CA Nancy, 1re ch. civ., 3 septembre 2002, n° 97-03130
NANCY
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
3P France (SA)
Défendeur :
VIC (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dory
Conseillers :
Mme Conté, M. Schamber
Avoués :
SCP Cyferman-Chardon, SCP Chardon-Navrez, SCP Merlinge-Bach-Wassermann
Avocats :
Mes Hollier Larousse, Perez.
Exposé du litige:
Par acte d'huissier du 28 novembre 1994, la société VIC a assigné devant le Tribunal de grande instance de Belfort la société "Coleman 3P France" et la société "X. PO Mammouth" aux fins d'obtenir réparation de son préjudice résultant d'actes de contrefaçon et de concurrence déloyale ayant trait à la fabrication, la fourniture et la commercialisation d'un sac amovible, destiné à coopérer avec un conteneur mobile, dénommé "Superbag", et constitutif d'une invention suivant brevet n° 8300533 déposé à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) le 14 janvier 1983 et publié au BOPI le 20 juillet 1984.
Le Tribunal de grande instance de Belfort se déclarait incompétent rationae materiae, renvoyant la procédure devant le Tribunal de grande instance de Nancy, chambre civile.
La société VIC se désistait alors tant de l'action que de l'instance introduite devant le Tribunal de grande instance de Nancy à l'égard de la société X. PO Mammouth.
En définitive elle demandait au Tribunal de grande instance de Nancy:
- de valider la saisie-contrefaçon opérée,
- de condamner la société Coleman 3P France à lui payer 500 000 F de provision en réparation de la contrefaçon et 500 000 F au titre de la concurrence déloyale,
- de désigner, en tant que de besoin, un expert qui aura pour mission de fixer la masse contrefaisante, de déterminer le préjudice réel subi par la société VIC, ordonner la destruction de tous les sacs existants et faire interdiction à la société Coleman 3P France,
- de faire usage du brevet de la société VIC et des sacs qui en constituent la contrefaçon ou l'imitation, à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit, et ce, sous astreinte définitive de 2 000 F par infraction commise à compter de la signification du jugement à intervenir,
- d'ordonner la publication du jugement à intervenir dans sa totalité ou par extrait, dans six journaux ou revues françaises au choix de la société VIC et aux frais des sociétés défenderesses à concurrence de 20 000 F par insertion et ce, au besoin, à titre de dommages et intérêts complémentaires,
- de condamner les sociétés Coleman 3P France et X. PO Mammouth à payer, in solidum, à la société VIC, une somme de 40 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir en toutes ses dispositions, nonobstant tout recours et sans constitution de garantie,
- de condamner, sous la même solidarité, les sociétés défenderesses aux entiers dépens, qui comprendront notamment, les frais de saisie-contrefaçon du brevet, ainsi que les frais d'expertise.
Au soutien de ses prétentions, la société VIC exposait avoir acquis, par contrat de cession sous-seing privé du 4 janvier 1993 inscrit à l'Institut national de la propriété industrielle le 18 mars 1994 sous le n° 045920, les droits de propriété industrielle sur le brevet d'invention précité concernant un sac amovible destiné à recevoir une charge et comportant en combinaison des moyens de préhension et des moyens de fixation à un conteneur mobile respectivement actifs et inactifs selon que le sac coopère ou non avec le conteneur; elle précisait que la saisie-contrefaçon opérée suivant procès-verbal du 17 novembre 1994 sur ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Belfort révélait que la société Coleman 3P France qui exploite le magasin Mammouth de Belfort fabriquait et offrait à la vente des sacs reproduisant les caractéristiques principales du sac "Superbag" définies dans les revendications n° 1 à 11 du brevet. Elle ajoutait que la société Coleman 3P France ne pouvait ignorer l'existence du brevet et son appartenance à la société VIC pour avoir été en pourparlers avec cette dernière et, que celle-ci s'était livrée à de la concurrence déloyale en vendant des sacs à un prix inférieur pour s'implanter sur le marché aux lieu et place de la société VIC.
La société Colman 3P France concluait à la nullité de la saisie-contrefaçon et de l'assignation et à celle du brevet pour défaut de nouveauté, d'activité inventive et défaut de description.
