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Décisions

CCE, 19 juin 2002, n° M.2624

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

BP/Erdölchemie

CCE n° M.2624

19 juin 2002

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, vu le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), tel que modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1310-97 (2), et notamment son article 14, paragraphe 1, point b), après avoir donné aux entreprises intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, vu l'avis rendu par le comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises (3), vu le rapport final du conseiller-auditeur dans la présente affaire (4), considérant ce qui suit:

I. Les parties et l'opération

(1) Le 23 février 2001, Deutsche BP AG ("Deutsche BP") a notifié à la Commission, conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 4064-89 ("le règlement sur les concentrations"), un projet de concentration dans l'industrie chimique (affaire COMP/M.2345 - BP/Erdölchemie), par lequel elle se proposait d'acquérir, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), dudit règlement, le contrôle exclusif de l'entreprise Erdölchemie GmbH ("EC")(5).

(2) Deutsche BP est une filiale allemande de BP plc ("BP"), la société holding d'un groupe multinational pétrolier, pétrochimique et de prospection pétrolière. EC vend des produits chimiques, qu'elle produit dans des installations de production situées à Cologne en Allemagne. Elle a été constituée initialement sous la forme d'une entreprise commune, contrôlée conjointement par Bayer AG et BP, par l'intermédiaire de Deutsche BP. L'opération consistait par conséquent à passer d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif.

II. Procédure

(3) L'un des produits chimiques dont le marché serait, d'après la notification, affecté du fait de l'existence de chevauchements horizontaux entre les activités des parties est l'acrylonitrile ("ACN"). La notification a été déclarée incomplète le 21 mars 2001, en raison du caractère insuffisant des informations relatives à la concession de licences de technologie pour l'ACN, au catalyseur de ce produit, ainsi qu'à la situation de l'offre et de la demande et aux échanges commerciaux sur le marché en cause à l'échelle mondiale. Le 22 mars 2001, la notification a été déclarée complète, après que les parties eurent fourni des informations complémentaires, conformément aux sections 4, 7 et 8 du formulaire CO, sur la technologie et le catalyseur de l'ACN, ainsi que les renseignements demandés au sujet du marché de celui-ci. Le 26 avril 2001, la Commission a déclaré la concentration compatible avec le Marché commun et le fonctionnement de l'accord EEE en application de l'article 6, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations (6).

(4) Il s'est avéré que la notification de Deutsche BP comportait des indications dénaturées et inexactes pour ce qui est de trois aspects liés à l'ACN, à savoir: i) les accords conclus par BP avec des concurrents sur le marché de l'ACN [...]*(7); (ii) les activités de BP dans le domaine de la concession de licences de technologie pour l'ACN, et iii) les activités de BP relatives au catalyseur de ce produit. Dans sa communication des griefs du 23 novembre 2001, la Commission a indiqué à titre préliminaire que Deutsche BP avait, par négligence, donné des indications inexactes et dénaturées dans le cadre d'une notification présentée en application de l'article 4 du règlement sur les concentrations, et qu'il convenait de lui infliger une amende conformément à l'article 14, paragraphe 1, point b), et à l'article 14, paragraphe 3, dudit règlement. Deutsche BP a fait part de ses observations au sujet de cette communication des griefs le 7 mars 2002.

III. Faits pertinents

1. Indications sur les accords de coopération conclus par BP avec des concurrents [...]*

a) Informations figurant dans la notification

(5) Dans sa rubrique "Accords de coopération", le formulaire CO, qui précise les informations à fournir dans le cadre de la notification d'une opération de concentration conformément à l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 447-98 de la Commission du 1er mars 1998 relatif aux notifications, aux délais et aux auditions prévus par le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (8), pose, au point 8.11, la question suivante: "Dans quelle mesure existe-t-il des accords de coopération (horizontaux ou verticaux) sur les marchés affectés?" Dans leur notification (page 51), les parties donnent la réponse suivante pour l'ACN:

"Les parties n'ont pas connaissance d'accords de coopération importants relatifs à l'acrylonitrile dans l'EEE. Toutefois, au niveau horizontal, différents producteurs procèdent parfois à des échanges sur le plan géographique, de façon à réduire les coûts de distribution [Erdölchemie, par exemple, échange actuellement quelque [...] kt (kilotonnes) d'acrylonitrile par an avec BP dans l'EEE]. Les seuls accords verticaux significatifs sont les accords sur le propylène passés avec des contreparties captives et l'intégration en aval soulignée au point 7.8 ci-dessus."

(6) Au point 8.12 du formulaire CO, il est demandé de "donner des précisions sur les accords de coopération les plus importants conclus par les parties à la concentration sur les marchés affectés, tels que les accords de recherche et de développement, les accords de licence, de fabrication en commun, de spécialisation, de distribution, d'approvisionnement à long terme et d'échange d'informations." Dans leur notification, les parties ont répondu, concernant l'ACN (page 52):

"Sans objet"

(7) Les parties n'ont fourni aucune indication dans les autres sections du formulaire CO quant à des accords de coopération conclus avec des concurrents en ce qui concerne l'ACN. À la section 6, il est indiqué, à propos du marché géographique en cause (page 19), que "les parties considèrent qu'il convient de définir le marché géographique en cause de l'acrylonitrile comme étant de dimension mondiale ...".

