CA Paris, 13e ch. A, 15 décembre 1993, n° 93-03533
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Union fédérale des consommateurs
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Petit
Avocat général :
M. Bouazzouni
Conseillers :
MM. Guilbaud, Gastebois
Avocats :
Mes Dahan, Brault.
Rappel de la procédure:
Le jugement:
Le tribunal, par jugement contradictoire, a
déclaré S Yvon coupable d'avoir, courant novembre 1991, à Aubervilliers, trompé le cocontractant sur les qualités substantielles de la marchandise, en l'espèce en commercialisant des lampes pouvant compromettre lu sécurité des utilisateurs alors qu'il lui incombait, en tant que responsable de la première mise sur le marché français, d'en vérifier la conformité aux prescriptions en vigueur;
infraction prévue et réprimée par les articles 1, 6 et 7 de la loi du 01-08-1905 et, en application de ces articles, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 F d'amende, ordonné la confiscation des objets saisis,
ordonné la publication du jugement, par extraits, aux frais du condamné dans les revues "Que choisir?" et "50 millions de consommateurs" sans que le coût de chaque insertion puisse excéder 5 000 F hors taxes;
a déclaré la SARL X civilement responsable,
dit que le jugement était assujetti au droit fixe de procédure de 600 F.
reçu l'association Union fédérale des consommateurs 93 en sa constitution de partie civile;
condamné Yvon S à lui verser les sommes de 3 000 F à titre de dommages-intérêts et 2 000 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
déclaré sans objet la demande relative à la publication de la décision;
condamné le prévenu à rembourser les frais exposés par la partie civile.
Les appels:
Appel a été interjeté par:
Monsieur S Yvon, le 1 avril 1993. sur les seules dispositions pénales
M. le Procureur de la République, le 2 avril 1993 contre Monsieur S Yvon
Union fédérale des consommateurs, le 9 avril 1993 contre X (société), Monsieur S Yvon
Décision:
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels relevés par le prévenu, des seules dispositions pénales, le Ministère public et la partie civile à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention;
Par voie de conclusions, S Yvon sollicite de la cour, par infirmation, sa relaxe;
Il fait essentiellement valoir que sa responsabilité ne saurait être engagée dans la mesure où il n'est pas responsable de la première mise sur le marché des lampes litigieuses. Que seule la société Portugalia qui a réalisé cette opération doit en être tenue pour responsable. Que son rôle à lui s'est borné à n'être que revendeur;
Il conteste par ailleurs la tromperie reprochée. Il indique que ses clients sont des commerçants avertis qui sont parfaitement conscients qu'ils n'achètent pas une lampe "Lalique" mais un article courant, vendu à bas prix dans le commerce;
Enfin il affirme que l'élément moral du délit de tromperie fait défaut en l'espèce ; qu'en effet il n'a agi qu'en tant que revendeur auquel n'incombe pas l'obligation de vérifier le contenu de plus de cent colis reçus chaque jour dans ses entrepôts;
Il fait également observer que l'article 2 de la loi du 2.7.1983 prévoit que les produits ne satisfaisant pas à l'obligation générale de sécurité sont interdits ou réglementés. Qu'en l'espèce, ces marchandises importées l'ont été de façon licite, qu'elles ont fait l'objet de dédouanement et que dès lors l'importateur était fondé à considérer que les lampes litigieuses étaient conformes aux normes européennes puisqu'elles émanaient d'un pays de la Communauté;
Le Ministère public estime pour sa part les faits établis et demande à la cour de confirmer le jugement dont appel;
Par voie de conclusions, la partie civile appelante4 reprend ses demandes initiales et sollicite de la cour, par infirmation, la condamnation de S Yvon à lui verser la somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 15 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
Considérant que la cour ne saurait suivre le prévenu en ses explications;
Considérant en effet qu'à tort le prévenu soutient n'être qu'un revendeur et que la société X dont il est gérant n'étant pas l'importateur des objets litigieux, il ne saurait par voie de conséquence être le responsable de leur première mise sur le marché;
Considérant tout d'abord que la cour observe que les activités de la société Portugalia s'exercent effectivement dans les locaux des sociétés X et WS international et que cette dernière appartient également à Yvon S ainsi que la société Y, filiale de X;
