CA Paris, 13e ch. B, 2 décembre 1993, n° 93-03567
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
UFC Paris, Union féminine civique et sociale
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Martinez
Avocat général :
M. Louise
Conseillers :
Mmes Magnet, Barbarin
Avocats :
Mes Moiroux, Fourtanier, Frémaux.
Rappel de la procédure:
Le jugement:
Agnès B a été poursuivie devant le Tribunal de Paris (31e chambre) sous la prévention d'avoir à Paris, courant 1991:
1°) effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix et les conditions de vente de biens, la portée des engagements pris par l'annonceur en indiquant sur les tarifs proposés à la clientèle un prix des véhicules "clefs en mains TTC" supérieur à celui diffusé par Seat France dans le public,
Faits prévus et réprimés par l'article 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, l'article 1er de la loi du 1er août 1905.
2°) trompé le contractant sur la nature, les qualités substantielles des marchandises ou prestations de services rendues en facturant aux clients des frais divers déjà inclus dans le prix "clefs en mains TTC" de Seat France, en l'espèce des frais d'immatriculation provisoire, mise à la route, plaques de police, frais de sortie;
Faits prévus et réprimés par les articles 1er, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905.
Par jugement contradictoire en date du 17 mars 1993, le tribunal a relaxé Agnès B du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, mais l'a déclarée coupable de tromperie et l'a condamnée, de ce chef, à 80 000 F d'amende;
Le tribunal a ordonné la publication du jugement dans "L'Auto Journal", "France Soir" et le "Figaro";
Le tribunal a condamné Agnès B à payer aux parties civiles "l'UFC Paris" la somme de 10 000 F, "l'UFCS" la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts , ainsi que la somme de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, à chacune des parties civiles, a rejeté le surplus de leur demande, a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire;
Les appels:
Appel a été interjeté par:
Madame B Agnès, le 19 mars 1993, sur les dispositions pénales et civiles,
M. le Procureur de la République, le 19 mars 1993.
Décision:
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels interjetés par la prévenue et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré;
S'y référant pour l'exposé de la prévention;
A l'audience du 28 octobre 1993, la prévenue, assistée de son conseil, demande à la cour, par voie de conclusions:
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a relaxée de l'infraction de publicité mensongère;
- de l'infirmer en ce qu'il l'a reconnue coupable de tromperie et de la relaxer, dès lors, de ce chef;
- de débouter les parties civiles de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
Elle fait valoir notamment, à l'appui de son recours:
- que le tarif que la SA "X" tient dans ses locaux consiste en une photocopie, sur papier à en-tête de l'entreprise du tarif de l'importateur sur laquelle la mention "prix clés en mains, frais de transport, préparation et plaques inclus" a été supprimée, ces frais étant facturés en sus. Qu'elle n'a donc effectué aucune publicité fausse ou de nature à induire en erreur;
- que l'affichette publicitaire apposée sur les véhicules en vente fait bien état de frais de sortie en sus du prix indiqué au tarif, que le concessionnaire ne facture que les frais qu'il supporte personnellement et, que le protocole d'accord de 1974 n'engage que les constructeurs; qu'en tout état de cause, l'article 1er de la loi du 1er août 1905 n'inclut pas la tromperie sur le prix et que, dès lors, aucune tromperie ne saurait lui être imputée.
L'Union fédérale des consommateurs de Paris (UFC Paris), partie civile, représentée par son conseil, demande à la cour, par voie de conclusions, de confirmer le jugement attaqué sur ses intérêts civils et, y ajoutant, de condamner Agnès B à lui payer une somme supplémentaire de 4 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
L'Union féminine civique et sociale (UFCS), partie civile, a transmis à la cour, par l'intermédiaire de son conseil, des conclusions aux termes desquelles elle demande la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de Mme B à lui payer la somme supplémentaire de 5000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Il sera statué à son égard en application de l'article 420-1 alinéa premier du Code de procédure pénale.
I - Rappel des faits:
Le 23 décembre 1991, un contrôleur de la DGCCRF en résidence administrative à Paris, dûment commissionné, dressait procès-verbal à l'encontre de Mme B, Président du conseil d'administration de la SA "X", qui gère le garage à l'enseigne "Y", sis <adresse>Paris (16°), pour publicité fausse ou de nature à induire en erreur.
