CA Paris, 5e ch. B, 5 décembre 2002, n° 2000-00659
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Syndicat des détaillants spécialistes du disque
Défendeur :
Carrefour France (SA), Emi Music France (SA), Sony Music Entertainment (SA), ministre de l'Economie des Finances et de l'Industrie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Main
Président de chambre :
M. Carre-Pierrat
Conseiller :
M. Faucher
Avoués :
SCP Roblin-Chaix de Lavarene, SCP Gaultier-Kistner-Gaultier, SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau, SCP Fanet-Serra
Avocats :
Mes Fourgoux, De Lamotte, Bretzner, Basnier
La cour est saisie de l'appel interjeté par le Syndicat des détaillants spécialistes du disque (SDSD) du jugement contradictoirement rendu le 16 septembre 1999 par le Tribunal de commerce d'Evry qui, dans le litige l'opposant, en présence du ministre chargé de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, à la société Carrefour France et aux sociétés Emi Music France et Sony Music Entertainment, l'a déclaré irrecevable en ses demandes pour défaut de capacité pour agir et l'a condamné aux dépens.
Dans ses dernières conclusions du 3 septembre 2002 l'appelant, au visa des articles 1382 du Code civil, L. 412-6, L. 441-6, L. 442-2 du nouveau Code de commerce, sollicite l'infirmation du jugement et prie la cour :
- de déclarer recevable son action et son recours,
- de juger que les offres faites par la société Carrefour France pour les enregistrements sonores des albums Supertramp et Michael Jackson sont "déloyales, restrictives de concurrence, anticoncurrentielles et illicites", engendrant dès lors la responsabilité in solidum des intimées,
- de condamner solidairement les sociétés Carrefour France, Emi Music et Sony Music Entertainment à lui payer 76 224 euros, soit 500 000 F, à titre de dommages-intérêts,
- d'ordonner, sous astreinte, la cessation des pratiques tarifaires déloyales, abusives et illicites,
- d'ordonner la publicité de l'arrêt à intervenir dans LSA, Libération et Le Monde de la musique aux frais des intimées dans la limite de 3 100 euros par insertion,
- de condamner les sociétés Carrefour France, Emi Music et Sony Music Entertainment à lui payer 7 622 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ses ultimes écritures du 25 avril 2002 la société Carrefour France conclut:
- au visa des articles 117 et 901 du nouveau Code de procédure civile, à la nullité de l'appel du SDSD pour défaut de mention de l'organisme le représentant légalement,
- au visa de l'article 31 du nouveau Code de procédure civile et des statuts du SDSD, à la confirmation du jugement déféré,
- subsidiairement au débouté de l'appelant et,
- en tout état de cause, à sa condamnation au paiement d'une indemnité de 8 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
Dans ses dernières conclusions du 11 juin 2001 la société Emi Music sollicite :
- à titre principal la confirmation du jugement déféré,
- à titre subsidiaire le rejet des demandes de l'appelant et du ministre chargé de l'Economie, des Finances et de l'Industrie,
- en tout état de cause la condamnation de l'appelant à lui payer 50 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ses uniques écritures du 16 octobre 2000 la société Sony Music Entertainment prie la cour:
- à titre principal de déclarer irrecevable et mal fondé le SDSD en ses demandes,
- à titre subsidiaire de confirmer le jugement déféré, de dire que ses pratiques ne sont ni déloyales, ni restrictives de concurrence, ni anticoncurrentielles, ni illicites.
Elle conclut en conséquence à sa mise hors de cause et à la condamnation de l'appelant à lui payer 50 000 F au titre de ses frais irrépétibles.
Dans ses conclusions d'intervention le ministre chargé de l'Economie, des Finances et de l'Industrie demande à la cour :
- de juger que les conditions résultant de l'accord conclu entre les sociétés Emi Music France et Carrefour France sont discriminatoires au regard des dispositions de l'article L. 442-6 du nouveau Code de commerce,
- d'accueillir l'action en réparation du SDSD et
- de condamner les société Emi Music France et Carrefour à lui payer 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce:
Considérant qu'il résulte de ses statuts que le Syndicat des détaillants spécialistes du disque (SDSD), qui a pour objet "de procéder à l'étude et à la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux de la profession de détaillants spécialistes du disque et de resserrer les liens qui unissent tous les disquaires sur le territoire national" (article 2), "est administré par un conseil syndical élu par l'assemblée générale et composé de 5 membres" (article 9);
Que ce conseil, dont les "décisions ne sont valables qu'à l'unanimité" (article 12) et qui "a pour mission de veiller aux intérêts matériels et moraux du syndicat", "décide des actions en justice à entreprendre" et "désigne le membre du syndicat chargé de les représenter en justice" (article 13);
Considérant que pour justifier de son droit d'agir en justice le SDSD verse aux débats la copie d'un "PV de la réunion du 9 juillet 1997" qui, certifiée conforme à l'original, mentionne : "A l'unanimité le SDSD décide d'engager une action ci Carrefour/EMI et Sony et charge le président de représenter le SDSD";
Considérant que ce "procès-verbal", établi sur papier à en-tête du SDSD et du "bureau du président", fait état de la présence de 7 membres sans toutefois indiquer l'organe dont il émane et qui ne peut être, au regard de ce qui précède (7 membres au lieu de 5), le conseil syndical, lequel a seul qualité pour décider "des actions en justice à entreprendre" et dont le procès-verbal de l'élection par l'assemblée générale n'est pas communiqué;
Qu'en outre, comme l'observe la société Emi Music dans ses écritures, le président auquel se réfère le procès-verbal précité, a été élu, tout comme le bureau et le trésorier, par une assemblée générale extraordinaire du 6 janvier 1997 et non, conformément aux dispositions statutaires (article 11), au sein du conseil syndical lui-même; Que de la sorte c'est à bon droit que les juges consulaires ont en l'espèce déclaré irrecevable l'action du SDSD qui, au demeurant, ne s'explique pas sur les anomalies ci-dessus relevées ;
Que cette irrecevabilité entraîne, par voie de conséquence, celle de l'intervention du ministre chargé de l'Economie, des Finances et de l'Industrie;
Considérant que, parties perdantes, le SDSD et le ministre chargé de l'Economie, des Finances et de l'Industrie ne peuvent obtenir d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des intimées le montant de leurs frais irrépétibles;
Par ces motifs : Confirme le jugement déféré, déboute les parties de leurs demandes formées au titre de leurs frais irrépétibles et condamne le SDSD aux dépens de première instance et d'appel; admet les SCP Gaultier & Kistner, Gibou-Pignot & Grappotte-Benetreau, Fanet, Serra & Ghidini, avoués, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.