 décembre 2003

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 27 novembre 2003, vous avez notifié l'acquisition, par la société Famar France Holding, d'actifs du groupe Aventis, actifs constituant le site de production dudit groupe sis à Saint-Genis-Laval. La société Famar France Holding, créée aux fins de l'opération, est intégralement détenue par la société grecque Famar ABE (ci-après " Famar "), elle-même détenue à plus de 86 % par le groupe Marinopoulos. L'opération a été formalisée par un contrat d'acquisition d'actions en date du 26 novembre 2003.

Le groupe Marinopoulos est un groupe diversifié, ayant son siège en Grèce, et détenu par la famille Marinopoulos. Il est le premier groupe de distribution grec, et l'un des principaux groupes industriels de ce pays. Au travers de différentes filiales, le groupe est notamment actif, s'agissant de son activité de distribution, dans la grande distribution, la distribution de produits cosmétiques et la distribution de cafés de spécialité. Son activité industrielle, exercée au travers de Famar et de ses filiales, consiste en une prestation de sous-traitance pour le compte d'entreprises du secteur de l'industrie pharmaceutique (80 % de l'activité) et du secteur de l'industrie cosmétique (11 % de l'activité). Famar fournit les services suivants : développement des produits, gestion de la logistique, production, emballage, stockage et distribution des produits finis. Famar ne développe, produit ou ne distribue aucune gamme de produits sous sa propre marque. Elle exerce son activité de " façonnage " sur 8 sites implantés dans différents pays d'Europe, dont 2 en France (1). En 2002, l'activité de Famar a généré un chiffre d'affaires de 147 millions d'euros. Sur le même exercice, le groupe Marinopoulos a réalisé un chiffre d'affaires consolidé (2) d'environ [...] millions d'euros (*), dont [>15] millions générés en France.

Aventis, huitième groupe pharmaceutique mondial, a pour activité dominante la production de médicaments de prescription et de vaccins. La production de médicaments génériques est l'objet d'une filiale dédiée au sein du groupe, RPG Aventis. S'agissant de son activité pharmaceutique, le groupe s'est engagé dans une politique d'externalisation auprès de sous-traitants de la production de médicaments les moins stratégiques. C'est dans ce contexte de désengagement que se situe la présente opération. Le site de Saint-Genis-Laval, objet de la cession, est une usine de production de médicaments située au sud-est de Lyon. L'essentiel de la production du site est effectué pour le compte de son propriétaire, le groupe Aventis. Cette activité intragroupe concerne une gamme d'une dizaine de classes pharmacologiques (3). Aux termes d'un contrat de façonnage conclu entre le vendeur et l'acquéreur, le site continuera de produire cette gamme de médicaments pour le compte du vendeur, qui lui garantit ainsi un chiffre d'affaires pour une durée de [...] mois. Le site de Saint-Genis-Laval n'étant pas, avant l'opération projetée, constitué en personne morale, l'appréciation de son chiffre d'affaires, au titre d'une activité externalisée, fait l'objet d'une reconstitution. Il a été appliqué, pour les besoins de la présente, les prix de facturation prévus à l'annexe 1 du contrat de façonnage aux volumes produits sur le site en 2002. Le chiffre d'affaires imputable au site au titre de son activité en 2002 s'élève alors à 26 millions d'euros (*).

Compte tenu des chiffres d'affaires précités, l'opération conférant à Famar le contrôle du site de production de médicaments de Saint-Genis-Laval est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatives à la concentration économique.

Le mouvement de recentrage des laboratoires pharmaceutiques sur leurs activités de recherche et développement s'accompagne d'un recours accru aux services de sous-traitance offerts par les entreprises de façonnage, dénommées contract pharmaceuticals manufacturers (CPMs). Ces dernières se voient par exemple confier, sur la base de contrats d'assez longue durée, la fabrication, le contrôle et le conditionnement de médicaments en fin de vie ou en phase de lancement. Le recours aux services de façonnage est en outre actuellement en progression à proportion de l'essor des médicaments génériques et de la nécessité pour les laboratoires génériqueurs de proposer rapidement des gammes de produits suffisamment étendues à leurs clients.

De nombreux offreurs coexistent sur ce secteur ; en France, on évalue à 50 le nombre des entreprises spécialisées dans le façonnage pharmaceutique travaillant, sur appels d'offres, pour le compte de laboratoires titulaires et exploitants d'autorisations de mise sur le marché (AMM) de médicaments, sans détenir, elles-mêmes, de tels droits.

Dans la lettre en date du 10 octobre 2002 autorisant l'acquisition de LCO Santé par le groupe Intercare (4), le ministre considérait que le marché du façonnage pharmaceutique recouvre l'activité des entreprises spécialisées dans le façonnage pharmaceutique travaillant, sur appels d'offres, pour le compte de laboratoires titulaires et exploitants d'AMM de médicaments, sans détenir elles-mêmes de tels droits. S'agissant des activités de fabrication des laboratoires pharmaceutiques titulaires d'AMM pour le compte d'autres laboratoires pharmaceutiques n'appartenant pas au même groupe, la question de savoir s'il convenait ou non de les exclure du marché du façonnage n'a pas été tranchée.

