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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 17 octobre 2003, n° 02-06158

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

ADT Télésurveillance (Sté)

Défendeur :

Abramovici

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Piperaud

Conseillers :

Mme Sillard, M. Bohuon

Avoués :

Me Bourges, SCP Castres Colleu & Perot

Avocats :

Mes Dolmazon, Moitrier

TI Nantes, du 21 mai 2002

21 mai 2002

Par jugement du 21 mai 2002 le Tribunal d'instance de Nantes a annulé le contrat d'abonnement de télésurveillance conclu entre la société CIPE France, aux droits de laquelle se trouve la société ADT Télésurveillance, et Marie-Louise Abramovici, a dit qu'en conséquence la société précitée devra procéder à ses frais au démontage complet du matériel installé au domicile de cette dernière sous astreinte de 30,49 euros par jour de retard, a condamné la société ADT Télésurveillance à payer à Marie-Louise Abramovici la somme de 322,63 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 mai 1999 et la somme de 762,25 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, a annulé la clause pénale prévue au contrat, a rejeté la demande de dommages-intérêts complémentaires présentée par Marie-Louise Abramovici, a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et a condamné la société ADT Télésurveillance aux dépens;

La société ADT Télésurveillance a interjeté appel de cette décision et, par écritures du 17 janvier 2003 exposant ses moyens et arguments, a conclu à son infirmation, au débouté de Marie-Louise Abramovici en toutes ses demandes et à sa condamnation à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par écritures du 24 avril 2003 dans lesquelles elle a fait valoir ses moyens et arguments Marie-Louise Abramovici a conclu au débouté de l'appelante en son recours, au bien-fondé de son appel incident, à la réformation de la décision dont appel en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts et à la condamnation de la société ADT Télésurveillance à lui payer la somme de 1 524,49 euros à titre de dommages-intérêts;

Sur quoi:

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que le 14 avril 1997 Marie-Louise Abramovici, démarchée à son domicile, a signé avec la société CIPE France, devenue ADT Télésurveillance, un contrat d'abonnement de télésurveillance avec option de prestation sécuritaire moyennant le paiement de 48 mensualités de 687,42 F TTC, soit 104,80 euros;

Considérant que pour conclure à la nullité de ce contrat Marie-Louise Abramovici a en premier lieu invoqué sur le fondement des articles 111-1 du Code de la consommation et 1147 et 1615 du Code civil la violation par son co-contractant de son obligation pré-contractuelle de renseignement sur la non-conformité de l'installation dont son domicile a été équipé à ses attentes en faisant valoir qu'elle souhaitait un dispositif assurant sa sécurité lorsqu'elle se trouvait dans sa maison et qu'il lui avait été loué un appareillage protégeant son domicile en son absence;

Considérant, à cet égard, que c'est à tort que le premier juge, dont la décision sera donc réformée de ce chef, a fait droit à cette demande au motif que la société CIPE avait manqué par réticence dolosive à son devoir d'information en ne répondant manifestement pas aux exigences de sa cliente;

Considérant, en effet, qu'il sera en premier lieu exposé que Marie-Louise Abramovici ne rapporte pas la preuve que son intention aurait été de ne faire installer à son domicile qu'un dispositif assurant sa sécurité seulement lorsqu'elle s'y trouvait et non la protection de sa maison en son absence; qu'outre le fait qu'elle a expressément réceptionné et accepté après essais le dispositif d'alarme installé il reste que les courriers de réclamation qu'elle a adressés à son co-contractant ne reprochent pas à ce dernier l'installation du matériel qu'elle soutient à présent n'être pas conforme à ses besoins mais seulement son prétendu mauvais fonctionnement;

Considérant, en second lieu, que Marie-Louise Abramovici est également mal fondée à soutenir que n'aurait pas été pris en considération par la société CIPE son souhait d'avoir à sa disposition un dispositif assurant sa sécurité lorsqu'elle se trouvait à son domicile; qu'en effet il résulte tant des pièces contractuelles que du contenu du rapport de l'expert judiciaire Pierre Brun qui a examiné l'installation d'une part que le contrat conclu incluait la fourniture d'un émetteur radio portable "permettant de déclencher l'appel vers le centre de surveillance même si l'installation n'est pas en service, ceci ayant pour but de sécuriser l'utilisateur lorsqu'il réside dans les zones protégées" et d'autre part qu'il lui fut installé un second clavier de commande dans sa chambre lui permettant de mettre en service l'alarme lorsqu'elle s'y trouvait et assurant donc sa sécurité alors même qu'elle résidait dans sa maison;

