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Décisions

Cass. crim., 17 février 1993, n° 91-86.890

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Malibert (faisant fonction)

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan.

TGI Troyes, ch. corr., du 22 janv. 1991

22 janvier 1991

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par L Maurice, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Reims, en date du 21 novembre 1991 qui, pour tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise, l'a condamné à 10 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ; Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a été rendu par la cour d'appel de Reims, composée de M. Mahieux faisant fonction de président et Mmes Gross et Debuisson, conseillers ;

"alors que Mme Gross ne pouvait légalement faire partie de la cour d'appel, ayant auparavant, en sa qualité de conseiller chargé du contrôle des experts, convoqué le prévenu aux fins de l'entendre le 27 novembre 1990 sur les faits faisant l'objet de l'inculpation d'abus de confiance, escroquerie et tromperie à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. Poul ; qu'ayant ainsi été amenée à examiner les charges qui pesaient sur le prévenu et donc à connaître de l'affaire au fond, elle ne pouvait statuer ultérieurement sur l'existence des faits constitutifs du délit et sur la culpabilité ; que dès lors, la cour d'appel ainsi composée ne présentait pas les garanties objectives d'impartialité et d'indépendance requises par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales

Attendu que le conseiller de la cour d'appel chargé du contrôle des experts a pour mission exclusive, dans le cadre d'une procédure disciplinaire diligentée contre un expert judiciaire, de recueillir les observations de ce dernier ; que dès lors, la circonstance que ce magistrat ait par la suite siégé dans la formation de jugement ayant prononcé dans les poursuites pénales dirigées contre le même expert, n'est pas contraire à l'exigence d'impartialité énoncée par la disposition conventionnelle visée au moyen, lequel doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 1, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905, 1 et 2 du décret du 4 octobre 1978 et 1, 2 et 5 de l'arrêté d'application du précédent décret en date du 2 mai 1979, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir trompé son contractant sur une qualité substantielle en vendant un véhicule automobile décrit comme de millésime 1987 bien qu'étant de l'année modèle 1986 ;

"au motif, d'une part, qu'en application de l'article 2 du décret du 4 octobre 1978, tout véhicule automobile conforme au modèle dont le fabricant a fixé les caractéristiques pour une année déterminée est désignée par le millésime de ladite année appelée année modèle, et que si l'article 5 de l'arrêté du 2 mai 1979 précise que peuvent porter le millésime d'une année modèle déterminée les véhicules vendus après le 1er juillet de l'année précédente, cette possibilité ne constitue pas une faculté de tromper l'acquéreur sur l'âge réel du véhicule considéré ;

"et au motif, d'autre part, que si le prévenu prétend qu'à partir du n° du châssis 227 501 les véhicules Peugeot du type fourgon en cause portant lui-même le n° 245 513 répondait aux normes du modèle 1987, il n'en justifie pas ; qu'au contraire, selon les attestations des sociétés Challenger et Peugeot, le véhicule présentait les caractéristiques du modèle 1986 ;

"alors, d'une part, que l'article 1 de l'arrêté du 2 mai 1979 portant application du décret du 4 octobre 1978 exclut expressément les châssis-cabines de l'obligation faite leur constructeur ou importateur de communiquer au ministère des Transports avant leur commercialisation la notice descriptive des modèles devant être mis sur le marché pour une année modèle déterminée ; qu'en l'absence de possibilité de déterminer leurs caractéristiques pour une année donnée, il ne peut donc lui être attribué un millésime d'une année modèle déterminée ; que dès lors, la cour d'appel, en refusant d'exclure les châssis-cabines du domaine d'application du décret du 4 octobre 1978, a violé les dispositions combinées de ce décret et de son arrêté d'application du 2 mai 1979 ;

"alors, de deuxième part, qu'en omettant, comme l'y invitaient cependant les conclusions de la défense, de s'expliquer sur la nature du véhicule concerné et en s'abstenant de rechercher s'il entrait ou non dans la catégorie des châssis-cabines, la cour d'appel a ignoré un système péremptoire de défense, entachant la décision d'une nullité certaine ;

"alors, enfin, qu'en se bornant à reprendre la motivation des premiers juges sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de la défense, si la société Peugeot qui n'a fourni qu'un châssis-cabine, précisément exclu du domaine d'application de la notion d'année modèle, et la société Challenger qui n'a fait que fournir une cabine et n'est pas constructeur du véhicule, étaient habilités à déterminer le millésime d'un camping-car dont la construction effective a été assurée par la société Sefamac et qui a fait l'objet à sa sortie d'usine, le 24 juillet 1986, d'un certificat de conformité et de l'attribution d'un numéro de châssis par l'ingénieur de l'administration des mines, et en s'abstenant également de rechercher quelle était la portée juridique de l'attribution de ce numéro de châssis, la cour d'appel a omis de répondre à un système péremptoire de défense, et a également privé sa décision de toute base légale" ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir trompé son contractant sur une qualité substantielle du véhicule vendu en portant sur le bon de commande les mentions "premiers propriétaire" et "millésime 1987" ;

"alors, d'une part, que la tromperie, pour être punissable au sens de l'article 1er de la loi du 1er août 1905, doit résulter d'une intention frauduleuse et doit porter sur une qualité substantielle de nature à déterminer la signature du contrat ; que le caractère substantiel doit s'apprécier en fonction des éléments particuliers de l'espèce et qu'il appartient au juge du fond de constater les circonstances d'où se déduit la mauvaise foi ; que dès lors que le bon de commande comporte la date de première mise en circulation du véhicule, son kilométrage ainsi que l'engagement d'une garantie de six mois, et que sont remis à l'acquéreur le certificat de conformité et la carte grise au nom du précédent propriétaire, la bonne foi du vendeur ne peut être mise en cause et les seules mentions "premier propriétaire" ou "millésime 1987", à les supposer inexactes, ne peuvent être considérées comme substantielles puisque l'ensemble des renseignements de nature à informer utilement l'acquéreur sur les caractéristiques essentielles du véhicule lui a été communiqué régulièrement par ailleurs ; qu'en retenant cependant le caractère substantiel de ces mentions ainsi que l'existence d'une intention de tromper, l'arrêt attaqué a méconnu le sens et la portée de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 ;

"alors, d'autre part, que l'arrêt attaqué, en ne recherchant pas en quoi concrètement l'une ou l'autre de ces mentions aurait été déterminante de l'acquisition, mais en se bornant à énoncer que "si la valeur d'un camping-car d'occasion dépend de son âge et du kilométrage parcouru, elle se fonde aussi dans l'esprit de l'acheteur sur les caractéristiques techniques et sur l'usage qui a pu en être fait antérieurement", s'est prononcé par voie de disposition générale et se trouve vicié d'un défaut de motifs certain" ;

Les moyens étant réunis

Attendu que, pour déclarer Maurice L coupable du délit de tromperie sur les qualités substantielles d'une chose, les juges énoncent notamment, d'une part, que le prévenu ne pouvait, de bonne foi, inscrire sur le bon de commande que le fourgon vendu à Michel Poul n'avait eu qu'un seul propriétaire, alors que le certificat d'immatriculation que lui avait remis son vendeur portait la trace d'au moins deux ventes antérieures, et, d'autre part, que l'origine de propriété du véhicule présentait un caractère substantiel dans la mesure où elle exerçait une influence dans la pensée de l'acheteur sur la valeur de son achat ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel le délit de tromperie prévu et puni par la loi du 1er août 1905, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre le prévenu dans le détail de son argumentation, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués aux moyens, lesquels, dès lors, ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.