Subsidiairement elle contestait toute contrefaçon et acte de concurrence déloyale, et invoquait des actes de cette nature à l'encontre de la société VIC. Elle sollicitait en conséquence :
- la condamnation de la société VIC à lui verser 500 000 F de dommages et intérêts,
- l'autorisation de faire procéder à la publication du jugement à intervenir dans 5 journaux ou revues de son choix, au frais de la société VIC, dans la limite de 100 000 F hors taxe,
- la condamnation de la société VIC à lui verser la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- l'exécution provisoire,
- la condamnation de la demanderesse principale aux dépens.
Par jugement rendu le 25 septembre 1997, le Tribunal de grande instance de Nancy a:
- donné acte à la société VIC de son désistement d'instance d'action à l'égard de la société X. PO Mammouth,
- déclaré valable la saisie-contrefaçon diligentée le 17 novembre 1994,
- déclaré valable l'assignation délivrée le 28 novembre 1994,
- déclaré valable la revendication n° 1 du brevet d'invention n° 8300563,
- annulé les revendications n° 2 à 11 du brevet d'invention n° 8300563, pour défaut d'activité inventive,
- débouté la société VIC de son action en contrefaçon de brevet,
- condamné la société 3P France à payer à la société VIC la somme de 250 000 F en réparation du préjudice résultant des faits de concurrence déloyale par elle commis,
- condamné la société VIC à payer à la société 3P France la somme de 1 F à titre de dommages et intérêts en réparation des faits de concurrence déloyale par elle commis,
- ordonné la publication du présent jugement par extraits dans 6 journaux ou revues françaises au choix de la société VIC et aux frais de la société 3P France à concurrence de 10 000 F par insertion,
- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire de la présente décision,
- condamné la société 3P France à payer à la société VIC la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- fait masse des dépens et disons qu'ils seront supportés par les trois-quarts par la société 3P France et pour un quart par la société VIC dont distraction au profit de la SCP Tisserand-Michel et de Maître Thiry, avocats aux offres de droit.
Appel de cette décision a été interjeté par la société 3P France suivant déclaration du 12 novembre 1997. Elle demande à la cour de:
Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Nancy le 25 septembre 1997 en ce qu'il a:
- annulé les revendications 2 à 11 du brevet d'invention n° 8300563, pour défaut d'activité inventive,
- débouté la société VIC de son action en contrefaçon de brevet, infirmant le jugement en ses autres dispositions,
- annuler la revendication 1 du brevet n° 8300563, pour défaut de nouveauté et, subsidiairement pour défaut d'activité inventive,
- déclarer la société VIC mal fondée en sa demande en concurrence déloyale, l'en débouter, recevant la société 3P France en sa demande reconventionnelle,
- dire que la présente procédure présente un caractère abusif manifeste,
- dit que la société VIC, en faisant pression auprès de la clientèle de la société 3P France, s'est rendue coupable de dénigrement et de concurrence déloyale au préjudice de cette dernière,
- condamner la société VIC à verser à la société 3P France la somme de 500 000 F à titre de provision à valoir sur le préjudice subi du fait de cette procédure abusive et de ses agissements constitutifs de concurrence déloyale et de dénigrement,
- ordonner une expertise aux fins de déterminer le préjudice définitif subi par la société 3P France du fait de la société VIC,
- autoriser la société 3P France à faire procéder à la publication de l'arrêt à intervenir dans 5 journaux ou revues de son choix, aux frais de la société VIC, le coût global des publications ne pouvant excéder la somme de 100 000 F (HT),
- condamner la société VIC à verser à la société 3P France la somme de 150 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner la société VIC en tous les dépens, de première instance et d'appel dont le montant pourra être recouvré directement par la SCP Chardon et Navrez, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Par conclusions de son mandataire, la société VIC formant appel incident demande à la cour de:
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel de la société 3P France,
- l'en débouter,
- confirmer le jugement entrepris sur le grief de concurrence déloyale retenu à l'encontre de la société Coleman 3P France, et l'infirmer en ce qu'il a annulé les revendications 2 à 12 du brevet d'invention 8300563 et sur le grief de contrefaçon, ce faisant,
- faire droit à l'appel incident de la concluante,