Considérant, au demeurant, qu'il sera rappelé que dans ses lettres de réclamation postérieures à la réception et à l'installation du matériel Marie-Louise Abramovici n'a jamais reproché à la société CIPE l'absence de protection personnelle; qu'enfin il sera observé que les documents publicitaires émanant du CMB et de la BNP que l'intéressée verse aux débats pour justifier du type d'installation qu'elle estime correspondre à ses besoins visent des dispositifs similaires à ceux fournis par la société CIPE et comprenant tant une alarme par détection de mouvements en cas d'intrusion dans le domicile en l'absence de l'occupant qu'une possibilité d'alerte du centre de surveillance par ce dernier en cas d'agression au moyen d'une télécommande;

Considérant que Marie-Louise Abramovici est par ailleurs également mal fondée à solliciter l'annulation du contrat d'abonnement souscrit sur le fondement de l'article L. 122-8 du Code de la consommation pour abus de faiblesse à son encontre; qu'en effet ni la circonstance qu'elle ait été âgée de 69 ans et demi à la date de conclusion du contrat, ni le fait qu'elle ait eu des difficultés de santé ne peuvent suffire à établir que le représentant de la société CIPE aurait d'une quelconque manière abusé de sa prétendue faiblesse alors qu'il résulte des déclarations recueillies par l'expert d'une part que c'est Marie-Louise Abramovici elle-même qui a fait appel aux services de la société CIPE, d'autre part qu'elle a eu selon ses propres dires les meilleurs rapports avec le démarcheur, qu'enfin elle n'établit pas que ses capacités intellectuelles seraient diminuées et lui auraient interdit de comprendre le principe de fonctionnement du dispositif installé;

Considérant que Marie-Louise Abramovici est encore mal fondée en sa demande de nullité sur le fondement de l'article L. 121-23 du Code de la consommation pour non-respect des dispositions de l'article L. 121-26 selon lesquelles avant l'expiration du délai de réflexion de 7 jours aucune prestation de services ne peut être effectuée;

Considérant, en effet, que l'intéressée ne rapporte pas la preuve qu'en violation de ce texte la société CIPE aurait, dès le 17 avril 1997, soit avant l'expiration du délai de 7 jours courant du 14 avril 1997, installé du matériel à son domicile; qu'à cet égard la lettre datée du 18 avril 1997 émanant d'une dame Lavandier, qui a établi le 18 juin 2003 une attestation dans le même sens, rapportant avoir constaté l'installation de l'alarme n'a pas date certaine, faute d'être accompagnée de l'enveloppe d'expédition, et n'a donc pas de caractère probant, outre le fait que Marie-Louise Abramovici a quant à elle signé deux procès-verbaux de réception de matériels datés des 25 avril et 9 mai 1997, soit postérieurement à l'expiration du délai de rétractation;

Considérant que Marie-Louise Abramovici est également mal fondée en sa demande subsidiaire de résolution judiciaire du contrat pour inexécution de ses obligations par la société CIPE au motif du mauvais fonctionnement du dispositif installé; qu'en effet ce mauvais fonctionnement n'est pas démontré, l'expert judiciaire ayant en revanche conclu à l'absence de dysfonctionnements;

Considérant que Marie-Louise Abramovici sera donc déboutée de ses demandes d'annulation ou de résolution du contrat conclu avec la société CIPE ainsi que de sa demande de dommages-intérêts;

Considérant, sur la demande d'annulation de la clause pénale constitutive d'une clause abusive, que l'article 11 du contrat conclu entre les parties dispose qu'à titre d'indemnité contractuelle de résiliation anticipée et pour compensation du préjudice en résultant le solde des loyers de la période contractuelle en cours deviendra immédiatement et de plein droit exigible;

Or considérant que cette clause impose au consommateur qui prend l'initiative de la résiliation anticipée du contrat de location une indemnisation hors de proportion avec le préjudice réel subi par le bailleur, compte tenu de la nature du matériel loué et de la possibilité de le récupérer et de le réutiliser, de la durée du contrat et de l'organisation globale du centre de surveillance;que cette clause a pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur;qu'elle revêt donc un caractère abusif en sorte que le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a prononcé son annulation;

Considérant qu'en équité la société ADT Télésurveillance sera déboutée de sa demande de frais irrépétibles;

Considérant que Marie-Louise Abramovici succombe au principal en ses prétentions; qu'elle sera donc condamnée aux dépens;

Par ces motifs: LA COUR, Réformant pour partie le jugement du Tribunal d'instance de Nantes du 21 mai 2002; - Déboute Marie-Louise Abramovici de ses demandes d'annulation ou de résolution du contrat conclu avec la société CIPE France devenue ADT Télésurveillance; - Confirme le jugement précité en ce qu'il a annulé la clause pénale contenue à l'article 11 du contrat et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts présentée par Marie-Louise Abramovici et la demande de frais irrépétibles présentée par la société ADT Télésurveillance. - Rejette la demande de frais irrépétibles d'appel; - Condamne Marie-Louise Abramovici aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.