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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. A, 14 janvier 1997, n° 94-0000265

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Baldo (Consorts)

Défendeur :

Commune de Saint-Rémy

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacan

Conseillers :

Mme Brun, M. Blanc-Sylvestre

Avoués :

SCP Touzery- Cottalorda, SCP Argellies

Avocats :

SCP Pons-Couturier, Me Vidal

TGI Rodez, du 12 nov. 1993

12 novembre 1993

Faits, procédure, prétention et moyens des parties:

Par acte du 11 mars 1976, Amandio Baldo, aujourd'hui décédé, et Madame Gloria Baldo ont acquis de la commune de Saint-Rémy (Aveyron) une parcelle formant le lot n° 14 d'un lotissement pour l'édification d'une maison d'habitation, moyennant le prix de 28 944 F.

Ayant obtenu son permis de construire le 25 juin 1977, Amandio Baldo a entrepris le terrassement du terrain pour couler les fondations; c'est alors que le talus qui jouxtait la parcelle s'est effondré.

Pour conforter le talus du chemin, l'administration a réalisé un enrochement qui empiète sur une grande partie de la parcelle.

Considérant que cette parcelle était devenue inconstructible, les consorts Baldo ont, par acte du 25 septembre 1992, attrait la commune de Saint-Rémy devant le Tribunal de grande instance de Rodez aux fins de:

- entendre prononcer la résolution de la vente de la parcelle litigieuse,

- s'entendre condamner à rembourser le prix de vente aux dits consorts Baldo, avec intérêts de droit,

- s'entendre condamner à payer la somme de 10 000 F à titre de dommages intérêts pour procédure abusive, et celle de 6 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par jugement du 12 novembre 1993, le Tribunal de grande instance de Rodez a débouté les consorts Baldo de leurs demandes et les a condamnés à payer à la commune de Saint-Rémy la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Les consorts Baldo ont relevé appel de cette décision le 13 décembre 1993.

Ils concluent, à titre principal, sur le fondement de l'obligation de délivrance d'un objet conforme à sa destination et, à titre subsidiaire, sur celui de l'article 1641 du Code civil.

Ils font valoir qu'ils ont acquis une parcelle dans un lotissement communal, qu'un permis de construire leur a été délivré sur avis favorable de la commune, le 25 juin 1977, sans aucune prescription particulière, qu'Amandio Baldo a entrepris le terrassement du terrain dans la zone aedificandi, qu'il n'est nullement démontré qu'il ait commis une quelconque faute à l'origine de l'effondrement du talus, qui présentait une grande hauteur, une forte pente et soutenait une voie publique ouverte à une grande circulation, que les réponses obtenues le 24 janvier 1980 et le 19 juin 1984, de même que l'emprise actuelle existant sur la parcelle, suffisent à démontrer son inconstructibilité, ce dont il résulte que la commune n'a pas satisfait à son obligation de délivrance.

Subsidiairement, les consorts Baldo considèrent que la commune, en sa double qualité de bâtisseur et de vendeur l'assimilant à un professionnel, ne pouvait ignorer au jour de la vente le vice caché affectant le sol du terrain; ils en déduisent que le respect du bref délai ne peut leur être opposé. Ils font encore valoir qu'aucun dépérissement de preuve n'ayant pu intervenir, les choses étant restées en l'état, toute mesure d'expertise pourrait encore être diligentée.

Décision:

Attendu que le permis de construire délivré le 25 juin 1977 comporte l'autorisation d'orienter l'immeuble au sud tout en se conformant au plan de masse pour l'implantation, qu'aucune autre prescription particulière n'y est mentionnée sinon par référence au règlement du lotissement du 18 mars 1974, lequel ne prévoit aucune contrainte particulière pour procéder au terrassement en dehors du respect de la zone aedificandi;

Attendu qu'Amandio Baldo a entrepris des fouilles pour l'édification de sa maison, que ces travaux ont entraîné l'effondrement du talus jouxtant la parcelle et soutenant la route départementale 122;

Attendu qu'il n'est nullement démontré qu'Amandio Baldo ait commis une quelconque faute notamment par non-respect des prescriptions administratives

Attendu que la Direction Départementale de l'Equipement faisait connaître, dans une lettre du 19 juin 1984, que "Le talus actuel ne présente pas les garanties nécessaires quant à sa stabilité pour assurer la constructibilité du lot concerné pour une maison à usage d 'habitation. Une étude géologique et, sans doute, des travaux conséquents sont à réaliser pour assurer la délivrance d'un permis de construire. Notre service maintiendra une position ferme tant qu'aucune assurance réelle ne viendra lever le risque existant pour l'installation d'une famille sur ce lot "

Attendu qu'il est ainsi démontré que le lot vendu aux consorts Baldo est impropre à sa destination, qu'il appartenait à la commune lotisseur et vendeur de faire procéder, préalablement au lotissement et à la vente, à toutes études géologiques et à tous travaux de confortation du talus notamment par la construction d'un mur de soutènement en proportion avec l'importance du talus afin de livrer à l'acheteur une parcelle conforme à sa destination, laquelle avait été expressément convenue entre les parties;

Attendu qu'ainsi la commune de Saint-Rémy a manqué non à son obligation de garantie, mais à celle de délivrance, en livrant un bien non conforme à ce qui avait été convenu; que, dès lors, la vente doit être résolue;

Attendu qu'en conséquence, la commune doit être condamnée à restituer le prix, soit 28 944 F, avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 1976, date de la vente;

Attendu que les consorts Baldo ont subi un préjudice certain du fait de la résistance de la commune, qui a duré 20 ans qu'il y a lieu de leur allouer de ce chef la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts;

Attendu que l'équité justifie que la commune de Saint-Rémy verse aux consorts Baldo la somme de 6 000 F au titre des frais irrépétibles;

Attendu que la commune qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel;

Par ces motifs: LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Déclare recevable l'appel des consorts Baldo, Infirme le jugement déféré, Statuant à nouveau, Prononce la résolution de la vente de la parcelle cadastrée section B n° 975, formant le lot n° 14 du lotissement de la commune de Saint-Rémy, passée entre Amandio Baldo et Mme Gloria Baldo, d'une part, et la commune de Saint-Rémy, d'autre part, suivant acte reçu le 11 mars 1976 par Maître Dumoulin Notaire à Villefranche de Rouergue, Condamne la commune de Saint-Rémy à restituer aux consorts Baldo la somme de vingt-huit mille neuf cent quarante- quatre francs (28 944 F) avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 1976, La condamne également à leur payer la somme de dix mille francs (10 000 F) à titre de dommages et intérêts, outre celle de six mille (6 000 F) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne, enfin, aux entiers dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, distraction au profit de la SCP Touzery-Cottalorda, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.