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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 12 septembre 2002, n° 2000-01445

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Centre Bureautique 49 (SA)

Défendeur :

Xerox - The document compagny (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Main

Conseillers :

Mme Pezard, M. Faucher

Avoués :

SCP Bourdais-Virenque, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Buffet, Leloup.

T. com. Paris, 20e ch., du 12 nov. 1999

12 novembre 1999

LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société Centre Bureautique 49 (CB 49) contre le jugement rendu le 12 novembre 1999 par le Tribunal de commerce de Paris, qui l'a déboutée de toutes ses demandes contre la société Rank Xerox, devenue Xerox - The document company (société Xerox) et a mis les dépens à sa charge, rejetant la demande de la société Rank Xerox fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le litige porte sur les conséquences de la résiliation, imputée à faute à Xerox par CB 49, qui demande réparation du préjudice qu'elle lui a causé, du contrat de concession conclu entre les parties le 1er décembre 1996 pour 5 ans sur un territoire situé autour de Cholet et Saumur, auquel la société Xerox a mis fin par anticipation le 19 mars 1999 avec effet au 31 décembre 1999.

Aux termes de ses dernières écritures, signifiées le 12 avril 2002, l'appelante soutient pour l'essentiel :

- que la durée, exceptionnelle à l'époque, du contrat de concession était étroitement liée à la cession par Xerox des actions de la société CB 49 qu'elle détenait à la société MGH, société holding créée à cet effet par Monsieur Guihard, ancien salarié de Xerox, la signature d'un contrat de 5 ans constituant une garantie nécessaire pour la banque assurant le financement de l'acquisition, de sorte qu'en résiliant par anticipation le contrat de concession, Xerox a détruit de manière arbitraire l'équilibre des conventions "bilatérales" interdépendantes conclues en 1996,

- que la société Xerox a fixé arbitrairement le "poids de zone" applicable à CB 49 et lui a ainsi assigné des objectifs irréalisables en progression excessive au regard de la réalité économique, sans que CB 49 ait pu dans les faits s'y opposer eu égard aux pressions exercées et à son manque d'autonomie à l'égard de la société Xerox, laquelle ne peut dès lors se prévaloir du défaut de réalisation de l'objectif pour justifier la résiliation,

- que le contrat antérieur à celui de 1996 n'avait pas été dénoncé bien que le taux de réalisation de l'objectif eût été inférieur, certaines années, à ce qu'il a été pendant la période litigieuse, cependant que le "poids de zone" a été brutalement augmenté après le cession des actions à Monsieur Guihard (société MGH), ce qui démontre que Xerox a seulement cherché à céder ses titres au meilleur prix en faisant miroiter un contrat de 5 ans pour, de manière déloyale, le rompre ensuite prématurément,

- que la société CB 49 était bien placée dans différents classements du réseau Xerox et avait la capacité financière de surmonter ses difficultés de 1998 et de réaliser en 1999 des objectifs commerciaux raisonnables, ce que savait Xerox, qui, loin de lui apporter l'aide et l'assistance dues par le concédant, a décidé de la sacrifier en invoquant un prétexte fallacieux, décision s'inscrivant dans une stratégie de réorganisation du réseau impliquant la réduction du nombre des concessionnaires,

- que la société Xerox a en outre tout mis en œuvre, y compris des moyens déloyaux, pour déstabiliser la société CB 45, liée par la clause de non-concurrence, et la contraindre à cesser son activité.

La société CB 49 demande en conséquence à la cour, par voie dinfirmation du jugement critiqué, de condamner la société Xerox à lui payer à titre de dommages-intérêts, avec les intérêts au taux légal, les sommes de :

- 1 219 592,21 euros (8 000 000 F) au titre de la marge brute perdue pour les deux années restant à courir au jour de la rupture,

- 213 428,62 euros (1 400 000 F) au titre de la perte de ristournes pendant deux ans,

- 365 877,64 euros (2 400 000 F) au titre de la perte du fonds de commerce, vidé de toute substance par la résiliation de la concession,

- 177 056,39 euros (1 161 413,80 F) au titre de la déperdition des stocks, que CB 49 n'a pu écouler et que Xerox a refusé de reprendre,

- 76 224,51 euros (500 000 F) au titre du préjudice moral et de préjudices divers (investissements de formation et dépenses publicitaires réalisées en pure perte).

L'appelante réclame en outre 15 244,90 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ses dernières écritures, signifiées le 3 avril 2002, la société Xerox-The Document Company, intimée, conclut à la confirmation du jugement attaqué et demande en outre à la cour, invoquant le non-respect par CB 49 de la clause de non-concurrence insérée au contrat et le fait que cette société s'est prévalue indûment jusqu'en octobre 2000 de la qualité de concessionnaire de Xerox, de condamner la société CB 49 à lui payer 15 245 euros à titre de dommages-intérêts. Elle réclame encore 15 245 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Cela étant exposé.

