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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ. B, 19 septembre 1997, n° 9404500

COLMAR

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Marichal

Défendeur :

Comte (Consorts)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leiber

Conseillers :

MM. Sanviso, Gabhardt

Avoué :

Me Bueb

Avocats :

Me Boucon, Vernerey

Mulhouse, du 29 juill. 1994

29 juillet 1994

En 1988 M. Bernard Comte, garagiste, a acheté un véhicule Peugeot 309 GLD en état accidenté et l'a réparé avant de le revendre à sa fille Josiane Comte.

Le 12 juin 1991 Mlle Comte a vendu ce véhicule, qui avait alors 77 000 km au compteur, à M. Jean-Claude Marichal au prix de 42 000 F.

Ce dernier a fait examiner le véhicule par un expert M. Chassagne le 19 juin 1991, lequel a conclu qu'il n'avait pas été réparé dans les règles de l'art, ce qui a été confirmé par un contrôle technique du 24 juin 1991.

M. Marichal a alors assigné Mlle Comte en référé pour obtenir la résolution de la vente, subsidiairement une expertise judiciaire.

Par ordonnance du 3 septembre 1991 le juge des référés du Tribunal de grande instance de Mulhouse s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande en résolution et de l'appel en garantie formé par Mlle Comte contre M. Comte, mais a ordonné une expertise commune aux trois parties.

L'expert judiciaire M. Pounot a déposé son rapport le 22 avril 1992 en confirmant l'existence de vices cachés au moment de la vente du 12 juin 1991 (déformation du tunnel de plancher, positionnement de la barre stabilisatrice en contrainte, déformations dans les structures de la caisse).

C'est dans ces conditions que par acte introductif d'instance déposé le 11 décembre 1992 au greffe du Tribunal de grande instance de Mulhouse M. Marichal a assigné Mlle Comte en résolution de la vente du véhicule litigieux et en remboursement du prix et des frais annexes, soit au total 57 372,79 F. Il a également assigné M. Bernard Comte en paiement d'une somme de 4 055,29 F à titre de dommages et intérêts correspondant aux frais d'entretien et de réparation d'un véhicule de remplacement, puis subsidiairement, par conclusions du 28 septembre 1993, en résolution de la vente du 12 juin 1991 (en sa qualité de vendeur "intermédiaire professionnel") et en paiement de la somme de 42 000 F et de 13 377,95 F au titre des frais occasionnés par la vente.

Par jugement du 29 juillet 1994 le Tribunal de grande instance de Mulhouse, tout en reconnaissant l'existence de vices cachés et en refusant une contre-expertise, a débouté M. Marichal de son action à l'encontre de Mlle Josiane Comte, mais a déclaré M. Bernard Comte seul et entièrement responsable des vices affectant le véhicule litigieux et a invité M. Marichal à produire tout justificatif du montant de son préjudice.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 23 septembre 1997 M. Bernard Comte et Mlle Josiane Comte ont interjeté appel de ce jugement.

Ils font valoir que le premier juge aurait dû déclarer l'action tardive et irrecevable comme ne respectant pas le bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil.

qu'en outre il a statué ultra petita en retenant d'office la responsabilité de M. Comte, non pas comme vendeur mais en tant que garagiste ayant effectué les réparations litigieuses,

- qu'au surplus M. Comte avait pris le soin de faire contrôler le véhicule après réparations par les établissements DK et que sa prétendue faute n'est nullement établie, ce qui pourrait être confirmé par une contre-expertise.

M. Comte conclut à l'infirmation du jugement en ce qui le concerne, au rejet de la demande comme irrecevable et mal fondée et à la condamnation de M. Marichal aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 6 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

M. Marichal, formant appel incident, soutient que le délai pour agir a été interrompu par l'assignation en référé et que dès lors il bénéficiait du délai de droit commun de 30 ans,

- que sur le fond son action en résolution judiciaire est incontestablement bien fondée à l'encontre de la venderesse Mlle Comte,

- que d'autre part la faute de M. Bernard Comte, en tant qu'il a procédé à des réparations génératrices de vices cachés sur le véhicule litigieux, est également établie par le rapport d'expertise judiciaire.

Il conclut au rejet de l'appel principal et sur appel incident qu'il plaise à la cour:

- prononcer la résolution judiciaire de la vente du véhicule automobile Peugeot 309 GLD immatriculée 4765 VJ 25 en date du 12 juin 1991, intervenue entre Monsieur Jean-Claude Marichal et Madame Josiane Comte.

