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Décisions

CCE, 22 septembre 1997, n° M.983

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Bacob Banque/Banque Paribas Belgique

CCE n° M.983

22 septembre 1997

Messieurs,

Objet : Affaire n° IV-M.983 - Bacob Banque/Banque Paribas Belgique

Votre notification du 12.08.1997 conformément à l'article 4 du règlement du Conseil n° 4064-89.

Le 12 Août 1997, la Commission a reçu une notification d'un projet d'opération par lequel l'entreprise Bacob Banque (Bacob) acquiert le contrôle de l'entreprise Banque Paribas Belgique (Paribas Belgique). La notification a pris effet le 19.08.1997, date de réception par la Commission des informations complètes.

Après examen de cette notification, la Commission a abouti à la conclusion que l'opération notifiée entre dans le champ d'application du règlement du Conseil n° 4064-89 et ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun et la fonctionnement de l'Accord EEE.

I. LES PARTIES

Bacob fait partie du groupe belge Arco qui est constitué de plusieurs sociétés de financement et sociétés holdings. Arco détient des participations dans des entreprises présentes en Belgique dans diverses activités de produits ou de services. Au sein du groupe, Bacob constitue l'entité spécialisée dans les activités financières et bancaires, orientées surtout vers les services aux particuliers.

Paribas Belgique est une filiale belge de Paribas International appartenant au groupe français Paribas. Il s'agit d'une banque dont les prestations sont orientées en particulier vers les services offerts aux grandes entreprises et à une clientèle fortunée.

II. L'OPÉRATION

L'opération consiste en l'acquisition par Bacob de 81 % des actions et des droits de vote de Paribas Belgique. D'ici à l'an 2000, Paribas International conservera seulement deux puis un administrateur au sein du Conseil d'Administration. L'opération s'accompagne de l'abandon par Paribas Belgique de toutes les marques de produits et services faisant référence à Paribas.

III. CONCENTRATION DE DIMENSION COMMUNAUTAIRE

Une fois la transaction réalisée, Bacob détiendra plus de la moitié des actions, des droits de vote et du nombre des membres du Conseil d'administration. Elle aura le contrôle exclusif de Paribas Belgique. L'opération constitue donc une concentration au sens de l'article 3 paragraphe 1 lettre b) du règlement n° 4064-89.

Le chiffre d'affaires total réalisé sur le plan mondial par Arco et Paribas Belgique représente un montant supérieur à 5 milliards d'écus (4,363 milliards d'écus pour Bacob du groupe Arco, et 1,654 milliard d'écus pour Paribas Belgique). Le chiffre d'affaires total réalisé individuellement dans la Communauté par Arco et Paribas Belgique représente un montant supérieur à 250 millions d'écus (3,8 milliards d'écus pour Bacob du groupe Arco, et 1,374 milliard d'écus pour Paribas Belgique). Les deux entreprises concernées ne réalisent pas plus des deux tiers de leurs chiffres d'affaires communautaires à l'intérieur d'un seul et même État membre. La concentration revêt donc une dimension communautaire au sens de l'article premier du règlement n° 4064-89. Elle ne constitue pas un cas de coopération dans le cadre de l'Accord EEE (Articles 57 et 2 du protocole 24 de cet Accord).

IV.COMPATIBILITÉ AVEC LE MARCHÉ COMMUN

Marché de produit pertinent

Trois grands secteurs séparés peuvent être distingués au sein du secteur bancaire : les services bancaires de détail à l'attention des particuliers et des ménages, les services bancaires aux entreprises et les opérations sur les marchés financiers. Cette distinction traditionnelle a été présentée par la Commission dans plusieurs décisions [voir notamment l'affaire n° IV-M.342-Fortis/CGER, l'affaire n° IV-M.643-CGER/SNCI, l'affaire n° IV-M.573-ING/Barings, l'affaire n° IV-M.850-Fortis/MeesPierson, l'affaire n° IV-M.873-Bank Austria/Creditanstalt] Le secteur des services bancaires de détail peut être divisé en un certain nombre de prestations, comprenant la banque universelle, qui regroupe les activités liées aux systèmes de paiement (comptes à vue) et les services connexes, les comptes courants, les comptes de dépôt, l'épargne (comptes à vue, bons de caisse, livrets et comptes à terme), l'épargne hors bilan (SICAV, fonds communs de placement et fonds de pension), les crédits aux particuliers (les prêts à la consommation et autres financements, les prêts hypothécaires).