Considérant qu'il résulte des pièces produites que, pour faire suite à deux précédents contrats de concession, conclus pour 3 ans chacun, en décembre 1989 et en décembre 1992, ce dernier prorogé pour un an par un avenant du 1er décembre 1995, les parties ont conclu le 1er décembre 1996, pour une durée de 5 ans, un nouveau contrat de concession exclusive de la distribution de certains produits Rank Xerox, désignés à l'annexe 2, sur un territoire défini à l'annexe 1 et situé dans le département du Maine et Loire.

Que, selon l'article 4.1, le concessionnaire, CB 49, s'engageait à réaliser au minimum l'objectif révisé annuellement, tel que déterminé conformément à l'article 19 et fixé pour le premier exercice par l'annexe 9, le défaut de réalisation de cet objectif justifiant la résiliation de plein droit du contrat par le concédant, sans indemnité et moyennant un préavis d'un mois, selon les conditions prévues à l'article 9.

Que, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 mars 1999, la société Xerox a notifié à sa cocontractante qu'elle résiliait le contrat avec effet au 31 décembre 1999 en raison de l'insuffisance persistante de ses performances commerciales, en recul depuis 1996, l'objectif pour 1998 n'ayant été atteint que dans la proportion de 64 %.

Considérant en premier lieu que, ni la société MGH ni son dirigeant Marcel Guihard n'étant parties à la présente instance, pas plus qu'au contrat de concession, la société CB 49 ne peut se substituer à eux pour invoquer le préjudice que leur aurait causé la rupture anticipée du contrat de concession en ce qu'elle les aurait brutalement privés du moyen de rembourser l'emprunt contracté pour l'acquisition des actions de CB 49 détenues par Xerox, le financement ayant été établi en tenant compte de la durée de 5 ans acceptée par Xerox pour le contrat de concession.

Qu'en toute hypothèse force est de constater qu'il ne résulte d'aucun élément que la société Xerox aurait entendu, contrairement à ce qui résulte des clauses claires et explicites ci-dessus rappelées, s'interdire de résilier le contrat de concession en particulier pour défaut de réalisation des objectifs, avant le terme convenu;

Considérant que les objectifs de commercialisation du concessionnaire pour la première année, 1996, ont été définis à l'annexe 9, paraphée par les deux parties ;que les objectifs pour l'année 1998 ont été déterminés dans un avenant du 31 décembre 1997, signé des deux parties ;que la société CB 49 ne démontre pas que son consentement aurait été viciéalors que les modalités de révision du montant de référence visé à l'article 19 du contrat étaient connues d'elle, n'étaient pas nouvelles en 1997/1998 et revêtaient un caractère non arbitraire mais objectif, prenant en compte " l'ensemble des réalisations du réseau de concessionnaires au cours de l'exercice précédent et de l'évolution des prix, des produits et du marché", sans que, par ailleurs, les objectifs assignés à CB 49 au cours des deux années d'exécution du contrat, exprimés en montants d'achat hors taxes de produits Xerox, puissent être regardés comme manifestement déraisonnable, voire irréalisables au regard des possibilités du marché local concernant les produits concernés ;

Que dès lors la société GB 49, qui ne conteste pas le faible taux de réalisation de l'objectif 1998, marquant une tendance qui s'est confirmée en 1999 (46 %), n'est donc pas fondée à imputer à faute au concédant la résiliation notifiée le 19 mars 1999, après plusieurs avertissements, avec un préavis excédant de beaucoup ce à quoi Xerox s'était obligée ;

Considérant que le jugement attaqué sera en conséquence confirmé;

Considérant qu'il résulte du procès-verbal de constat établi le 21 juin 2000 par Noël Agnus, huissier de justice associé, qu'à cette date la société CB 49 apparaissait sur Minitel, par recherche du nom Xerox, sous l'intitulé suivant Xerox Centre Bureautique 49 Concessionnaire" ;

Qu'ainsi la société CB 49 a continué, au moins de cette manière et sur ce support, en dépit de la résiliation intervenue à effet au 31 décembre 1999, à se prévaloir indûment de la qualité de concessionnaire de Xerox, qu'elle n'avait plus, alors qu'elle s'était engagée, aux termes de l'article 10-1 du contrat de concession, dès le jour de la fin de celui-ci pour quelque cause que ce soit, à " cesser de faire état, de quelque manière et sur quelque support que ce soit, de sa qualité de concessionnaire Rank Xerox"... et à "déposer à ses frais... tous documents et matériels publicitaires portant les marques Xerox, Rank Xerox...", alors que CB 49 ne prouve pas l'existence d'un accord de Xerox sur ce point;

Que cette utilisation indue de la marque Xerox et cette usurpation de la qualité de concessionnaire durant 6 mois ont nécessairement causé à la société Xerox un préjudice,limité dans son étendue en l'absence de preuve d'autres manquements aux dispositions invoquées, qui, sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 1 524 euros ;

Considérant que la société appelante, qui succombe, devra supporter les dépens d'appel, ce qui entraîne le rejet de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il est équitable de la condamner à payer à l'intimée 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs, - Confirme le jugement attaqué, Y ajoutant, - Condamne la société Centre Bureautique 49 à payer à la société Xerox - The Document Company 1 525 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, - La déboute de ses demandes, - La condamne aux dépens d'appel et admet la SCP Fisselier Chiloux Boulay, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.