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Décisions

CA Caen, 1re ch., 22 avril 1993, n° 354

CAEN

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Vandecandelaere

Défendeur :

Parouteau Béton (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonne

Conseillers :

Mmes Varin, M. Le Henaff

Avoués :

Mes Parrot, Grandsard

Avocats :

Mes Tanqueray, Le Terrier

T. com. Caen, du 16 déc. 1992

16 décembre 1992

Monsieur Vandecandelaere a acheté le 10 octobre 1991 à la société Parouteau-Béton, pour la somme de 220 000 F un ensemble routier et une semi-remorque Samro équipée d'un malaxeur à béton de fabrication Marrel.

Le 21 novembre 1991, au cours d'une livraison, l'axe réducteur d'entraînement de la cuve s'est rompu.

Monsieur Vandecandelaere a assigné la société Parouteau devant le Président du Tribunal de grande instance de Caen qui a désigné Monsieur Lavole en qualité d'expert.

Par acte du 17 août 1992 Monsieur Vandecandelaere a assigné la SARL Parouteau en paiement de la somme de :

- 300 492 F au titre de la perte d'exploitation jusqu'au 30 juin 1992 et 8 838 F par semaine pour la période postérieure au 30 juin 1992,

- 115 602,13 F au titre du remboursement mensuel pour l'acquisition du matériel jusqu'au 30 juin 1992,

- et 16 514,59 F par mois pour la période postérieure,

- 47 245,30 F correspondant à l'apport personnel en vue de l'acquisition,

- 17 790 F pour les frais non recouvrables.

La SARL Parouteau a appelé en garantie son vendeur, Monsieur Guerin, ainsi que la société Marie et la société Sauer Monsieur Guerin a appelé également la société Sauer en garantie.

Par jugement assorti de l'exécution provisoire rendu le 16 décembre 1992 le Tribunal de commerce de Caen a prononce l'annulation de la vente, condamné la SARL Parouteau à payer la somme de 220 000 F au profit de Monsieur Vandecandelaere, la somme de 100 000 F en réparation de son préjudice ainsi que la somme de 5 000 F pour les frais non recouvrables et renvoyé les appels en garantie à une audience ultérieure.

Monsieur Vandecandelaere a fait appel de cette décision.

Par ordonnance rendue le 9 février 1993 le Premier Président a arrêté l'exécution provisoire et autorisé Monsieur Vandecandelaere à procéder à jour fixe. Monsieur Vandecandelaere demande à la cour de prononcer la résolution de la vente, de condamner la SARL Parouteau à payer les sommes figurant dans l'acte introductif d'instance à titre provisionnel, de désigner un expert pour dire quel peut être le préjudice consécutif à l'immobilisation du matériel et de lui allouer une somme de 10 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il soutient que le rapport d'expertise confirme la note sur laquelle le tribunal s'est fondé et que depuis la date du jugement le préjudice subi s'est considérablement accru de telle sorte qu'une expertise comptable apparaît nécessaire pour en déterminer contradictoirement l'importance.

La société Parouteau, qui a formé appel incident, demande à la cour de surseoir à statuer pour juger par un seul arrêt l'action principale et les actions récursoires et subsidiairement dire qu'elle a également été victime du vice de conception et de construction et que son obligation est limitée aux seuls désordres affectant la toupie.

Elle soutient que le tribunal a commis une irrégularité en s'appuyant sur des constatations préliminaires diffusées par l'expert, qu'il résulte du rapport définitif que la toupie était affectée d'un vice qui incombe aux constructeurs, que l'ensemble vendu est divisible et qu'aucun reproche n'a été fait au tracteur ; que la mission d'expertise sollicitée par l'appelant est tendancieuse et doit être modifiée.

