CA Bordeaux, ch. soc. A, 28 mai 2001, n° 00-04318
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Lafosse
Défendeur :
SPIMC (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mellier
Conseillers :
M. Negre, Mme Duval-Arnould
Avocats :
Mes Szuberla, Bénichou.
Monsieur Lafosse a relevé appel d'un jugement du Conseil de prud'hommes de Bordeaux rendu le 11 juillet 2000 dans une procédure opposant l'appelant à la SARL SPIMC et qui, considérant que Monsieur Lafosse avait violé la clause de non-concurrence, l'a débouté de toutes ses demandes, mais l'a condamné à payer à la SARL SPIMC:
- 6 332,56 F à titre de remboursement des sommes versées au titre de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence,
- 633,25 F à titre de congés payés y afférant,
- 260 988 F au titre de la clause pénale forfaitaire,
- 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
et a ordonné à Monsieur Lafosse de cesser directement ou indirectement toute activité concurrentielle sous astreinte journalière de 2 609 F, à compter de la présente décision et ce jusqu'au 31 mai 2001;
Le jugement était assorti de l'exécution provisoire.
La cour se réfère pour plus ample exposé des circonstances de fait, de la procédure et des prétentions des parties, au jugement déféré et aux conclusions déposées par:
- Monsieur Lafosse, le 25 janvier 2001, aux fins de réformation du jugement en toutes ses dispositions, il prie la cour de juger que le conseil de prud'hommes a renversé la charge de la preuve, tant en ce qui concerne la délimitation dans l'espace du secteur d'activités qu'en ce qui concerne la preuve de la concurrence déloyale, et a violé l'article 1315 du Code civil; il demande à la cour de dire qu'il a respecté la clause de non-concurrence en application de l'article 4 du contrat et de l'article 17, 1° de la Convention collective sur le secteur d'Yvrac; il demande la condamnation de la SARL SPIMC au paiement de 3 166,28 F par mois, outre les congés payés y afférant soit 316,63 F à compter du 1er septembre 1999 et ce jusqu'au 31 mars 2001; il demande la condamnation de la SARL SPIMC au paiement de 350 000 F à titre de dommages-intérêts pour son préjudice matériel et moral, et de 25 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; il sollicite qu'il soit ordonné à la SPIMC de donner mainlevée de l'hypothèque prise sur son immeuble et ce, sous astreinte de 2 000 F par jour de retard, un mois après la signification de l'arrêt à intervenir.
- La SARL SPIMC, le 14 février 2001, pour demander à la cour de:
Constater que Franck Lafosse a développé une activité au service de la société SPIMC sur les départements 33, 40, 47, 16, 17, 65 & 32.
Constater qu'à compter du 7 juillet 1999, il a développé une activité concurrentielle à celle de la société SPIMC sans démontrer que la totalité de son activité porterait sur un secteur distinct de celui précité.
Le débouter, faute de justifications à cet égard, de sa demande principale en paiement de la contrepartie pécuniaire mensuelle de 3 166,28 F à compter du 1er septembre 1999.
Déclarer sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et moral formulé, pour la première fois, en cause d'appel, irrecevable en application de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile et en tout état de cause mal fondée tant en son principe qu'en son quantum.
Confirme le jugement dont appel sur la demande reconventionnelle de la SARL SPIMC tant en ce qui concerne le montant de la clause pénale forfaitaire que l'article 700. Statuant, à nouveau, pour le surplus.
Condamner Monsieur Franck Lafosse à payer à la SARL SPIMC:
- 10 448,72 F au titre du remboursement de l'indemnité mensuelle de non-concurrence et des congés payés afférant,
- 11 960 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Ordonner à Monsieur Lafosse de cesser directement ou indirectement toute activité concurrentielle dans le secteur des départements précités sous astreinte de 2 609,00 F par jour de retard jusqu'au 31 mai 2001.
Liquider le montant de l'astreinte journalière par les premiers juges pour la période du 11 juillet 2000 au 18 septembre 2000 à la somme de 161 758 F.
Débouter Monsieur Lafosse de sa demande en mainlevée d'hypothèque judiciaire provisoire.
Le condamner aux entiers dépens ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution.