Le secteur des services bancaires aux entreprises se divise également en divers produits tels que les crédits d'investissements, les produits à court terme, les dépôts, le leasing, les émissions de dettes. Les opérations sur les marchés financiers comprennent entre autres les transactions interbancaires, les activités sur les marchés monétaires, les activités liés aux fonds du gouvernement.

Au cas d'espèce, il n'est pas nécessaire de procéder à une définition précise des marchés de produits pertinents dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, l'opération ne créera pas ou ne renforcera pas une position dominante.

Marché géographique pertinent

La Commission a déjà eu l'occasion de considérer que du point de vue géographique les services bancaires de détail étaient des marchés qui revêtaient encore une dimension nationale, tandis que certains services bancaires aux entreprises et les opérations sur les marchés financiers revêtaient un caractère international. Cependant la dimension géographique de services bancaires aux entreprises peut dans certains cas être limitée à un niveau encore national par le fait que les prestations sont souvent offertes au niveau des agences nationales à des clients locaux. En tout état de cause, au cas d'espèce, il n'est pas nécessaire de procéder à une définition précise des marchés géographiques pertinents dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, l'opération ne créera pas ou ne renforcera pas une position dominante.

Analyse concurrentielle

Compte tenu du champ d'activités géographique de chacune des entreprises parties à l'opération, c'est la Belgique qui constitue l'État membre le plus concerné par la concentration. Au début de 1996, Bacob se situait au 7ème rang national en termes de bilan et Paribas Belgique au 9ème rang. La combinaison de leurs bilans les conduira à occuper ensemble le 6ème rang. Sur la base des dépôts de la clientèle, d'une part, et des crédits à la clientèle, d'autre part, la nouvelle entité se situera également au 6e rang et représentera respectivement 7,7 % et 6,4 % du total constitué par les dix premières banques actives en Belgique. Quelle que soit la base retenue (bilan, dépôts ou crédits), les cinq premières banques sont toujours (par ordre alphabétique) la Banque Bruxelles Lambert, le Crédit Communal de Belgique, la Générale de Banque, la CGER-Banque et la Kredietbank. La taille de la nouvelle entité sera environ 10 fois inférieure à celle de ces cinq banques prises ensemble et environ 2 fois inférieure à celle de son concurrent le plus proche. Sur la base des comptes de l'année 1996 des 12 premières banques actives en Belgique, Bacob et Paribas Belgique, considérées comme une même entité, ne représentent jamais plus entre 3 % et 9 % du total de chacune des activités suivantes : prêts, avances, hypothèques, dépôts à vue, dépôts à terme, carnets d'épargne, bons de caisse.

Sur la base de la division tripartite traditionnellement retenue par la Commission, il apparaît que les activités des deux entreprises concernées sont dans une large mesure complémentaires. Bacob concentre ses activités dans les services bancaires de détail à l'attention d'un nombre étendu de particuliers et des ménages, ainsi que dans les services bancaires aux PME et à des organismes du secteur public et du secteur social. Le nombre de ses clients particuliers et ménages est supérieur à 1,1 million et son réseau de points de vente, agences et succursales, dépasse 540 unités en Belgique.

Le positionnement de Paribas Belgique, au travers d'un réseau de 48 agences et sièges commerciaux, est différent : une partie importante de ses activités concernent des opérations sur les marchés financiers. Cette banque est également présente dans le secteur des services aux entreprises, mais elle est plutôt spécialisée dans une clientèle de grandes entreprises ou d'entreprises à vocation internationale.

Paribas Belgique offre également des prestations de services de détail, toutefois une partie significative de ses activités dans ce domaine porte sur les services spécifiques de gestion patrimoniale pour une clientèle ciblée, aisée ou fortunée. Le nombre de ses clients particuliers et ménages est inférieur à 35 000. Une autre partie de ses activités de banque aux particuliers concerne les produits d'épargne et les crédits hypothécaires (moins de 130 000 clients). Les activités des deux entreprises concernées se recoupent essentiellement dans ces derniers secteurs. La partie notifiante estime qu'il n'y a pas de marché affecté par la présente opération au sens du formulaire CO (c'est à dire avec des parts de marché combinées dépassant 15 % du total national), et cette conclusion n'est pas remise en cause par les informations en possession de la Commission.

Compte tenu de ce qui précède, la Commission considère que l'opération ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun ou l'Accord EEE.