I - Sur le sursis à statuer

Attendu que Monsieur Vandecandelaere a effectué un investissement important en octobre 1991 qui devait lui permettre de disposer d'un moyen de transporter du béton et par là de procéder à l'amortissement ; qu'il a été privé de son ensemble routier très rapidement, et qu'il n'y a pas lieu, au motif que les premiers juges ont procédé à la disjonction de l'action principale des actions récursoires, de retarder l'issue du litige dans l'attente d'un hypothétique appel à l'encontre d'une décision qui n'a pas été rendue à ce jour ;

Il - Sur la résolution de la vente

Attendu que le châssis de la semi-remorque litigieuse supporte à l'arrière des galets et à l'avant un réducteur dont l'arbre, se termine par un plateau sur lequel le fond de la cuve est fixée ; que l'arbre plateau supporte le poids de la cuve d'un côté et lui imprime son mouvement circulaire et que la cuve trouve appui de l'autre côté sur les galets qui autorisent la rotation ;

Attendu qu'il résulte très clairement du rapport d'expertise que la rupture, qui s'est produite juste à l'endroit, le congé, où l'arbre s'épanouit en plateau, résulte de la fatigue de cette pièce métallique forgée sous les sollicitations cycliques en flexion rotative qui ont provoqué une fissuration progressive ;

Attendu que l'expert a pu exclure toute faute de Monsieur Vandecandelaere qui n'a utilisé la semi-remorque que fort peu de temps en respectant la limite de charge ; que l'expert a précisé que la rupture était la conséquence d'une insuffisance de dimensionnement du congé ;

Attendu en conséquence qu'il est établi que la chose vendue présentait un défaut caché qui l'a rendue impropre à l'usage auquel elle était destinée et que l'action rédhibitoire introduite par Monsieur Vandecandelaere est fondée ;

Attendu que la vente a porté sur un ensemble routier et qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que les parties ont, à un moment quelconque, évalué séparément le tracteur et la semi-remorque ; qu'il importe peu que l'objet de la vente soit matériellement divisible puisque l'acheteur a choisi, par application des dispositions de l'article 1644 du Code civil, de rendre la chose; qu'il n'y a pas lieu en conséquence de limiter l'action résolutoire à la remorque ;

III - Sur le préjudice subi

Attendu que Monsieur Vandecandelaere a conclu que son préjudice évoluait et qu'une expertise comptable était nécessaire ; que la SARL Parouteau soutient que l'acheteur a effectué des investissements inconsidérés, qu'il a négligé l'offre d'une toupie de remplacement et qu'il s'est refusé à reprendre son activité en faisant réparer le matériel afin de faire supporter au vendeur son manque d'initiative et sa perte d'activité ;

Attendu que la détermination du préjudice subi par Monsieur Vandecandelaere suppose la connaissance, en fonction du marché de la construction et de la structure de l'entreprise, du gain que l'acheteur pouvait réaliser de même que l'incidence financière liée à l'arrêt de l'activité de transport de béton en fonction des investissements réalisés et des frais fixes tels que l'assurance et les taxes ; que la cour ne dispose pas des éléments indispensables pour fixer le préjudice et qu'il convient en conséquence d'ordonner une expertise ;

Attendu qu'il y a lieu d'allouer à Monsieur Vandecandelaere une provision de 50 000 F ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Vandecandelaere les frais exposés non compris dans les dépens ;

Par ces motifs - Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer, - Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande de résolution de la vente de l'ensemble routier et ordonné la disjonction - Infirme au surplus avant dire droit sur le préjudice, ordonne une expertise ; Commet Monsieur Lopez, demeurant 38, Quai Vandœuvre Caen, expert comptable aux fins : - de recevoir et examiner tous les documents comptables nécessaires pour la détermination du préjudice de Monsieur Vandecandelaere, - de préciser l'organisation et la nature de l'activité de Monsieur Vandecandelaere à compter de l'achat de l'ensemble routier et rechercher la part que représentait le transport de béton, - de déterminer, en fonction de l'évolution de l'activité de la construction, des investissements effectués par l'acheteur et des frais fixes, le préjudice subi jusqu'à l'exécution au présent arrêt ; Dit que l'appelant devra verser au greffe avant le 15 juin 1993 la somme de 15 000 F à valoir sur la rémunération de l'expert, Dit que l'expert devra déposer son rapport avant le 15 décembre 1993 ; Désigne le conseiller de la mise en état pour surveiller les opérations d'expertise ; Condamne la SARL Parouteau à verser à Monsieur Vandecandelaere une provision de 50 000 F ; Condamne la SARL Parouteau à verser à Monsieur à Vandecandelaere la somme de 5 000 F par dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.