- dire que les revendications 2 à 18 du brevet 8300563 sont valables,
- dire et juger que le brevet 8300563 est valable comme présentant les caractéristiques de nouveauté et d'activité inventive, requises par les dispositions du Code de la propriété intellectuelle,
- faire droit et déclarer bien-fondée l'action de la société VIC en contrefaçon de ce brevet et pour concurrence déloyale,
- condamner la société 3P France à payer à la société VIC, la somme de 500 000 F à titre provisionnel en réparation de la contrefaçon portée au brevet dont elle est titulaire,
- désigner, en tant que de besoin, un expert qui aura pour mission de fixer la masse contrefaisante dans tous les points de vente de la société 3P France, de déterminer le préjudice réel subi par la société VIC et ordonner la destruction de tous les sacs existants,
- faire interdiction à la société 3P France de faire usage du brevet 8300563 sous-astreinte définitive de 2 000 F par infraction commise à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner la société 3P France à payer la somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts provisionnels pour concurrence déloyale,
- débouter la société 3P France de sa demande incidente,
- la condamner à payer à la société VIC, la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,
- la condamner également à payer à la société VIC, la somme de 40 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens, tant de première instance, que d'appel, dont distraction au profit de la SCP Merlinge et Bach-Wassermann, avoués associés à la cour, en application des articles 699 et suivants du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce:
Vu la décision entreprise;
Vu les dernières conclusions déposées par la SCP Cyferman et Chardon, avoués associés à la cour, le 17 mai 2001 et par la SCP Merlinge et Bach-Wassermann, avoués associés à la cour, le 23 mai 2000;
Vu l'ordonnance de clôture du 13 septembre 2001;
I- Sur la contrefaçon :
1) Revendication numéro 1 :
Attendu que la société 3P France conteste la décision des premiers juges qui ont déclaré valable la revendication n° 1 du brevet d'invention n° 8300563, faisant valoir qu'en réalité cette revendication doit être annulée pour défaut de clarté, de nouveauté et d'activité inventive;
Attendu que la revendication n° 1 se trouve ainsi libellée:
1/ sac amovible (1) destiné à recevoir une charge (2), comportant en combinaison des moyens de préhension (4) et des moyens de fixation (5) du sac (1) au conteneur (3) mobile, lesdits moyens de fixation (5) étant actifs quand le sac (1) coopère avec le conteneur (3) et inactifs quand le sac (1) ne coopère pas avec le conteneur et inversement les moyens de préhension (4) étant inactifs quant le sac (1) coopère avec le conteneur (3) et actifs quand le sac (1) ne coopère pas avec le conteneur (3), caractérisé par le fait que les moyens de préhension (4) et les moyens de fixation (5) sont constitués par le même organe de manipulation (6) qui alternativement agit comme moyen de préhension et de fixation.
Attendu que la société 3P France estime que le défaut de clarté se trouve caractérisé par un manque de précision concernant la structure particulière de l'organe de manipulation que le brevet entend protéger et l'appréciation du rôle actif ou inactif de l'organe de manipulation qui doit se faire par rapport à une fonction particulière et non dans l'absolu ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 612-6 du Code de la propriété intellectuelle "les revendications définissent l'objet de la protection demandée. Elles doivent être claires et concises et se fonder sur la description";
Or attendu que la revendication n° 1 a pour but la protection d'un sac amovible ayant vocation à recevoir une charge et à reposer dans un conteneur lequel sac est équipé d'un seul organe destiné à s'en saisir ou à le fixer au conteneur et qui constitue alternativement un moyen de préhension ou de fixation, tel une barre sensiblement parallèle au bord supérieur du conteneur, s'appuyant sur celui-ci comme un moyen de fixation et servant de poignée comme moyen de préhension, ainsi qu'il résulte de la description;
Qu'il apparaît que la revendication n° 1 qui se fonde sur la description est parfaitement claire et concise conformément à l'article L. 612-6 du Code de la propriété intellectuelle;
Attendu que la société 3P France se prévaut du défaut de nouveauté et d'activité inventive en arguant de l'existence du brevet allemand DE-2557976 déposé le 22 décembre 1975 ; qu'elle indique en effet que le tribunal a reconnu que les moyens de préhension et de fixation du sac sont bien constitués dans ce dernier brevet par un même organe de manipulation correspondant aux "barres 24" de l'invention contestée et qu'il en résulte que l'objet de la revendication n° 1 du brevet en litige était déjà divulgué dans le brevet allemand antérieur;