b) Résultat de l'enquête

(8) En réponse à la question générale posée dans une lettre adressée au titre de l'article 11 du règlement sur les concentrations à propos de "l'incidence de l'opération sur le marché", un concurrent a informé la Commission que BP et Sterling Chemicals Inc. ("Sterling"), un autre grand producteur américain (les installations de production d'ACN de BP sont situées aux États-Unis d'Amérique), possédaient une entreprise commune, dénommée Anexco, en vue de l'exportation d'ACN. Le 8 mars (à 17 h 49), la Commission a envoyé à ce sujet un courrier électronique aux juristes représentant BP et Deutsche BP ("les juristes de BP"), déclarant ce qui suit: "Nous croyons comprendre que BP possède, en partenariat avec Sterling, un autre grand producteur américain, une entreprise commune (Anexco) en vue de l'exportation d'acrylonitrile. À notre connaissance, le formulaire CO n'en fait pas état. Veuillez nous communiquer tous les renseignements utiles concernant cette entreprise, la position de Sterling sur le marché, ainsi que tout autre élément susceptible d'orienter l'appréciation de la Commission quant aux conséquences de la concentration."

(9) Les juristes de BP ont confirmé l'existence de cette entreprise commune avec Sterling par télécopie du 12 mars 2001, indiquant qu'Anexco vendait l'ACN produit par BP et Sterling dans des régions situées en dehors de l'Amérique du Nord et de l'Europe et qu'elle n'exerçait par conséquent aucune activité en Europe. Ils indiquaient également que BP avait aussi conclu un accord de distribution non exclusif avec Sterling, l'autorisant à vendre jusqu'à [...] kt par an d'ACN à l'Europe et à la Turquie. Ils précisaient en outre que ce fait avait été porté précédemment à l'attention de la Commission, les accords avec Sterling ayant été notifiés à la Commission en avril 1998, en application des dispositions relatives aux ententes, conformément au formulaire A/B (affaire IV/E-2/37.035-BP-Sterling). Le 1er juin 1999, la Commission a délivré une lettre standard de classement administratif (attestation négative).

(10) Lors d'une téléconférence du 15 mars, la Commission a demandé aux juristes de BP de lui fournir des informations sur d'éventuels liens avec d'autres fournisseurs [...]*. Dans leur réponse écrite du 16 mars, les juristes de BP ont indiqué (page 6) que cette dernière:

"n'a conclu aucun accord d'entreprise commune et/ou de distribution, en dehors des liens avec Sterling mentionnés dans la télécopie du 12 mars, avec [quelque autre producteur que ce soit]*. [...] BP a toutefois [conclu un accord avec un autre producteur qui affecte les exportations vers l'Europe]."

(11) Le 19 mars, la Commission a demandé un complément d'information, par téléphone et par courrier électronique (envoyé à 16 h 56), au sujet des quantités concernées et de la durée de l'accord conclu avec [...]. Dans leur réponse du 19 mars, les juristes de BP ont indiqué que [précisions sur l'accord limitant la capacité des producteurs d'exporter de l'ACN vers l'Europe en toute indépendance].

(12) En vertu de cet [accord, ...]*.

(13) Le fait que des producteurs [...]* puissent livrer de l'ACN en Europe constituait un élément important aux fins de l'appréciation de la position concurrentielle de BP sur le marché de l'ACN. Les États-Unis sont les premiers exportateurs d'ACN, en raison d'une production largement excédentaire par rapport à la demande nationale. Tout l'ACN vendu par BP en Europe provient de ses installations de production situées aux États-Unis. [Sterling est, avec une part de marché proche de 20 %, l'un des principaux vendeurs d'ACN aux États-Unis après BP, qui occupe la première place avec une part de 35 %. Elle est donc susceptible de se positionner en tant que concurrent potentiel important de BP pour ce qui est des ventes d'ACN en Europe. L'accord limite considérablement la possibilité pour Sterling de concurrencer activement BP sur le marché européen. La totalité de la production de Sterling vendue en Europe occidentale l'a été dans le cadre de l'accord, ce qui signifie qu'elle a été commercialisée par BP, à l'exception de quelques volumes marginaux inférieurs à 5 kt, que Sterling a vendus directement]*. L'[accord conclu avec ...]* permet à BP d'exercer un large contrôle sur les exportations de [...]* vers l'Europe. [...]*

(14) En conclusion, BP a conclu deux [accords]* de coopération importants pour l'ACN avec [des producteurs d'ACN]*, [accords]* qui n'ont pas été mentionnés dans le formulaire CO.

2. Indications sur les activités de BP dans le domaine de la concession de licences de technologie pour l'ACN

a) Informations fournies dans la notification

(15) Au point 6.1 du formulaire CO, il est demandé aux parties de délimiter chacun des marchés affectés. Les sections 7 et 8 les invitent à fournir des renseignements circonstanciés sur ces marchés. Au point 6 III b), les marchés affectés verticalement sont définis comme étant des marchés de produits en cause sur lesquels "une ou plusieurs parties à la concentration exercent des activités sur un marché de produits situé en amont ou en aval par rapport à un marché de produits sur lequel une autre partie exerce son activité, lorsque la part de marché de l'une ou de l'ensemble de ces parties est de 25 % ou plus [...]".

(16) Au point 8.9 du formulaire CO, il est demandé aux parties de décrire les divers facteurs qui influencent l'entrée sur le marché. Au point 8.9.d), elles sont invitées à fournir des précisions sur "la mesure dans laquelle chacune des parties à la concentration est donneur ou preneur de licences de brevet, de savoir-faire et d'autres droits sur les marchés en cause."