Que par ailleurs le prévenu, par le biais de son fils dont il a, de son propre aveu, (annexe 9 et 10) réalisé le financement des parts, une participation majoritaire dans la société Portugalia;
Considérant ensuite qu'il est prouvé aux débats, particulièrement par les déclarations mêmes de M. Petitjean Michel, gérant de la SARL Portugalia, (annexe 11) que seule cette dernière a importé les luminaires litigieux mais que la commercialisation en a été confiée aux sociétés Zaccour, WS international, MDS et X, étant observé que le prévenu, gérant de cette dernière, n'est pas poursuivi en la présente instance pour un délit douanier mais pour infraction à la loi de 1905;
Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont estimé devoir retenir le prévenu dans les liens de la prévention et l'ont déclaré coupable pour avoir en tant que gérant de la société X assumé la commercialisation et la première mise sur le marché des luminaires litigieux en les vendant à nombre de sociétés et magasins ainsi qu'il ressort des annexes 21 à 45;
Considérant que pas davantage S Yvon ne saurait invoquer sa bonne foi dans la mesure où il a mis en vente en toute connaissance de cause des luminaires particulièrement dangereux puisque le choc électrique pouvait dans certaines conditions être mortel ainsi qu'il résulte des expertises pratiquées par le laboratoire central des industries électriques et ce sans s'assurer avant leur commercialisation de leur conformité aux normes obligatoires et notamment en matière de sécurité;
Considérant qu'en tant que gérant de la société X S Yvon était astreint à ces obligations;
Considérant que la cour estime, comme le tribunal, qu'en tant que professionnel il a, par son abstention et ses négligences, commis des fautes graves constitutives de l'infraction de tromperie qui lui est imputée;
Considérant que par ces motifs et ceux tout à fait pertinents des premiers juges que la cour adopte, la cour confirmera le jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité;
Considérant en revanche que lu pairie sera aggravée ainsi que précisé au dispositif et ce afin de sanctionner plus justement des faits que la cour considère comme très graves dans la mesure où ces lampes, vendues en très grandes quantités puisque d'un prix très abordable, étaient destinées plus particulièrement à de jeunes enfants, étant observé que le prévenu, par ailleurs professionnel de la vente, est un multirécidiviste condamné pour des faits de même nature;
Considérant que la cour confirmera les mesures de confiscation et de publication ordonnées à juste titre par le tribunal;
Sur l'action civile:
Considérant que la cour constate que condamné par les premiers juges à verser à la partie civile la somme de 3 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, le prévenu n'a pas relevé appel des dispositions civiles du jugement signifiant ainsi son adhésion à la condamnation prononcée au titre des intérêts civils;
considérant que l'Union fédérale des consommateurs partie civile reprend devant la cour ses premières demandes et sollicite, par infirmation, que le prévenu et la société X civilement responsable soient condamnés à lui verser les sommes de 30 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 15 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
Considérant que la cour possède les éléments suffisants pour, infirmant le jugement déféré sur les intérêts civils, estimer à 7 000 F le préjudice subi par la partie civile et découlant directement de l'infraction commise par le prévenu;
Considérant qu'il convient également de condamner S Yvon à verser à la partie civile la somme supplémentaire de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
Considérant qu'il échet de confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a retenu la responsabilité civile de la société X;
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Sur les dispositions pénales du jugement déféré en ce qui concerne S Yvon. Rejette les conclusions de relaxe; confirme le jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité; L'infirme sur les peines, Condamne S Yvon à six mois d'emprisonnement avec sursis et 50 000 F d'amende, Confirme les mesures de confiscation et de publication ordonnées par le tribunal; Infirme la décision critiquée sur les intérêts civils; Condamne S Yvon à verser à l'Union fédérale des consommateurs la somme de 7 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Confirme le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré la société X civilement responsable de son gérant le prévenu; Rejette toutes autres conclusions plus amples ou contraires.