Livv
Décisions

CA Rennes, 3e ch. corr., 9 juillet 1993, n° 1128-93

RENNES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Comité régional fruits et légumes de Bretagne, Fédération nationale des producteurs de légumes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Algier

Avocat général :

M. Lagriffoul

Conseillers :

Mme Rouvin, M. Le Quinquis

Avocats :

Mes Lucas-Baloup, Cuiec.

TGI Morlaix, ch. corr., du 19 mars 1993

19 mars 1993

LA COUR,

Statuant sur les appels interjetés le 26 mars 1993 par la partie civile et par le Ministère public d'un jugement rendu le 19 mars 1993 par le Tribunal correctionnel de Morlaix qui a relaxé René M des fins de la poursuite engagée à son encontre du chef de tromperie sur les qualités de la marchandise vendue et a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile du CERAFEL et de la FNPL.

Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme;

Considérant qu'il est fait grief à René M d'avoir à Savigny-le-Temple, courant mai et juin 88, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, trompé ou tenté de tromper le contractant sur l'origine, la nature ou les qualités substantielles de légumes vendus sous l'appellation "échalotes" alors qu'il s'agissait d'oignons et non d'échalotes.

Faits prévus et réprimés par les articles 1, 7, 13 de la loi du 1er août 1905 modifiée sur les fraudes;

Considérant qu'il n'est pas contesté que René M, directeur général de la SA M a importé d'Italie en 1988 (les 13 et 25 mai) 5 tonnes d'"échalotes d'Italie"; que des prélèvements ont été opérés par le service de la Concurrence et de la Répression des Fraudes; que les analyses pratiquées ont conclu à ce que les bulbes appartenaient à la variété Allium Cepa et qu'il s'agissait donc d'oignons et non pas d'échalotes;

Considérant que M. M a fait valoir qu'il s'agissait d'un produit nouveau; qu'il n'existe pas actuellement de critère fiable de distinction entre l'oignon et l'échalote; qu'à la date des faits qui lui sont reprochés aucun texte réglementaire ne définissait ces produits;

Considérant que la demande de contre-expertise présentée par le prévenu sera rejetée la nature du produit et notamment son mode de reproduction n'étant pas contesté mais seulement sa qualification ou non de variété d'échalote; que de plus sur le fondement de la loi de 1905, les éléments de preuve sont recherchés selon le droit commun indépendamment des règles relatives à la constatation des fraudes;

Considérant cependant qu'un accord interprofessionnel sur la norme échalote était intervenu le 1er janvier 1985 et définissait l'échalote comme Allium Ascalonicum.L., variété à multiplication par bulbe; que cet accord était renouvelable par tacite reconduction par période triennale sauf dénonciation en conseil d'administration à la majorité statutaire d'Interfel;

Considérant qu'il n'y a pas eu dénonciation de ce texte; que cependant à la suite de divergences entre les professionnels une nouvelle définition a été recherchée; que le 17 mai 1990 a été pris un arrêté aux termes duquel le nom échalote est réservé aux variétés de Allium Cepa L. Variété Ascalonicum à multiplication végétale par bulbes présentant les caractéristiques suivantes: de nombreux bourgeons auxiliaires, une cicatrice du plateau de la touffe, une assymétrie par rapport à l'axe de la touffe et à la coupe transversale du bulbe;

Considérant qu'il existe des divergences d'interprétation au sein des milieux scientifiques les normes définies en 1985 et 1990 reprenant les mêmes caractéristiques; que si la lettre adressée le 20 octobre 1988 par la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes semble attester de la non-reconduction de l'accord de 1985, en l'absence de texte il appartient à la cour de se référer aux usages; que les textes successifs intervenus après consultation des professionnels permettent de retenir qu'à la date des faits les usages commerciaux n'admettaient comme échalotes que les bulbes à multiplication par bulbes à l'exclusion des reproductions par semis;

Considérant que la marchandise importée sous la qualification d'échalotes d'Italie n'était pas conforme à cette définition;

Considérant qu'en sa qualité d'importateur, René M devait s'assurer de la conformité des marchandises importées aux règlements et usages commerciaux français; qu'il n'a procédé à aucun contrôle alors que le prix d'achat particulièrement modique aurait dû attirer son attention;

Considérant que l'infraction visée à l'ordonnance de renvoi est constituée à savoir le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue;

Considérant que compte tenu du faible tonnage importé il convient d'appliquer au prévenu une sanction modérée;

Considérant que sa demande de non-inscription de cette condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire n'est pas justifiée en l'état;

Considérant, sur l'action civile, que les constitutions de la FNPL et du CERAFEL sont recevables leurs statuts prévoyant qu'ils ont pour but notamment d'assurer la défense des intérêts professionnels des producteurs qui en sont membres;

Considérant que sur le bien-fondé des demandes, il convient de relever que la demande d'expertise présentée par les parties civiles n'est pas justifiée leurs seules allégations sur le caractère peu vraisemblable des quantités reconnues par le prévenu étant insuffisantes;

Considérant que le préjudice des parties civiles peut être fixé à la somme globale de 25 000 F pour chacune d'elles toutes causes de préjudice confondues;

Considérant par ailleurs les frais irrépétibles engagés justifient l'octroi pour chacune des parties civiles d'une somme de 2 500 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, En la forme Reçoit les appels; Au fond Infirmant le jugement; Déclare René M coupable des faits visés à l'ordonnance de renvoi; En conséquence le condamne à trente mille francs d'amende (30 000 F); Rejette sa demande de non-inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire de cette condamnation; Déclare recevables les constitutions de partie civile du CERAFEL et de la FNPL; Condamne René M à verser à chacune d'elles vingt-cinq mille francs (25 000 F) à titre de dommages-intérêts et deux mille cinq cents francs (2 500 F) sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable le condamné. Prononce la contrainte par corps. Le tout en application des articles 1, 7, 13 de la loi du 1er août 1905, 473, 749, 750 et 800-1 du nouveau Code de procédure pénale.