(17) La position de BP en ce qui concerne la concession de licences de technologie pour la production d'ACN, qu'il convient de considérer comme se situant en amont des activités de production d'ACN, n'est pas expliquée dans la notification, que ce soit en tant que marché affecté ou conformément au point 8.9 ou à un autre point. Dans la description fournie par Deutsche BP en application du point 8.9, la technologie est présentée comme l'un des facteurs influençant l'entrée sur le marché:

"la technologie nécessaire peut facilement être achetée, au moyen d'une licence, auprès de différents producteurs d'ACN (tels que, notamment, Asahi, BP, Solutia, Dupont et divers donneurs de licences chinois). Ces donneurs de licences sont très actifs en ce qui concerne la concession de licences, et la disponibilité de la technologie et les droits de propriété intellectuelle ne limitent pas l'accès au marché de la production d'ACN."

b) Résultat de l'enquête

(18) En réponse à une lettre adressée au titre de l'article 11, un concurrent a informé la Commission que BP était le principal donneur de licences de technologie pour la production d'ACN. Après que cette question eut été examinée avec les juristes de BP lors d'une téléconférence le 13 mars 2001, ceux-ci ont adressé une note à ce sujet le 14 mars 2001, indiquant que:

"sur la totalité de la capacité de production d'ACN installée actuellement, 85 à 90 % de la technologie sous-jacente a été concédée à l'origine sous la forme de licences par BP."

(19) D'autres renseignements communiqués par les juristes de BP, y compris les informations complémentaires fournies conformément aux sections 4, 7 et 8 du formulaire CO concernant la concession de licences de technologie pour l'ACN, de même que l'enquête de la Commission, ont révélé que, jusque 1994, BP détenait une position monopolistique dans le domaine de la concession de licences de technologie pour l'ACN. Après cette date, trois usines de production d'ACN de dimension mondiale ont été construites par Solutia, Tae Kwang et Formosa Plastic. Formosa a obtenu sa licence de technologie auprès de BP. Solutia a mis au point sa propre technologie de production et a configuré ses installations en fonction de celle-ci sans devoir acquérir de licences auprès de tiers. L'usine de Tae Kwang utilise la technologie de Solutia, qui lui a concédé une licence en 1995. [BP n'a pas proposé sa propre technologie à Tae Kwang]*. En outre, une licence concédée précédemment, soit le 10 juin 1987, par BP à Formosa [...]*. BP a également accordé une licence à Sasol, un producteur sud-africain, par laquelle elle se réservait un droit de préemption sur la production de Sasol destinée à l'exportation; de fait, BP a commercialisé les exportations de Sasol à hauteur de [...]* jusqu'à ce que son usine cesse ses activités.

(20) En ce qui concerne les activités de concession de licences des autres entreprises citées par Deutsche BP en tant que donneurs de licences de technologie pour l'ACN, l'enquête a révélé ce qui suit: au moment où celle-ci a été réalisée, Dupont n'accordait pas de licences à des tiers et considérait comme constituant des secrets d'affaires, les informations éventuelles fournies à ce sujet à la Commission en réponse à une lettre adressée au titre de l'article 11. Asahi n'avait jusqu'alors concédé des licences de technologie qu'à ses entreprises communes ou à ses filiales, ainsi qu'à Sinopec (Chine) pour trois petites usines, dont une seule est toujours en activité. En outre, les licences concédées en Chine par Asahi s'inscrivaient dans le cadre d'un accord de coopération conclu avec BP en vue de l'octroi d'une licence commune pour la technologie de l'acrylonitrile dans ce pays. Les termes "donneurs de licences chinois" figurant dans le formulaire CO visent Sinopec, qui vend sa technologie sur son propre site internet mais n'a concédé aucune licence. Sinopec est également partie à une entreprise commune avec BP en vue de l'octroi éventuel d'une licence pour une nouvelle usine en Chine et a acheté à Asahi des licences pour trois petites usines.

(21) La notification ne comportait donc pas les informations pertinentes et ne décrivait pas avec précision la position de BP dans le domaine de la concession de licences de technologie pour l'ACN.

3. Indications sur les activités de BP concernant le catalyseur de l'ACN

(22) Un catalyseur est indispensable pour la fabrication d'ACN, puisqu'il garantit la production de celui-ci à partir des matières premières que sont le propylène et l'ammoniaque. Les catalyseurs sont vendus sur le marché et constituent un marché de produits distinct.

a) Informations fournies dans la notification

(23) Le catalyseur de l'ACN n'a pas été présenté comme un marché affecté (verticalement) au sens du point III b) de la section 6 du formulaire CO. Ce dernier ne fait pas état des activités de BP dans ce domaine. Il n'est question des catalyseurs de l'ACN qu'au point 8.10 (qui traite de l'importance de la recherche et du développement), où il est indiqué que:

"La recherche et le développement ne sont pas cruciaux pour l'entrée sur les marchés de l'acrylonitrile ou la poursuite d'activités sur ceux-ci. Il existe, en particulier, de nombreux fournisseurs de technologies de catalyseurs (par exemple, Nitto, Asahi, Dupont, Solutia, etc.)...".

b) Résultat de l'enquête

(24) Là encore, c'est un concurrent qui a informé la Commission, en réponse à une question générale posée dans une lettre adressée au titre de l'article 11, que BP était l'un des principaux vendeurs de catalyseurs. Après que cette question eut été examinée avec les juristes de BP lors d'une téléconférence du 13 mars 2001, ces derniers ont indiqué dans une note du 14 mars 2001 que:

"[...] en règle générale, le catalyseur destiné aux nouvelles installations de production d'ACN sera acheté initialement auprès du donneur de licence de technologie [...] BP estime qu'à ce jour, [55 à 65] % seulement des différentes installations de production d'ACN dans le monde [...] utilisent toujours ses catalyseurs."