Que la société VIC conteste l'antériorité de toute pièce susceptible de détruire la nouveauté du brevet contesté;
Attendu que l'invention protégée par le brevet allemand n° 2557976 concerne, suivant la description qui en est faite, un chariot de transport d'achats ou de bagages comprenant un cadre de support et un cadre d'appui dont les extrémités inférieures sont munies de galets ou de roues de roulement ainsi qu'un réceptacle ou un sac porté par les cadres; que le chariot est équipé de tubes amovibles adaptables par enfichage aux branches longitudinales des cadres, permettant lorsqu'ils sont introduits dans les passants ou les manchons du sac, soit de fixer le sac au chariot, soit de constituer un organe de préhension du sac indépendant du chariot;
Or attendu que l'invention du brevet n° 8300563 contesté concerne, ainsi qu'il ressort de la description, un sac amovible destiné à être placé dans un chariot de grande surface dont l'organe unique de fixation et de préhension est constitué par une barre indissociablement intégrée au sac et qui s'adapte au conteneur;
Qu'il résulte de ces énonciations, ainsi que l'a considéré le tribunal, une différence fondamentale entre le brevet allemand et le brevet litigieux en ce que les moyens de fixation et de préhension du sac constitués dans les deux brevets par un même organe sont dans le brevet allemand n° 2557976 indépendants du sac réceptacle alors qu'ils sont indissociables du sac amovible dans le brevet contesté n° 8300563 ;
Qu'il ne saurait en conséquence être nié que l'invention n° 8300563 présente un caractère de nouveauté brevetable;
Attendu que la société 3P France conteste également l'activité inventive;
Que suivant la description, la revendication n° 1 caractérise un sac amovible destiné à être alternativement porté et fixé dans un chariot, le moyen unique de préhension et de fixation pouvant être constitué par une barre introduite dans des passants qui sert alternativement de poignée au sac dans sa fonction de préhension et qui prend appui sur le bord supérieur du conteneur dans sa fonction de fixation, ainsi qu'il apparaît sur le dessin correspondant à la figure n° 3;
Que ces éléments constituent un procédé découlant, pour un homme de métier, à l'évidence de l'état de la technique qui intégrait avant le dépôt du brevet litigieux en date du 14 janvier 1983 le brevet allemand 25579976 déposé le 22 décembre 1975 dont la description a été précédemment faite;
Que de même, le résultat recherché qui consiste à placer un sac dans un conteneur mobile - ou chariot de grande surface - pour y recevoir des marchandises achetées par le consommateur et permettre ensuite à ce dernier de les sortir du conteneur et de les transporter dans un sac résistant et réutilisable, sans manipulations excessives, ne révèle pas une activité inventive, l'introduction de son propre sac à provisions par le consommateur dans le chariot, dans le même but, étant un procédé habituel tombé dans le domaine public connu bien avant le dépôt du brevet en 1983;
Que l'objet de la revendication n° 1 ne répondant pas aux exigences des articles L. 610 et L. 614 du Code de la propriété intellectuelle, cette revendication doit être annulée pour défaut d'activité inventive;
Que le jugement sera sur ce point infirmé;
2) Revendication numéro 2:
Attendu que la revendication n° 2 est ainsi libellée : "sac selon la revendication n° 1 caractérisé par le fait que les moyens de préhension et les moyens de fixation sont distincts structurellement";
Que suivant la description, les organes de préhension sont différents des organes constituant les moyens de fixation;
Qu'il ne saurait être soutenu que la revendication n° 2 est entachée d'un défaut de clarté au motif que les moyens de préhension et de fixation seraient à la fois constitués par un même organe selon la revendication n° 1 et par des organes différents selon les précisions contenues dans la revendication critiquée;
Qu'il apparaît en effet que la revendication n° 2 est une variante de la revendication n° 1 en ce que, précisément les organes de fixation et de préhension sont distincts;
Que la revendication n° 2 satisfait donc pleinement aux exigences de l'article L. 612-6 du Code de la propriété intellectuelle;
Attendu que le brevet anglais n° 883470 déposé le 6 mai 1958 décrit un chariot à deux roues destiné à porter un sac amovible à provisions muni de poignées et fixé aux châssis par un système d'attache équipé de deux crochets distincts des poignées;