- dire et juger que Madame Josiane Comte sera tenue à la restitution du prix de vente et au remboursement à Monsieur Jean-Claude Marichal des frais occasionnés par la vente.

- en conséquence, condamner Madame Josiane Comte à payer à Monsieur Jean-Claude Marichal la somme de 59 283,48 F au titre des frais occasionnés par la vente.

- condamner en outre Monsieur Bernard Comte à payer à Monsieur Jean-Claude Marichal la somme de 4 055,29 F à titre de dommages et intérêts.

A titre subsidiaire,

- déclarer recevable et bien fondé l'action en garantie des vices cachés exercée par Monsieur Jean-Claude Marichal à l'encontre de Monsieur Bernard Comte en sa qualité de vendeur antérieur du véhicule litigieux et vendeur professionnel.

En conséquence,

- condamner Monsieur Bernard Comte à payer à Monsieur Jean-Claude Marichal la somme de 63 338,77 F.

- condamner Madame Josiane Comte et Monsieur Bernard Comte à payer à Monsieur Jean- Claude Marichal chacun une somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

- les condamner en outre "in solidum" aux entiers dépens, en ce y compris ceux de la procédure de référé incluant les frais d'expertise.

Les consorts Comte concluent à l'irrecevabilité et au rejet de cet appel incident.

Vu l'ordonnance de clôture du 27 janvier 1997,

Vu le dossier de la procédure et les documents annexes versés aux débats.

Attendu que la demande principale de M, Marichal contre Mlle Comte et ses conclusions "subsidiaires" à l'encontre de M. Comte sont fondées sur la garantie légale des vices cachés affectant la chose vendue, telle que réglementée par les articles 1641 et suivants du Code civil.

Attendu qu' aux termes de l'article 1648 l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée dans un bref délai, ce délai courant à compter de la découverte du vice par l'acheteur.

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et des propres déclarations de M. Marichal qu'il a découvert le vices allégués à l'occasion d'une expertise privée effectuée le 19 juin 1991 et d'un contrôle technique en date du 24 juin 1991 soit quelques jours à peine après la vente du 12 juin 1991, ce qui au demeurant permettrait de penser que les vices étaient plus apparents que cachés.

Attendu que si l'assignation en référé, tendant principalement à la résolution de la vente, a certes interrompu le délai pour agir, cet effet interruptif ne s'est prolongé que pendant la durée de l'instance, soit jusqu' à l'ordonnance de référé du 3 septembre 1991.

Attendu que le bref délai imposé par l'article 1648 du Code civil a de nouveau commencé à courir à compter de cette date et que M. Marichal est mal fondé à soutenir qu'il bénéficiait alors d'un délai trentenaire.

Attendu que la demande introductive d'instance du 11 décembre 1992, soi plus de quinze mois plus tard, doit être considérée comme tardive et irrecevable.

- que tel serait même le cas si le délai pour agir devait courir à compter du rapport d'expertise judiciaire du 22 avril 1992, ce qui en l'espèce ne saurait toutefois être admis puisque la découverte des vices cachés remonte à juin 1991.

Attendu qu'au surplus l'action pour vices rédhibitoires n'a été engagée contre M. Bernard Comte que par les conclusions subsidiaires du 28 septembre 1993, soit encore plus tardivement.

Attendu que la demande de Marichal, en tant qu'elle est fondée sur l'article 1382 du Code civil, n'est pas soumise au même délai;

- que cependant elle ne tend qu'à la condamnation de M. Bernard Comte à lui payer la somme de 4 055,29 F à titre de dommages et intérêts.

Mais attendu que cette somme correspond à des frais d'entretien et de réparations d'un autre véhicule pour lequel la responsabilité de M. Comte n'est en aucun cas engagée.

- que cette demande doit donc être rejetée.

Attendu que l'équité n'exige pas la mise en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi, - Faisant droit à l'appel principal de M. Bernard Comte et rejetant l'appel incident de M. Jean-Claude Marichal, - Infirme le jugement rendu le 29 juillet 1994 par le Tribunal de grande instance de Mulhouse, et statuant à nouveau - Déclare M. Marichal irrecevable en sa demande dirigée contre Mlle Josiane Comte et M. Bernard Comte tendant à la résolution judiciaire de la vente du 12 juin 1991. - Déboute M. Marichal de sa demande dirigée contre M. Bernard Comte en tant qu'elle est fondée sur l'article 1382 du Code civil. - Condamne M. Marichal aux entiers dépens de première instance et d'appel. - Rejette les demandes d'indemnités au titre de l'article 700 du NCPC.