(25) Dans les informations complémentaires relatives au catalyseur de l'ACN qu'elles ont fournies conformément aux sections 4, 7 et 8 du formulaire CO après que la Commission eut déclaré la notification incomplète, les parties indiquent que BP détenait [entre 65 et 75]* % du marché mondial des catalyseurs de l'ACN en 1997, part de marché qu'elles estiment [entre 70 et 80]* % en 2001. Ces chiffres ont été largement confirmés par l'enquête de la Commission. En ce qui concerne les concurrents de BP, l'enquête a révélé ce qui suit: Dupont ne propose pas de catalyseur, mais procède seulement à la régénération de catalyseurs usagés. De l'avis des utilisateurs, un catalyseur régénéré n'offre pas les mêmes possibilités qu'un nouveau. Le catalyseur de Solutia est radioactif et ne fonctionne, selon les acteurs du marché, que sur la base de la technologie de cette entreprise. Asahi n'exerce des activités dans ce domaine que depuis début 2001. Jusqu'au 31 décembre 2000, BP disposait d'un droit d'exclusivité sur les ventes mondiales du catalyseur d'Asahi (sauf pour les preneurs de licences de technologie d'Asahi et les ventes au Japon, à Taiwan, en Corée et en Chine, pour lesquelles elle devait obtenir l'aval d'Asahi). Pendant toute la durée de l'accord, BP avait des droits sur les informations divulguées par Asahi au sujet des catalyseurs, y compris la mise au point de son nouveau catalyseur, qu'elle commercialise à présent séparément. En outre, un accord de coopération unit actuellement BP et Asahi en ce qui concerne les ventes de catalyseurs en Chine. À ce jour, Sinopec n'a vendu son catalyseur qu'en Chine. Le principal concurrent de BP est Mitsubishi (dénommée auparavant Nitto). [...]*. Seuls les catalyseurs de Mitsubishi et d'Asahi sont totalement compatibles avec la technologie de BP, en ce sens qu'ils peuvent être utilisés comme catalyseurs [de substitution/de remplacement]* même si l'usine concernée a été configurée initialement en fonction du catalyseur de BP et a tourné avec celui-ci.

(26) La notification ne comportait donc aucune indication concernant la position de BP sur le marché des catalyseurs et ne décrivait pas correctement la situation prévalant sur celui-ci.

IV. Appréciation à la lumière de l'article 14 du règlement sur les concentrations

(27) En vertu de l'article 14, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes d'un montant de 1 000 à 50 000 euros lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles donnent des indications inexactes ou dénaturées à l'occasion d'une notification présentée en application de l'article 4.

1. Caractère inexact des indications données au sujet des accords de coopération

(28) Le fait que des concurrents puissent exporter leur production est particulièrement important aux fins de l'appréciation, par la Commission, de l'étendue géographique des marchés en cause, ainsi que de l'incidence de l'opération sur la concurrence à l'intérieur du Marché commun. Deutsche BP a indiqué dans le formulaire CO qu'il n'existait pas d'accords de coopération pour l'ACN.Cette information s'est avérée inexacte, puisque BP a conclu des accords, ainsi que cela a été indiqué aux points 8 à 13, avec [...]*, qui ont affecté la capacité de ces derniers d'exporter de l'ACN vers l'Europe et vers d'autres destinations et de lui livrer concurrence sur ces marchés. Deutsche BP ayant argué, en particulier, de ce que le marché géographique en cause de l'ACN était de dimension mondiale, les accords passés dans le monde entier [...]* auraient dû figurer dans la notification. Il y a par conséquent lieu de conclure que les indications données dans le formulaire CO au sujet des accords de coopération relatifs à l'ACN sont inexactes.

2. Caractère inexact ou, à tout le moins, dénaturé des indications données au sujet de la concession de licences pour l'ACN

(29) Le contrôle éventuel des marchés en amont, tels que le marché de la technologie de production de l'ACN, constitue un aspect important aux fins de l'appréciation de la position d'une partie sur un marché en cause. La position de force détenue par BP en ce qui concerne la concession de licences pour l'ACN n'était nullement mentionnée dans le formulaire CO. Les parties ont omis de présenter l'octroi de licences de technologie pour l'ACN comme constituant un marché affecté verticalement, ainsi que de fournir les renseignements requis dans le formulaire CO. Les (quelques) informations communiquées à ce sujet ont donné une image déformée de la vérité: en effet, elles laissaient penser que BP détenait moins de 25 % du marché et se trouvait confrontée à plusieurs autres concurrents bien établis et particulièrement actifs (BP parle au point 8.9 de "donneurs de licences très actifs en ce qui concerne la concession de licences"). Ces indications se sont avérées inexactes ou, à tout le moins, dénaturées. BP occupait et occupe toujours la première place mondiale sur le marché de la concession de licences pour l'ACN. Dupont n'exerçait aucune activité dans ce domaine. Deutsche BP prétend avoir eu de bonnes raisons de croire que Dupont accordait fréquemment des licences, l'un de ses dirigeants ayant en effet annoncé, dans un article paru dans une publication sectorielle (le Chemicals Week) en juin 1998, qu'elle allait octroyer des licences pour 25 de ses spécialités chimiques. Cet article ne permet pas de tirer des conclusions quant à l'importance réelle des activités de Dupont en matière de concession de licences pour l'ACN à l'époque de la notification. Un article publié deux ans et demi avant celle-ci, dans lequel il n'était question que des ambitions et des plans d'exploitation d'une entreprise, ne permet pas d'étayer la déclaration figurant dans la notification selon laquelle il était déjà possible d'acquérir la technologie auprès de Dupont. De plus, il n'existait pas "divers donneurs de licences chinois", comme indiqué dans la notification, mais un seul donneur théorique (Sinopec), qui, à l'époque, n'avait concédé aucune licence. Le fait qu'il n'ait pas été indiqué qu'Asahi limite ses activités à ses propres entreprises et à la Chine et qu'elle a conclu un accord de coopération avec BP pour la Chine doit être considéré comme étant pour le moins mensonger, puisque cela donne l'impression qu'Asahi exerce ses activités sans aucune restriction géographique et qu'elle est complètement indépendante de BP. Il y a par conséquent lieu de conclure que les informations fournies dans le formulaire CO concernant la technologie de l'ACN sont inexactes ou, à tout le moins, dénaturées.