Au cas d'espèce, la partie notifiante considère qu'il convient de prendre en compte, dans le marché du façonnage de produits pharmaceutiques, cette activité pour compte de tiers des laboratoires pharmaceutiques titulaires d'AMM. Elle observe en effet que, même si ces laboratoires n'exercent une activité de façonnage que de manière annexe par rapport à leur activité principale, ils entrent directement en concurrence avec les entreprises spécialisées dans cette activité.

Toutefois, pour les besoins de l'analyse de la présente opération, la question de savoir s'il convient d'inclure dans un marché du façonnage cette activité peut être laissée ouverte.

En outre, si l'évolution du secteur démontre une tendance des entreprises à centrer leur production sur une ou deux formes galéniques (liquide, sèche, pâteuse), il n'apparaît cependant pas nécessaire, au cas d'espèce, de segmenter plus précisément le marché du façonnage pharmaceutique, dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

Selon la partie notifiante, le marché du façonnage a une dimension nationale. A l'appui de cette délimitation géographique, elle argue notamment de la lettre du ministre précitée, laquelle énonçait, s'agissant de la délimitation géographique pertinente à retenir quant au marché de produits concerné, que " Il est en tout état de cause probable que le marché du façonnage, à l'instar du marché des médicaments soumis à de fortes contraintes juridiques et réglementaires, revêt une dimension nationale ".

Le dossier de notification fournit une évaluation de ce marché, en y incluant notamment les services annexes de sous-traitance offerts par les laboratoires pharmaceutiques titulaires et exploitants d'AMM à certains de leurs concurrents. Ainsi, le marché national serait estimé à 1 milliard d'euros (5). Sur la base de cette évaluation, la nouvelle entité détiendrait une part cumulée de [0-10] % environ du marché du façonnage (dont environ [0-10] % pour Famar et [0-10] % pour l'entité cible).

Si l'on exclut les services annexes de sous-traitance offerts par les laboratoires pharmaceutiques titulaires et exploitants d'AMM à certains de leurs concurrents, le marché du façonnage en France en 2001 est évalué en valeur à 635 millions d'euros (6). Sur cette base, la nouvelle entité détiendrait [10-20] % du marché et deviendrait ainsi leader du marché, devant Intercare ([10-20] %) et Sterilyo ([0-10] %).

Cette part de marché cumulée des parties n'est pas de nature à créer ou renforcer une position dominante sur le marché du façonnage pharmaceutique. En outre, les parties à la concentration fabriquent essentiellement les formes galéniques les plus courantes, également fabriquées par la plupart des entreprises de façonnage.

Par ailleurs, parallèlement au contrat de cession d'actions, le vendeur et l'acquéreur ont conclu un contrat de façonnage pour une durée de [5-10] ans. Ce contrat présente des clauses conférant à l'acheteur la qualité de fournisseur prioritaire du vendeur, ainsi que des clauses de protection du savoir-faire du vendeur se traduisant en clause de non-concurrence de l'acheteur sur les produits fabriqués pour le vendeur aux termes dudit contrat. La durée stipulée dans le contrat pour les clauses de préférence apparaît supérieure à la durée habituellement admise pour ce type de restriction par la commission (7).

En tout état de cause, la présente décision n'est réputée valider ces accords que dans la stricte mesure où ils seraient directement liés et nécessaires à l'opération.

En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

(*) La somme de ces chiffres d'affaires excède 150 millions d'euros.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.

Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

(1) L'un à Orléans (45) et l'autre à L'Aigle (61).

(2) Calculé selon la méthode indiquée par la Commission européenne dans sa communication n° 98-C66-04 en date du 2 mars 1998 sur le calcul du chiffre d'affaires (JOCE C 66 du 2 mars 1998, p. 25) à laquelle renvoie indirectement l'article 2 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

(3) Antibiotiques, anti-infectieux, anti-parasitaires, analgésiques, anti-inflammatoires, neuroleptiques, antipsychotiques et antidépresseurs, barbituriques, cardiovasculaires, veinotoniques, antipaludéens, antihistaminiques, antitussifs et vitamines.

(4) Publiée au BOCCRF du 31 décembre 2002, p. 1161.

(5) L'évaluation proposée correspond à l'évaluation du marché du façonnage en 2001 tel qu'appréhendé par le service des études statistiques et industrielles (SESSI) du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie.

(6) Cette évaluation tient compte du chiffre d'affaires imputable au site objet de la cession, généré par son activité, activité hors marché concerné antérieurement à l'opération.

(7) Communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration, 2001-C 188-03, JOCE du 4 juillet 2001.