IV.RESTRICTIONS ACCESSOIRES

La partie notifiante a soumis à la Commission trois restrictions incluses dans la convention de cession d'actions signée avec Parisbas International, et qu'elle considère comme directement liées et nécessaires à la réalisation de l'opération.

La première restriction (article 13 de la convention de cession d'actions) concerne une obligation de non-concurrence imposée au vendeur qui, sous réserve de certaines opérations de banque commerciale, ne pourra exercer d'activités sur le territoire belge pendant une période de trois ans. Cette disposition contractuelle apparaît nécessaire pour garantir à l'acheteur la pleine reprise de la valeur des actifs qui lui sont cédés. La Commission conclut qu'en conséquence cette clause peut être considérée comme une restriction accessoire à l'opération de concentration.

La deuxième restriction (article 14 de la convention de cession d'actions) concerne une obligation de non recrutement du personnel cadre, qui s'impose à la fois au vendeur et à l'acheteur, et dont la durée sera de quatre ans. En d'autres termes, le groupe Paribas, d'un côté, Bacob et la société dont le contrôle sera acquis Paribas Belgique, de l'autre, s'interdisent de recruter ou de faire recruter, durant quatre années, tout membre du personnel cadre, soit provenant de Bacob et de Paribas Belgique pour le groupe Paribas, soit provenant du groupe Paribas pour Bacob et de Paribas Belgique.La réciprocité de cette clause s'explique, selon la partie notifiante, notamment par le fait que Paribas continuera d'exercer certaines activités de banque commerciale en Belgique.

Il est possible d'admettre qu'en vue de garantir à l'acquéreur la pleine jouissance des actifs cédés, il soit contractuellement prévu que le vendeur ne puisse pas, durant une période limitée, recruter le personnel cadre de l'entreprise dont le contrôle est acquis pour des raisons tenant entre autres à la protection du savoir faire ou de la connaissance de la clientèle. Au cas d'espèce, la portée de la clause de non recrutement dépasse cet objectif puisque celle-ci impose à l'acheteur et à sa future filiale de ne pas recruter du personnel du groupe Paribas, ce qui vise à protéger ce dernier sans lien direct avec l'objet principal de l'opération. Par conséquent, la Commission conclut que la clause en question ne peut pas être considérée comme une restriction accessoire à l'opération de concentration.

La dernière restriction soumise à l'appréciation de la Commission (article 10 et article 15 de la convention de cession d'actions) concerne en fait un ensemble de clauses dites d'accompagnement du transfert de Paribas Belgique à Bacob.

Ces clauses portent essentiellement, soit sur le maintien par Paribas Belgique de sa dénomination sociale actuelle, ainsi que du logo Paribas pendant une période n'excédant pas le 31.03.1998, soit sur des services d'assistance ou de support spécifiques (études, recherches ou informations) que le groupe Paribas fournira à Paribas Belgique, en contrepartie de rémunérations, pendant une période maximale de trois ans (clauses 15.1, 15.4 et 15.5), soit sur la distribution ou la gestion de produits financiers spécifiques pour lesquels Paribas Belgique sera mandaté par le groupe Paribas, pour une période maximale de deux ans (clauses 15.2 et 15.3). Il est également prévu que la transmission d'informations respectera le principe de confidentialité et de secret bancaire (clause 15.6).

Pour autant que l'ensemble des clauses mentionnées au paragraphe précédent peuvent être considérées comme des restrictions de concurrence venant limiter la liberté d'action sur le marché des entreprises parties à l'opération, elles visent à garantir la continuité des activités de Paribas Belgique tout en assurant dans un délai raisonnable le transfert des activités et de la clientèle de l'entreprise acquise vers le groupe Bacob. Par conséquent, ces dispositions apparaissent nécessaires et directement liées à la présente opération et sont considérées comme des restrictions accessoires au projet de concentration.

V.CONCLUSION

Il résulte de l'analyse de la Commission que le projet de concentration ne conduira pas à la création ou au renforcement d'une position dominante ayant pour conséquence une entrave significative à la concurrence effective sur le Marché commun ou une partie substantielle de celui-ci. En conséquence, la Commission conclut que l'opération notifiée est compatible avec le Marché commun et le fonctionnement de l'Accord EEE. La présente décision est adoptée en application de l'article 6 paragraphe 1 lettre b du règlement du Conseil n° 404-89.