3. Caractère inexact ou, à tout le moins, dénaturé, des indications données au sujet du catalyseur de l'ACN

(30) Le marché des catalyseurs doit être considéré comme se situant en amont des activités de production d'ACN de BP, ce qui est important aux fins de l'appréciation de la position de celle-ci sur ce dernier marché. La notification ne signalait pas que BP exerce des activités ayant trait au catalyseur de l'ACN. Ici encore, les parties ont omis de délimiter un marché affecté verticalement. Les informations succinctes fournies au sujet du catalyseur de l'ACN donnaient l'impression que BP n'était pas présente sur le marché des catalyseurs et qu'il existait sur celui-ci plusieurs autres concurrents bien établis et indépendants. Ces indications se sont avérées inexactes ou, à tout le moins, dénaturées. BP occupait et occupe toujours la première place mondiale sur le marché des catalyseurs de l'ACN, dont elle détient 70 %. Dupont n'était pas présente sur le marché des nouveaux catalyseurs. En ne mentionnant pas les liens qu'elle a entretenus et qu'elle entretient toujours avec Asahi, Deutsche BP a dissimulé des informations importantes aux fins de l'appréciation des possibilités qu'avait Asahi de se positionner en tant que concurrent vis-à-vis d'elle. Le même constat vaut pour les liens qui l'unissent à Mitsubishi. En conclusion, il y a lieu de considérer les indications données dans la notification concernant le catalyseur de l'ACN comme étant inexactes ou, à tout le moins, dénaturées.

4. Négligence

(31) Dans sa réponse à la communication des griefs envoyée par la Commission, Deutsche BP indique que la non-communication des informations pertinentes ne relève pas de la négligence, ou que, si négligence il y a, celle-ci est très limitée. Deutsche BP explique les omissions dans la notification de la manière suivante: elles résultent essentiellement de problèmes de communication et de coordination internes et sont liées à la participation de plusieurs personnes provenant de différents départements de BP ou extérieures à la préparation et à l'élaboration de la notification. La division centrale qui a commencé à rédiger la notification a demandé les informations nécessaires conformément au formulaire CO aux départements concernés, qui se trouvent aux États-Unis, sans, apparemment, leur préciser la portée des différents termes techniques et notions utilisés dans ledit formulaire, ni la pertinence de certaines relations commerciales en vue d'une appréciation de la concurrence à la lumière du règlement sur les concentrations.

(32) Les accords passés avec le producteur américain Sterling et [...]* n'ont donc pas été mentionnés, selon Deutsche BP, pour la raison suivante: les parties ayant eu l'intention, initialement, de proposer que le marché de l'ACN soit défini comme étant de dimension européenne, les relations avec les producteurs [...]* [dans d'autres zones géographiques]* n'étaient pas considérées comme pertinentes. Lorsqu'il a été décidé de définir le marché comme étant de dimension mondiale, la section du formulaire CO traitant des accords n'a pas été revue en conséquence.

(33) En ce qui concerne la technologie et le catalyseur de l'ACN, Deutsche BP prétend que les experts qui ont élaboré le formulaire CO n'ont pas considéré ces activités comme se situant "en amont ou en aval" au sens dudit formulaire. Les spécialistes interprètent souvent ces termes comme se rapportant à des matières premières (telles que le propylène et l'ammoniaque dans le cas de l'ACN), plutôt qu'à la technologie. Selon Deutsche BP, ce malentendu initial n'a été découvert à aucun moment durant l'élaboration de la notification.

(34) Deutsche BP estime enfin que la méthode qu'elle a appliquée [consistant à collecter des informations en envoyant en temps utile le libellé exact des sections concernées du formulaire CO aux départements respectifs, en désignant un spécialiste extérieur à titre de conseiller et en mettant tout en œuvre afin d'appliquer le code de bonne pratique du ECLF/de la Commission (9)] était raisonnable et aurait normalement dû suffire à prévenir tout problème dans le cadre de la préparation de la notification. Deutsche BP considère donc que le caractère incomplet de la notification est imputable, non à une mauvaise organisation, mais à un concours exceptionnel de circonstances malheureuses dans un cas isolé.