Que le brevet litigieux décrit un sac amovible destiné à recevoir une charge comportant en combinaison des moyens de préhension et de fixation alternativement actifs et inactifs et constitués par des organes différents;
Que de ces énonciations il s'évince que le procédé, objet de la revendication n° 2 découle pour un homme de métier à l'évidence de l'état de la technique qui intégrait avant le dépôt du brevet litigieux en date du 14 janvier 1983 l'invention du brevet anglais n° 883470 déposé le 6 mai 1958;
Que la revendication n° 2 doit en conséquence être annulée faute d'activité inventive;
3) Revendications numéros 3 et 4:
Attendu que les revendications n° 3 et 4 sont ainsi libellées :
"sac selon l'une quelconque des revendications n° 1 et 2 caractérisé par le fait que son volume V et ses dimensions sont sensiblement égaux respectivement au volume et aux dimensions du conteneur". (Revendication n° 3);
"sac selon l'une quelconque des revendications n° 1 et 2 caractérisé par le fait que son volume V est égal à la moitié du volume V du conteneur mobile, environ". (Revendication n° 4);
Que ces revendications qui ont pour objet de protéger un sac ayant un volume égal à celui du chariot qui va le contenir ou égal à la moitié de celui-ci ne traduisent aucune activité inventive pour l'homme du métier ;
4) Revendications numéros 5, 6 et 7:
Attendu que les revendications n° 5, 6 et 7 sont ainsi libellées:
" sac amovible destiné à recevoir une charge comportant en combinaison des moyens de préhension et des moyens de fixation du sac du conteneur mobile, lesdits moyens de fixation étant actifs quand le sac coopère avec le conteneur et inactifs quand le sac ne coopère pas avec le conteneur et inversement les moyens de préhension étant inactifs quand le sac coopère avec le conteneur et actifs quand le sac ne coopère pas avec le conteneur caractérisé par le fait que les moyens de préhension sont constitués par au moins une poignée constituée par une sangle notamment en matériau souple ". (Revendication n° 5);
"sac selon la revendication n° 5 caractérisé par le fait qu'il comporte au moins une paire de poignées dont les parties extrêmes de la poignée (8) et les parties extrêmes de la poignée (9) sont fixées respectivement aux bords supérieurs de la poignée de deux faces opposées du sac". (Revendication n° 6);
"sac selon la revendication n° 5 caractérisé par le fait qu'il comporte au moins une poignée (14) dont les parties extrêmes (15a, 15b) sont fixées aux bords supérieurs de deux faces opposées du sac (Revendication n° 7);
Attendu que ces revendications caractérisent des moyens de préhension du sac amovible constitutives d'une poignée, ou d'une paire de poignées ou d'une bandoulière (figure 7) équipant de longue date et en tout cas avant le dépôt du brevet litigieux en 1983, bon nombre de sacs destinés au transport de charge et dont l'invention est tombée dans le domaine public;
Qu'ainsi ne caractérisent-elles aucune activité inventive et doivent en conséquence être annulées;
5) Revendications numéros 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14:
Attendu que les revendications n° 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14 sont ainsi libellées:
"sac selon l'une quelconque des revendications n° 5 à 7 caractérisé par le fait que les moyens de fixation (5) sont solidaires avec les deux faces opposées (13a, 13b) du sac et coopèrent avec les deux faces opposées (19a, 19b) du conteneur. (Revendication n° 8);
"sac selon l'une quelconque des revendications n° 5 à 7 caractérisé par le fait que les moyens de fixation (5) sont solidaires d'une seule face (16) du sac et coopèrent avec une seule face (20) du conteneur, laquelle est en regard de la face (16) du sac, notamment la face frontale arrière. (Revendication n° 9);
"sac selon l'une quelconque des revendications n° 5 à 9 caractérisé par le fait que les moyens de fixation (5) sont constitués par un crochet (17) dont la tête (18) s'engrène avec des moyens de saisie (21) disposés sur la face (19a, 19b, 20) du conteneur, ladite face (19a, 19b, 20) étant en regard de la face (13a, 13b, 16) du sac qui porte les moyens de fixation (5)". (Revendication n° 10);
"sac selon la revendication n° 10, caractérisé par le fait que les moyens de saisie (21) sont disposés sur le bord supérieur de la face (19a, 19b, 20) du conteneur". (Revendication n° 11);
"sac selon la revendication n° 11 caractérisé par le fait que les moyens de saisie (21) sont constitués par la barre supérieure longitudinale (22) formant le squelette du conteneur (3)". (Revendication n° 12);
