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Décisions

CA Paris, 3e ch. B, 8 mars 2002, n° 1999-00456

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bernard Molia (SA), Molia

Défendeur :

Fiat Auto France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thevenot

Conseillers :

MM. Monin-Hersant, Pimoulle

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Bernabe-Chardin-Cheviller

Avocats :

Mes Bourgeaon, Lagrange

T. com. Paris, 1re ch., du 16 nov. 1998

16 novembre 1998

LA COUR,

Vu l'appel interjeté par la société Bernard Molia et M. Bernard Molia du jugement du Tribunal de commerce de Paris (1re chambre, n° de RG : 98-38165), rendu le 16 novembre 1998, qui les a déboutés de toutes leurs demandes et condamnés à payer à la société Fiat Auto France 10 000 F par application de l'article 700 NCPC,

Vu les dernières conclusions signifiées le 7 décembre 2001 par les appelants qui demandent à la cour de réformer le jugement et de condamner la société Fiat Auto France à payer, outre 50 000 F (7 622,45 euros) par application de l'article 700 NCPC, à titre de dommages et intérêts, à la société Bernard Molia, les sommes de 100 000 F (15 244,9 euros), 1 500 000 F (228 673,52 euros), 1 470 000 F (224 100,05 euros), 248 426,18 F (37 872,33 euros) avec intérêts au taux contractuel à compter du 1er janvier 1996 et 201 091,45 F (30 656,19 euros) avec intérêts au taux contractuel à compter du 1er janvier 1998, à M. Molia, 1 000 000 F (152 449,01 euros) et 1 500 000 F (228 673,52 euros),

Vu les dernières conclusions signifiées le 20 décembre 2001 par la société Fiat Auto (France) SA, intimée, qui demande à la cour de dire irrecevable la demande nouvelle de dommages et intérêts formée par la société Bernard Molia à hauteur de 1 400 000 F (213 428,62 euros) au titre des coûts de restructuration, de confirmer le jugement pour le surplus, de débouter les appelants de toutes leurs demandes et de les condamner solidairement et, a défaut in solidum à lui payer 7 622,45 euros par application de l'article 700 NCPC,

Sur quoi,

Considérant que les conclusions signifiées le 16 janvier 2002 par les appelants, postérieurement à l'ordonnance de clôture du 10 janvier 2002, seront rejetées des débats;

Considérant qu'il est constant que la société Bernard Molia (la société), dont M. Bernard Molia était le président du conseil d'administration, et la société Fiat Auto France ont, le 26 novembre 1996, signé deux contrats de concession (véhicules particuliers et véhicules utilitaires); que Fiat a résilié les contrats par lettre recommandée AR du 4 août 1997 à effet du 4 août 1999; que, par exploit du 5 mai 1998, la société et M. Molia ont assigné Fiat afin que soit jugée abusive la résiliation des contrats de concession et que la défenderesse soit condamnée à leur payer des dommages et intérêts; que c'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement déféré qui a débouté les demandeurs de leurs prétentions;

Considérant que les premiers juges ont estimé que Fiat était "restée dans son droit" puisqu'elle avait respecté le préavis contractuel de deux ans et n'ont pas suivi l'argumentation de la société et de M. Molia qui exposaient dans quelles conditions, celui-ci, concessionnaire Fiat à Orthez avait repris la société Debibie, concessionnaire Fiat à Dax, poursuivi d'abord le contrat de concession de cette société, fait un apport immédiat de 1 MF doublé d'une caution bancaire de 1,1 MF, accepté de ne pas être rémunéré et vainement recherché, avec des investissements conséquents, un terrain pour y construire un nouveau garage, condition initiale de Fiat qui, dans le même temps, contrecarrait ses projets d'acquisition, réduisait son crédit-fournisseur et, en définitive, restructurait son réseau à son insu;

Considérant que les appelants, qui ne contestent pas à Fiat son droit contractuel d'avoir mis fin aux deux contrats de concession, soutiennent à juste titre et à bon droit que l'intimée a manqué à son obligation de loyauté et a abusé de son droit de résiliation;

Considérant en effet que Fiat, le 26 septembre 1994, a conditionné son accord pour la poursuite à Dax, par M. Molia, du contrat de concession consenti à la société Debibie: acquisition de cette société avec un apport d'un million de francs, fourniture d'une caution bancaire de 1,1 MF, présentation et acquisition d'un nouveau terrain avant le 31 décembre 1995, construction d'un nouveau garage conforme aux concessions Fiat avant le 30 juin 1996;