(35) Rien ne permet de penser que Deutsche BP a agi de propos délibéré. La Commission estime cependant que la fourniture d'indications inexactes et dénaturées relève de la négligence. S'agissant des accords de coopération, les questions posées dans le formulaire CO sont claires et précises. Deutsche BP aurait dû être consciente de ce que ces accords étaient importants pour l'appréciation de la position des parties et de l'indépendance de leurs concurrents. La disponibilité d'importations et la possibilité, pour des concurrents extérieurs, de commercialiser leur production en Europe en toute indépendance sont importantes aux fins de cette appréciation, ce qui aurait dû être évident pour Deutsche BP. La pertinence des informations manquantes n'est pas liée à la définition du marché géographique finalement retenue. Les questions posées à la section 8 du formulaire CO ne comportent aucune restriction de nature géographique, et les réponses devraient porter sur le monde entier, en particulier si les parties définissent le marché comme étant de dimension mondiale. Les liens existant entre les concurrents constituent un aspect clé de l'analyse de la concurrence, à l'échelle tant européenne que mondiale. En conséquence, l'argument de Deutsche BP selon lequel l'omission provient de ce qu'il a été décidé, en cours d'élaboration de la notification, de définir le marché de l'ACN comme étant de dimension mondiale plutôt qu'européenne sans que, d'une manière tout à fait fortuite, la section 8 du formulaire CO soit adaptée en conséquence, ne permet pas de conclure qu'il n'y a pas eu négligence.

(36) Le fait que l'accord conclu avec Sterling ait été notifié à la Commission précédemment en application de l'article 81 du traité sur la base du formulaire A/B vient étayer la conclusion de la Commission selon laquelle Deutsche BP n'avait pas l'intention de dissimuler des informations. Toutefois, il n'établit pas l'absence de négligence. Le formulaire CO invite les parties à fournir des informations complètes et circonstanciées, y compris tous les aspects pertinents aux fins de l'appréciation de l'opération de concentration. Le fait que certaines informations pourraient avoir été portées à l'attention de la Commission dans le cadre d'une autre procédure ou à une autre occasion ne limite pas l'obligation qu'ont les parties de répondre à la totalité des questions posées dans le formulaire CO. De plus, la notification des parties ne fait pas référence à la procédure antérieure.

(37) S'agissant de la technologie et du catalyseur de l'ACN, le point III b) de la section 6 du formulaire CO définit clairement ce qu'il convient d'entendre par "marchés affectés verticalement". L'argument des parties selon lequel les départements concernés n'ont pas considéré la concession de licences de technologie et le catalyseur comme constituant un "marché de produits" au sens de la section 6 dudit formulaire, mais n'ont tenu compte que des produits chimiques situés en amont ou en aval de l'ACN, n'a qu'une importance limitée et ne démontre pas l'absence de négligence. Il est constant dans la jurisprudence de la Commission que la concession de licences de technologie peut constituer un marché de produits distinct. Dans l'affaire Dow Chemical/Union Carbide (10), en particulier, la Commission a longuement examiné le marché de la concession de licences de technologie pour le polyéthylène. BP a participé activement à l'enquête menée par la Commission dans le cadre de cette affaire. Bien que celle-ci concernât un produit différent (le polyéthylène), rien ne permettait de penser que l'approche retenue pour la concession de licences de technologie devait se limiter à ce produit spécifique et n'était pas applicable à d'autres produits chimiques.

(38) Cet argument est encore moins valable pour ce qui est du catalyseur de l'ACN, étant donné que celui-ci est un produit chimique distinct, nécessaire, en tant qu'additif, au procédé de fabrication de l'ACN. Le fait que Deutsche BP ait été consciente de l'importance de la concession de licences de technologie et du catalyseur aux fins de l'appréciation de la concurrence est également démontré par l'indication en ce sens, quoique inexacte ou, à tout le moins, mensongère, figurant dans le formulaire CO sous les rubriques "entrée sur le marché" et "recherche et développement". De plus, il est impossible que Deutsche BP n'ait pas eu connaissance de la position particulièrement forte que BP détenait sur ces deux marchés. Enfin, il convient d'indiquer que Deutsche BP fait partie d'une multinationale ayant à son actif de nombreuses notifications à la Commission, y compris dans le secteur chimique, et qu'elle dispose par conséquent d'une longue expérience en ce qui concerne les procédures de contrôle des opérations de concentration et l'interprétation du formulaire CO.

(39) Enfin, la Commission ne peut accepter l'argument de Deutsche BP selon lequel il n'y a pas eu de négligence compte tenu de la méthode appropriée mise en œuvre en vue de la préparation des notifications, ainsi que du caractère malencontreux et exceptionnel de la présente affaire. La Commission reconnaît que jusqu'ici, les membres du groupe BP ont notifié leurs opérations de concentration d'une manière satisfaisante. Toutefois, la présente affaire a montré que la procédure suivie par BP et Deutsche BP en l'espèce, différente selon ces dernières de celle qu'elles utilisent généralement pour la notification d'opérations de concentration, n'a pas abouti à une notification complète et satisfaisante. Il est crucial, pour la procédure de contrôle des opérations de concentration mise en œuvre par la Commission, que le formulaire CO soit complet et comporte des indications circonstanciées, en raison, notamment, des délais légaux très courts auxquels la Commission est soumise, ce dont les parties notifiantes doivent être conscientes. Les dispositions internes prises par la partie notifiante en vue de l'élaboration du formulaire CO doivent refléter le fait qu'il est particulièrement important que la notification soit complète. En conséquence, la partie doit accorder le plus grand soin à l'organisation de ses procédures internes, de manière à ce que les obligations et exigences légales prévues par le règlement sur les concentrations soient communiquées à l'ensemble des départements concernés et que toutes les informations pertinentes soient identifiées et reportées dans le formulaire CO. Le fait que, en l'espèce, des informations aient été passées sous silence concernant trois aspects différents a montré que les méthodes appliquées par BP et Deutsche BP comportaient des lacunes, qui ont débouché sur la présentation d'un formulaire CO incomplet.

