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Décisions

CJCE, 2e ch., 14 février 1989, n° 247-87

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Star Fruit Company (SA)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes, République française

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme O'Higgins

Avocat général :

M. Lenz

Juges :

MM. Mancini, Schockweiler

CJCE n° 247-87

14 février 1989

LA COUR (deuxième chambre),

Par requête déposée au greffe de la Cour le 14 août 1987, la société belge Star Fruit Company, spécialisée dans l'importation et l'exportation de bananes fraîches, a introduit un recours visant en substance à faire constater, par application des articles 173, alinéa 2, et 175, alinéa 3, du traité CEE, l'abstention de la Commission des Communautés européennes d'engager, à l'encontre de la République française, une procédure au sens de l'article 169 du traité.

La requérante estime que le régime d'approvisionnement du marché français en bananes est incompatible avec les articles 30 et suivants du traité CEE et avec l'article 2 de la Convention ACP de Lomé du 28 février 1975 (JO 1976, l 25, p. 1). La requérante a donc demandé à la Commission, par lettre du 17 avril 1987, d'engager contre la République française une procédure en application de l'article 169 du traité, à l'effet de constater l'incompatibilité en cause, d'inviter cet Etat membre à supprimer les contingents à l'importation de bananes originaires d'Etats tiers et se trouvant en libre pratique dans les autres Etats membres de la communauté et à indemniser la requérante du préjudice qu'elle aurait subi à raison de l'impossibilité d'honorer les commandes de ses clients français et de pertes de marchandises résultant des interdictions d'importations pratiquées par l'Etat membre en cause.

Par lettre du 4 mai 1987, la Commission a accusé réception de la lettre de la requérante et a informé celle-ci qu'elle prendrait les mesures qui s'imposaient dans cette affaire.

C'est à la suite de cette communication que la requérante a introduit le présent recours.

Par acte séparé parvenu au greffe de la Cour le 9 novembre 1987, la Commission a soulevé, en vertu de l'article 91 du règlement de procédure, une exception d'irrecevabilité et a demandé à la Cour de statuer sur cette exception sans engager le débat au fond.

A l'appui de son exception, la Commission, soutenue en tous points par la République française, qui a été admise a intervenir au soutien de ses conclusions, fait valoir en substance que le recours est irrecevable au titre de l'article 173, alinéa 2, puisque la requérante ne définit pas l'acte de la Commission dont elle demanderait l'annulation. Le recours serait tout autant irrecevable au titre de l'article 175, alinéa 3, dont le texte exclut la possibilité d'un recours en carence d'une personne privée pour défaut d'application de la procédure prévue à l'article 169 contre un Etat membre.

La requérante se réfère à justice sur la recevabilité de son recours au titre de l'article 173, alinéa 2, et maintient que son recours est recevable au titre de l'article 175, alinéa 3, du traité.

Pour un plus ample expose des faits de l'affaire, du déroulement de la procédure et des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

Il apparaît que la requérante n'a même pas identifié l'acte qu'aurait adopte la Commission et contre lequel serait dirige le recours. En conséquence, le recours est irrecevable pour autant qu'il est fondé sur l'article 173, alinéa 2, du traité.

En tant que fondé sur l'article 175, alinéa 3, du traité, le recours a pour objet de faire constater que, en n'engageant pas contre la République française une procédure en constatation de manquement, la Commission s'est abstenue de statuer en violation du traité.

Il résulte toutefois de l'économie de l'article 169 du traité que la Commission n'est pas tenue d'engager une procédure au sens de cette disposition, mais qu'à cet égard elle dispose au contraire d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire excluant le droit pour les particuliers d'exiger de cette institution qu'elle prenne position dans un sens déterminé.

En effet, c'est seulement si elle estime que l'Etat membre en cause a manqué à une de ses obligations que la Commission émet un avis motivé. En outre, dans le cas où cet Etat ne se conforme pas à cet avis dans le délai imparti, l'institution a en tout Etat de cause la faculté, mais non l'obligation, de saisir la Cour en vue de faire constater le manquement présumé.

Il y a lieu de relever, en outre, que, en demandant a la Commission d'ouvrir une procédure en application de l'article 169, la requérante sollicite en réalité l'adoption d'actes qui ne la concerneraient pas directement et individuellement au sens de l'article 173, alinéa 2, et que, en tout Etat de cause, elle ne pourrait donc pas attaquer par la voie du recours en annulation.

En conséquence, la requérante ne saurait être recevable à faire grief à la Commission d'avoir manqué d'engager contre la République française une procédure en application de l'article 169 du traité.

Il en résulte que le recours est irrecevable dans son ensemble.

Sur les dépens

Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens.

La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Seule la Commission ayant présenté des conclusions à cet effet, cette condamnation doit se limiter aux dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LA COUR (deuxième chambre),

Déclare et arrête :

1) le recours est rejeté comme irrecevable.

2) la requérante est condamnée aux dépens exposes par la Commission.

3) la République française supportera ses propres dépens.