CA Pau, 2e ch., 30 mars 1989, n° 1192-89
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sarrat, Russo
Défendeur :
Mendilahatxu
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lassalle-Laplage
Conseillers :
MM. Biecher, Pellefigues
Avoués :
SCP Longin, Me Vergez
Avocats :
SCP Ameilhaud, Senmartin, Aries, SCP Montamat Dalavat Fillastre, Larroze, Me Cabos-Larroze
Par jugement du Tribunal de commerce de Tarbes du 16 mai 1988, Sarrat et la dame Russo étaient condamnés conjointement à payer à Mendilahatxu la somme de 15 000 F au titre des travaux nécessaires au changement de la chaudière, ainsi que 10 000 F pour le coût de mise en œuvre d'un chauffage de substitution pour les saisons d'hiver 85/86, 86/87, 87/88, et 1 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sarrat et la dame Russo ont interjeté appel Sarrat fait valoir qu'il avait explicité ce fonds de commerce en l'état où il l'avait acquis et que la commission administrative conteste à présent, sa décision ne lui étant pas opposable.
De plus Mendilahatxu a acquis le fond de commerce en connaissance de cause et après visite des lieux. Il conclut à la réformation du jugement entrepris, au débouté de Mendilahatxu et à sa condamnation à 4 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La dame Russo divorcée Sarrat reprend la même argumentation et souligne que l'acte de vente stipule que Mendilahatxu prendra le fonds de commerce dans l'état où il se trouve, sans pouvoir réclamer aucune indemnité ou diminution de prix. Les vendeurs du fonds de commerce ne sauraient répondre de l'état de l'immeuble. Il appartient éventuellement à l'acquéreur de se retourner, s'il l'estime bon, contre ses propriétaires. La dame Russo conclut à la réformation du jugement entrepris au débouté de Mendilahatxu et à sa condamnation à 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Mendilahatxu, qui a formé appel incident fait valoir:
- que c'est trois mois après la vente du fonds de commerce que la commission de sécurité de la ville de Lourdes a ordonné la mise hors de service immédiate du système de chauffage de l'hôtel;
- que l'expert désigné par ordonnance de référé, a constaté l'inadaptation du système de chauffage aux règles impératives de sécurité;
- que la défaillance du système est donc établie de manière indiscutable;
- que la mise hors service du système ordonnée par l'autorité administrative implique automatiquement son remplacement;
- que Mendilahatxu a subi de ce fait un préjudice important;
- qu'il est certain que s'il avait connu cette charge; le prix d'acquisition eut été différent;
- que la garantie doit jouer soit lorsque l'acquéreur est l'objet d'une éviction totale ou partielle, soit lorsqu'il découvre une charge qui n'avait pas été déclarée dans l'acte de vente;
- que le vendeur doit également garantie des vices cachés affectant la chose vendue;
- que Monsieur Sarrat et Mme Russo sont tenus en leur qualité de vendeurs du fonds de commerce d'une double garantie;
- que ceux-ci ne pouvaient ignorer et en tout cas étaient tenus de connaître les défectuosités et non-conformité de la chaufferie de l'hôtel;
- qu'ils n'ont pas mentionné qu'ils avaient rempli leurs obligations et que le vice révélé par la Commission de sécurité et confirmé par l'expert, laisse présumer qu'ils ne sont pas soumis à leurs obligations;
- qu'il leur revenait pour le moins d'avertir l'acquéreur d'une telle éventualité en connaissance de laquellle celui-ci n'aurait peut être pas contracté ou aurait contracté à un moindre prix;
Mendilahatxu conclut donc à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a accueilli sa demande en indemnisation. Il indique que l'expert a préconisé deux séries d'intervention consistant en la création d'un local chaufferie et un changement de chaudière. Dès lors c'est une somme de 31 000 F qui doit être allouée à Mendilahatxu et une somme de 60 000 F en réparation du trouble de jouissance subi pendant les saisons 86/87, 87/88 et 88/89. il est en outre demandé 4 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur quoi