"sac selon l'une quelconque des revendications n° 10 et 11, caractérisé par le fait que les moyens de saisie (21) sont constitués par une rainure formée dans la face (19a, 19b, 20) du conteneur". (Revendication n° 13);
"sac selon la revendication n° 10 caractérisé par le fait que les moyens de saisie (21) sont constitués par deux barres transversales contigus (22a, 22b) formant le squelette du conteneur (3)". (Revendication n° 14);
Que ces revendications caractérisent le moyen de fixer le sac amovible au conteneur, une fois que le sac est déposé à l'intérieur de celui-ci, ce moyen étant constitué par un crochet qui équipe une face ou chacune des deux faces opposées du sac et dont la tête s'engrène sur le côté du conteneur situé en regard de la face du sac équipé du crochet et plus précisément sur l'un des éléments de la structure même du chariot constituant le conteneur;
Qu'un tel procédé faisant appel à la seule utilisation d'un crochet dépourvu de toute caractéristique particulière, selon son mode de fonctionnement normal, connu bien avant le dépôt du brevet litigieux et consistant à l'engrener sur un des éléments de structure du chariot, apparaît comme une technique évidente pour l'homme de métier cherchant à fixer la face d'un sac à la structure d'un chariot à provisions une fois le sac déposé dans le chariot;
Que ces revendications, sont en conséquence dépourvues de toute activité inventive ; que cependant la nullité des revendications n° 12, 13 et 14 n'étant pas sollicitée seule les revendications n° 8, 9, 10 et il peuvent être annulées
6) Revendications numéros 15, 16, 17 et 18:
Attendu que la société VIC oppose à la société 3P France les revendications n° 14 à 18 qui sont ainsi libellées:
"sac selon la revendication n° 5, caractérisé par le fait que l'organe de manipulation (6) est constitué par une barre (24) sensiblement parallèle au bord supérieur (25) de la face (26) du conteneur (3) qui coopère avec les moyens de fixation (5)". (Revendication n° 15);
"sac selon la revendication n° 15, caractérisé par le fait que la barre (24) est supportée par deux filins (27, 28) parallèles entre eux, sensiblement perpendiculaires à la barre (24), passant au travers de deux oeillets (29, 30) réalisés dans la face (16) du sac (1) qui est en regard de la face (26) du conteneur, les deux filins (27, 28) étant réunis par un troisième filin (31), parallèle à la barre (24) et par exemple situé à l'intérieur du sac (3)". (Revendication n° 16);
"sac selon la revendication n° 16, caractérisé par le fait que les filins (27, 28), à leur partie extrême (32, 33) contiguë de la barre (24) comportent une partie courbe ayant pour fonction de supporter la barre (24) dans un plan situé du côté opposé par rapport à la face (16) du sac (1) au plan passant par les trois filins (27, 28, 31)". (Revendication n° 17);
"sac selon la revendication n° 15, caractérisé par le fait que la barre (24) est disposée dans des passants (32, 33) réalisés sur la face (16) du sac (1) et séparés par une ouverture (34) située sous la barre (24)". (Revendication n° 18);
Attendu que suivant la description ces revendications caractérisent un sac dont les moyens de préhension et de fixation au conteneur sont constitués par le même organe de manipulation, à savoir une barre, qui est:
- soit introduite dans des passants du sac, séparés par une ouverture, de telle sorte qu'elle sert alternativement de moyen de préhension lorsqu'elle est saisie et de moyen de fixation lorsqu'elle repose sur le bord supérieur du conteneur, une fois le sac posé dans celui-ci;
- soit équipée de deux filins, qui sont parallèles entre eux, perpendiculaires à la barre, et reliés par un troisième filin, et qui passent dans des oeillets dans la face du sac, de telle sorte que la barre sert alternativement de moyen de préhension lorsqu'elle est tirée vers le haut par l'effet de la saisie et de moyen de fixation lorsqu'elle est repoussée vers le bas et vient se bloquer sur le bord supérieur du conteneur, une fois le sac posé dans celui-ci;
Attendu cependant que tant la description, que les dessins correspondant aux figures 3 et 4 suffisent à démontrer que les caractéristiques de ces revendications ne s'appliquent pas à l'objet de la contrefaçon reprochée à la société 3P France;
Qu'en effet le procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 17 novembre 1994 met en évidence que le "sac cabas" commercialisé par la société 3P France est équipé d'organes de préhension et de fixation distincts, l'organe de préhension étant constitué par des lanières et l'organe de fixation par un système de bouton-pression;