Décision de la cour:
Il convient d'adopter l'exposé des faits et de la procédure énoncé par les premiers juges et correspondant aux pièces du dossier;
Les parties sont essentiellement en désaccord sur la portée de la clause de non-concurrence figurant au contrat qui les liait et sur ses conséquences;
A cet égard, Monsieur Lafosse critique les premiers juges pour avoir admis qu'il n'avait pas respecté la clause de non-concurrence et d'en avoir tiré toutes ses conséquences, en soutenant essentiellement qu'il travaillait à l'agence d'Yvrac, dont le secteur est limité à la Gironde et que dès lors, il a respecté la clause contractuelle de non-concurrence; il admet avoir effectué quelques interventions ponctuelles dans les départements 65, 17, 16, 47 et 32 mais sans que ces interventions puissent être constitutives d'une extension de son secteur, d'autant plus qu'il n'y intervenait que pour des actions de formation ou maintenir temporairement une agence; il critique encore le conseil de prud'hommes pour avoir admis qu'il démarchait la clientèle de son ancien employeur à partir de son entreprise située dans le Gers ou de son domicile en Gironde; il souligne essentiellement que la SPIMC ne démontre pas quel était exactement le secteur qui lui était attribué alors qu'elle en a la charge de la preuve, tout comme elle doit prouver la violation de la clause; il demande, en conséquence, la réformation du jugement en toutes ses dispositions et forme une demande reconventionnelle en indemnisation de son préjudice;
Si la SPIMC poursuit la confirmation du jugement dont elle approuve la motivation, la cour ne peut que constater que les parties ne contestent pas la validité de la clause de non-concurrence figurant au contrat de travail de Monsieur Lafosse et qui est, conformément à la convention collective applicable, limitée dans le temps à deux ans et dans l'espace 200 kilomètres à vol d'oiseau du siège de l'agence d'Yvrac, le contrat de travail définissant dans son article 4 le secteur d'activité de Monsieur Lafosse comme "situé sur le territoire de l'agence d'Yvrac à laquelle il se trouve rattaché";
La discussion entre les parties porte sur la notion de secteur, Monsieur Lafosse ne contestant pas avoir entrepris une activité identique à celle de la SARL SPIMC, dont il a situé le siège à Vic-Fezensac, dans le Gers;
Or, si Monsieur Lafosse soutient que le secteur de l'agence d'Yvrac s'identifie au département de la Gironde et produit un constat d'huissier établi le 16 janvier 2001, dont il ressort que dans les bureaux de l'agence d'Yvrac, se trouvaient deux cartes murales, l'une de la France où le département de la Gironde est délimité, et l'autre de la Gironde avec le secteur d'Yvrac et plusieurs sous-secteurs, ce document n'étant pas significatif par lui-même, il est par contre établi que la SARL SPIMC a huit agences en Aquitaine et que le contrat de travail de Monsieur Lafosse prévoyait la possibilité de changement de secteur, mais aussi que les fiches d'intervention de Monsieur Lafosse démontrent, comme l'a souligné le conseil de prud'hommes, qu'il était intervenu en qualité de vendeur, dans d'autres départements que la Gironde Landes, Gers, Lot et Garonne, qui se trouvent ainsi à moins de 200 kilomètres d'Yvrac; qu'il appartenait à Monsieur Lafosse de démontrer lui-même que son activité n'était pas concurrentielle de celle de la SPIMC, alors qu'il suffisait à celle-ci de tirer les conséquences de l'inscription au Registre du Commerce d'Auch, de Monsieur Lafosse dans sa nouvelle activité;
La cour considère, en conséquence, que même en admettant que le secteur d'activité de Monsieur Lafosse était limité à la Gironde, il n'a pas respecté la clause de non-concurrence imposée par son contrat en ce que, en toute hypothèse, le siège de sa nouvelle activité dans le Gers se trouvant à moins de 200 kilomètres à vol d'oiseau du sud du département de la Gironde, qui est d'ailleurs, en certains points, limitrophe du département du Gers;
Il s'ensuit que le jugement déféré doit être entièrement confirmé, et Monsieur Lafosse débouté de ses demandes; par contre, il y a lieu de condamner Monsieur Lafosse au paiement à la SARL SPIMC une indemnité complémentaire de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et de renvoyer les parties devant le conseil de prud'hommes pour la liquidation de l'astreinte, si nécessaire.
Par ces motifs, LA COUR, Déclare mal fondé l'appel de Monsieur Lafosse contre le jugement du Conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du 11 juillet 2000; Confirme le jugement en toutes ses dispositions; Renvoie les parties devant les premiers juges pour la liquidation de l'astreinte qu'ils ont prononcée; Condamne Monsieur Lafosse au paiement à la SARL SPIMC d'une somme complémentaire de 3 000 F (trois mille francs) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Le condamne aux dépens.