Attendu que l'expert commis par le premier juge, a déterminé avec beaucoup de précision les raisons pour lesquelles la Commission de sécurité de la ville de Lourdes a ordonné la mise hors de service immédiate du système de chauffage de l'hôtel;
Attendu que le premier juge a fait un exposé très complet de l'historique de l'installation de chauffage, qui remontait à vingt années, exposé auquel elle se réfère expressément;
Attendu que la cour ne peut que faire siennes les conclusions du premier juge selon lesquelles:
- les époux Sarrat-Russo ne pouvaient qu'être au courant des obligations leur incombant en matière de sécurité;
- que dès lors, ils ne pouvaient ignorer les défectuosités et les non-conformités de la chaufferie de l'hôtel qu'ils exploitaient depuis cinq ans;
- que lors de la passation de l'acte de vente, ils n'ont pas fait mentionner qu'ils avaient fait procéder aux opérations de vérification et d'entretien prescrites par l'article PE 4 de l'arrêté du 23 mars 1965 modifié relatif au règlement de sécurité contre les risques d'incendie, ce qui donne à penser qu'ils ne s'étaient pas soumis à leur obligation à ce sujet;
- qu'il leur appartenait pour le moins d'avertir l'acquéreur de l'éventualité d'une telle difficulté, ce qui a amené à contracter en connaissance de cause;
Attendu que, comme l'a indiqué le premier juge, les époux Sarrat-Russo, qui ont couvert le vice, et qui n'ont d'ailleurs pas appelé en la cause les bailleurs, devront restituer à l'acquéreur, en application des articles 1644 et 1645 du Code civil, une partie du prix;
Attendu de surcroît, comme l'a indiqué le premier juge, que les vendeurs ne sauraient se prévaloir de la clause de l'acte de vente empêchant toute réclamation en cas de mauvais état ou de dégradation de la chose vendue, s'agissant d'une clause de style non suffisamment explicitée;
Attendu que l'expert prévoit dans son rapport l'aménagement d'un local chaufferie, avec utilisation de la précédente chaudière, ce qui nécessiterait des travaux d'un coût total de 16 000 F TTC;
Attendu que ce n'est que dans le cas où le générateur ne pourrait fonctionner correctement qu'il prévoit l'installation d'une chaudière murale neuve, dont il estime le coût à 15 000 F;
Attendu que dans ces conditions, la cour estime qu'il y a lieu d'homologuer les conclusions du rapport d'expertise et de condamner les époux Sarrat-Russo au paiement de la somme de 16 000 F et éventuellement de celle de 15 000 F dans l'hypothèse prévue par l'expert;
Attendu que la cour estime devoir accorder pour les trois périodes d'hiver 1986/87, 87/88 et 88/89 une indemnité de 30 000 F couvrant tant les frais supplémentaires engendrés par l'arrêt de l'installation de chauffage que le trouble de jouissance subi;
Attendu que l'appel des consorts Sarrat-Russo a occasionné de nouveaux débours à Mendilahatxu auquel il parait d'accorder une somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que les consorts Sarrat-Russo seront condamnée en tous les dépens;
Par ces motifs et ceux non contraires du premier juge, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort, Déclare recevables en la forme les appels tant principal qu'incident Au fond, Homologue les conclusions du rapport d'expertise; Confirme en son principe le jugement entrepris; Emendant, dit et juge que, conformément aux conclusions de l'expert, les consorts Sarrat-Russo devront régler à Mendilahatxu une somme de 16 000 F TTC pour le coût de l'aménagement d'un local de chaufferie avec utilisation de la précédente chaudière; Dit et juge que dans le cas où le générateur ne pourrait fonctionner correctement, ce que Mendilahatxu pourra faire constater le cas échéant par huissier, les consorts Sarrat-Russo devront lui régler une somme supplémentaire de 15 000 F TTC pou l'installation d'une chaudière murale neuve; Condamne en outre les consorts Sarrat-Russo conjointement au paiement d'une somme de 30 000 F à titre de dommages et intérêts; Les condamne en outre au paiement de la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Les condamne solidairement en tous les dépens. Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, Maître Vergez avoué à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.