Qu'il apparaît dans ces conditions que les caractéristiques de l'invention protégée par les revendications n° 15 à 18 du brevet litigieux ne sont ni reproduites ni imitées par le "sac cabas" commercialisé par la société 3P France et argué de contrefaçon;
Attendu en conséquence qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur la validité des revendications n° 15 à 18 dès lors que l'action introduite par la société VIC est une action en contrefaçon et non en nullité de brevet, que les caractéristiques de ces revendications ne sont ni reproduites ni imitées dans l'objet argué de contrefaçon et que la société 3P France ne fait valoir aucune exception de nullité des revendications n° 15 à 18 comme moyen de défense à l'action en contrefaçon;
Attendu en définitive que les revendications n° 1 à 11 devant être annulées, celles n° 12 à 14 étant dépourvues d'activité inventive et celles n° 15 à 18 n'étant ni reproduites ni imitées, il convient de débouter la société VIC de son action en contrefaçon, le jugement étant de ce chef confirmé;
II- Sur l'action en concurrence déloyale de la société VIC:
Attendu que la société 3P France fait valoir que le tribunal aurait statué ultra petita en retenant l'existence d'une concurrence déloyale fondée sur des griefs qui n'étaient pas invoqués par la société VIC et conteste toute concurrence déloyale;
Que la société VIC sollicite la confirmation du jugement qui a retenu des faits de concurrence déloyale;
Attendu que les premiers juges ont caractérisé la concurrence déloyale par la commercialisation par la société 3P France d'un sac imitant celui commercialisé par la société VIC, objet du brevet litigieux;
Or attendu qu'en première instance la société VIC arguait de concurrence déloyale et plus précisément d'actes de parasitisme caractérisés par la commercialisation par la société Coleman 3P France de sacs identiques à ceux protégés par le brevet litigieux à des prix inférieurs;
Qu'il ressort du procès-verbal de contrefaçon que le sac commercialisé par la société VIC, fondant son action en concurrence déloyale est bien la reproduction de l'une des variantes du sac dont l'invention est l'objet du brevet;
Qu'il ne saurait en conséquence être reproché aux premiers juges d'avoir statué ultra petita, en recherchant, pour se prononcer sur l'action en concurrence déloyale dont ils étaient saisis, dans le sac commercialisé par la société VIC et dans celui commercialisé par la société 3P France, les éléments de nature à caractériser une imitation du sac commercialisé par la société VIC et à provoquer une confusion entre ce sac et celui argué de contrefaçon;
Qu'en toute hypothèse, la société 3P France ne tire aucune conséquence du moyen qu'elle invoque concernant la régularité du jugement;
Or attendu que la société VIC explicite clairement à hauteur de cour ses prétentions de première instance fondées sur la concurrence déloyale en arguant de l'imitation entre les sacs commercialisés respectivement par elle-même et par la société 3P France et du risque de confusion en résultant;
Que contrairement à ce qu'avance la société 3P France, la société VIC est parfaitement autorisée, même en l'absence de droit privatif fondant l'action en contrefaçon, à se prévaloir d'actes de concurrence déloyale sur le fondement de l'article 1382 du Code civil;
Or attendu que force est de constater que les similitudes entre les deux sacs sont évidentes, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 19 novembre 1994;
Qu'en effet aux termes de ce procès-verbal l'huissier a constaté:
- que les sacs "Superbag" et "sac cabas" sont en polyéthylène tissés de couleur bleue, le sac cabas étant d'un bleu un plus clair que le "Superbag";
- que les poignées sont en synthétique tressées de plusieurs couleurs rouge, bleu, vert, jaune pour le "sac cabas", violet, vert, jaune, orange, rouge pour le "Superbag";
- que le système d'accrochage se fait par pression pour le "sac cabas" et par crochet en plastique de couleur blanche pour le "Superbag";
- que le "Superbag" a un fond de couleur blanche alors que le "sac cabas" est entièrement bleu;
- que le "Superbag" et le "sac cabas" ont des formes de base rectangulaires identiques, le "Superbag" mesurant 44 centimètres de longueur de base et le "sac cabas" 39 centimètres de base;
Qu'il apparaît ainsi comme l'a énoncé le tribunal que le sac commercialisé par la société 3P France (sac cabas), à forme de base rectangulaire identique à celle du sac commercialisé par la société VIC (superbag), de dimension, si ce n'est équivalente, du moins sensiblement comparable, réalisé dans la même matière d'une couleur quasi-identique, est équipé sur les faces opposées du sac d'organes de préhension constitués par des poignées en matière synthétique souple multicolore dont seul un examen attentif permet de relever des différences dans l'agencement et la nature des couleurs et la dimension des poignées, et d'organes de fixation, certes différents, mais de dimension quasiment identique, situés au même endroit sur les faces opposées du sac et permettant un accrochage à la structure du chariot;