(40) Ces omissions sont plus que des erreurs mineures qu'il pourrait être impossible d'éviter compte tenu de la complexité des grandes entreprises multinationales. L'explication avancée par Deutsche BP ne démontre pas non plus l'existence de circonstances exceptionnelles empêchant, malgré tous les efforts raisonnablement déployés, la communication des informations manquantes. Trois aspects distincts, qui tous sont d'un intérêt et d'une importance évidents pour l'appréciation de la concurrence, n'ont pas été traités comme il se doit dans le formulaire CO. Cela se traduit également par le fait que les éléments manquants ont été portés immédiatement à la connaissance de la Commission par des tiers, et ce dès les premiers stades de l'enquête.

(41) En ce qui concerne le degré de négligence, il convient toutefois de tenir compte du fait que l'ACN n'était pas l'unique produit visé en l'espèce. La Commission constate que l'opération en cause a eu des répercussions sur un très grand nombre de produits chimiques différents, dont l'ACN, qui auraient dû être examinées dans la notification.

(42) À la lumière des considérations qui précèdent, il convient de conclure que Deutsche BP s'est montrée négligente en donnant des indications inexactes et dénaturées et que le degré de négligence est considérable.

5. Nature et gravité de l'infraction

(43) En vertu de l'article 14, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations, la Commission doit, pour déterminer le montant de l'amende, prendre en considération la nature et la gravité de l'infraction.

a) Nature de l'infraction

(44) Deutsche BP a commis une infraction en omettant, par négligence, de signaler des accords de coopération importants [conclus avec Sterling et ...]* et de décrire la technologie et les catalyseurs de l'ACN comme constituant des marchés affectés, ainsi qu'en fournissant des indications mensongères sur la situation concurrentielle des marchés de la technologie et des catalyseurs, de même que sur la position que BP détient sur ces marchés.

b) Gravité de l'infraction

1. Arguments de Deutsche BP

(45) Selon Deutsche BP, doivent être considérés comme circonstances atténuantes les éléments suivants: en premier lieu, elle n'avait nullement l'intention d'induire la Commission en erreur, et elle ne lui a, à aucun moment, dissimulé intentionnellement des informations. L'omission résulterait de plus d'un malheureux concours de circonstances, plutôt que d'une négligence de sa part.

(46) Deutsche BP souligne ensuite l'impact concurrentiel limité des informations manquantes. Selon elle, aucune de ces informations, une fois examinées attentivement par la Commission, ne s'est avérée suffisamment importante pour donner lieu à une sanction. À cet égard, Deutsche BP renvoie aux affaires précédentes dans lesquelles une amende a été infligée par la Commission en raison du caractère incomplet d'une notification. Deutsche BP considère que, dans toutes ces affaires, soit les informations ont été dissimulées de propos délibéré, soit il existait un lien important entre les informations non communiquées et la décision quant au fond, en ce sens qu'une sanction était requise ou que les inquiétudes de la Commission quant à la concurrence étaient fondées sur les informations en question.

(47) Enfin, Deutsche BP ne conteste pas le caractère incomplet du formulaire CO tel qu'elle l'a présenté. Elle signale en outre qu'elle s'est immédiatement déclarée prête à collaborer pleinement avec la Commission, dès lors que celle-ci lui a signalé qu'il manquait des informations. En ce qui concerne les indications fournies au sujet de [l'autre accord]* et la manière dont la lumière a été faite sur ce point, Deutsche BP insiste à nouveau sur l'impact limité de [cet accord]* pour ce qui est de l'appréciation de la concurrence.

2. Appréciation

(48) La Commission considère que l'infraction est particulièrement grave. La notification constitue le fondement et le point de départ de son enquête sur toute opération de concentration. Elle détermine dans une large mesure son approche à l'égard de l'affaire en cause, ainsi que les aspects et points clés de son enquête. Des indications inexactes et dénaturées sont susceptibles de l'empêcher de procéder à l'examen ou à l'analyse d'aspects importants pertinents aux fins de l'appréciation de l'opération sur le plan de la concurrence et de déboucher sur une décision finale fondée sur des informations incorrectes. Lorsqu'elle examine des opérations de concentration, la Commission est soumise à des délais extrêmement serrés. Dans ce cadre, il est essentiel pour ses travaux qu'elle puisse axer son enquête sur les aspects pertinents dès le début de la procédure, en s'appuyant sur une série d'informations circonstanciées et exactes fournies dans la notification.

(49) La notification présentée en l'espèce était incorrecte et mensongère en ce qui concerne trois aspects différents. Deux de ces aspects n'ont pas été portés du tout à l'attention de Commission: en effet, la notification ne mentionnait pas l'existence d'accords de coopération et n'indiquait pas que BP exerçait des activités relatives au catalyseur de l'ACN. Les infractions portent sur trois éléments importants pour l'appréciation de l'affaire, qui auraient pu, de prime abord, poser de graves problèmes de concurrence. Les indications inexactes et dénaturées reportées sur le formulaire CO au sujet du marché de l'ACN ont faussé et tronqué la première enquête de la Commission, qui n'a pu tenir compte de ces aspects importants. Elle n'a eu connaissance des informations en question, dont elle n'aurait pu tenir compte autrement, que par le biais de renseignements fournis spontanément par des tiers dans le cadre de son enquête. Après avoir déclaré la notification incomplète, la Commission a dû relancer une vaste enquête afin de vérifier et d'apprécier les éléments neufs dévoilés ultérieurement par Deutsche BP et d'autres acteurs du marché.