Il exposait que, le 19 juin 1991, il s'était rendu dans ce garage, concessionnaire de la marque "SEAT" et avait consulté les dossiers-clients (factures et bons de commande) clôturés l'année en cours; il constatait que dans ces dossiers, dont trois sont joints à titre d'exemple au procès-verbal, étaient facturés systématiquement aux clients, en sus du prix "TTC Clefs en mains" conseillé par l'importateur "Seat France", un forfait frais de sortie; que ce forfait, compris entre 1 100 et 1 500 F, comportait les frais d'immatriculation, le courtage en préfecture, la préparation-mise à la route et différents contrôles.
L'agent verbalisateur constatait également que ce forfait, figurant sur les bons de commande mais non détaillé, ne faisait l'objet d'aucun affichage dans l'établissement, et que les affichettes apposées sur les véhicules neufs comportaient la mention "prix TTC clefs en mains", suivie du prix du véhicule et de la mention "+frais de sortie", II observait qu'il ressort des usages et d'un accord signé en 1974 par la Chambre Syndicale des Constructeurs automobiles que le prix "clefs en mains" doit obligatoirement comprendre, outre le prix du véhicule et des équipements standard, les frais de transport et de préparation à la route, y compris la fourniture et la pose des plaques d'immatriculation. Il estimait que la SA "Xe", en faisant de la publicité pour des prix "TTC clefs en mains" et en facturant systématiquement à ses clients des frais de sortie, induisait en erreur les consommateurs sur les prix.
II - Discussion sur l'action publique:
1°) Sur la prévention de publicité fausse ou de nature à induire en erreur:
Considérant que la SA "X", concessionnaire de la marque "SEAT" reçoit périodiquement, de la société importatrice "Seat France", les tarifs afférent aux différents modèles de cette marque; que ces tarifs portent la mention "clefs en mains, frais de transport, de préparation et plaques minéralogiques inclus ". Que, toutefois, elle diffuse auprès de sa clientèle, non pas ces documents, dont elle n'est pas l'auteur, mais des photocopies de ces tarifs, sous l'en-tête:
- "[enseigne] Y, concessionnaire exclusif du 16° arrondissement "- lesdites photocopies ne comportant pas la mention susvisée.
Que les affichettes apposées, dans le garage, sur les véhicules en vente, portent bien la mention "TTC clefs en mains", mais suivie du prix du véhicule "+frais de sortie" que l'existence de frais de sortie en sus du prix indiqué par l'importateur n'est donc nullement dissimulée aux clients du garage dans les documents publicitaires (tarifs et affichettes) diffusés par la société "Grand Garage Lefèvre" puisque les tarifs ne comportent pas la mention "clefs en mains" et que les affichettes, même si elles reprennent ce terme, annoncent de façon apparente des frais de sortie en sus du prix TTC. Que certes le terme "clefs en mains", ne parait pas être en l'espèce, avoir été utilisé à bon escient; que toutefois et nonobstant cette expression impropre l'indication claire sur ce panneau des frais de sortie du véhicule ne permettait au client d'être trompé sur les sommes qu'il devait payer.
Qu' il convient, dès lors, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a relaxé la prévenue du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur.
2°) Sur la prévention de tromperie:
Considérant que, si les documents de nature publicitaire diffusés par la société "X" auprès de ses clients ne sont pas de nature à induire en erreur les acheteurs potentiels sur l'existence de frais de sortie s'ajoutant au prix TTC des véhicules en vente, les documents contractuels ne le sont pas davantage, puisque le montant du forfait "frais de sortie est indiqué sur les bons de commande et que les prestations que recouvre ce forfait sont détaillées dans les factures; qu'il n'y a donc pas, a fortiori, tromperie volontaire sur les prix; qu'au demeurant, la tromperie sur les prix n'est pas prévue par l'article 1er de la loi de 1905qu'il convient, dès lors, en infirmant sur ce point le jugement attaqué, de renvoyer Agnès B des fins de la poursuite exercée à son encontre du chef de tromperie.
III - Sur les actions civiles:
Considérant que, compte tenu des relaxes à intervenir, il convient, en infirmant les dispositions civiles du jugement attaqué, de débouter l'UFC Paris et l'UFCS, partie civiles, de l'ensemble de leurs demandes.
Par ces motifs LA COUR Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard de la prévenue et de l'UFC Paris, partie civile, contradictoirement en application de l'article 420-1, alinéa premier du Code de procédure pénale, à l'égard de l'UFCS, Reçoit les appels de la prévenue et du Ministère public, Confirme le jugement attaqué en ce qu'il relaxé Agnès B du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, L'infirmant pour le surplus, Relaxe Agnès B du chef de tromperie, Déboute l'UFC Paris et l'UFCS, parties civiles, de l'ensemble de leurs demandes.