CA Paris, 3e ch. A, 4 décembre 2001, n° 1999-13881
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Verandaliance (SARL), Conrad
Défendeur :
Sodifra (SARL), Prisme (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Perie
Conseillers :
Mmes Deurbergue, Feydeau
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Dauthy-Naboudet.
Vu l'appel interjeté par la société Verandaliance (anciennement Les Constructions de la Brie) et M. Conrad d'un jugement du Tribunal de commerce de Meaux du 27 avril 1999 qui les a condamnés solidairement pour des faits de concurrence déloyale à payer à la société Prisme 507 000 F au titre de la perte de marge brute, 42 271,40 F pour frais de recrutement et aux société Prisme et Sodifra 15 000 F par application de l'article 700 du NCPC et a rejeté les autres demandes;
Vu les conclusions de la société Verandaliance, du 1er octobre 2001, priant la cour d'infirmer le jugement sur les condamnations prononcées, de débouter les sociétés Prisme et Sodifra de leurs demandes et de les condamner à lui payer 100 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive et 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC;
Vu les conclusions de M. Conrad, du 1er octobre 2001, tendant à l'infirmation du jugement et à la condamnation des sociétés Prisme et Sodifra à lui payer 20 000F de dommages-intérêts pour procédure abusive et 20 000 F par application de l'article 700 du NCPC;
Vu les conclusions du 18 juillet 2000 des sociétés Prisme et Sodifra qui demandent à la cour de confirmer le jugement sauf à condamner la société Verandaliance et M. Conrad, solidairement, à payer à la société Prisme 162 500 F, montant des frais engagés pour reconstituer sa force de vente, et à la société Sodifra 250 000 F de dommages-intérêts pour préjudice matériel et moral, de faire injonction à la société Verandaliance de cesser, sous astreinte, d'utiliser les moyens techniques et commerciaux qu'elle s'est injustement appropriés, d'ordonner la publication de l'arrêt dans un journal d'annonces légales et de condamner enfin les appelants de leur payer à chacune 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC;
Sur quoi,
Considérant que la société Sodifra et sa filiale, la société Prisme, fabriquent et commercialisent des stores, des vérandas et des fermetures;
Que M. Conrad, qui occupait des fonctions de directeur régional de la société Sodifra, a été licencié le 28 février 1996 ;
Qu'il a alors créé sa propre entreprise, dans le même département, la société Verandaliance pour une activité identique;
Que les sociétés Sodifra et Prisme leur reprochent des faits de concurrence déloyale;
Considérant qu'il n'est pas sérieusement contesté que M. Conrad, ancien salarié de la société Prisme, tenu par une clause de non-concurrence, ne peut être attrait à ce titre que devant le conseil des prud'hommes d'ailleurs saisi ;
Qu'il s'ensuit que M. Conrad, à titre personnel, doit être mis hors de cause;qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 100 du NCPC, la responsabilité de M. Conrad étant ici recherchée en sa seule qualité de dirigeant de la société Verandaliance;
Qu'il est sans intérêt de se prononcer sur le moyen soulevé par M. Conrad tiré de l'incompétence, pour ce qui le concerne, du tribunal de commerce au profit du tribunal de grande instance, la cour étant juridiction commune d'appel et étant saisie par l'effet dévolutif;
Considérant, au fond, que les sociétés Sodifra et Prisme reprochent à la société Verandaliance d'avoir embauché des salariés liés à elles par une clause de non-concurrence, ce qui aurait eu pour effet de désorganiser son réseau commercial, d'avoir détourné sa clientèle et d'avoir utilisé abusivement son savoir-faire;
Que le tribunal a relevé que le départ de M. Conrad, au mois de mars 1996, a été suivi de celui de 5 salariés de la société Prisme qui, dès le mois d'avril 1996, ont été embauchés par la société Les Constructions de la Brie devenue Verandaliance qui venait d'être créée par M. Conrad et a tiré de la concordance entre le départ de celui-ci et de ces salariés et d'une attestation de Mlle Bodson qu'il les avait débauchés; que le tribunal a également retenu que la société Verandaliance avait détourné la clientèle et le savoir-faire de la société Prisme;
Considérant, toutefois, que la société Verandaliance et M. Conrad font valoir, sans être sérieusement contredits, que l'un des 5 salariés concernés, Mlle Leroy avait été licenciée par la société Prisme et que deux autres étaient en période d'essai et n'avaient pas souhaité rester;
Que l'attestation de Mlle Bodson dont excipent les sociétés Prisme et Sodifra est insuffisante pour établir que ces salariés auraient fait l'objet d'une incitation à quitter leur employeur de la part de la société Verandaliance ou de M. Conrad;
Que, de même, la circonstance que leur départ et celui de M. Conrad soient concomitants est inopérante pour caractériser le débauchage reproché, alors surtout que les appelants produisent une attestation de M. Lochon, de la société Prisme, d'où il ressort que les société Prisme et Sodifra assuraient une rotation rapide du personnel commercial;
Que, par ailleurs, les sociétés Prisme et Sodifra ne démontrent pas en quoi elles posséderaient, via la marque AREA, un savoir-faire spécifique, notamment, lié à des méthodes particulières de fabrication, de vente et de gestion;
Qu'à cet égard les procès-verbaux d'huissier de justice mis en avant par les sociétés Prisme et Sodifra n'apportent aucun élément sérieux de preuve;
Qu'enfin le prétendu détournement de clientèle n'est pas démontré, la société Verandaliance justifiant d'ailleurs qu'elle fait appel à des sociétés spécialisées dans la vente de listings de clients potentiels, observation étant au surplus faite qu'il s'agit pour l'essentiel d'une clientèle de particuliers dont les commandes sont ponctuelles;
Qu'enfin les préjudices allégués ne sont nullement établis, le rapport spécial de la gérance sur l'activité de la société Prisme pendant l'exercice clos au 31 décembre 1996 relevant que le CA était conforme aux prévisions et en nette amélioration par rapport à l'exercice précédent;
Qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement et de débouter les sociétés Prisme et Sodifra de leurs demandes;
Considérant qu'il n'est pas établi que ces sociétés aient agi par malice, intention de nuire ou erreur équipollente au dol; que les demandes de dommages-intérêts de la société Verandaliance et de M. Conrad doivent être rejetées;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire droit aux demandes au titre de l'article 700 du NCPC;
Par ces motifs : Met hors de cause M. Conrad à titre personnel; Infirme le jugement sur les condamnations prononcées; Statuant à nouveau: Déboute les sociétés Prisme et Sodifra de toutes leurs demandes ; Rejette les demandes de dommages-intérêts de M. Conrad et de la société Verandaliance; Rejette les demandes au titre de l'article 700 du NCPC; Condamne les sociétés Prisme et Sodifra aux dépens de première instance et d'appel; Admet les avoués au bénéfice de l'article 699 du NCPC.