(50) En ce qui concerne l'argumentation de Deutsche BP, la Commission considère ce qui suit: l'absence de propos délibéré et le degré de négligence ont déjà été traités dans la section correspondante ci-dessus, dont il convient de tenir compte pour le calcul du montant de l'amende. La Commission convient de ce que Deutsche BP n'a pas agi de propos délibéré, mais considère qu'elle s'est montrée particulièrement négligente.

(51) Le fait que les informations manquantes n'étaient pas de nature à nourrir des préoccupations sur le plan de la concurrence nécessitant l'adoption de mesures ne saurait être considéré comme constituant une circonstance atténuante. Les exigences posées dans le formulaire CO en ce qui concerne les indications à fournir, que l'article 14, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations vise à protéger et à mettre en œuvre, n'établissent pas de distinction en fonction de l'issue probable de l'analyse de la concurrence. Seul compte en l'espèce le fait que les informations manquantes étaient importantes pour le bon déroulement de l'enquête et pour une appréciation correcte de la position concurrentielle de BP sur le marché de l'ACN. Il convient de rappeler que deux marchés clairement affectés n'ont, notamment, pas été identifiés. Le fait que, à l'issue de l'évaluation de la Commission, et compte tenu des informations initialement manquantes, l'opération n'ait pas suscité d'inquiétudes sur le plan de la concurrence, ne diminue en rien la gravité de l'omission. Celle-ci est fonction de la pertinence des informations pour l'enquête et pour l'appréciation, non du résultat final de cette dernière.

(52) En conséquence, la référence à l'absence de préoccupations formulées pour ce qui est de la concurrence dans la décision finale de la Commission ne saurait être prise en compte en ce qui concerne la manière dont les indications sur [l'autre accord] ont été fournies.

(53) Ainsi qu'il a été expliqué aux considérants 8 à 11, même après que la Commission eut, pour la première fois, discuté avec Deutsche BP de l'accord conclu avec Sterling, Deutsche BP n'a pas signalé immédiatement l'existence [de l'autre accord]*. Et même après que la Commission lui eut demandé un complément d'information concernant [...]*, Deutsche BP n'a pas fourni sur-le-champ des renseignements circonstanciés au sujet de [cet autre accord]*. Une autre demande d'informations complémentaires a été nécessaire afin de découvrir [toute l'étendue du contenu restrictif de celui-ci]*. Étant donné que les informations complètes n'ont été fournies qu'après plusieurs demandes en ce sens au terme d'une période totale de onze jours (soit du 8 au 19 mars), rien ne permet de considérer la volonté de collaboration manifestée par Deutsche BP comme constituant une circonstance atténuante.

(54) Le fait que Deutsche BP n'a pas contesté les faits mis à jour par la Commission et a admis que les informations pertinentes auraient dû figurer dans le formulaire CO doit être considéré comme constituant une circonstance atténuante.

6. Montant de l'amende

(55) En conséquence, compte tenu des circonstances de la présente affaire, la Commission estime qu'il convient d'infliger à Deutsche BP une amende de 35000 euros, conformément à l'article 14, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations. En cas de paiement tardif, des intérêts seront dus au taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses principales opérations de refinancement le premier jour du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, soit, pour le mois de juin, un taux de 3,5 %, tel qu'il a été publié au Journal officiel des Communautés européennes C 132 du 4 juin 2002, majoré de 3,5 points de pourcentage.

A arrêté la présente décision:

Article premier

Une amende de 35 000 euros est infligée à Deutsche BP AG, conformément à l'article 14, paragraphe 1, point b), du règlement (CEE) n° 4064-89, pour avoir donné des indications inexactes et dénaturées à l'occasion d'une notification présentée à la Commission en application dudit règlement le 23 février 2001.

Article 2

L'amende visée à l'article 1er est payable, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, au compte bancaire suivant de la Commission européenne:

Compte n° 642-0029000-95

Commission européenne Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (BBVA)

Code Swift: BBVABEBB - Code IBAN: BE 76 6420 0290 0095

Avenue des Arts 43 B - 1040 Bruxelles.

À l'expiration du délai précité, des intérêts seront automatiquement dus au taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses principales opérations de refinancement le premier jour du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, majoré de 3,5 points de pourcentage, soit un taux de 6,75 %.

Article 3

Deutsche BP AG Max-Born-Straße, 2 D - 22761 Hambourg est destinataire de la présente décision.

(1) JO L 395 du 30.12.1989, p.1. Rectificatif au JO L 257 du 21.9.1990, p. 13.

(2) JO L 180 du 9.7.1997, p. 1.

(3) JO C 79 du 30.3.2004.

(4) JO C 79 du 30.3.2004.

(5) JO C 71 du 3.3.2001, p. 22.

(6) JO C 174 du 19.6.2001, p. 5.

(7) Des parties de ce texte ont été omises afin de garantir qu'aucune information confidentielle ne soit communiquée. Ces parties sont indiquées par des points de suspension entre crochets, suivis d'un astérisque.

(8) JO L 61 du 2.3.1998, p. 1.

(9) http://europa.eu.int/comm/ competition/mergers/others/ best_practice_gl.html

(10) Décision 2001-684-CE de la Commission dans l'affaire COMP/M.1671 (JO L 245 du 14.9.2001, p.1, points 74 à 95).