Considérant que la reprise de la société Debibibe s'est faite, nonobstant une situation financière qui la conduisait au dépôt de bilan (pertes de 580 000 F); que M. Molia, le 5 décembre 1994, a signé une convention de blocage de son compte courant à hauteur de 500 000 F et fourni la caution de 1,1 MF de la Banque Pouyenne; que la société a redressé la situation, le bilan clos le 31 décembre 1995 révélant un bénéfice de 483 429 F;

Considérant qu'il est justifié des multiples recherches entreprises pour trouver un terrain à Dax ou à proximité de la ville; que Fiat, si elle a pu refuser un terrain au motif que le prix excédait le plafond fixé, a fait échouer l'acquisition d'un second terrain au cours du dernier trimestre 1995 parce que son architecte ne s'est jamais déplacé, même si c'est un changement de municipalité qui n'a pas permis, en définitive, au projet de voir le jour; que Molia ne s'est pas pour autant découragé puisque deux nouveaux terrains ont été trouvés, le premier à Saint Paul les Dax, pour lequel un compromis de vente a été signé le 17 juin 1997, le second à Narosse, pour lequel une option a été prise; que ces deux terrains ont été visités par deux collaborateurs de Fiat le 30 juillet 1997; que M. Molia, qui avait été convoqué à la direction parisienne de Fiat deux jours auparavant, a été avisé, le 2 août 1997, que les deux terrains étaient "nuls";

Considérant que la lettre de résiliation de Fiat est datée 4 août 1997; qu'il est remarquable que le concédant, qui invoquait l'article 6.1 des contrats de concession, ait cru utile, dans ce courrier, de revenir sur la question relative aux deux terrains qui lui avaient été présentés et qui n'avaient pas reçu son accord;

Considérant en toute hypothèse que les appelants rapportent la preuve, par un document interne de Fiat versé aux débats, que celle-ci avait déjà décidé de transformer son dispositif national de vente et d'implantation de son réseau de concessionnaires;qu'une macrozone regroupant Pau, Orthez, Dax, Anglet et Mont-de-Marsan, était ainsi à l'étude;qu'un rendez-vous avait été pris le 2 juin 1996 avec M. Ripert, candidat repreneur pour Dax, Anglet et Mont-de-Marsan;qu'il n'est pas contesté que M. Ripert est le dirigeant de la société Sodex, laquelle, par l'intermédiaire de la société SCV Auto deviendra le concessionnaire Fiat à Dax, comme le confirme une lettre de l'intimée datée 6 avril 1998, alors que la période de préavis de la société n'était pas encore terminée;

Considérant que les faits qui viennent d'être rappelés suffisent à démontrer le bien fondé des prétentions des appelants;

Considérant, s'agissant du préjudice, que les appelants ont cru utile d'en faire une ventilation; que la société Molia excipe ainsi des frais de recherches d'un terrain (100 000 F), du coût de liquidation dont ceux des licenciements (1 470 000 F), de la perte de sa marge brute pendant la période de préavis (1,5 MF) et du non-paiement des primes "MOS" en 1995 et 1997 (449 517,63 F); que M. Molia excipe, pour sa part, pour sa part de ses apports personnels (500 000 F) et de l'absence de sa rémunération (1 MF);

Considérant que Fiat, dont les arguments relatifs à la réalité du préjudice subi par les appelants sont inopérants, ne peut reprocher à ceux-ci d'avoir complété leur demande de dommages et intérêts;

Considérant que M. Molia pour sa part, est recevable à exciper d'un préjudice distinct de celui de la société Molia;

Considérant que la cour relève, d'une part, que les prétentions chiffrées des appelants diffèrent entre les motifs et le dispositif de leurs conclusions, d'autre part, que les prétentions relatives aux primes "MOS" sont incompréhensibles;

Considérant, en toute hypothèse, que la Cour trouve suffisamment d'éléments dans la cause pour condamner Fiat à payer, toutes causes de préjudices confondus à l'exception de celui relatif aux primes "MOS", écarté, 300 000 euros à la société Molia et 76 000 euros à M. Molia;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser aux appelants l'intégralité de leurs frais exclus des dépens; que Fiat sera condamnée à leur payer 7 000 euros par application de l'article 700 NCPC;

Par ces motifs, Rejette des débats les conclusions signifiées le 16 janvier 2002 par la société Bernard Molia et M. Molia; Reforme le jugement déféré; Condamne la société Fiat Auto France à payer, à titre de dommages et intérêts, 300 000 euros à la société Molia et 76 000 euros à M. Molia; La condamne à leur payer 7 000 euros par application de l'article 700 NCPC; La condamne aux dépens de première instance et d'appel et Admet, pour ceux d'appel, la SCP Fisselier Chiloux Boulay, avoué, au bénéfice de l'article 699 NCPC; Déboute les parties de leurs demandes contraires à la motivation.