Qu'il s'évince de ces énonciations que le " sac cabas " présente des ressemblances essentielles avec le "Superbag" de nature à créer une confusion dans l'esprit du public;
Qu'il importe peu à cet égard que ce soit des considérations d'ordre pratique liées aux conditions de fabrication du sac qui aurai[en]t conduit la société 3P France à utiliser des matières semblables à celles composant le "Superbag" dès lors que l'imitation se trouve caractérisée;
Attendu qu'il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon et des différentes factures correspondant aux livraisons de "sacs cabas" et de "Superbags" que le magasin Mammouth de Bessoncourt où a été réalisée la saisie-contrefaçon commercialisait, avant de proposer à la vente en 1994 les "sacs cabas", des "Superbags" et que c'est en 1994 que la société 3P France a commercialisé "le sac cabas" auprès des distributeurs qui vendaient antérieurement le "Superbag";
Qu'ainsi en commercialisant un sac constitutif d'une imitation du Superbag, propre à créer une confusion dans l'esprit du public, à l'origine d'un préjudice caractérisé par une perte de clientèle dont la réalité est démontrée par la disparition des "Superbags" dans le magasin Mammouth où la saisie-contrefaçon a été effectuée, la société 3P France a commis un acte de concurrence déloyale préjudiciable à la société VIC;
Attendu que compte tenu de la cessation rapide de la commercialisation des sacs litigieux par la société 3P France, consécutive à l'intervention rapide de la société VIC auprès de la centrale d'achats Paridoc, le tribunal a à bon droit, après avoir rappelé qu'il n'appartenait pas au juge de suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve, fixé, à la somme de 250 000 F l'indemnité réparatrice du préjudice de la société VIC;
Qu'il y a lieu de confirmer cette décision;
III- Sur l'action en concurrence déloyale de la société Coleman 3P France:
Attendu que si le fait de dénoncer à la clientèle les agissements d'un concurrent nommément désigné comme contrefacteur sans qu'aucune décision de justice n'ait été rendue en ce sens constitue un dénigrement contraire aux usages locaux de commerce engageant la responsabilité de celui qui y procède et si la preuve du dénigrement résulte d'une lettre de la société VIC adressée à la centrale Prisunic en date du 17 janvier 1996, et d'un courrier de la même société VIC envoyé à la centrale d'achats Paridoc, il apparaît que le préjudice dont se plaint la société 3P France caractérisé par une perte de clientèle a été intégralement réparé par la somme symbolique de un franc dès lors que cette dernière a provoqué son propre préjudice en commettant un acte de concurrence déloyale à l'origine du comportement fautif de la société VIC;
Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif:
Attendu que l'issue du litige suffit à démontrer que l'appel de la société 3P France n'était pas abusif;
Qu'il y a lieu en conséquence de rejeter la demande de dommages et intérêts de la société VIC de ce chef;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile:
Attendu que chaque partie succombant au moins partiellement en son appel, il convient de laisser à sa charge ses propres dépens d'appel et de rejeter toute demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Que le jugement doit par contre être confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles dès lors que le comportement fautif de la société Coleman 3P France est à l'origine du litige;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement; - Déclare la société Coleman 3P France recevable en son appel principal et la société VIC recevable en son appel incident, lesdits appels étant dirigés contre un jugement rendu le 25 septembre 1997 par le Tribunal de grande instance de Nancy; - Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré valable la revendication n° 1 du brevet d'invention n° 8300563 et statuant à nouveau: - Annule la revendication numéro 1 du brevet d'invention numéro 8300563 pour défaut d'activité inventive; - Confirme le jugement en ses autres dispositions; - Y ajoutant - Déboute les parties de toute autre demande; - Laisse à la charge de chaque partie ses propres dépens d'appel et dit n'y avoir lieu à application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.